Cadavre désarticulé, tu gis sur le matelas deux places de ton lit. Ton appart est de taille moyenne, organisé à ta façon – pour ne pas dire bordélique – et surtout au dessus des moyens d'un jeune de vingt-et-un ans de base. Parce que oui, ton joli petit appart c'est pas des petits boulots divers qui te l'ont financé, mais plutôt tes activités illégales qui t'ont vu séjourné en prison deux ans plus tôt. Émergeant avec difficulté, tu plisses les yeux sous la lumière crue de ton portable qui vibre désespérément sous tes yeux. Tu gémis à demie-voix. Bordel, mais quel est le connard qui t'appelles à cette heure là ?! Tu jettes rapidement un coup d'œil à l'heure qu'affiche ton portable et tu grognes en enfouissant la tête dans l'oreiller. Déjà dix-huit heures trente. Putain, bad trip de la veille de merde. Ton téléphone portable continue d'appeler – et de vibrer – dans le vide et tu ne daignes pas répondre à ton interlocuteur. Le vibrement cesse enfin, à ton plus grand bonheur, et tu tentes désespérément de replonger dans les bras de Morphée. En vain. Nouveau vibrement, beaucoup plus court. Un nouveau message de ton précédent appel. Fais chier. Tu attrapes ton téléphone d'une main hasardeuse, le déverrouilles et déchiffres le sms en plissant des yeux. T'es à moitié réveillé, à peine remis de ton bad trip de la veille et t'as pas que ça à faire de répondre à cette chieuse d'Amalia. « le berger a déplacé ses moutons, brebis en folie. half past seven pm, hogan. » Comprendre ici un tout autre message. Info facilement traduite par ton esprit habitué – même à moitié comateux. « on a de nouveaux plans, ecstasy à gogo. dix-neuf heures trente, au bar chez hogan. » Ah, du travail. Là, toute de suite, ça te fait réagir un peu plus. Tu te redresses sur tes coudes, attends que ta tête ne tourne plus et te lèves finalement de ton lit. Tu pars dans ta salle de bains, ouvre le robinet sur l'eau chaude au maximum et savoure avec délice les fracas de l'eau sur ton corps encore engourdi. En sortant, tu aperçois les infimes traces restantes du « kill schwarzy » que tu as écris à ton emménagement à Montsimpa, un peu plus de deux ans en arrière. De la buée, inscrire des messages avec tes doigts et te revoilà reparti en enfance. Sanglant message et sourire carnassier qui étirent imperceptiblement tes lèvres.

21h47. Tu attends depuis plus de deux heures et tu as l'impression d'avoir une boîte de nuit dans ton crâne. Une gamine d'à peine dix neuf piges est assise sept tables plus loin, son marmot braille sans interruption depuis une heure et demie, et elle n'arrive pas à le calmer. Tu jures à voix basse, maudissant Amalia et son immense retard habituel. Parce que là, pour être en retard, elle a fait fort. Tu as l'impression que ta tête va finir par s'écrouler sur son café moca tellement tu te fais chier à contempler le bar d'Hogan. Dehors, la nuit tombe peu à peu et tu frissonnes d'avance à l'idée du trajet qui t'attend jusqu'à chez toi. Tu es sorti vêtu d'un simple t-shirt à manches courtes, t'es carrément dans la merde en cas d'averse. « Tu vas lui faire fermer sa putain de gueule à la fin ! » C'est sorti tout seul, baam. Le bébé a cessé de pleurer, sa jeune mère te regarde avec ses immenses yeux bleus – hésitant entre te remercier et te crier dessus – et les occupants du bar te jaugent un instant du regard. Bizarrement, tu dois lui renvoyer un regard menaçant parce qu'ils retournent bien vite à leurs occupations. Sans gène, tu sors ton paquet de clopes de ta poche de jean et attrapes ton briquet en même temps. Rapidement, avec l'habitude du geste, tu t'allumes une marlboro et la grille avec bonheur. Un rond de fumée, deux ronds, trois ronds. Et tes pensées divaguent un court instant sur ton cher Hincoln. Ah, Hincoln. Il va vraiment finir par te rendre dingue. Tu le tueras en premier, et tu te détruiras ensuite. Tu esquisses un sourire. La partie ne fait que commencer.

Avant que tu ne gueules sur le gamin, tu as juste eu le temps de remarquer l'arrivée rapide d'un nouveau venu. Il a débarqué trempé, la capuche de son sweat rabattue sur ses cheveux, il s'est démerdé pour avoir une vodka au bar et il est finalement parti se saouler dans un coin de la salle. Arrivée pour le moins discrète vu le bordel qui règne dans le bar d'Hogan mais arrivée qui n'a pas échappé à ton regard. Parce que tu te fais royalement chier, que tu observes le bar d'un regard qui porte encore les traces de ton bad trip de la veille, et qui personne d'autre que toi n'aurait pu reconnaître cette démarche. Celle qui tu as observé, analysé, détaillé, mémorisé, pendant deux longues années. Celle de Schwarz Esther Hincoln. Tu l'as suivi du regard depuis son entrée dans le bar, depuis qu'un courant d'air froid a frôlé ta nuque dénudée lorsqu'il a ouvert la porte. Il n'a même pas du sentir ton regard insistant – ou brûlant ? - sur son dos tellement obsédé par le verre de vodka qu'il tentait t'en bien que mal d'avoir. Et désormais, assis à ta table, tu souris. Tu délaisses le fond de ton café moca pour observer la pluie qui s'abat avec violence sur les vitres du bar. Tu jures. T'aurais mieux fait de prendre ton foutu blouson au lieu de sortir uniquement vêtu d'un t-shirt. À manches courtes qui plus est. Ton portable vibre soudainement dans ta poche. Tu glisses ta main dans la poche de ton jean pour le récupérer et tu jettes un coup d’œil au nom sur l'écran. Amalia. Enfin, elle daigne donner un signe de vie. Tu décroches rapidement et n'a pas le temps d'en placer une qu'elle a déjà raconté. Il lui a fallu moins de trente secondes pour te dire que finalement les plans étaient merdiques et qu'on annulait tout. Et elle a raccroché aussitôt le message passé. De un, parce qu'elle savait que les flics pouvaient tomber sur vos appels. Et de deux, parce qu'elle savait que tu allais lui gueuler dessus toutes les insultes que tu connaissais. Alors elle a raccroché, et toi, tu jures à plusieurs reprises. Elle commence à te connaître la pute. Mais bon, tu aurais risqué de te faire virer du bar si elle n'avait raccroché et te retrouver sous cette flotte, non merci. Alors, tu jettes un vague coup d’œil à la salle après avoir fait taire ce marmot à deux balles et tu croises un regard. Son regard. Schwarzy. Tu trouverais presque ça amusant.

Sans réellement y faire attention, tu t'es levé, abandonnant ton reste de café sur la table. Tu fais tout de même attention de remettre ton paquet de cloques dans ta poche après en avoir sortir une dernière. De ta main droite, tu coinces ta marlboro entre tes lèvres, l'allume et range le briquet dans la même poche que ton paquet. Tu tires avec délice de grandes taffes et la nicotine te brûle les poumons dans une irrésistible douleur masochiste. De ta démarche féline – presque prédatrice – tu slalomes entre les gens et te glisses jusqu'à la table de ton demi-frère. Tes iris bleues – où des intrigantes lueurs vertes y chatoient – le fixent sans gène. « Tu m'offres un verre ou tu préfères te saouler la gueule tout seul ? » Et sans attendre de réponse, tu tires la chaise qui lui fait face et t'assois dessus. Balancer ça cash c'est tout toi. Ça passe ou ça casse. Mais dans tous les cas, tu n'abandonnerais pas Schwarzy aussi facilement. Parce que c'était Schwarz et qu'il était ta seule raison d'être encore à Montsimpa. Un sourire carnassier étire tes lèvres l'espace de dizaine de secondes et il disparaît aussitôt pour laisser place à un sourire en coin. Il va sûrement te prendre pour un fou. Tant pis, tu seras un fou pour ce soir.

Il t'observe, fronçant les sourcils en essayant de se rappeler de ton visage. Sa main se crispe sur son verre, ses phalanges blanchissant doucement. Tu esquisses un sourire ; il a l'air de se torturer l'esprit au sujet de quelque chose de chiant et toi, ça te faisait rire. T'es qu'un vrai connard en réalité, et Schwarz n'est vraiment pas chanceux de t'avoir comme demi-frère. Sauf qu'il ne le sait pas et sa réponse te donne envie de partir dans un immense éclat de rire. « Ta mère t'a fait des jambes. » Oh si tu savais, ma mère m'a fait des jambes et elle s'est aussi gentiment fait baisé par ton père. Enflure. Qu'est-ce que tu adorerais lui répondre ça, mais bon, l'innocent Schwarzy ne sait pas que tu es son demi-frère. Le pauvre, il serait choqué. Surtout si il savait que tu te retiens de lui sauter dessus. Pour le buter, et sûrement pour d'autres choses avant. Tu observes l'argent qu'il te tend, et esquisses un sourire moqueur. Tu gagnes bien plus que ce qu'il pourrait gagner en deux mois. Il a beau ne pas faire dans la délicatesse, tes boulots – légales comme illégales – gagnent bien plus. Tu empoches l'argent, te lèves doucement, pars au bar et passes ta commande. Moins de cinq minutes plus tard, te revoilà à la table d'Hincoln. Tu ne t'assoies pas directement, préférant te glisser derrière le dossier de chaise de ton demi-frère et là, tout contre son oreille – à l'abri du bruit du bar – tu lui chuchotes quelques mots. « T'es allé faire ta pute auprès de qui pour avoir autant de fric sur toi ? » D'abord le provoquer. Parce que c'est tellement jouissif d'être un connard. Ensuite, improviser. Ta main descend le long du torse de Schwarz, allant jusqu'à la poche de son sweat pour y déposer l'argent restant. Puis, tu laisses un – très léger – sourire énigmatique courir sur tes lèvres et retournes t’asseoir sur la chaise d'en face. Vidant ton verre de manzana de moitié, savourant le goût de pomme sur ta langue, tes orbes azures restent posées sur Schwarzy.

« Qu'est-ce que ça peut te foutre ? » Tu le regardes te dévisager, te détailler, te scruter et se retenir de te sauter dessus. Pour te frapper. Ça se voit, il veut te balancer son poing dans la gueule. Ça le démange, ça le titille, ça l'énerve. Mais il le fait pas, il reste impassible. Et puis, il s'aperçoit qu'il tremble, que ses dents claquent entre elles. Il a froid, il est trempé. Il est rentré dans le bar sous la flotte, toi non. Tu en rigolerais presque. Le moins vêtu de vous deux est celui qui a le plus chaud. Et aussi celui qui va devoir se faire un plaisir de ramener chez lui celui qui ressemble à un chiot trempé. Parce qu’évidement, tu ne comptes pas laisser Schwarz rentrer chez lui comme si de rien n'était. Sortant du maelström de tes pensées, tu captes le dernier regard que te jette ton demi-frère avant de quitter le bar. Dehors, le vent fait rage, la pluie lui livrant un féroce combat. Tu le laisses partir, tu t'en fous. Il n'ira pas bien loin ; dehors il pleut et il est déjà trempé. Au pire des cas, t’ira faire un tour dans son quartier et finir par sonner accidentellement à sa porte. Comme par hasard. Et oui, tu connais sa vie, son adresse, ses connaissances. Tout. Tu le connais lui sans réellement le connaître. Tu es allé jusqu'à te faire emprisonner pour le connaître. Tu es barjo, instable et inconscient. Et surtout désespérément détruit. Sans moyen de remonter la pente. Le souvenir de ta mère inconsolable te hantant, chaque jour un peu plus. À cause de ton enflure de père. Le même qui a enfanté ce connard de Schwarz. Ce connard qui t'as pris ton père, ton enfance et – indirectement – ta mère. Il a tout gagné ce salopard. Ta mère n'a jamais remonté la pente, ton enfance n'a jamais été magique et tu te contentes de ne pas dévaler la pente. Tu restes stable, encré dans l’étrangeté de ta vie. Finalement, tu te décides enfin à sortir du bar pour partir à la recherche de ton demi-frère. Demi-frère que tu retrouves quelques mètres plus loin, couché au sol. Plus trempé que jamais et étrangement salement amoché par endroit. Tu sens ton sang bouillir dans tes veines et ta mâchoire se crispe sous l'effet de la colère. Il n'y a que toi à avoir l'autorisation de lever la main sur Schwarz, que toi qui a un droit de vie ou de mort sur sa misérable gueule de fils de pute. Tu es le seul qui puisse le tuer. Tu es l'unique connard qui doit le réduire au statut de décédé. Et cette enflure est toujours évanouie à tes pieds, malgré que tu viennes de lui shooter doucement dans les côtes. Avec un sourire ironique coincé aux coins de tes lèvres, tu soulèves le brun et te démerdes comme tu peux pour le porter – comme une adorable et innocente princesse – jusqu'à chez toi. Une vingtaine de minutes plus tard, il gît sur ton lit, toujours aussi évanoui que lorsque tu l'as récupéré dans la rue. Toi, par contre, tu es bien conscient. Tu traînes torse-nu dans ton appartement, ayant ôté ton t-shirt désormais trempé par la pluie et remplacé ton jean par un jogging. Une serviette sur tes cheveux, tu frottes d'une main ta chevelure mouillée tandis que de l'autre, tu attrapes un coussin et le balance sur la tête de Schwarzy. Réveil plus doux et plus gentil, tu meurs. « Hé, la belle aux bois dormants, on se réveille ! Mon appart' fait pas hôtel pour les putes. »

Tiens la belle aux bois dormants s'est finalement réveillée. Tu l'observes qui se redresse lentement, continuant de te sécher les cheveux d'une main. Tes iris céruléennes le suivent continuellement du regard, comme un prédateur surveillerait sa proie. Tu restes silencieux, attendant une réaction de sa part. « Qu'est-ce que je dois te donner pour rester ? » Tiens, le voilà qui te pose une question. Il a toujours l'air aussi faible que lorsque tu l'as ramassé dans la rue toute à l'heure et ça te ferait presque rire. Quel intérêt de le tuer si il est aussi faible, autant attendre qu'il soit plus rétractif à l'idée de mourir. Sinon ça n'a rien de drôle. T'arrêtant un instant de te frotter les cheveux, tu glisses tes orbes lapis-lazuli dans les siennes et lui réponds de ta voix doucement éraillée. « Ça dépend, tu me proposes quoi ? » Oh le vilain sourire malsain qui se dessine sur tes lèvres. Prends garde petit Schwarzy, tu aurais peut-être mieux fait de lui demander ce que tu pouvais lui donner pour pouvoir quitter son appartement. Tu ne sais pas ce qu'il t'attends et ça ne pourrait pas forcément être que des bonnes choses. Mais bon, tu es peut-être encore trop défoncé pour t’apercevoir du danger qui sait ? Espérons le pour toi, en tout cas. Tu n'attends pas qu'il te répond, disparaît l'espace d'une ou deux minutes dans une autre pièce avant de réapparaître. Un deuxième t-shirt sec et un autre jogging dans les mains. Tu craches d'un ton aux accents moqueur – tout en lui lançant les habits. « Enfiles ça, j'tiens pas à ce que mon pieu soit encore plus trempé que maintenant, surtout si tu comptes rester ici. » Si il savait comme ça te plaît qu'il demande de son propre grès à ne pas quitter l'appart. Oh le pauvre Hincoln, il ne sait vraiment pas dans quoi il s'est embarqué. Pauvre de lui, chanceux de toi.

Tu l'observes du coin de l’œil se changer, laissant un regard appréciateur s'attarder sur son torse dénudé. Puis, abandonnant ta serviette sur tes cheveux encore humides, tu te rends dans ton salon. Là, tu attrapes une clope dans un de tes paquets délaissés sur un meuble et l'allumes doucement. Tirant une latte, puis deux, tu recraches la fumée. La voix de Schwarz te tire de ta contemplation de fumée de cigarette et tu relèves la tête vers lui. Lapis-lazuli contre bleu-vert, vos regards s'affrontent un instant. « Hum, de la bouffe pour tes poissons rouge. » Un éclat de rire menace de s'échapper de tes lèvres mais tu le retiens de justesse. Il te plaît bien ce con, à débiter des conneries. Avec ce petit sourire accroché à ses lèvres alors qu'il a vu Batman&Némo – tes deux poissons rouges – nager tranquillement dans leur bocal. « Ils bouffent que du fait maison, vas falloir trouver autre chose. » Oh le beau sourire ironique qui étire tes lèvres. Tu te fous de sa gueule, et tu adores ça. Tu en redemandes, encore et encore. Tant qu'il peut encore te résister verbalement, après tu le finiras une première fois. Physiquement cette fois là. Et puis tu le laisseras partir. Pour recommencer dans pas longtemps, parce que le jeu n'a pas de fin. Parce que tu veux encore attendre un peu avant de le tuer. Parce que tu te plais trop dans ce jeu qui te rendra fou tôt ou tard.

« On peut s'arranger, ils aiment le spécial k ? » Et son geste pour accentuer son sous-entendu, oh son foutu geste. Si tu ne te contrôlais pas un temps soit peu, tu le pousserais violemment sur ton lit pour lui faire comprendre ta façon de penser au sujet des sous-entendus. Parce que oui, tu l'as très bien compris son sous-entendu et le sourire carnassier qui étire franchement tes lèvres le confirme. « Ils sont plutôt difficiles niveau nourriture. » Tu fais un pas dans sa direction. Ton épaule dénudée frôle la sienne, ton souffle brûlant s'égare sur la partie visible de sa nuque et tu lui chuchotes au creux de l'oreille. « Surprends-moi. » Et là, maintenant, tout de suite, si tu ne te retenais pas, tu planterais tes dents dans son cou, savourant les frissons de sa peau sous ta bouche. Faut dire qu'il te provoque depuis toute à l'heure, le beau salop. Mais tu laisses juste la nicotine te brûler les poumons alors que tu tires une nouvelle taffe. La serviette toujours sur tes cheveux, tu plisses légèrement les yeux en attendant une quelconque réaction. Une lueur sauvage – affamée ? - brûlant dans tes deux orbes superbement bleutées.

Et puis soudain, sans comprendre comment – ni pourquoi, tu sens le sillon brûlant que trace la langue de ton demi-frère sur ton torse finement sculpté. Il en profite pour se jouer d'un de tes tétons et tu souris intérieurement. Si il savait seulement qui tu étais réellement, il fuirait sans doute sans demander son reste. Mais tu ne lui dis rien, profitant de ces moments éphémères. Et, abominablement provocateur, tu cambres ton corps, rapprochant vos deux bassins l'un de l'autre par la même occasion. « Enlèves donc ton t-shirt, j'me sentirais presque gêné d'être aussi peu vêtu devant toi. » Délicieuse provocation, irrésistible tentation. Ô jeu dangereux auquel vous jouez. Vous finirez forcément par perdre, mais qui sait, la déchéance n'arrivera peut-être que trop tard. Vous serez fous bien avant. Fous de qui, de quoi ? À vous de voir, à vous de jouer correctement. Tu ne souris plus, et pourtant, tes orbes délicieusement azures parlent pour toi. Il y a cette lueur affamée, ce soupçon d’étrangeté, et cette pointe d'on ne sait quoi malsain qui promet juste de grand chose. Une dernière inspiration est ta cigarette touche à sa fin. Faisant demi-tour, tu écrases ta marlboro dans un cendrier qui traîne sur la table. Offrant à Schwarzy tout le loisir de contempler les muscles de ton dos qui roulent sous ta peau légèrement bronzée.

Tes orbes azures se risquent à rouler le long des muscles finement dessinés de ses biceps qui s'étirent lorsque qu'il enlève son t-shirt. Le vêtement tombe au sol sans que tu daignes le regarder – bien trop occupé à balader son torse récemment dévoilé de tes iris appréciatrices. Puis tu te détournes de Schwarz, écrasant ta cigarette dans le cendrier qui traîne sur la table. Tu écoutes le grésillement de la nicotine qui s'aplatit sur le fond du récipient avant de sentir la présence d'Hincoln dans ton dos. Ou plutôt de ses mains sur le creux de tes hanches. Vicieusement ça te brûle ; ça te brûle de désir, d'envie et de faim. Et la brûlure ne fait qu'augmenter quand ses dents rencontrent ta nuque, que son bassin se colle à ton fessier. Tu fermes brusquement les yeux, crispant imperceptiblement tes épaules alors que son souffle chaud s'égare sur la peau dénudée de ton cou. Tu ne réagis pas, puissant dans tes ressources pour ne pas directement faire volte-face et le plaquer contre la table. Tes muscles se tendent doucement dans tes avants-bras, tes poings se serrent … et puis tu te relâches quelques secondes plus tard. Provocateur, tu te redresses et réduis à néant les quelques centimètres qui séparaient encore vous deux corps. Tu ré-ouvres les paupières, dévoilant deux orbes délicieusement malsaines. Prends garde au grand méchant loup, Schwarzy.

Tes flancs ne frémissent pas sous le passage des mains gelées de ton demi-frère, ta peau brûle inlassablement en des picotements significatifs. Et tu sens son corps encore plus proche du tien, presque sur le tien. Posé, collé, glissé sur le tien. Il n'y a plus rien qui sépare vos deux corps, et son souffle chaud serpente vicieusement sur les os de ta mâchoire avant que ses lèvres gercées ne le remplace. Elles sont là, s'égarant sur ta peau, courant le long du dessin de ta mâchoire. Tentatrices et salvatrices à la fois. Et tu frémis délicieusement. Tu ne t'en caches pas, tu n'as pas de raison. Tu frémis simplement et un léger rire suit les deux mots prononcés par Schwarz. Tu recules d'un pas, glissant encore un peu plus ton corps contre le sien. Cette nuit, … Cette nuit, la faim nous emportera, la folie s'emparera de nous par les moindres pores de nos corps, le désir nous consumera. Et cette nuit, le jeu commencera. Nous deviendrons fous. Fous de rien, fous de tout, fous de nous.

Vos corps se heurtent à nouveau et son dos cogne contre le mur avec fracas. Tu n'en tiens pas compte, tu t'en contrefous. Il est juste là, à te dire « tu gênes pas, consumes moi » et tu ne peux pas résister. Il a beau être ton demi-frère, le connard qui a volé ton enfance, tu veux juste le faire tien. Là, maintenant, tout de suite. Parce que tu ne sais faire que ça ; détruire. Encore et encore, pour toujours et à jamais. Tu brises tout ce que tu touches, tu rends fou toutes les personnes avec lesquelles tu joues. Mais tu t'en fous, comme d'habitude. Sa main glisse sur ton torse, remonte jusqu'à ta nuque et s'accroche à tes cheveux. Et ton corps te brûle, les zones de ta peau touchées par Schwarz s'embrasent. Il sera ta déchéance. Ses lèvres contre les tiennes te ramènent à la raison. Brutalement, vicieusement. Tu forces l'accès sans plus attendre. Tes orbes azures cherchant leurs vis-à-vis. Tes yeux s'assombrissent, sauvages et énigmatiques. Détruis toi, détruis moi.