Aliénor me manque. Elle a laissé un trou énorme. Un vide que jamais personne n'a su combler. Et même s'il n'y a qu'elle qui soit capable de le combler réellement, qu'elle capable de me comprendre au premier regard, Joey en est toute proche. Joey est la soeur que je n'ai plus. Ma bonne étoile, mon rayon de soleil. Ce qui est assez dingue, c'est que j'ai même à nouveau envie de rire avec elle. Mais pas juste pour faire semblant. Pas juste pour montrer mes dents. Parce que Joey est drôle, et qu'elle me fait du bien. Je crois qu'elle est un peu ma dose de bonheur. Le bonheur tout simple, sans superflu. Sans rien autour. Pas comme avec Siam par exemple. Parce qu'avec elle, c'est trop compliqué. Y'a trop de variables incontrôlables. Trop de sentiments, trop de trucs qui rendent le tout radioactif. Avec Joey, c'est simple, c'est brut. Y'a rien à comprendre, rien à attendre. Tout se donne, se partage, et se reçoit avec une simplicité déconcertante. Vous savez ce qui est dingue ? C'est qu'elle partage même sa famille avec moi. Parce qu'elle sait que je n'en ai pas. Et sa famille m'accueille comme si j'avais toujours fait partie des leurs. Je me sens presque à la maison sous leur toit. Presque comme quand j'avais 5 ans et que maman nous faisait de bons petits plats pendant que papa coupait le bois pour la cheminé.

Aujourd'hui j'ai rendez-vous avec Joey. Au marché de Noël, devant le stand de boissons chaudes. J'ai pris avec moi le cadeau que je lui ai acheté pour Noël. Un des rares t-shirts disney qu'elle n'a pas, et un bon d'achat dans un magasin de jeux-vidéos. Pour le t-shirt, il faut quand même que je vous explique. Joey en fait la collection. Elle en a vraiment des tonnes, je peux vous le dire pour les avoir vus. Puis l'autre jour, en me baladant dans la rue, j'ai vu cette fille, à peu près de la corpulence de Joey, avec ce t-shirt que je n'avais encore jamais vu de ma vie. Alors sans hésiter une seule seconde, je suis allé l'aborder. Je lui ai proposé un marché. Un t-shirt au choix dans le magasin qu'elle voulait, contre le t-shirt qu'elle portait. Elle a hésité, puis a accepté, tout en m'avouant que c'était un t-shirt qui n'avait pas réellement de valeur à ses yeux. Alors je l'ai suivie jusqu'à son magasin préféré. Elle a choisi un t-shirt, est allée l'essayer, puis en ressortant de la cabine d'essayage, l'a gardé sur le dos pour m'offrir celui que je convoitais. C'est une histoire que je raconterais à Joey, évidemment, qu'elle sache le mal que j'ai pu me donner pour son cadeau de Noël. Le stand de boissons chaudes. Il y a pas mal de personnes qui tournent autour, ce qui est plus que compréhensible étant donné la température hibernale. Moi j'attends Joey. J'attends qu'elle arrive, et que sa bouille de fille folle vienne réchauffer l'atmosphère.

Je la vois, rayonnante au milieu de la foule. Avec son sourire contagieux. Elle est belle quand elle rayonne ma Joey. Et donc, elle est tout le temps belle. Parce que je ne l'ai jamais vue avec une mauvaise mine. Même quand elle est malade, elle trouve toujours le moyen de sourire. Peut-être qu'elle sait, à quel point la vie est précieuse. Alors peut-être qu'elle se réjouit de tout, et qu'elle en profite à chaque instant. Il faut que j'apprenne de Joey. Que j'essaie de comprendre la vraie valeur de la vie. Que je recommence à sourire, à positiver. Et si je ne le fais pas pour Joey, je devrais le faire pour maman. Je devrais revivre pour elle. Et peut-être que de là-haut, ça sera comme si elle revivait à travers moi. Peut-être même que ça lui ferait plaisir, de me voir vivre, enfin. Joey s'approche de moi. Mes lèvres s'étirent. Je crois que c'est ça, un sourire. J'en fais si peu que je me demandais si ça faisait mal, de sourire. Mais non, je n'ai pas mal. Alors je souris davantage. Mon joli soleil s'approche de moi, avec un certain élan, puis me saute dessus. Et nous glissons, comme deux gosses maladroits. Je n'ai pas l'habitude d'autant de proximité. Et si Joey est maladroite, je le suis aussi, dans un sens. Et donc ma main s'approche maladroitement de son visage, pour remettre ses lunettes comme il faut. "Ça va oui, ne t'inquiète pas." Je me mets à rire. Oh oui, ça va. Je suis heureux Joey. Je suis heureux quand t'es dans les parages. Parce que tu bouleverses ma vie. Pas seulement qu'avec ta maladresse. Avec ta joie de vivre, et tes yeux qui pétillent. Ça fait longtemps que je ne me suis pas senti heureux tu sais. Et bordel, ça fait du bien. "Et toi, ça va ? Tu ne t'es pas fait mal au moins ?" Je la questionne du regard, toujours en souriant. Puis je me relève doucement, et me frotte l'arrière train. Je lui tends finalement la main, et lorsqu'elle l'attrape, je la tire vers moi pour l'aider à se relever. "C'était une magnifique entrée en scène, je te félicite." Je lui lance un petit clin d'oeil joueur, avant d'ébouriffer ses cheveux.

Je regarde les deux petits paquets que j'ai en mains. Le t-shirt et le bon d'achat. J'espère vraiment qu'ils lui feront plaisir. Qu'ils la rendront au moins un peu heureuse. Même si ce n'est rien à côté de ce qu'elle me donne elle, à chaque fois que je la vois. Toute cette joie, et cette simplicité. Je lui montre ses cadeaux en souriant. Parce que ça y'est, c'est devenu plus fort que moi de sourire. "Regarde ce que le Père Noël t'a apporté." Je vois son petit sourire, et sa petite bouille. On dirait une enfant, au matin de Noël. Elle est tellement adorable ma Joey. Heureusement qu'elle est là. "Allez, ouvre-les, je vois bien que tu en meurs d'envie. Mais il faut que tu saches que le Père Noël s'est vraiment donné du mal pour toi cette année. C'est bien parce que tu es une petite fille modèle." Alors je les lui donne. Pourvu qu'ils lui plaisent. Je veux voir ses yeux pétiller, encore et encore. Je veux voir ses lèvres s'étirer encore plus. Je veux la voir heureuse. Parce que c'est ça qui fait que j'suis heureux aussi.

Je n'ai jamais été doué pour les cadeaux, comme je n'ai jamais été doué en amitié. La démonstration de mon affection pour les autres, ce genre de choses, ça n'a jamais été mon point fort, loin de là. Enfin, avant la mort de maman, je m'en sortais plutôt bien. J'étais là pour les autres, je leur montrais qu'ils pouvaient compter sur moi. Enfin j'étais surtout présent pour Aliénor, c'est vrai. Mais maintenant, c'est différent. J'ai appris à me méfier de l'attachement. J'ai appris à vivre indépendant. À n'avoir vitalement besoin de rien ni de personne. Même si je ne peux pas nier m'être attaché. À Siam, tout d'abord. Siam et sa gueule abîmée, Siam et son coeur paumé. C'est comme si elle avait planté une ancre au creux de mon âme. Et si elle devait me laisser un jour, elle m'arracherait un morceau de moi. Et puis Joey. Joey c'est mes espoirs, mes envies d'y croire. Et si c'est elle qui me laissait, elle partirait avec la seconde partie de moi. Alors, il ne me resterait qu'un tout petit morceau d'âme. Qu'il me faudrait protéger davantage. Contre d'autres jolis visages. Contre d'autres espoirs. Mais mon plus gros espoir, actuellement, c'est de faire plaisir à ma Joey. Elle n'a pas ouvert le bon d'achat, ni même déchiré le paquet qu'il m'a fallu une éternité à concevoir. Mais il y a déjà ses yeux qui pétillent. Et puis je reconnais cette mimique qu'elle a si souvent. Celle de se mordre la lèvre quand elle est excitée, ou joyeuse. Alors je me dis que c'est plutôt bien parti. Et que je devrais lui faire des cadeaux plus souvent. Car la Joey que j'ai en face de moi est un spectacle éblouissant. Un spectacle que je voudrais voir encore et encore.

Finalement, voilà que mon beau soleil découvre le bon d'achat que je lui ai offert. Elle dépose un bisou sur ma joue, alors je me mords la lèvre. Parce que j'ai tendance à être maladroit, et que je ne sais pas trop quoi dire. Puis voilà qu'elle se met à ouvrir son second cadeau. J’ai hâte de voir ce qu’elle va en penser. Vous n’imaginez pas ma joie au moment où ce petit cri sort de sa bouche. Et ses yeux écarquillés. Alors je la serre contre moi au moment où elle me bondit dessus, puis j’attends qu’elle enfile son nouveau t-shirt. "Tu es splendide." Je ne peux m'empêcher de sourire en la voyant prendre la pose, puis je fais mine de la prendre en photo, avec un appareil fictif bien entendu. "Mademoiselle Clarke, s'il vous plait, par ici." Je laisse échapper un léger rire quand je vois qu'elle rentre dans mon jeu. Puis c'est à mon tour d'avoir les yeux qui pétillent. C'est à mon tour d'être face à la magie de Noël. "Merci ma Joey." J'attrape le paquet, et le regarde plusieurs longues secondes. Je tiens à profiter de cet instant. Ma main caresse le papier cadeau, puis en attrape un repli et commence à le déchirer. Je devine qu'il s'agit d'un livre, mais je suis bien loin de m'imaginer qu'il contient tous ces beaux souvenirs. "Un album photo. De nous." J'ai l'impression d'avoir des étoiles dans les yeux. J'ouvre l'album et regarde les premières photos. "Je me souviens de ce moment là, la bataille de nourriture." Je laisse échapper un rire nostalgique, puis je m'approche doucement de Joey et lui dépose un baiser sur la joue avant de l'enlacer à nouveau. "Je ne te remercierai jamais assez. Pour tout. L'album, et les souvenirs qu'il me reste de nous."

Elle continue de faire ses signes bizarre, elle prend une pose, puis l'autre. C'était bien le rêve de toutes les filles non ? D'être mannequin. Ah non, peut-être que c'était d'être une princesse. Et bien, avec son tee-shirt 'Charming', elle avait déjà trouvé son prince. C'était déjà ça, non ? Samson mime l'objectif et elle continue ses gestes ridicules, car disons-nous le, Joey était tout sauf gracieuse. En continuant ainsi elle arriverait bien à se tordre une cheville - en baskets oui, avec Joey tout est possible. Alors elle reprend son sérieux, autant qu'il lui était possible d'y arriver, et elle sort le paquet de son sac. Elle mordillait déjà sa lèvre inférieur alors qu'elle le tendait à Samson. Elle se posait des milliers de questions, si ça allait lui plaire, si il trouverait ça niais, alors elle serait obligée de lui rappeler qu'elle était une niaise invétérée. Et il rirait, oui sûrement. Elle voulait le faire rire, rien de plus. Elle le regard ouvrir son cadeau, elle sautille déjà sur place avant même qu'il n'est pu déchirer le papier qui l'entourait. Elle pensa à lui hurler ce que c'était, pour lui gâcher la surprise, mais elle se mordit la langue. Non, il ne fallait pas tout fiche par terre. Une surprise était une surprise, même si Joey avait tendance à révéler la chute avant même d'avoir sauter. "Un album photo. De nous." Le sourire de Joey s'élargit encore plus et elle saute encore plus haut. "Oui !" Elle a hâte qu'il l'ouvre, qu'il le feuillette, qu'il voit à quel point elle l'aimait son Samson. Il regarde les photos mais elle, elle ne fait que le regarder lui. Elle observe chacune des expressions qui traversent le visage de son ami, et, rassurée, elle baisse les yeux vers les têtes d'idiots qui se dessinent sur le papier. "Je me souviens de ce moment là, la bataille de nourriture." Elle se met à rire, un rire qui ne passe pas inaperçu, alors qu'elle se met à côté et attrape maladroitement l'album en pointant une photo du doigt. "Et là, tu venais juste d'acheter ton portable et j'ai renversé mon verre dessus. Regarde comme t'étais triste." Ses yeux s'embuent, mais ce n'était pas de la tristesse, c'était de la joie. La joie qu'elle partageait avec Samson. Il se penche pour l'embrasser sur la joue et elle le suit dans son étreinte. Elle le serre fort, aussi fort que ses petits bras le lui permettaient. "Je ne te remercierai jamais assez. Pour tout. L'album, et les souvenirs qu'il me reste de nous." Elle rit doucement alors qu'elle chasse discrètement une petite larme du coin de ses yeux. "Et moi je te remercie d'être là." Elle relâche la pression de son étreinte et réouvre l'album jusqu'à tomber sur des pages blanches. "Regarde, j'ai laissé de la place pour de nombreux autres souvenirs." Elle a le sourire d'un enfant, et elle finit par rendre son cadeau à Samson. Elle passe son bras sur le sien et l'entraine à l'écart du marché bourré de monde. L'air frais qu'ils recevaient en retour faisait le plus grand bien, et alors qu'ils marchaient dans les rues plus calmes, elle gémit avant de prendre Samson par les épaules. "Tu sais ce qui serait génial ? Viens dîner à la maison, sinon je sens que je vais avaler la boîte de somnifères de ma grand-mère d'un trait." Elle a les yeux qui pétillent Joey, toujours. Mais là, ils sont illuminés. Il hésite, elle le sait, parce qu'elle le connait. Alors elle sort sa botte secrète. Son air le plus adorable. "S'il te plait Samson." Elle joint ses deux mains pour le supplier de l'accompagner.

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