« Je ne sais pas pourquoi ils ont décidé de s’installer ici. Les maisons ne sont pas plus belles que celles de notre village. La notre n’est même pas plus grande. Nos balades me manquent, les parties de rubgy et notre château … Tout me manque, toi y compris. Nous ne viendrons pas fêter Noël avec vous cette année, papa dit qu’il ne faut pas jeter l’argent par les fenêtres et que les billets d’avion comptent beaucoup trop chers. Si cela ne tenait qu’à moi, une barque et des rames me suffiraient. »


Allongée sur le ventre, dans le confort de son lit, Anwenn écrivait cette lettre à son amie qui lui manquait tant. Il y a peu de temps ses parents avaient eut la lubie de déménager. S’ils avaient choisis Cardiff, ou encore Londres … Mais non. Leur « folie » les avaient conduis aux Etat-Unis … si loin de chez elle, si loin de ses amis, des prairies verdoyantes du Pays de Galles qu’elle affectionnait tant. Comme si elle était née au siècle précédent, elle écrivait au stylo-plume sur une feuille immaculée. Mais c’était bien plus pour elle, le fait de prendre le temps d’écrire sans faire de fautes, sans faire de ratures et recommencer la lettre entièrement en cas d’erreur ; tout cela n’était pas rien, c’était pour elle une preuve de grand respect. Elle trouvait la technologie utile pour les gens pressés, mais dans le fond ne valait-il pas mieux prendre son temps pour les gens qu’on aime ?



« Je te demandes pardon. Je n’étais pas une enfant facile je le reconnais. Où que tu sois, Quoi que tu fasses, saches que je t’aime et que je t’aimerai toujours. Je te promets de prendre soin de papa aussi longtemps que je le pourrai. Je sais que je t’ai promis de ne pas pleurer mais je crois ne pas être assez forte, sauras-tu me pardonner si je verse quelques larmes ? Adieu mon amie, ma mère. Je t’aime. »


Ce retour à Merthyr Tydfil n’aurait pu être plus douloureux. Ville où elle était née, ville où elle allait enterrer sa mère. Les enfants sont toujours trop jeunes pour enterrer leurs parents, ce n’est pas dans l’ordre des choses comme on dit. Anwenn plia sa lettre, elle la mit dans une enveloppe qu’elle cacheta. Un peu plus tard dans la journée, penchée au dessus du cercueil de sa mère, elle déposa le pli et regarda la femme qu’elle aimait le plus se faire ensevelir. Elle ne put quitter le cimetière avant la tombée de la nuit. Elle avait réussit à tenir sa promesse, elle n’avait pas pleuré. Il lui restait néanmoins une dernière promesse à tenir, elle trouverait un jour, celui qui la rendrait heureuse, la comblerait de bonheur en lui offrant de beaux enfants, une famille unie. Oui, un jour elle trouverait ce prince charmant.



« Tu m’as dit que le prince charmant n’existait pas, je crois simplement que tu ne l’es pas. Si tu fais passer tes copains, tes sorties et tes soirées jeux vidéos avant moi, c’est que nous n’avons pas les mêmes priorités. Lorsqu’on aime on doit pouvoir changer ses plans juste pour rester une minute de plus avec la personne qu’on aime. Le bonheur de l’autre doit être aussi important que son propre bonheur. »

Il faut le reconnaitre, rompre par e-mail n’est pas réellement très class. Mais dans le fond, Anwenn ne se sentait pas capable de se retrouver en face de son petit-ami. Il aurait encore la possibilité de lui lancer des méchancetés au visage. Elle se souvenait encore de leur dernière conversation, leur dernière dispute ; tous ses mots crachés à son encontre. Il ne la comprenait pas et elle se demandait encore ce qui lui avait plus en lui. Anwenn termina son e-mail puis éteignit son ordinateur. Elle retourna sur son lit où elle regarda une photo de sa mère assise sous le porche de leur maison galloise. Elle lui manquait tellement, sa voix, son odeur, ses conseils. Plus les jours passaient et plus le manque s’intensifiait.



« J’ai découvert une nouvelle ville, Montsimpa à l’air agréable. Je suis triste que tu n’aies pu venir avec moi. J’espère pouvoir trouver ici tout ce à quoi j’ai toujours aspiré. L’université est réputée, les maisons sont belles et grandes ; et les alentours me rappellent le Pays de Galles. Je te ferai parvenir de mes nouvelles aussi souvent que possible. »


Nouvelle vie, nouvelle maison … Cette ville semblait parfaite pour recommencer à zéro. Il fallait qu’elle se fasse une place, qu’elle découvre des gens nouveaux. Excitée à cette idée elle ne posta sa lettre que trois jours plus tard. Il n’y avait que son cursus scolaire qui n’allait pas changer, elle étudierait l’égyptologie encore quelques années et ferait des baby-sittings durant son temps libre. Quoi de mieux pour se confronter aux enfants des autres avant d’en avoir à elle ? Anwenn ne s’intéressait pas du tout aux « plaisirs de la chair », elle y avait déjà goûté et avait été pour le moins déçue de l’attitude de son compagnon. Depuis plusieurs mois, la jeune galloise ne sortait que rarement et finissait par ne même plus remarquer les attaques incessantes de certains de ses camarades de classe.