Ville sage, sur un petit nuage... où les jours, s'écoulent lentement. Allez savoir pourquoi, j'vais cette fichue chanson dans la tête depuis l'instant même où j'avais ouvert les yeux sur cette nouvelle journée jusqu'à ce que je me retrouve ici, à me balader sur le sable, le vent en poupe et l'esprit ailleurs. Cette journée était une des rares journées chaudes qu'il nous restait, à MontSimpa. Et avec la coupure générale du courant, il fallait avouer que c'était bien de pouvoir profiter des derniers rayons de soleil sans avoir l'impression de se transformer en un baton de poisson surgelé Findus. J'avais pas vraiment pu profiter de ma baraque, non pas qu'elle n'était pas suffisamment grande pour que je m'y sente bien mais sans électricité, il était hors de question que je compte sur la musique ou la télévision pour m'occuper. Alors plutôt que d'errer dans les couloirs, j'avais enfilé un cardigan style veste norvégienne qui me tenait bien chaud et une écharpe grise en laine. J'avais attrapé mon i-pod en remerciant le ciel d'y voir la batterie à moitié pleine et j'avais quitté la rue des oiseaux ! Ouvrez, ouvrez, la cage aux oiseaux . Mes pas m'entrainèrent malgré moi sur la plage, bien que j'y sois souvent venu, je devais vous avouer que c'était l'endroit que je préférais ici. C'était paisible, tous les jours de l'année, même quand il faisait chaud et beau. Aujourd'hui, c'était encore plus désert et féérique que d'habitude parce que le temps ne se prêtait pas vraiment au jeu des vagues et de la brise qui surplombait l'océan. Oui, la brise ! Cette même brise qui s'écrasait violemment contre mon visage et qui rougissait mes joues. Pénible, mais supportable. Les pieds dans le sable presque dur, j'avançais au rythme de la balade que j'écoutais. L'esprit ailleurs, je ne regardais rien d'autre que mes pieds et parfois, je jetais des petits coups d'oeils en direction de l'horizon, infini, immense. Le temps pouvait bien s'arrêter de tourner, j'avais trouvé un petit bout de paradis. Une simple brêche d'un monde qui m'apaisait et qui m'aidait à oublier et surmonter ce que je vivais au quotidien depuis queqlues semaines. Aucunes nouvelles des derniers castings, ce n'était pas forcément bon signe mais j'y croyais. Un jour, je serai une star ! Un jour, je tournerai une vidéo sur cette plage, un jour, mon prénom sera tatoué sur les seins de mes groupies et les hommes se bousculeront pour sortir avec moi. Un jour, un jour... je serai quelqu'un !

Le vent était présent, balayait mon visage, frappait mes joues. J'en avais presque mal. L'esprit ailleurs, je marchais sans savoir où j'allais, j'errais. L'archétype du mec qui ne savait plus quoi faire de ses mains et qui ne savait plus dans quel océan nageait. C'était trop vaste, c'était parfois trop pénible. Je n'aimais pas ce sentiment d'impuissance, je n'aimais pas être dans un léthargique et passif, dans un état semi-comateux. J'avais horreur de n'être qu'un poisson qu'on relâchait à la mer après lui avoir fait goûter aux merveilles du soleil. J'étais paumé, je n'étais plus rien. Que des restes finalement, comme ces épaves qui restaient au fond de l'océan. Le regard vitreux, je contemplais avec une légère touche d'infortune et de regret mon passé, je tentais de lancer un œil plus alerte et plus joyeux sur mon avenir mais celui-ci me semblait bien sombre. Je n'étais qu'un danseur parmi tant d'autres, j'avais cru en mes rêves mais de refus en refus, j'avais appris à ne plus me faire d'illusion. Le pactole que j'avais remporté grâce à mes prestations sur la dernière comédie musicale dont j'avais été l'un des éléments clés me permettait aujourd'hui de vivre moyennement bien même si, petit à petit, je grapillais mes économies. Je savais que tôt ou tard, je subirais à mon tour les affres de la crise, que je devrais me résigner à travailler même en tant que plongeur dans un restaurant de MontSimpa ! Douloureux de se dire que je pouvais, autrefois, faire rêver la foule grâce à ma gestuelle et qu'aujourd'hui, cette même grâce ne me servirait peut-être qu'à nettoyer des assiettes et de services. Soupirant, je fixais le sol, le sable, avec admiration. J'étais un grain de sable dans la plage de l'univers, un être parmi une foule d'autre. Je n'étais que Kenny, soit, je n'étais rien. Et puis, je fus bousculé dans mes pensées, un choc plus ou moins violent puisque je ne faisais pas vraiment attention où je mettais mes pieds. Je me retournai pour m'excuser lorsque l'évidence me frappa. Je n'avais heurté personne, on m'avait foncé dedans.

« Briséis. » Je la reconnus instinctivement. Je l'appréciai beaucoup, à vrai dire, je vouais pour cette jeune femme une admiration sans fin. Elle avait été une grande danseuse elle aussi, et puis, un accident avait mis un terme à tous ses rêves. J'essayais de rendre son existence plus légère en l'accompagnant dans ses malheurs. Puisque nous partagions les mêmes désillusions, à peu de chose près, nous nous comprenions aussi. Je lui souris, sa présence me rendait déjà plus heureux, plus jovial. Effaçant toutes les pensées qui, quelques minutes plus tôt, faisaient mon malheur. « Je suis surpris de te voir ici. »