Un message dans mon casier « ce soir. 20 heures. Dîner chez moi. » Pas de signature mais je sais très bien de qui vient le message. Déjà à cause de l'écriture peu soignée et aussi parce que Seaghd pour m'inviter à manger. Bien sûr, je pourrais être invité où je veux mais Seaghd sait très bien que je ne me nourris que de plats commandés donc il a pitié. Et puis, vu comme il cuisine bien, je ne peux pas refuser. Et la soirée ne va sûrement pas rester un simple dîner connaissant notre penchant à tous les deux pour l'alcool. Alors, après mes cours, je rentre tout simplement chez moi, je me prends une petite bière pour commencer et je regarde un peu la télé avant qu'il ne soit l'heure de partir. Je referme la porte derrière moi et le bordel qu'est ma maison et je marche vers la maison de Seaghd. Je regarde par la fenêtre de la cuisine mon ami s'affairer aux fourneaux et je souris. Je me demande comment on peut autant aimer cuisiner. Ça n'a beaucoup d'intérêt de passer beaucoup de temps dans sa cuisine. Enfin, Sid est vraiment doué donc je ne vais sûrement pas me plaindre. Je frappe à la porte avant d'entrer sans son autorisation. Ça ne sert à rien qu'il vienne m'ouvrir, je connais le chemin et ça ne ferait que le déranger. Je passe la tête par la porte de la cuisine. « Hey Sedou ! » Quelle bonne odeur dans sa cuisine ! Pas comme la mienne qui sent la pizza et d'autres odeurs pas géniales. « Tu n'avais rien d'autre à faire ce soir pour faire à manger à un pauvre sans-repas comme moi ? » J'entre dans la cuisine et je regarde ce qu'il fait à manger. « Bon, je te propose pas mon aide, ça serait catastrophique. Si tu veux, je peux choisir l'alcool. » Voilà la seule chose pour laquelle je sois bon. Faire à manger, pas ok du tout. Faire les cocktails, facile.

S’il n’y avait qu’une seule et unique chose à retenir chez Seaghd, ce serait sans aucun doute son talent naturel pour préparer des bons petits plats. Au début, ce n’était vraiment pas gagné. Sa mère n’avait jamais été une très bonne cuisinière, elle avait même du mal à cuire des pâtes. A la maison, ils se nourrissaient de plats tout faits ou ne mangeaient pas ensemble. Les seules et uniques fois où il aimait ce qu’il mangeait, c’est quand il le préparait lui-même. En effet et aussi bizarre que cela puisse paraitre, à l’inverse de sa mère, il n’avait aucune difficulté à cuisiner. Cela lui paraissait totalement naturel voir même inné. Une chose qui ne l’était plus depuis quelques temps, c’était d’en faire profiter les autres. Oui Sed n’était pas vraiment d’humeur à organiser de longs repas ou encore à recevoir beaucoup de monde dans sa demeure. C’est comme si la partie la plus heureuse de sa personne s’en était allée en même temps que Luce. Il se contentait donc souvent de cuisiner pour lui-même et même parfois de se faire des plats préparés. Oui, l’envie d’apprendre était beaucoup moins présente depuis un moment et même s’il était toujours un immense cordon bleu, la passion était légèrement partie. Ce manque de bons repas n’étaient pas aux gouts de tout le monde. En effet, certains de ses vieux amis se souvenaient encore de son talent certain et pleurait même parfois pour un petit repas chez lui. Sed quant à lui, n’en avait que faire, il agissait comme il le désirait et si quelqu’un voulait venir manger chez lui, il n’avait qu’à trouver un autre restaurant. Toutefois, il y avait, dans le cœur de ce cher homme, une seule exception, un seul être capable de changer ce qu’il pensait ou sa manie de ne plus voir les autres. Cette personne n’était nulle autre que l’un de ses plus proches amis mais aussi un collègue et un compagnon de beuverie. Alors, pour lui, il se mettait aux fourneaux. Ce matin, comme bien souvent, il avait laissé dans le casier de Seth un petit mot, écrit à la va vite et pourtant des plus clairs. Il l’invitait à diner, lui offrait un repas gratuit ou plutôt le sauvait une fois de plus de plats immangeables. Tandis qu’il déposait le mot, il regardait autour de lui et vit l’une de ses collègues, une dame d’un certain âge aux croyances plus que certaines paraitre légèrement choquée. Sortant hilare de la salle de professeurs, il s’imagine sans trop de mal ce qu’elle doit bien s’imaginer. En effet, deux hommes, célibataires, se glissant souvent des mots dans leur cassier et s’invitant l’un chez l’autre, cela pourrait paraitre assez suspect. Au fond, ce n’était nullement le cas, ce qu’ils partageaient ce n’est qu’un lien d’amitié assez spécial se tournant bizarrement vers leur gout pour la boisson et l’emmerdement. Après une journée de cours assez éreintante, il s’était mis sans aucun problème devant sa cuisinière, son tablier “ c’est moi le patron”, autour de la taille, il était prêt à tout déchiré. Une bonne odeur se dégageait déjà du four tandis que son coq au vin continuait de cuire. Oui, rien que pour son grand ami, il avait choisi une recette un peu alcoolisée et qui le laisserait sur le cul. Du fin fond de sa cuisine et malgré ses bonnes oreilles, il ne l’entendit pas frapper mais cela n’eut pas vraiment d’importance. Jamais, ou presque, à part le soir, il ne fermait sa porte. Les voleurs n’auraient rien eu à lui prendre et qui plus est, il se moquait complétement de perdre tous ses biens, tout ce qu’il aimait, il le gardait enfermer dans un petit coffre et cela, personne ne saurait lui voler. Sid ne se rendit compte de la présence de son ami que lorsqu’il entendit ses pas se rapprocher de la cuisine. Faisant semblant de rien, il continua de cuire ses pommes de terres jusqu’à ce qu’il voie sa tête dépasser de la porte de la cuisine. Immédiatement, il se mit à sourire, content de la présence de son ami, le seul au courant de ce qui s’était passé durant ses quelques années, de la douleur qu’elles lui avaient apportées et de tout ce qui pouvait se passer dans sa tête depuis. Toutefois, Seth était encore loin de connaitre, tous les noirs secrets du jeune homme et c’était bien mieux ainsi. « Hey Sedou ! » Ce surnom l’avait toujours faire rire mais cela était encore plus vrai depuis ses six ans en France ou le Sedou ressemblait fortement à un C’est doux. Depuis, il ne pouvait s’empêcher de rire à l’entente de ce petit patronyme plus que charmant. « Salut, Sethi. » Oui, à cause de la longueur du prénom de son ami, les surnoms qu’il lui donnait étaient plus longs que son prénom original. « Tu n'avais rien d'autre à faire ce soir pour faire à manger à un pauvre sans-repas comme moi ? » Une fois de plus, l’envie de rire fut grande et il ne retint point un petit éclat. A vrai dire, il ne l’avait pas vraiment avoué mais avoir son ami à diner l’obligeait quelque peu à se socialiser ou du moins à cuisiner quelque chose de bon. Pour lui, même le meilleure des repas pouvait être totalement désagréable, parce qu’il était seul, parce qu’il n' y avait plus personne avec qui partager sa passion. « Que veux-tu, toutes les filles étaient prises, alors je me suis dit que te faire plaisir pourrait être une bonne chose. Qui plus est, j’ai entendu certaines étudiantes se plaindre de ton attitude désagréable, j’ai pensé qu’en te nourrissant mieux, elles te trouveraient bien plus à leur gout. » Tout cela, ce n’était que de l’humour, une façon comme une autre de s’amuser ensemble, de passer un bon moment, de vivre tout simplement. Qui plus est, connaissant son grand succès, Seaghd aimait le taquiner sur l’effet qu’il faisait à ses étudiantes. Le suivant du regard, il le vit entrer dans la cuisine et ne bougea point de son fourneau, se contentant de suivre ce qu’il faisait d’habitude. « Bon, je te propose pas mon aide, ça serait catastrophique. Si tu veux, je peux choisir l'alcool. » Une fois de plus, il lui sourit avant de se rappeler combien son ami pouvait être nul à la cuisine, jamais de sa vie, il n’avait vu une telle nullité et il n’avait jamais compris pourquoi d’ailleurs. « Je n’ai pas envie que mon coq au vin soit raté par ta faute. Je suis d’accord pour que tu nous serves quelque chose de bon à boire. Tu connais la maison, pas besoin de t’indiquer où tout ce se trouve. » Il regarda son ami s’éloigner et continua de s’appliquer aux fourneaux tout en attendant avec une certaine impatiente de pouvoir boire un petit verre. Non, il n’était pas un alcoolique, toutefois, il s’en rapprochait de plus en plus et rien ne pourrait changer cela.