La porte grinça et je ne daignai prendre la peine de me lever pour recevoir la personne en question. Une habitude. C’était soit Maël, soit Esmée et à cette heure-ci, je jurais voir apparaitre le visage du garçon. Il n’avait surement plus de café. Un trésor qui m’avait manqué tout comme lui, hier. C’est pourquoi j’avais mis mon nez dans la cuisine de Es’ pour lui en prendre. Typique pour trois voisins de s’entraider dans le besoin. Cependant, ça allait bien au-delà de ça. Maël fila dans la cuisine se préparait une tasse et s’installa sur la table à manger sans prendre la peine de me demander quoi que ce soit. De toute manière il savait où trouver le sucre, savait où se rangeait les cuillères… mon appart’ était comme le sien. Pas de secret. Je restais là allongé, devant la télévision, zappant toutes les trente secondes de chaine. Ça faisait passer le temps… « Putain mais Jaime ! Mon café bordel !! » Ah enfin s’était-elle rendu compte que son bien avait disparu de son étagère. Je lançai un sourire fatigué à Maël « vingt-quatre heures que j’ai sa boite, il était temps.. » A peine quelques secondes après était-elle là devant nous en train de s’exciter comme une puce. Le peu de vêtement sur elle ajoutait à cela un surplus d’hilarité. « Prenez ce que vous voulez mais par pitié, pas le café ! Prenez mon gel douche, mes capotes, même mes tampons si le besoin vous vient mais ne prenez pas mon café ! » Je ris aux éclats tandis qu’elle brutalisa Maël en lui prenant sa tasse chaude. Je n’ajoutai à cela qu’un simple « faites gaffe à la nappe, je viens de la changer », puis continuai de zapper. Ils partirent enfin tout deux me laissant là comme une larve devant mon écran. Comme la journée commençait bien..

C’est finalement l’envie d’une clope qui me sortit de ma fainéantise. Accourant vers le paquet posait sur la table basse, je ne sentis plus aucune émotion excepté l’envie d’en griller une, de sentir la fumée s’emparait de ma gorge, la voir crépitait entre mes doigts. PAQUET VIDE. Damned ! J’enjambai les affaires qui trainaient à terre et fila derechef chez Esmée. Elle devait certainement en avoir une ou deux. Quoi qu’au pire je trouvais toujours le moyen de la convaincre de m’en acheter au tabac du coin. Alors que j’entrai et fouillé ses placards, Maël tenait la précieuse boite à café que j’avais volé dernièrement. Je lui fis un clin d’œil. « Si j’étais toi je la foutrais à la poubelle. Elle t’a quand même piqué ta tasse… » Et comme si c’était pas suffisant, je rajoutais une couche supplémentaire « si c’était moi je me vengerais » je haussais les épaules. Je savais déjà pertinemment qu’il prévoyait sa revanche. C’était toujours ainsi entre nous –bon enfants, bien sûr-. Après quelques minutes de recherche, c’est avec satisfaction que j’eus trouvé une malheureuse cigarette toute abimée. Ça ferait l’affaire… Je suivis alors, Maël en direction de la salle de bain, pour voir qu’elle était la sentence de notre voisine. « Cette fois-ci, c'est moi qui te l'emprunte » Je restais ainsi appuyé contre le tour de porte, amusée de la riposte du jeune homme. Je lui tapai dans la main peu fier de sa blague et rentra chez moi après avoir lancé à une Esmée nue et impuissante « avoue que celle-là, elle était pas mal ! Tu l’avais pas vu venir hein ? » Un clin d’œil à mo, interlocutrice et fourra ma trouvaille au bec.

Esmée, c’était un peu la victime de notre groupe. Surement parce que c’était l’unique fille de nous trois et qu’il était plus hilarant de faire enrager une fille qu’un mec. Il faut dire que ses réactions étaient toujours comique et sur jouée. L’entendre hurler, riposter comme elle le pouvait. Tordant. Tandis que je rentrais peu fièr de la blague de Maël, savourant la cigarette que je venais de trouver un peu plus tot, je souris à ces journées toujours pétillantes malgré un planning inexistant. « Faites attention à votre pizza ce soir les mecs, vous risquez de le regretter demain matin ! » Je ris intérieurement. Une chose à savoir. Ne jamais prendre les menaces de la belle à la lettre. Soit son soit disant plan diabolique tombait à l’eau, soit elle se ravisait, prenant un peu trop pitié de nous. A peine fus-je dans mon appart’ que cette dernière tentait une nouvelle fois la technique du "je mets la télé à fond et je chante comme une casserole". Cette tactique n’avait plus aucun effet sur moi. Je me contentais de glisser dans mes oreilles des boules quies et c’était terminé. Plus de fausses notes ou de "John je t’aime !" A peine avais-je eu le temps de me poser sur le divan et claquer les cendres de ma cigarette dans le cendrier que Maël réapparut. Un rictus en coin comme pour lui montrer que je savais pourquoi il était là. Il s’emmerdait, tout simplement. C’était souvent ainsi et nous terminions devant l’écran de télé à jouer à PS comme des gosses addict à leurs manettes et à leurs jeux vidéo de pré-pubères. C’est son air troublé qui me détourna de ma clope. « Qu’est ce qu’il y a on dirait que t’as vu un fantôme ? » « Elle a fermé sa porte ». Je ne lâchai pas un mot, alors que j’écrasais mon mégot, un air grave, perdu dans l’incompréhension. Avions-nous dépassé tant les limites qu’elle tirait véritablement la tronche ? « Je crois qu’elle n’est pas contente que tu lui ai pris sa dernière clope. » Scrutant au loin le cendrier où laissait échapper la dernière fumée de la cigarette, je repris mon air amusé. Elle s’en remettra. « Rassures moi c’est bien toi qui commande les pizzas ce soir. J’veux pas mourir jeune, et surtout pas à cause de cette folle… », tandis qu’en même temps je textotais un message à la demoiselle. « de toute façon tu m’en devais une de la semaine dernière, Esmée-ralda… ;) »