• Chaque fois que l'occasion se propose, je passe mes soirées de libre sur la plage. La nature, l'air frais, le sable fin, l'océan qui s'agite ... Ces facteurs ont le don de me procurer une sensation de bien-être que je ne connais qu'ici et dont je ne me lasserais pour rien au monde. Assise sur le sable fin et chaud, je contemple le soleil qui se couche. Ce spectacle que je connais si bien ne me lasse pas, bien au contraire. Je prend toujours autant de plaisir à l'admirer mais surtout, à l'apprécier. Après une longue journée passée à donner des cours enfermée entre quatre murs alors que le soleil montre enfin le bout de son nez, un bon bol d'air frais, une fois la nuit tombée, c'est l'idéal. Ce merveilleux spectacle terminé, je m'allonge sur le sable, ferme les yeux et écoute l'océan qui s'agite à peine. Ses légères vagues balaient le sable. C'est apaisant et relaxant au point que je ne me rend pas compte du temps qui filent à une vitesse incroyable. Quand je rouvre les yeux, je me rend compte que j'ai surement du m'assoupir quelques instants vu que la nuit est bel et bien tombée et que le ciel est inondé par les étoiles étincelantes qui l'ornent dans sa plus majestueuse profondeur. Admirant ce nouveau spectacle, je me laisse distraire, comme à mon habitude, me vidant l'esprit et ne pensant plus à rien.

• Après un bref petit somme, j'étais toujours étendue sur le sable. Cette fois-ci, il ne s'agissait plus d'un magnifique coucher de soleil mais d'un ciel étoilé. C'est le genre de moment que je privilégie et que je privilégierais toujours. Certaines personnes préfèrent aller s'éclater dans des bars ou des boîtes de nuit et bien moi, même si ça m'arrive tout de même assez souvent, je préfère tout ce qui se rapporte à la nature. De nature solitaire, bien que pas insociable pour autant, j'ai toujours aimé me retrouver seule. La plage est l'endroit le mieux adapté à ma situation. Ici, personne ne s'y réfugie ou du moins, personne que je ne connaissent, à cette heure aussi tardive de la nuit. Le sommeil, c'est quelque chose dont je ne dispose plus depuis des années. Le peu que je parviennent à dormir me fait énormément de mal. Depuis cette tragique nuit ou j'ai mis un terme à la vie de mon bourreau, je suis hantée par ces images dans lesquels je me vois, un bidon d'essence dans une main et une boîte d'allumettes dans l'autre. Je me vois l'imbiber, choisir une allumette dans le paquet, la gratter, la flamme l'illuminer. Je me vois également la jeter sur lui tout comme je le vois prendre feu et crier jusqu'à ne plus pouvoir le faire. C'est du passé, mon passé mais il me hante et me hantera surement toute ma vie. J'ai tué quelqu'un ... Ce quelqu'un m'avait fait du mal durant toute mon enfance et il a surement mérité le châtiment que je lui ai donné mais d'un autre côté, je regrette, oui et non mon acte. J'aurais du le faire souffrir davantage plutôt que de lui offrir la chance de mourir. J'aurais du faire intervenir des personnes qualifiées pour qu'il croupissent toute sa vie en prison. À la place, je l'ai tué et pris sa place derrière les barreaux ... Perdue dans mes pensées, une voix m'en fait rapidement sortir. Les yeux écarquillés de surprise, je mettrais ma main au feu sur l'identité de la personne qui vient de parler. Cette voix, je l'a reconnaîtrais parmi des milliers mais le problème, c'est que la personne à laquelle je pense est décédée. Prise d'une foule de frissons, j'ose : Roy ?

De tous ses proches, Elena serait finalement la première à le revoir après sa mort. Leroy avait préféré rester dans l'ombre pour ne pas les effrayer, il doutait que son état de fantôme les enchanterait de quelques manières que ce soit.. après tout, les fantômes n'étaient pas toujours sympathiques. La plupart des humains ont peur des objets qui bougent ou des appareils qui s'allument tout seul, alors non il n'imaginait aucune bonne réaction de leur part et ne s'était jamais risqué à le tester sur ses proches. Cette nuit-là sur la plage n'avait été qu'une coïncidence, il était face à elle comme elle était restée face à lui. Elle n'avait pas fui. « Roy ? » Mais s'il n'avait pas envie de s'éclipser, il restait tout de même gêné et ne savait pas vraiment comment s'y prendre: « En chair et en os ! Enfin non plus maintenant.. mais je reste moi. » Plaisanta-t-il, même s'il n'avait pas voulu plaisanter et qu'il aurait simplement dû réfléchir avant d'ouvrir la bouche. Il fit un pas en avant et tenta de nouveau: « Dis-moi que tu ne vas pas fuir en courant ..! » Il n'était pas vraiment délicat, sachant qu'elle aussi avait dû faire son deuil et tout ce qui s'en suivait. Il espérait juste qu'elle réagirait différemment de toutes les personnes qu'il avait pu croiser le soir. Il la connaissait depuis bientôt cinq ans, elle était pratiquement de sa famille et il voulait vraiment qu'elle réagisse dans le bon sens. Alors peut-être commencerait-il à se poser les bonnes questions.. et à changer d'avis sur certaines choses. « Kat ? » Kat, Elena, Lena, il ne l'appelait jamais de la même façon, mais tous ces petits noms étaient affectifs pour lui. Parfois il usait même de ses deux prénoms en même temps, enfin surtout lorsqu'ils parlaient de choses sérieuses ou qu'il était de mauvaise humeur. Ici, ce n'était pas le cas.

• Leroy Lloyd, une personne qui a beaucoup compté dans ma vie et qui comptera toujours pour moi. Après la dure enfance et la dure adolescence que j'ai vécue, je n'ai pas eu l'occasion de pouvoir m'attacher à quelqu'un. Je n'ai pas non plus eu l'occasion de me reposer sur l'épaule d'un grand frère vu que je n'en avais pas. La seule compagnie que j'avais étaient celle de mes bourreaux et de mes accessoires de ménagère. La classe quoi. Quand celui que j'ai considéré pendant cinq longues années perdit la vie, ce fut un choc pour moi, d'autant plus pour sa femme Olive, une amie très proche à qui je me confie sans gêne. C'est d'ailleurs grâce à lui que nous nous sommes rencontrées. J'ai fais mon deuil de mon côté et aidée mon amie à faire le sien comme une amie le ferait. Derrière cette façade de dure à cuire que je laisse apparaître se cache en réalité quelqu'un de très sensible. La preuve, je n'ai toujours pas digérée la mort de Roy pour qui je pleure encore et je crois même bien que ça ne me passera jamais. Mon grand frère m'a quittée ... La seule personne qui donnait un réel sens à ma vie. Jusqu'à lui, personne n'avait pris soin de moi. Toujours allongée et parcourue d'une foule de frissons, j'ai tenté le tout pour le tout en l'interpellant. Ça tombe, c'est le fruit de mon imagination mais ça me paraît tellement réel. La réponse qui suivit m'empêcha de déglutir correctement. Me redressant rapidement, je regarde l'être qui se trouve face à moi, décelant chacun de ses traits grâce à la lueur du ciel étoilé. J'ai peur d'halluciné mais ça me paraît tellement vrai. Le coeur battant et des larmes roulants le long de mes joues, je me lève pour me retrouver debout, face à Roy ou du moins, à son ... à son euh ... son fantôme si j'ose dire. Je devrais avoir peur mais pourtant, ça n'est pas le cas. Comment tu ... Roy ? J'ai l'air d'une abrutie de première mais je n'arrive pas, pour la première fois depuis des années, à gérer la situation. Est-ce du à ce que j'ai consommé avant de venir ? Est-ce la poudre blanche qui me fait halluciner ? J'aimerais le toucher pour en avoir la certitude mais j'ai peur que ma main le traverse et qu'il se floute jusqu'à disparaître. Où je vais chercher ça sérieusement ? Séchant les larmes qui coulent sur mes joues, en vain car je fais l'effet d'un robinet d'eau ouvert, je secoue la tête doucement pour lui faire comprendre que je ne m’enfuirais pas. Tes vraiment là ? Si c'est le cas, je pourrais affirmer que je crois aux choses surnaturelles grâce à lui. Moi qui dis que je ne crois que ce que je vois, c'est gagné. Le fixant bêtement, sans pouvoir m'arrêter de pleurer, je me fais honte moi-même. J'ai l'air d'une enfant apeurée alors qu'en fait, ce n'est pas sa présence qui me fait peur mais plutôt le fait que je ne le reverrais plus jamais comme je l'ai vu. J'ai qu'une envie, qu'il me prennent dans ses bras et que je puissent ressentir son contact contre moi. Sortant de ma rêverie, je dis : Roy ...