Je courais partout dans l'arrière-scène. Je traversais les loges de tout le monde, sans vraiment leur parler, je relisais mon texte, je le répétais dans ma tête, je fermais mes yeux à tous mes pas pour me remémorer mes déplacements. Je fonçais dans tout le monde, j'avais le coeur qui pompait trop fort, trop vite, parce que je cherchais la couturière - la robe de mon costume venait de se déchirer à la hauteur des fesses. Puis je tombai sur Alec, qui lui semblait si paisible, si prêt. Il était toujours parfait, putain de merde. « C'est quoi, avoir le trac, c'est pas dans ton vocabulaire, merde ?! » J'avais l'air furieuse, mais en fait c'était la nervosité qui parlait. Je n'avais même pas réalisé mes paroles. Je me fichai donc de sa réponse et continuai sur ma lancée. « Alec j'suis trop nerveuse, frigorifiée, trouve tous les mots qui veulent dire que je suis morte de peur et t'auras mon état d'esprit actuel ! J'peux pas monter sur scène, pas dans cet état-là, j'vais me pisser dessus devant tout le monde ! » Vous aurez bien compris que j'avais la chienne, pure et dure. Ce soir était la première représentation de la pièce de théâtre que notre troupe avait écrite elle-même. Elle s'intitulait "Là où les chemins s'arrêtent" et parlait de la vieillesse, de la peur de mourir, de l'amour aussi. Elle était magnifique. Un vrai chef d'oeuvre. Mais je jouais le personnage principal, avec Alec bien sûr, comme toujours, nous étions le couple, la romance, les personnages qui faisaient battre les coeurs des spectateurs. Et je ne me sentais pas prête. Vraiment pas. Nous l'avions répétée des tonnes de fois, mais on aurait dit que là, c'était la fin du monde. « S'il-te-plaît trouve-moi une remplaçante. Fais ça pour moi, s'il-te-plaît. Demande à Juliet, je suis certaine qu'elle voudra juste pour la scène du baiser. Je jouerai son rôle. Être une serveuse qui ne parle pas, ça me va tout à fait. » Lui demandais-je d'un regard suppliant.

« Arrête de bouger s'il te plait, j'ai un peu de mal à te coiffer. » « Désolé ! », elle posait ses mains sur mes cheveux et ajouta de la bombe pour les faire tenir en l'air. Je me lève vite fait est me remets en tête le début de la pièce, j'avais pas vraiment appris, j'avais pas besoin. Je n'étais pas stressé, je l'étais rarement, enfaîte je me disais toujours que ça allait bien se passer, ça n'a jamais foiré, alors pourquoi aujourd'hui ? Plutôt calme, je rejoints le metteur en scène derrière le rideau avant de m'agenouiller à côté de lui et d'ouvrir légèrement le tissu. La salle était remplie à craquer, l'amphithéâtre était immense et je crois que pour notre première représentation avec un texte écrit par nous-même, ça risque d'être très jouissif, je referme doucement le rideau avant de me tourner vers Gabi' qui gribouillait vite fait sur son carnet et qui examinait les décors en faisant des signes à ceux qui s'en occupé « Je crois qu'il y en a une qui va se pisser dessus... », il releva la tête de son carnet et rigola légèrement « Tu penses à Billie c'est ça ? Tu devrais la réconforter, c'est pas elle qui en train de courir limite en sous-vêtements ? », il s'était retourné et fixait la miss avec son doigt, elle portait une robe qui lui allait bien, mais qui était légèrement déchiré au niveau des fesses. Je me lève, avant de faire un salut au mister. Je rejoints la belle histoire de voir ce qui lui arrivait à part que faire la pièce en sous-vêtement serait assez chelou, bien que moi personnellement ça ne me gène pas vraiment.

« C'est quoi, avoir le trac, c'est pas dans ton vocabulaire, merde ?! » « Détends toi, ça va... » « Alec j'suis trop nerveuse, frigorifiée, trouve tous les mots qui veulent dire que je suis morte de peur et t'auras mon état d'esprit actuel ! J'peux pas monter sur scène, pas dans cet état-là, j'vais me pisser dessus devant tout le monde ! », je la voyais elle était paniquée, ça me fait juste marrer plus qu'autre chose, mais j'éviter devant elle de rigoler, sinon j'allais me faire laminer pendant un bon quart d'heure. Je la réconforte, je m'approche d'elle et la prends dans mes bras pendant quelques secondes puis je la relâche en la tenant par les épaules et la regardant dans les yeux. La troupe nous avait choisi encore une fois pour faire un rôle d'amoureux légèrement guimauve, j'ai jamais eu trop de problèmes avec ça, même s'il n'y a pas de sentiment concret entre nous deux. « S'il-te-plaît trouve-moi une remplaçante. Fais ça pour moi, s'il-te-plaît. Demande à Juliet, je suis certaine qu'elle voudra juste pour la scène du baiser. Je jouerai son rôle. Être une serveuse qui ne parle pas, ça me va tout à fait. », « Arrête-toi, tu seras parfait comme d'habitude, j'aurais trop de mal à être avec quelqu'un d'autre pendant la scène de baiser, tu vas cartonner et entre nous tu vaux mieux qu'une serveuse... ». Je m'avançais et lui dépose un baiser sur le front avant de la pousser en la dirigeant vers la costumière qu'il avait enfin repéré. Il nous reste plus beaucoup de temps.

« Détends toi, ça va... » Habituellement, la voix très virile d'Alec suffisait à me détendre. Toutefois, là, ça n'allait pas du tout. En plus de devoir jouer une pièce inventée par nous-mêmes, nous allions devoir la jouer à la lueur d'une centaine de bougies. Certes, le résultat était vraiment magnifique, et la panne d'électricité nous avait permise de mettre sur pieds ce genre d'éclairage innovant. Cependant, comme je portais la poisse, je craignais de m'accrocher sur une table et que toutes les bougies tombent au sol. Les rideaux prendraient feu, nos costumes aussi, et nous mourrions tous avec les pauvres spectateurs. Ce serait horriblement triste. J'étais certaine que si on me laissait monter sur scène, c'était ce qui se passerait. Voyant bien que j'étais en train de paniquer et d'hyper-ventiler, le jeune homme m'approcha de lui et me serra dans ses bras forts. J'allais avoir un orgasme. Il sentait bon, il était tiède. Mais ça ne suffisait pas cette fois, et bien que je cessai de respirer et que mon coeur cessa de battre durant cette étreinte, mon métabolisme de base recommença à dégénérer la seconde où Alec me lâcha. « Arrête-toi, tu seras parfaite comme d'habitude, j'aurais trop de mal à être avec quelqu'un d'autre pendant la scène de baiser, tu vas cartonner et entre nous tu vaux mieux qu'une serveuse... » Ah oui, il préférait que ce soit moi pour la scène du baiser ? C'était flatteur. Bon allez, je devais cesser de jouer le coeur d'artichaut et je devais me concentrer sur la pièce de théâtre. Notre directeur était en train de rapatrier tout le monde, ce qui voulait dire qu'il restait moins de dix minutes avant l'heure de représentation. Alec me déposa un baiser papillon, c'est-à-dire furtif, sur le front. Je fermai les yeux en soupirant. Mon ami me poussa finalement vers la costumière qui agitait les bras vers nous - on lui avait probablement raconté mon petit incident. « Oh putain ma robe, c'est vrai, j'avais complètement oublié ! Merci Alec. » Dis-je en tournant la tête vers lui. La couturière me plaça dos à elle et elle commença à coudre l'énorme fente au niveau de mes fesses. Je lançai un sourire un peu gêné à Alec. Ce n'était pas dans mes habitudes d'être comme ça, c'était probablement la panne de courant qui me faisait l'effet. Une fois la déchirure réparée, je remercia la dame et entendit le metteur en scène nous dire d'aller nous mettre en place. Je cherchai la main d'Alec dans le noir. « Ne me laisse pas me planter. » Soufflais-je tout en refermant mes doigts dans les siens alors que nous nous dirigions vers la coulisse de notre entrée.

« Oh putain ma robe, c'est vrai, j'avais complètement oublié ! Merci Alec. » « Pas de quoi, ça aurait était pas bizarre de te voir jouer une scène d'amour avec une robe déchirée au niveau des fesses. », à la fin de ma phrase la couturière arriva avec de quoi recoudre la robe et se dépêcha de rafistoler tout ça. La belle me regardait du coin de l'oeil, l'air un peu gêné, j'esquisse un sourire, je pense pas que c'est la pire chose que j'ai vu d'elle, elle a fait bien pire que ça, en y repensant, je me demandais commet elle a pu faire ça... C'est Billie après tout, il y a rien de logique. Je regarde autour de moi en attendant que la miss est fini, histoire que la pièce commence enfin. Pile au moment où la couturière finit son boulot, le metteur en scène monta vite fait sur une petite estrade histoire d'attirer notre attention. Les comédiens se regroupèrent tous au même endroit, moi le premier, un peu vers le fond, je suis pas trop fan de devoir me coller à tout le monde. J'entendis une petite voix qui se rapprochait de plus en plus. « Ne me laisse pas me planter. » je la voyais se faufiler entre les gens jusqu'à moi, dans le noir c'était pas pratique, je me rapproche d'elle et attrape sa main fermement en lui souriant. Il commença son discours fictifs et nous encouragea en frappant des mains. On allez pas tarder à commencer et je devais bien être des seuls à ne pas avoir le trac, j'étais même plutôt serein, comme d'habitude quoi...

« T'es prête ma grande ? », je la serais brièvement une fois de plus dans mes bras, avec de la lâcher et de me préparer vite fait à arriver sur scène, il ne fallait pas décevoir ce soir-là, puis j'espérais bien avoir une standing ovation. C'est le top du top d'avoir ça quand tu es dans l'art. Bref, je devais m'activer un peu plus. Les bougies disposées un peu partout sur la scène éclairée pas des masses et l'enjeu de ce soir est de pas se rétamé la gueule sur scène, quoique que dans le noir, ça aura moins d'impact. Bref, au bout de cinq minutes de brèves explications, je me dispose à l'autre bout de la scène derrière le rideau, Billie à l'opposer complet, le rideau se lève, c'est parti quoi.

« Pas de quoi, ça aurait était pas bizarre de te voir jouer une scène d'amour avec une robe déchirée au niveau des fesses. », Je souris et me permis de décompresser un peu en le regardant d’un air espiègle et en lâchant une réplique digne de moi-même : « Tu aurais adoré ça avoue-le. » Je rigolai légèrement, presque silencieusement, tout en entrant dans la petite loge de la couturière juste en bordure de la scène. Elle accomplit sa tâche très rapidement, me permettant d’aller me placer en coulisses. Alors que je me rendais dans la mienne, je murmurai à Alec, presque suppliante, de ne pas me laisser me planter. Sa main cherchait la mienne parmi toutes celles qui se trouvaient autour de nous. Je la serrai fort, comme pour puiser en lui un peu de courage. Il semblait en avoir tellement ; il pouvait bien partager un peu. Le metteur en scène était en train de présenter le projet, de nous accueillir, de préparer les spectateurs. « T'es prête ma grande ? », Alec me serra pour une dernière fois dans ses bras. J’expirai rapidement. « Oui. Je suis prête. » Dis-je pour me convaincre moi-même. Pas la peine de lui demander si lui l’était. Bien sûr qu’il l’était ; il l’était toujours. Sa main abandonna la mienne dans la pénombre et il alla rejoindre la coulisse opposée. Le rideau se leva. Je lui adressai un dernier sourire avant que nous n’entrions en scène.

Le spectacle se déroula très bien. J’eus quelques blancs, mais ceux-ci ne parurent pas beaucoup et Alec ainsi que les autres avaient toujours bien rattrapé le coup. C’était maintenant l’heure de la scène finale. Alec et moi avions, durant l’entracte, troqué nos habits plus jeunes pour des vêtements qui faisaient plus vieux. Nous avions vieilli avec notre amour. « Dis-moi pourquoi. Pourquoi c’est maintenant … maintenant que tout tire à sa fin, que tu comprends enfin ? Que tu vois que c’était moi, depuis le tout début, qui t’attendait ? » C’était le silence le plus complet dans la salle, signe que l’auditoire était accroché à nos lèvres. L’acte final était assez dramatique et romantique. Les deux amoureux se retrouvaient à la fin de leurs jours, alors que l’homme avait passé sa vie avec une autre que la femme de sa vie, en l’occurrence moi. Leur amour se dévoilait au grand jour alors que leurs chemins s’arrêtaient. Quelle tristesse.

Nous étions tous dedans, on y croyait, on jouait le meilleur de nous-mêmes, on sentait que tout le monde avait envie de réussir, les petites bavures de certain nous arrêtait pas au contraire, on arrangeait vite le tout pour que ça paraisse logique et pas flou et hop on enchaînait. On aurait pu faire ça une centaine de fois sans être épuisé ou en avoir marre, je me retenais de rire des fois quand Billie était en plein blanc, elle me fixait longuement avec son regard "Bordel aide moi, je sais pas comment démerde toi" et généralement à ce moment-là j'enchaînai sur la phrase d'après. Petit à petit, on arrivait à la scène finale, fatidique et légèrement mélo-dramatique, celle où laquelle Billie voulait absolument éviter. Juste avant, un entracte a eu lieu et les comédiens moi y compris, se rendirent derrière le rideau pour la préparer, il y avait des légères bousculades sur le plateau et Billie se magnait de s'habiller, j'avais déjà fini depuis cinq minutes, que la belle en était qu'à la moitié, l'entracte se termina et c'était à nous d'enchainer et de clôturer cette pièce. La fin était très romantique, après les années passées, l'amour est toujours là et toujours plus fort qu'avant, c'était légèrement trop guimauve à mon gout, mais j'ai laissé mes principes de côtés pour donner le spectacle qu'ils attendaient.

« Dis-moi pourquoi. Pourquoi c'est maintenant ... maintenant que tout tire à sa fin, que tu comprends enfin ? Que tu vois que c'était moi, depuis le tout début, qui t'attendait ? », personne ne parlait, les spectateurs était accroché, ils suivaient et attendait fermement le dénouement de cette pièce. « Je n'étais sûr de rien, je ne savais pas, l'amour est un sentiment capricieux, je ne pouvais te le dire avant, je ne pouvais pas, mais le plus important n'est pas que notre vie de solitude et de regret se termine ensemble ?», un pas après l'autre, on se rejoignit petit à petit, c'était calme, nous étions concentrés, au bout de quelques instants, nous n'étions qu'à plus de quelques centimètres. Je l'enlaçais délicatement et mon regard se perdit dans le sien. « Notre amour ne fait que commencer, il durera éternellement, jusqu'à la toute fin », je m'approchais de plus en plus d'elle et je l'embrassais en fermant les yeux. Le rideau se baissa et la scène était finie. Je lâchais doucement la miss et tourna légèrement la tête vers nos collègues qui nous applaudissait. Il ne manquait plus que le rideau se lève et que nous nous présentions face au public sous l'ovation qu'on entend.

Mon Dieu ce que je pouvais aimer le théâtre. J'avais peut-être l'air de très mal gérer la situation - et c'était le cas - ce qui pouvait laisser croire que je n'aimais pas du tout me retrouver sur scène. Au contraire ! Évidemment, je préférais lorsque seul le directeur se trouvait dans la salle, cette intimité me permettait de me trouver complètement dans ma bulle, d'y englober le reste des comédiens, et de bien m'imprégner de mon personnage. Là, avec tous ces yeux rivés sur moi, je devais avouer que ma bulle ne savait plus trop qui inclure. Il fallait seulement que je me concentre sur mon "moi" intérieur, que j'oublie la situation dans laquelle je me trouvais, que je pense à l'histoire, aux sentiments ressentis par Elizabeth, la femme que je jouais. Ce fut déjà plus facile après l'entracte, notamment durant l'acte final. Après tout, cette scène était si intense qu'il n'était pas bien difficile de se plonger totalement dans la peine qu'elle vivait. Une peine heureuse, une détresse prospère. Une antithèse à elle seule. « Je n'étais sûr de rien, je ne savais pas, l'amour est un sentiment capricieux, je ne pouvais te le dire avant, je ne pouvais pas, mais le plus important n'est pas que notre vie de solitude et de regret se termine ensemble ?» Je rejoignais Alec. Alors qu'il était à l'autre bout de la scène un moment, nous étions maintenant mains dans les mains. Mon coeur battait la chamade. Comme il pouvait être beau. Charmant. Viril. J'avais chaud. Il passa ses bras autour de mon frêle corps et me regarda dans les yeux. Je me perdis dans ceux-ci, à tel point que je ne me souvenais même plus de si j'avais une ligne à dire ou pas. Heureusement, c'était à lui de continuer. « Notre amour ne fait que commencer, il durera éternellement, jusqu'à la toute fin » Ce fut un océan de passion qui déferla en moi quand il posa ses lèvres sur les miennes. Je fermai les yeux et me laissai complètement envahir par son univers à lui. Je n'étais plus Elizabeth. J'étais Billie-Elliott. Puis les rideaux se fermèrent et je ne savais plus trop qui j'étais quand Alec se détacha de moi et sans me regarder, alla féliciter les autres en souriant, fier de nous. Je portai mes doigts à mes lèvres et restai plantée là un moment. Pour lui, je n'avais été qu'Elizabeth. Putain, pourquoi je me sentais comme si cela en avait un jour été autrement ? Tous les comédiens formèrent une ligne et j'attrapai les mains des gens à côté de moi lorsque le rideau se releva pour le salut final. Dès que nous fûmes libérés des spectateurs, je me dirigeai vers ma loge sans parler avec les autres. Je me sentais ridicule ; idiote.