« Je ne suis personne. Je n'ai jamais été personne. Ça fait dix-neuf ans que je ne suis rien. En réalité, cette haine de la vie, je la dois à mon père. Je le déteste. Quand je suis née, il n'était pas là. Je n'avais pas de père, c'est bien simple. Ma mère m'a élevée seule, et je n'ai jamais compris cette histoire de "papa disparu".
Six ans, vous savez ce que c'est. A six ans on fait tout voir à ses parents, on veut tout savoir, sans épargner les détails. Moi, je faisais tout voir à ma mère.
« Maman, je veux savoir ou est mon papa. » « Chérie, je t'ai déjà dit qu'il n'existait pas. » « Les enfants naissent d'une mère et d'un père ! Ou est mon papa ? Maman, dis le moi, s'il te plait ! » « Il nous a abandonnée ma chérie, il a ... Préféré une autre maman que moi. »
Je ne comprenais pas. Pour moi, des parents devaient toujours rester ensemble, pour l'éternité. C'était ça, ma vision de l'amour. Pour moi, ça devait être éternel. Un jour, il est revenu.

« Ma chérie, comme tu es belle ! Viens embrasser ton papa ! » « Quoi ?! C'est lui mon papa ? »
Je le trouvais gonflé, de revenir comme ça. Après sept ans d'absence, comment osait il revenir avec ma mère ? S'était il rendu compte de son erreur ? Il était bien trop tard. Je lui adressais des sourires que je ne pensais pas. Je ne voulais pas lui montrer ma haine. Ma mère l'aimait, elle était heureuse avec lui. Elle avait été séparée de l'homme qu'elle aimait bien trop longtemps, je ne voulais pas les séparer. Par contre pour renouer les liens avec moi, c'était impossible.
« Ma chérie, tu ne veux pas qu'on parle ? » « Non papa, j'ai ma leçon de piano. » « tu auras tout le temps de jouer du piano après, voyons. » « Et nous, on avait tout le temps de parler pendant ces sept années. Mais tu n'étais pas là. »

Je me réfugiais dans la musique, et plus précisément le piano, pour noyer mon chagrin, oublier, même si je savais que ça n'était pas possible. J'aurai tellement aimé avoir une soeur, ou un frère qui puisse comprendre ce que je ressentais, qui serait dans le même cas que moi. Mais personne ne pouvait me comprendre, et je n'osais pas me confier à mes amies. A l'école, j'étais 'intellote' et rien de plus. Je n'avais pas vraiment d'amis en fait. J'étais trop réservée, trop timide. On ne me respectait pas. Les garçons me draguaient de manière lourde et les filles me faisaient des coups vaches. Et puis, tout à changé.

A dix-huit ans, j'ai voulu enterrer cette vie. Je pleurais trop souvent, j'étais malheureuse. J'étais le vilain petit canard. Oui, c'est exactement ça. J'ai fais part de mon idée à ma mère. Je lui ai dit que j'avais décidé de quitter le cocon familial, de m'installer seule, de sortir plus, de me dévergonder un peu tout en continuant mes études. Elle n'a pas accepté. Alors, je suis partie, malgré son avis négatif envers mon idée. Et j'ai coupé les ponts avec toute ma famille.

Aujourd'hui, je vis toujours à Montsimpa. Ma vie s'est arrangée, je me sens plus vivante, plus heureuse, aujourd'hui. Seulement, une question me trotte en tête, et je ne peux y répondre, étant donné que j'ai coupé les ponts avec mes parents. Mon père, ou était il pendant ces sept années ? »