Hogan. Ça faisait un moment que tu n'étais plus allé faire un tour au bar. Tu te contentais à présent de boire dans les parcs, dans la rue, chez toi, chez les gens. Mais tu évitais les lieux fréquentés tels que bars et boîtes de nuit. Tu essayais inconsciemment de protéger les gens de toi-même. Ce soir c'est différent. Tu agis sans même savoir pourquoi. Tu ne cherches pas à comprendre. Quelque chose te dit que tu dois t'y rendre, qu'il faut que tu y ailles. Un instinct. Un pressentiment. Inexplicable. Tu t'exécutes et te dirige vers le bar. Tu ne sais même pas ce que tu vas y faire. Enfin, à part à boire, bien sûr. Tu rentres sans même faire attention au gens qui se trouvent ici, les regards se tournant sur ton passage. Tous obnubilés par ta présence alors que tu te fiches éperdument de la leur de présence. Tu commandes une absinthe que tu bois cul-sec avant de te retourner vers le monde présent. Quitte à être ici, autant en profiter. Ton regard est attiré par une silhouette que tu ne connais que trop bien. Tu t'en approches doucement. Elle est accompagnée, deux hommes l'entourent. Elle rigole, pourtant tu n'y reconnais pas là son rire naturel. Tu restes à distance tentant pourtant de t'approcher d'elle le plus possible. Mais tu as peur de sa réaction si tu l'approches de trop près. Pourtant il t'est impossible de trop garder tes distances, pas avec ces hommes qui lui tournent autour la touchant de cette manière. Pas elle. Pas comme ça. Tu la connais, elle n'est pas de ce genre. Tu ne les laissera pas faire. Ils arrivent pourtant à la faire venir avec elle, et alors qu'ils sont à deux doigts de sortir du bar, tu réagis, comme réveillé brusquement et les rejoins. « Vous espérez faire quoi, là ? Laissez-la. Nana, viens. » Tu la supplies du regard, tu la supplies de te suivre sans broncher, qu'importe si elle s'en va sans toi après. Mais eux, en tout cas, n'ont pas l'air du même avis que toi. « Fais pas le mariole, dégage et il t'arrivera rien. » Tu le regardes, étonné. Il se prend vraiment pas pour de la merde celui-là. Tu sais que ce n'est vraiment pas la meilleure solution vis-à-vis de Naïane, mais tu ne trouves pas d'autre solution. Tu assènes un coup au visage d'un des types, attrape Naïane par le bras qui semble plus que pompette et vous sortez du bar. Tu n'y seras pas resté longtemps. « J'suis désolé Naïane. Pour tout. » Mais tu as bien fait de venir, finalement. Ou pas.

Toi, faire le super-héros ? Tu t'étonnes toi-même en fait. Aider les gens, c'est vraiment pas ton trip. T'es plus du genre à les regarder rester dans leur merde sans même leur souhaiter de s'en sortir. Mais là, c'est différent. C'est pas juste les gens, c'est elle. Et elle, tu ne la laisserais jamais dans la merde, jamais. Autrefois, tu aurais tout fait pour elle, tout, n'importe quoi. Maintenant, un peu moins, c'est certain. Mais l'aider te paraît comme une évidence. Tu t'en voudrais trop de ne pas l'avoir aidé. Et tu te sens déjà assez coupable vis-à-vis d'elle comme ça. L'impact de ton poing résonne contre le visage du type et tout de suite, sans demander ton reste, tu prends Naïane par le bras pour l'entraîner dehors. Elle n'émet aucune résistance et tu trouves étrange qu'elle ne cherche même pas à s'enfuir. Tu as réfléchi sans agir, une fois de plus. Tu t'excuses, mais elle reste pétrifiée face à toi. Tu lis la peur dans ses yeux, tu la vois porter ses mains à son cou et ça te brise le cœur. Tu ne peux t'en prendre qu'à toi-même. La revoir ainsi te trouble de sentiments. Tu ne sais même pas quoi penser. Es-tu heureux qu'elle soit revenue à Montsimpa ? As-tu peur de t’amouracher de nouveau d'elle ? Mais par-dessus tout, es-tu effrayé qu'elle retombe dans tes bras ? Tu sais pertinemment depuis l'épisode de « l'accident » que tu risques d'être dangereux pour elle, cependant tu ne peux pas t'empêcher de te rappeler que tu étais bien avec elle, et que si tu le pouvais, tu recommencerais à nouveau. Elle lève sa main pour te gifler et tu lui attrapes le poignet pour l'arrêter. Une gifle ne serait que méritée, mais tu n'es pas d'humeur et tu refuses de t'enflammer en sa présence. « Lâche-moi. » Son murmure parvient à tes oreilles en fouettant l'air et tu lâches immédiatement l'étreinte, regardant son bras retomber le long de ton corps. Elle se met à rire, sans doute nerveusement, mais franchement. Tu ouvres des yeux ronds, totalement étonné d'un tel revirement de situation de sa part. Tu te demandes alors combien de verre elle a pu boire, et qui est donc cette personne qui l'accompagnait qui peut avoir autant d'influence sur elle pour réussir à la faire boire à ce point ? « Tu crois que tu peux venir ici, jouer au prince charmant et me demander pardon ainsi. » Elle a raison, et tu le sais. De quel droit tu te permets de refaire irruption dans sa vie ? « Tu m’as brisée ce soir-là Thadé, j’étais prête à faire de toi quelqu’un d’important dans ma vie et tu as tout gâché. » Tes lèvres forment une moue étrange. Tu es déçu de toi-même. Oui, tu as tout gâché, c'est le moins qu'on puisse dire. Tu la vois tourner sa tête et essuyer une larme. Ta gorge se resserre et ton cœur avec. « Ma première erreur a été de te faire confiance. » Elle était là, la claque. La voilà donc. Mentale, plus douloureuse que celle qu'elle voulait te coller précédemment. Tu déglutis difficilement, une envie de fumer te prend soudainement, mais ce n'est pas le bon moment. Alors tu restes ainsi, sans savoir quoi faire de tes mains, alors que tu aimerais encercler ton ex-petite-amie de tes bras, la blottir contre toi pour la consoler, mais tu ne peux pas. « Écoute, je .. Je sais très bien que m'excuser ne changera rien mais .. C'était pas moi .. Enfin si, mais .. » Tu bafouilles, tu ne sais même pas comment lui expliquer tout ça. Tu ne sais même pas si elle voudra encore t'écouter, si elle te croira. « Je m'en veux terriblement, c'est pas des mensonges, je me sens extrêmement coupable, je te le jure Naïane. Je suis désolé que tu m'aies vu comme ça. Je suis désolé que tu aies subi ça. »

Tu tentes en vain de t'expliquer, d'expliquer tes actes qui en réalité sont inexplicables. Impardonnables. Alors pourquoi tu cherches à te faire pardonner ? Tu sais pourtant très bien qu'elle ne pourra jamais passer l'éponge. Pas sur ça. Mais tu aimerais tellement. Parce que quoi qu'on puisse en dire, tu tiens encore à elle. Naïane a toujours eu le don de faire ressortir le peu d'âme que tu as en toi. Elle est la bouée qui t'a permis de ne pas te noyer. Elle est celle qui a su te révéler. Te faire sentir comme ayant une once de cœur en toi. Ton ange, alors que Tigra est ton démon. « Tu vas me dire que t’as un frère jumeau caché ! » Tu ris nerveusement. Bien sûr que non, tu n'as pas de frère jumeau caché. Ou alors il est effectivement bien caché, tu en ignores l'existence. Non, mais non, c'est bien toi qui l'a meurtrie. Sinon comment pourrais-tu t'en souvenir ? Tu gardes le silence alors que tu aurais tant à lui dévoiler. « Thadé … » Tu plantes tes yeux dans les siens. Tu n'arrives même pas à déchiffrer tout ce qu'elle ressent en ce moment-même. C'est trop, trop d'émotions. Elle fait craquer ses doigts et tu souris timidement, te rappelant tous ces moments où elle a pu se sentir gênée quand vous n'étiez que tous les deux. Cette façon qu'elle avait d'être perturbée chaque fois que tu lui parlais, cette impression que tu avais d'avoir une immense emprise sur elle, alors que tu n'en as jamais profité malsainement. Tu aimerais lui dire qu'elle n'a pas à se sentir gênée, alors qu'en vérité elle a toutes ses raisons. tu es toi-même gêné de la revoir ainsi, dans une telle situation. Elle s'accroche alors à ton t-shirt. Ton cœur se met à battre la chamade. Elle est là, tout près de toi, son regard planté dans le tien. Ô dieu, que tu aimerais goûter à nouveau au parfum de ses lèvres. « T’es qu’un connard ! » Tu tournes la tête sur le côté, tu cherches à éviter son regard désormais accusateur. Oui, tu es un connard, mais qui ne le sais pas ? Ce n'est pas nouveau dans le fond. « Le fait est que tu me hantes que ce soit de la bonne ou de la mauvaise façon, je n’arrive pas à te faire sortir de ma tête. » Tu restes figé. Est-elle en train de dire que .. qu'elle continue toujours de penser à toi ? Déboussolé, tu n'arrives même pas à lui répondre. Le silence semble devenir ton meilleur ami ce soir. Tu ouvres la bouche, replantant ton regard dans le sien, mais rien ne vient. Les mots ne sortent pas. Tu la refermes aussi sec, et elle se recule, se détachant de toi. Un frisson te parcourt, tu as envie de la rapprocher de nouveau de ton corps. C'est impossible. Elle est à terre désormais. Tu vas pour lui demander si elle ne s'est pas faite mal, mais elle reprend déjà ses aveux. « Je voulais tellement que tu sois le bon que je me suis voilée la face sur toi c’est ça ? » Tu t'accroupis à ses côtés et lui attrape la main pour l'aider à se relever, mais elle se fait lourde exprès. Elle ne veut pas bouger. Alors tu t'assois au sol, en tailleur, face à elle. Et tant pis si vous ressemblez à des ploucs, tant pis. Tu t'en fiches de ce à quoi tu peux bien ressembler, parce qu'elle te fait tout oublier autour de toi. « Non Naïane, non, c'est pas ça. C'est pas ta faute, c'est la mienne. Depuis le début. Depuis qu'on s'est rencontré. » Tu prends une grande inspiration. Le moment est venu. Qu'elle se sente prête. « Celui que tu as connu .. Je ne suis pas comme ça en temps normal. Je suis ce type violent, salaud, buveur. Une tâche. Un pauvre type. Ça, c'est moi. » Si seulement tu n'avais pas eu à lui dire tout ça. Pas dans de telles circonstances. Si seulement tu avais pu lui dire la vérité avant, avant que tu la convaincs de te suivre jusqu'ici. Si seulement .. « Mais quand je t'ai rencontré Naïane, tu m'as totalement changé .. Tu as fait sortir une partie de moi que j'ignorais. J'étais heureux, je me sentais bien, libre, léger. » Tes yeux commencent à te piquer. Les souvenirs te remontent. Vous aviez une relation tellement parfaite .. « Seulement en revenant, j'ai retrouvé mon démon, et .. » Tu marques un léger temps de pause. « Je n'ai jamais voulu te faire du mal. Je t'aimais Naïane. » Tu attrapes doucement ses mains pour les serrer dans les tiennes, et plante ton regard dans le sien. « Je n'ai jamais autant aimé quelqu'un que toi. » Tu restes quelques secondes ainsi, avant de finalement la lâcher et te relever. « Je sais bien que tu ne me pardonneras pas. Mais j'avais besoin de te le dire. »

Il faut croire que ce soir, c'est séquence émotions, séquence révélations, séquence confessions. C'est pitoyable. T'as honte de toi, de te livrer ainsi. Ce n'est pas comme ça que tu devrais agir. Si Tigra était là, il te collerait une gifle et te dirait de te relever. Tu te rappelles de ses paroles « arrête d'être gentil ». Il a raison. À trop être gentil, tu vas finir par l'avoir dans le cul. Mais là c'est pas pareil, c'est Naïane. T'arrives juste pas à être autrement avec elle. Ce n'est pas quelque chose qu'il pourrait comprendre de toute façon. Tu vides ton sac. Tu te confies à celle à qui tu avais l'habitude de tout et ne rien dire à la fois. Maintenant elle sait tout. Toute la vérité. Rien que la vérité. Depuis le début. Tu t'attends à voir du dégoût dans son regard, mais il n'en est rien. Elle te sourit, même. Son indulgence t'a toujours étonné. Elle pose sa main sur ton genou, tu frissonnes. « Pourquoi m’avoir caché ça si longtemps, ne crois-tu pas qu’on aurait pu faire face à sa ensemble. » Tu n'en as aucune idée. Peut-être simplement que tu voulais être un mec bien, pour une fois. Parce qu'elle le méritait. Parce que tu ne voulais pas la blesser, la dégoûter. « Et puis qui est ce démon ? Pourquoi tu te laisses pourrir la vie par ce type. » Tu baisses les yeux. Tu voudrais lui dire que ce n'est, encore une fois, pas qu'elle croit. Qu'il ne te pourrit pas la vie. Qu'il t'a aidé, beaucoup plus qu'on ne pourrait l'imaginer. Tu n'arrives pas à voir le mal qu'il t'inflige. Mais tu te tais. Elle rapproche son visage du tien. Ton pouls s'accélère. Tu te demandes si ce qu'elle s'apprête à faire est une bonne chose. Tu fermes les yeux, et vous êtes alors interrompus par une folle furieuse qui se dirige vers vous à vitesse grand v, criant le nom de Naïane. Tu rouvres les yeux et reconnais immédiatement son amie. Tu es étonné qu'elle soit encore là, elle. Tu roules des yeux quand tu te prends une gifle monumentale. Tu te relèves brusquement, emplis d'une colère noire pour cette fille, mais tu respires calmement, tentant de gérer la situation. « Toi, ne t’approche plus jamais d’elle tu m’as compris. » Tu esquisses un sourire narquois. « Sinon quoi ? Tu crois qu'tu m'fais peur ? » Tu sais très bien au fond de toi que c'est elle qui a peur de toi, et c'est sans doute pour ça qu'elle est sur la défensive. La meilleure défense, c'est l'attaque. « T’as de la chance que j’appelle pas la police, connard ! » Ton sourire retombe brusquement. Tu fulmines, mais tu te tais. Si elle appelait la police, tu serais dans la merde, vraiment. Tu serais envoyé en taule. À coup sur. À moins que tes parents réussissent à étouffer l'affaire. Tu n'as pas le temps de répliquer, que tu vois Naïane se déchausser et courir vers toi. Étonné, tu la laisses t'entrainer dans sa course, courant avec elle sans lâcher sa main. Elle rigole, ça te fait sourire. Cette fois, c'était un rire franc, véritable. Vous vous arrêtez loin du bar finalement, et, face à elle, tu la laisses reprendre son souffle. Son brushing est tout parti en vrac, et tu la préfères comme ça. Au naturel. Les joues rosies par l'air frais, les pieds nus sur le béton, les cheveux en broussailles. Tu souris bêtement. « Je ne peux pas te quitter, pas maintenant, pas après tout ce que tu viens de me dire. » Tu tournes la tête pour fuir son regard. Tu n'aurais peut-être pas dû dire tout ça. Tu n'avais pas réfléchi aux conséquences que ça pouvait avoir. « Naïane .. Je n'sais pas si c'est une bonne idée .. » Ouuuh, vilain mensonge. Tu jouerais presque la carte de l'insensible et sans-cœur, minant de ne plus vouloir la voir, juste pour la protéger de toi.

De tout ce temps que tu avais pu passer éloigné de ton ancien amour, jamais tu n'aurais pensé la revoir dans de telles circonstances. D'après toi, certaines choses ne collaient pas, comme premièrement le fait qu'elle ait bu. Ce n'était pas dans les habitudes de Naïane, et ça t'étonnait. Oui, quand on l'y forçait, elle pouvait boire un ou deux verres, mais pas de là à être défaite, c'est clair. Elle se met alors soudainement à courir à toute allure, comme pour s'éloigner le plus possible de quelque chose. Étrangement, pas comme tu t'y serais attendu, elle ne cherche pas à s'éloigner de toi, bien au contraire puisqu'elle t'entraîne dans sa course. Vous vous arrêtez brusquement, elle semble heureuse. Tu as du mal à cerner pourquoi elle peut bien être heureuse, pourtant ça t'arrache un sourire. Tu t'étais souvent dit que si ça se trouvait, elle ne sourirait plus jamais en ta présence, et la voir épanouie sous tes yeux te fait tellement plaisir. Pourtant tu casses déjà sa joie en un rien de temps. Tu aurais peut-être mieux fait de te taire, mais c'est vrai, tu ne penses pas vraiment que ce soit une bonne idée, même si tu en meurs d'envie. Elle comme toi savez très bien ce qu'il s'est passé la dernière fois et tu as peur de refaire une erreur. « C’est vrai que vivre seul avec ses propres démons c’est tellement plus intelligent. » Tu soupires. Tu n'aurais pas dû lui parler de ça. « Très bien ! Ne me dit rien et démerde toi ! Je ne peux rien te dire de plus. » Tu restes silencieux, tu ne sais même pas quoi lui répondre. Tu sens bien que tout ça l'agace et pourtant tu ne peux rien faire, tu ne sais pas quoi faire. Elle se décale sur le côté et perd son équilibre. Elle se rattrape à ton bras et te dit, comme si elle t'annonçait qu'elle avait faim : « Oups, je crois que je suis pompette. ». Tu aurais bien rigolé mais tu t'attends au pire pour la suite, et tu n'as pas trop tort. C'est comme un enfant qu'elle se dirige vers le muret en te proposant toute jouasse de faire le casse cou. Tu la suis jusqu'au muret où elle monte s'amusant à jouer aux funambules. Tu l'observes, partagé, comme entre deux eaux. Tu ne sais pas si tu dois sourire de son caractère enfantin ou si tu dois rester impassible face à elle pour éviter qu'elle retombe dans tes bras. Tu te sens incapable de décider, comme incompétent dans ce vaste domaine qui concerne les sentiments. « Tu sais Thadé je suis toujours vierge ! » Pardon ? Tu manques de t'étouffer, avalant de travers ta salive. Sa réflexion t'étonne, tu savais que Naïane n'était pas vraiment prude de nature, mais pas à ce point, pas au point de te balancer en pleine rue qu'elle est encore vierge. Mais quand même, tu te rends compte qu'elle est sérieuse et ta gorge se noue. Alors elle n'a toujours pas couché avec qui que ce soit .. Tu te demandes si elle n'a toujours pas, depuis le temps, trouvé un autre type à la hauteur de ses attentes. Ou alors peut-être espérait-elle reconstruire quelque chose avec toi. Tu chasses vite cette pensée de tes esprits cependant, t'interdisant de penser à ce genre de choses. « Thadé ! » Extirpé brutalement de tes pensées, tu relèves les yeux vers elle, et quand vos regards se croisent, elle se tourne dos à toi, tu ne comprends pas trop ce qu'elle compte faire, jusqu'à ce qu'elle chuchotte doucement « Rattrape-moi. ». Tu te précipites vers elle alors qu'elle se laisse tomber dans le vide, inconsciente de ses actes. Tu la rattrapes comme tu le peux, un bras derrière les épaules, l'autre derrière les genoux et la remets doucement sur ses pieds. « Je t’ai menti, je te fais toujours autant confiance. » Tu n'as pas le temps de lui dire quoi que ce soit qu'elle se cale dans ses bras après t'avoir gratifié d'un sourire en coin. Tu soupires un grand coup et ferme tes yeux quelques instants, tu t'abandonnes à son parfum, à la chaleur de son corps contre le tien, cela faisait si longtemps. Pourtant tu te prends subitement une claque en pleine figure, réalisant ce qu'il se passait. Tu rouvres les yeux et repousse légèrement Naïane de toi. Tu t'apprêtes à prendre la parole, mais la voyant trembloter tu lui enfiles ta veste sur les épaules. « T'es une grande malade Naïane, tu ne te rends pas compte de ce que tu fais ? Et si .. et si je ne t'avais pas rattrapée ? Tu serais tombée au sol, tu te serais blessée, si ça se trouve tu te serais ouvert le crâne, j'en sais rien ! » Tu lui parles d'un ton un peu froid, distant, faire la morale, c'est pas ton truc, mais vu la situation, tu n'as aucun scrupule. « Tu as trop bu et l'alcool ne te va pas du tout au teint, je vais te ramener chez toi. » Tu n'as même pas dans l'idée de rester avec elle, bien loin de là. Ça te désole de devoir l'abandonner, tu es même bien loin d'en avoir envie, mais pourtant tu penses que c'est la meilleure chose à faire.

Même si tu sais que tout ça est dû à l'alcool, tu as du mal à comprendre le comportement de Naïane. En fait, c'est peut-être bien la première fois que tu la vois dans un état pareil, aussi « mal en point » que ça. Jamais tu ne l'avais vue se mettre dans un tel état, non, c'est certain. Tu décides donc de la ramener chez elle et l'attrape par le poignet pour qu'elle te suive. Saiuf qu'on ne peut pas vraiment dire qu'elle soit d'accord avec toi. D'un coup, elle pique une crise de colère et tu te prends ta veste, que tu lui avais précédemment délicatement posée sur les épaules, en pleine figure, comme ça, d'un coup. « Je veux pas de ta pitié ! » Elle crie. Tu t'arrêtes, la lâchant brusquement. Face à face, tu plantes tes yeux dans les siens, le regard froid, tu ne laisses rien transparaître. Rien du tout. « Tu te sens tellement mieux quand tu me fais la morale, parce que pour une fois c’est pas toi le problème ! C’est vrai la petite Naïane se rebelle, elle vit dangereusement et bascule entre la vie et la mort en quelques secondes ! » Et pourtant la colère te monte. Mais tu ne dis rien, tu ne fais rien. Aucun mot, aucun geste. Tu la vois sur le point de pleurer, ça t'attriste, mais tu ne bronches pas. Sans-cœur. « Il n’y a rien de bon en toi, et même si il restait quelque chose de bon en toi, tu ne lui laisserais même pas une chance parce que si tu continues à vivre avec cet état d’esprit, tu ne seras jamais heureux Thadé ! » Et si la colère te monte de plus en plus, c'est parce que tu sais très bien qu'elle a raison. Mais tu es bien loin d'admettre ça, bien loin de pouvoir dire "ok, j'ai tort, aide-moi", non, certainement pas. Fierté mal-placée. Soudainement elle te pousse brusquement en arrière, ce qui te fais reculer quelque peu, ne t'y attendant pas. Pourtant tu gardes ton silence. Tu préfères garder ton silence, ne rien dire, ton accumuler, encaisser tout seul. Ne pas craquer. Tu ne veux pas avoir à lui faire du mal, encore. Pourtant elle t'en fait à l'instant même, et ton instinct te dirait de lui rendre la pareille. Mais non. Tu accuses les coups. « Et puis … Tu te laisses bouffer par je ne sais qui ! Je sais pas ce qu’il a fait de bien pour que tu deviennes son ami, mais aujourd’hui il te bouffe et te détruit et toi tu le laisses faire comme un idiot ! » Là, c'est trop. Tu fulmines. Elle n'a pas à juger Tigra sur ce qu'il peut bien faire. Elle ne le connaît pas, elle ne sait pas, elle ne peut pas savoir. Et même si elle savait, elle ne pourrait pas comprendre. Immobile, silencieux, tu restes devant elle comme inanimé. Un courant d'air glacé te traverse et te réveille brutalement, comme sorti d'un cauchemar. Pourtant c'est bien dans la réalité que se trouve le cauchemar cette fois. « Tais-toi. » tu siffles entre tes dents, sec, froid. « Viens ! » Tu l'attrapes par le bras et la force à avancer avec toi, qu'elle le veuille ou non. Vous traversez la rue, et une fois au beau milieu de la route, tu la lâches. « Alors c'est ça que tu veux ? Vivre dangereusement ? Être entre la vie et la mort, hein ? » Ton ton se veut féroce, presque agressif. « Tu vois, t'y es là Naïane. Pile entre la vie et la mort, regarde, y a une voiture qui arrive. » Tu la fixes, regardant de temps à autres la voiture qui se rapproche rapidement de vous. « Et maintenant, tu fais quoi, hein ? » Tu te décales légèrement. Tu sens qu'elle n'est plus capable de bouger, elle doit être terrorisée, pourtant toi tu restes calme, même pas effrayé de la situation. En te décalant, tu ne te retrouves plus dans le champ de portée de la voiture, elle oui. « Alors, tu fais quoi ? » Tu cries. Tu laisses la voiture se rapprocher, le chauffeur semble être un chauffard, et c'est au dernier moment que tu l'attrapes pour la tirer vers toi, l'éloignant subitement du danger. Elle peut bien te prendre pour un fou furieux, pour un dangereux, pour un psychopathe, là, tu t'en fiches. « Alors, c'était bien de vivre dangereusement ? » Tu ne veux même plus la regarder dans les yeux. Tu craches au sol et te sors une cigarette. « S'il n'y avait vraiment plus rien de bon en moi, tu crois franchement que tu te serais lâchée volontiers dans mes bras ? Si j'étais tellement un monstre que ça, comme tu le sous-entends, je t'aurais laissée partir avec ces types, je t'aurais laissée te faire violer dans une ruelle. » Tu hausses les épaules, lui redonnant ta veste, insistant, ne voulant vraiment pas qu'elle attrape froid. Et maintenant ? Maintenant que t'as joué au con, que t'as joué avec sa vie, qu'elle a failli mourir par ta faute, une seconde fois, tu fais quoi ? Hein, tu fais quoi ? Sombre idiot.

Sur la route, tu essayes indirectement de réveiller Naïane de son rêve. Tu essayes de la tirer de ses pensées, de lui faire comprendre malgré ta volonté qu'à quelque part, te faire confiance est une erreur, même si ça te réchauffe le cœur de savoir que c'est toujours le cas. Mais alors, où se trouve donc ton esprit, Thadé ? De quoi as-tu donc envie ? Tu ne sais même pas si tu préfères qu'elle retombe vers toi et que tu la retrouves encore, ou si tu préfères qu'elle te haïsse et ainsi reste loin de toi. Tu essayes de la protéger à ta manière, même si ça doit te faire souffrir. Pourtant une partie d'égoïsme subsiste en toi, et tu aimerais tant qu'elle reste à tes côtés. « Et bien je te laisse me regarder crever, c’est jouissif hein ? Peut-être que t’aurais préféré faire ça toi-même. » Ta gorge se resserre, tu savais qu'elle n'oublierait pas de si tôt, tu t'en doutais fortement, mais te prendre ça en pleine figure fait automatiquement remonter cette immense vague de culpabilité. Tu t'en veux tellement, si seulement elle savait, si seulement tu pouvais avoir l'espoir qu'elle te croie. Mais tu sais pertinemment que ça n'arrivera pas. Tu as beau tenter d'espérer, il y a toujours cette partie de toi totalement désillusionnée qui prend le dessus. Tu n'y arrives plus. Tu n'arrives plus à te laisser envahir de naïveté. Les pieds sur Terre, c'est pas toujours une qualité. Tu te retrouves en complète impossibilité de rêver, d'envisager. Tes espoirs ne sont que des utopies. Irréalisables. Que des idioties. Mais tu la retires, tu la récupères. Il t'es impossible de la laisser sous les roues de cette voiture. Elle ne le mérite pas. Elle est trop bien pour la mort. Elle est trop bien pour toi. Elle mérite tellement mieux que ça. Tu ne la mérites pas. Elle s'avance vers toi et te gifle. Étrangement cette claque te fait un bien fou. Pourtant loin du masochisme, elle te permet simplement de voir un peu plus la réalité en face, de sortir de ta tête et de te rendre compte que Naïane, en face de toi, est en colère. « Je t’ai rien demandé ! Au pire je me serais fait violer et ça aurait été un problème que pour moi. » Dans le fond, elle n'a pas tort. Elle ne t'a demandé en aucun cas de venir la secourir, mais c'était plus fort que toi. Tu n'as pas pu t'en empêcher. La voir se faire entraîner par ces types vraiment louches t'a mis dans un état impulsif. Tu ne pourrais même pas vraiment expliquer comment il t'est venu à l'idée d'aller la sauver, c'était comme une évidence pour toi. Mais il s'agissait d'un acte irréfléchi, qu'elle semble même te reprocher. Tu as du mal à comprendre. Alors, c'est donc ça, elle aurait préférée être violée par des types dans une ruelle sombre, plutôt que d'être sauvé par toi, Thadé ? Dans le fond, la différence n'est que minime, c'est bien vrai. « Pourquoi tu te sens obligé de me sauver ? » Tu prends une grande inspiration. « Je .. J'ai pas envie qu'il t'arrive des emmerde, j'en sais rien. » Idiot. Ton excuse n'est pas valable. Les emmerdes, c'est toi qui lui en fait. « Laisse tomber, la prochaine fois j'te laisserais tranquille. C'est clair qu'tu dois être mieux sans moi, hein. » Tu hausses les épaules, et, prenant un air faussement détaché, tu tires une taffe sur ta cigarette. « Je crois que ce soir, j’ai compris qu’il n’y a plus aucun espoir entre nous. Tu me tires avec toi dans le néant des abysses et je ne peux pas nous sauver tous les deux. » La deuxième claque est donc là, le retour, le revers. Pas physique, mais mentale. Elle a raison, elle a beaucoup trop raison ces temps-ci. Tu réalises que tu es comme un boulet accroché à sa cheville, tu l'entraînes à se noyer alors qu'elle mérite tellement de retrouver la surface. Elle ne mérite pas que tu l'entraînes avec toi dans ta merde. Mais en bon égoïste que tu es, tu aimerais tellement l'entraîner avec toi. Même si tu n'as rien à lui offrir. Pourvu qu'elle soit avec toi. BAM. Dur retour à la réalité. Ça n'arrivera pas, Thadé. Ça n'arrivera plus. Elle plante ses yeux dans les tiens, ses yeux pleins de larmes, ces larmes que tu aimerais lui faire ravaler, pourtant tu n'y peux rien. J'ai l'impression qu'ça va mal, même si j'peux pas faire grand chose. Non, tu ne peux rien y faire, c'est certain. Ce n'est plus à toi de la faire avancer. Il est malheureusement temps que tu la laisses tranquille. Tu fais partie du passé, de son passé. Il faut que tu t'y résignes. « Je crois que je jouais avec ma vie pour attirer ton attention, mais c’est idiot tu n’en as plus rien à faire de moi et je comprends, on a tous les deux évolué et on va sûrement devoir se dire enfin en revoir. » Dans ta tête, tout se passe beaucoup plus vite. Intérieurement tu cries, intérieurement tu lui dis que tu l'aimes, intérieurement tu lui dis que tu refuses qu'elle parte, tu lui demandes de te pardonner, tu t'agenouilles, tu la supplies, tu l'embrasses, tu te repentis. Mais tout ça, c'est dans ta tête. Extérieurement, tu ne bronches pas, tu ne bouges pas d'un poil. On peut à peine lire la peine dans tes yeux. Tu essayes tant de tout cacher que tu finis par y arriver. Si seulement tu arrivais à ravaler ta fierté. Range un peu tes couilles au placard Thadé, et excuse-toi. Tu écrases ta cigarette au sol et plante ton regard dans celui de Naïane. « Ouais, évolué, c'est l'moins qu'on puisse dire. » Tu restes froid et distant contre ton gré. « Si t'as si évolué que ça, t'as dû te trouver un mec ? Fais gaffe qu'il soit pas violent lui, j'suis la preuve que t'attires les cassos. » Bon, bah les excuses, c'est pas pour tout de suite, hm.

Touché en pleine poitrine, tu n'en peux plus de cette sensation d'étouffement procurée par le simple fait que Naïane te repousse. Tu n'arrives pas à accepter le fait qu'elle puisse ne plus vouloir de toi. Tu es profondément blessé. À tel point que tu ne sais même pas ce qu'il te passe par la tête en lui répliquant que tu la laisserais désormais tranquille. Lui balancer en pleine figure qu'elle était sans doute mieux sans toi est une bien mauvaise idée. Très mauvaise, parce que tu sais à quel point Naïane déteste qu'on touche à son égo, tu sais que tu ne te prendras qu'un revers bien mérité en pleine figure. « Peut-être oui … » En plein dans le mille. Touché au beau centre du cœur, mille points. Peut-être.. Peut-être est-elle mieux sans toi, en effet.. Ou peut-être pas, après tout. Tu ne peux en avoir malheureusement aucune certitude, c'est bien là le problème. Ses yeux plantés dans les tiens te laissent à croire que son peut-être signifie plus un oui qu'un non, et tu sens alors une déchirure se faire dans l'antre de la poitrine, douloureuse. Pourtant tu en restes extérieurement de marbre, préférant tout garder pour toi. Un jeu du « qui aura le plus gros égo » le lance implicitement entre vous. Aucun de vous n'osera certainement faire le premier pas pour retourner vers l'autre, du moins pas dans l'immédiat. Et, comme pour t'affliger toi-même un peu plus de souffrance, tu lui demandes si elle a un mec. Dans le fond, même si tu es persuadé qu'elle en a un, tu espères que ce ne soit pas le cas. Pourtant ton espoir reste malgré tout infime. Une telle fille, si jolie, si gentille, ne peut être seule. Pourtant.. elle t'a bien avoué être encore vierge.. Tu n'arrives toujours, d'ailleurs, pas à comprendre pourquoi elle t'a dit une telle chose. À quoi joue-t-elle ? « Tu sous entends que je suis tellement naïve que n’importe quel garçon gentil avec moi pourrait m’avoir ? » Tu hoches de la tête pour nier ses dires. Non, bien sûr que non. Tu n'avais même pas pensé à cette hypothèse, au contraire. Tu sais pertinemment à quel point Naïane et son caractère sont durs à conquérir. Tu sais très bien qu'il ne suffit pas d'un peu de gentillesse pour obtenir ce que l'on veut d'elle. « Tu sais je veux juste quelqu’un qui puisse m’aimer sans me faire souffrir, est-ce trop demandé ? Je sais que je suis trop gentille, et que certaines personnes veulent seulement se servir de moi, mais je n’y peux rien … » Ton visage se décompose doucement. Tout ce qu'elle demandait, c'était qu'on ne la fasse pas souffrir, c'était tout ce qu'elle voulait. Et c'est pile ce que tu lui as fait subir. Alors oui, finalement, peut-être es-tu effectivement un monstre ? Tu restes silencieux, tu ne sais pas quoi lui répondre. Tu te contentes simplement de détourner le regard, ne pouvant supporter une seconde de plus d'affronter son regard chocolat qui te transperce de par sa profondeur. À cet instant précis, tu aimerais rentrer chez toi, cogner dans un mur, être tranquille, seul, te déchirer, et ne plus penser à rien. Ne plus avoir cette pensée qui te torture l'esprit. Mais tu es cependant bien obligé pour le moment, Naïane se trouvant juste devant toi et te rappelant par chaque cellule de son corps que tu l'as trahie et que tu es décidément un homme horrible. « Je suis fatiguée, j’ai froid et mal partout … » Tu relèves doucement la tête et la questionne du regard, ne voyant pas très bien où elle voulait en venir. « Est-ce que tu pourrais me ramener chez moi, mon amie a dû déjà partir et en plus je ne suis pas état de rentrée seule je pense … Je ne calcule pas tout à cet instant précis. » Tu penses, l'espace d'un instant, qu'elle est quand même gonflée de te demander une telle chose, mais ça ne te dérange pas tant que ça. Entendre ses os craquer et ainsi comprendre qu'elle est gênée de la situation te font sourire bêtement. « Je sais que tu n’as pas trop envie de passer du temps avec moi avec tout ce qu’il s’est passé, mais je ne t’embêterais plus après. » Tu hausses des épaules. Si seulement elle savait à quel point c'est tout le contraire de ce qu'elle dit.. Si seulement elle savait combien tu préférerais passer du temps avec elle plutôt qu'avec toutes ces autres filles. Mais elle ne le saura pas. « Ça ne me dérange pas.. » Elle se poste à tes côtés et se colle à toi, un frisson te parcourt. « Et toi alors tu n’as personne dans ta vie ? » Tu déglutis difficilement. Pourquoi te pose-t-elle cette question ? Cherche-t-elle a se faire du mal ? Heureusement pour elle, sans doute, ce n'est pas ta réponse qui lui fera du mal. « Non, personne depuis.. » Tu laisses ta phrase en suspens. Depuis elle, bien sûr. Vous commencez à avancer lentement, supposant qu'elle habite à Bridgeport, sans doute. Vous passez devant ta voiture, mais tu préfères ne pas t'arrêter, ne te trouvant pas tellement en état de conduire. Prendre la voiture bourré quand tu es seul, c'est une chose, mais pas avec elle. Alors tu choisis l'option marche, qui vous réveillera peut-être au passage. Comme un réflexe, tu passes ton bras autour de ses hanches et la serre un peu contre toi.