Une soirée tout ce qu'il y avait de plus banal. Une simple soirée. Une simple fin d'année avec Noël qui approchait. Il n'y avait rien d'extraordinaire en cela, vraiment rien. L'année écoulée allait bientôt se terminer, et une page risquerait de se tourner. Personne ne se doutait de la page qui pouvait se tourner pour Colleen, mais pas que pour elle. En effet, ce soir-là, elle devait voir Chuck. Depuis qu'il l'avait sauvé du serpent qui s'était trouvé sur son chemin dans le parc, ils s'étaient régulièrement vus, ou plutôt découverts dans la chaleur d'une passion naissante. Ils ne s'étaient revus que dans ce cadre-là, sauf ce soir. Pour la première fois, ils n'allaient pas juste découvrir le corps l'un de l'autre, ou du moins pas tout de suite, mais plutôt passer une soirée en se découvrant réellement, apprenant qui est réellement l'autre, son caractère, ses loisirs, sa vie. Elle s'était donc préparée, avec soin, pour ce qui semblait être un rencart, car, oui, il fallait l'avouer, à force de se voir régulièrement, elle n'avait même pas eu le temps de voir quiconque d'autres, et n'en avait pas ressenti l'envie. Elle se sentait étonnamment bien avec cet homme, qui avait été le seul et l'unique à avoir accroché son cœur et l'avoir conservé. Elle n'aimait pas l'admettre, mais il avait réussi à raviver ses sentiments. Alors, elle était venue avec uniquement deux minutes de retard, montrant ainsi qu'elle avait envie d'être présente, puisque d'habitude il s'agissait plutôt d'une heure environ. Un pantalon noir assez moulant s'assortissait d'un t-shirt à manches longues de couleur grise. Ses talons hauts marquèrent sa démarche tout aussi assurée que d'habitude. Elle regarda alors autour d'elle pour le voir, mais ne le trouva pas immédiatement.

Un petit vent soufflait sur le marché de Noël, caressant les cheveux de la jolie blonde qui attendait avec une patience... non en fait, sans aucune patience... de retrouver l'objet de ses désirs qui ne devrait pas tarder à arriver. En effet, alors que cela faisait à peine une ou deux minutes qu'elle était arrivée, elle sentit cette présence juste derrière elle. Elle ne douta pas un seul instant de qui cela pouvait être, pas une seule seconde. La phrase qu'il prononça creusa son visage d'un petit sourire, alors qu'elle le laissa passer son bras autour d'elle. Une plaisanterie se hissa alors hors de ses lèvres. "- Oui, un homme charmant doit me rejoindre, vous le connaissez peut-être ?" En un geste rapide et d'une agilité aisée, elle se retourna, se retrouvant face à lui, à quelques centimètres de son visage avant de déposer ses lèvres sur sa joue et d'ajouter "- ah mais en fait, vous êtes tout aussi charmant que lui, on devrait peut-être faire connaissance." Il s'agissait d'une petite taquinerie, comme elle en avait l'habitude, d'un petit jeu qu'elle se plaisait à jouer pour ne pas tomber dans un banal bonjour, continuant sur cette même lancée qu'il avait entamé.

Cette faible distance semble caractériser parfaitement leur relation. Ils sont proches, très proches, ils n'hésitent pas à briser cette barrière, et pourtant, ils ne le font pas complètement. Ils jouent à être en couple, mais le sont-ils ? Elle s'était posée la question une fois, un soir, un des rares où ils ne s'étaient pas retrouvés dans la chaleur de leur relation naissante. Pourtant, à cet instant précis, elle n'y pensait aucunement. Elle se laissait entraîner dans ce petit jeu qu'elle se plaisait à alimenter. Il continua sur la lancée, répondant qu'il ne connaissait pas cet homme dont elle venait de lui parler. Il la fait craquer, c'est indéniable. Ce petit sourire pervers a le don de la faire bloquer. Elle se fixa sur ses lèvres avant de déplacer les siennes jusqu'à sa joue qu'elle embrassa délicatement. Son regard se voulait plein de malice, mais aussi de cette sensation de bien-être qu'il lui permettait de ressentir avec un peu trop de facilité. Il faisait d'elle sa marionnette, même si elle tentait de se débattre à l'aide de ces jeux qui la rendaient un peu plus coriace et insaisissable. Elle ne le laisserait pas l'avoir si facilement, et pourtant, peu à peu, il avait accès à des parties d'elle qu'aucun homme couchant avec elle n'avait eu le droit de ne serait-ce qu'effleurer. Il avait connu ses bras lors d'une soirée un peu arrosée, rien d'étonnant, mais depuis, il détenait son prénom, et peu à peu son quotidien. Il la découvrait parfois en train de rire, en train d'être sérieuse, mais pas seulement comme un corps nu qu'on se plaît à dévorer par une passion brûlante. Notamment à ce moment précis où ils tentaient de trouver ce fameux homme qu'elle avait qualifié de charmant, ils partageaient quelques plaisanteries, il riait d'ailleurs, avant de continuer sur le sujet en parlant de leur nécessité de partir pour fuir la jalousie. Elle leva les yeux au ciel, riant à son tour un peu "- Je ne sais pas trop s'il est jaloux... au pire, tant pis, il ne pourra jamais totalement me posséder j'imagine... et puis quand on trouve mieux, autant en profiter non ? Mais fuyons quand même, au cas où." Leur proximité de plus en plus importante rendait son regard plus intense. Chaque geste qu'il faisait lui indiquait qu'elle n'était pas totalement stupide à le vouloir autant. C'était Chuck et Colleen, et ça semblait tellement évident à cet instant-là, même si cela semblait tout autant étonnant. Étonnant et détonnant. Elle le laissa l'embrasser, étonnée de ce geste alors qu'ils étaient en public. Ce n'était donc probablement vraiment pas qu'une histoire de cul... si ? Ils commencèrent alors à s'avancer, côte à côte un instant avant qu'il ne ralentisse leur marche pour lui livrer un geste d'affection. Elle posa à nouveau ses yeux sur lui, plus apte à le taquiner que jamais. "- Peut-être est-ce plutôt vous qui ne mesurez pas votre malchance, qui sait... Mais je vous laisse le soin de vérifier combien de temps vous pouvez me supporter."

Chaque histoire a son unicité, ce petit détail qui fait qu'elle ne ressemble à aucune autre, ce même détail qui fait que chacune doit être vécue au maximum. Leurs caractères loin du romantisme et de tout ce qui s'apparentait à l'eau de rose faisaient probablement d'eux un couple spécial, si tant est qu'ils soient un couple. Au fur et à mesure de leurs blagues, ils se mirent à aborder le sujet de la jalousie. Elle n'avait aucunement cherché à le tester sur le sujet pour deviner s'il était possessif et jaloux ou aucunement, elle se fichait éperdument de ce genre de sujet et avait donc juste profiter de la vague pour surfer avec humour et dédain comme depuis le départ. Elle ne réfléchissait pas à leur relation, que ce soit libre ou couple ou quoi que ce soit, elle n'aimait pas se classer dans une catégorie toute faite de toute manière, alors elle se plaisait à s'amuser avec lui... juste avec lui. Sa présence près d'elle alors qu'ils marchaient lui procura une aise qui se laissa entrevoir par son sourire sur son visage. Au bout d'un moment, elle posa sa main sur celle qu'il avait mis autour de ses épaules, comme pour lui avouer qu'elle voulait qu'il reste là. C'était déjà un geste plein de signification pour cette jeune femme qui se proclamait indépendante et sans nécessité d'un homme. Elle le voulait avec elle, c'était indéniable, et elle se détestait de retomber dans ses filets, même si la situation était cette fois différente. Pourtant, Eliott était toujours là, mais elle ne réussissait pas à se défaire de ses sentiments, de son attirance pour Chuck. Leurs rires se mélangèrent ensuite, dans une valse douce qui rythma leur marche quelques secondes. Le calme revint ensuite au bout d'un court instant, et elle vit le même homme qu'il sembla voir et qui l'observait tandis qu'il marchait avec sa femme et son enfant. Elle ressentit alors quelque chose qu'elle n'avait jamais ressenti auparavant. La jalousie. Un petit pincement qui venait secouer son estomac. Ce n'était qu'une faible secousse, certes, mais elle ne supporta pas l'idée de ressentir ça. Elle lâcha la main de Chuck mais se mit cependant à retrouver une partie de son air taquin à sa réponse. "- Si vous voulez savoir, le record est d'une ou deux nuits, mais vous pouvez peut-être faire plus..." Elle disait vrai, elle n'avait jamais été réellement en couple et Chuck était déjà largement détenteur du record de longévité à ses côtés. Elle finit par rajouter seulement à moitié seulement pour le taquiner, même si cela pouvait sembler l'être complètement. "- … quoi que l'homme là-bas semble vouloir vous emprunter un moment à ma compagnie je crois." Elle ne le regardait pas quand elle disait ça, mais préférait regarder cet homme qui semblait être seulement à moitié accaparé par sa famille.

Parfois, vous évoluez et vous n'aimeriez pas le faire. Vous vous sentez plus vivants, vous vous sentez grandir, mais vous n'aimeriez jamais le faire. Colleen devenait amoureuse, et elle détestait ce changement, elle se détestait de devenir jalouse, même si elle se sentait bien avec l'homme qui était à ce moment-là contre elle. Ce pincement ne voulait pas partir, il restait présent même après qu'elle ait prononcé sa première phrase, il s'accentua même alors que Chuck ne lui accordait aucune attention. Elle lui avait cependant fait remarquer lors de ce même phrase qu'il était probablement différent de tous les autres hommes qu'elle avait connus puisqu'il avait le droit à plusieurs nuits et même autres que des nuits avec elle. Il avait un privilège, si tant est que cela en soit un, de pouvoir se l'approprier, de ne pas être qu'un passe-temps éphémère. Le regard qu'il utilisa en première réponse la rassura en un sens. Elle sourit, même si le cœur n'y était pas forcément totalement. Il se mit alors à parler et la fit sourire encore un peu davantage. "- Vous aimez donc les défis... hmm... faites attention, celui de durer à mes côtés est très difficile..." Elle lui fit un petit clin d’œil, puisque de toute façon, difficile ou non, il avait déjà passé l'épreuve avec brio, elle ne savait même pas comment. Elle avait néanmoins laissé sa jalousie reprendre en partie le contrôle, parlant de l'homme qui observait son compagnon de marche. L'attitude de Chuck montre qu'il s'en fiche, et cela va complètement à la blonde qui se rassure au même moment. Sa réponse fut encore meilleure, tandis qu'elle répondit, jouant complètement. "- Tu crois ? Il a pourtant l'air pas mal du tout..." Elle reprenait le jeu avec un entrain toujours aussi présent, tandis qu'elle reposa doucement sa main sur celle du jeune homme. Elle se sentait stupide au fond d'avoir été jalouse de cet homme alors que c'était autour d'elle que son bras était présent.

Tout était spécial entre eux. Tout. Ils n'avaient rien d'un couple romantique tout banal, où l'amour déborde de tous les côtés. Ils n'avaient peut-être même rien d'un couple si ça se trouve, n'étant lié à l'amour que par les sentiments qu'éprouvait Colleen. Peut-être n'étaient-ils en réalité que des sex friends ou "friends with benefits" comme on dit. Elle luttait pour rester elle-même, mais elle avait du mal. Une fois sa jalousie envolée, elle réussit cependant à reprendre son rôle habituel, celui de la femme insaisissable, dont le caractère explosif la rendait surprenante. Il l'avait pourtant attrapé au vol, l'ayant fait redescendre sur terre, deux fois. La première descente l'avait mené à une chute assez violente, qui l'avait traîné hors de Montsimpa. Elle était cependant devenue et avait connu une nouvelle descente, bien plus douce. Son sourire toujours autant présent montrait qu'elle était à l'aise avec le brun, notamment lorsqu'ils se défiaient et s'amusaient, ce qui semblait l'amuser tout autant lui aussi, vu la réponse qu'il prononça sur ce sujet. Elle le vit ensuite se mordre les lèvres, elle adorait quand il faisait cela. Elle le regarda alors avec intensité, comme pour répondre à sa provocation, déposant avec sensualité ses lèvres sur sa joue. Puis, leur attention commune se reporta sur l'homme plus loin, feignant de profiter de sa petite famille alors qu'il lorgnait sur Chuck sans être réellement discret. La jalousie qui avait pu apparaître avait disparu et elle rigolait désormais en disant qu'il était pas mal. En réalité, ce n'était pas spécialement son genre, et puis elle avait Chuck près d'elle, et elle ne doutait pas que ce serait le cas également ce soir-là, l'assurant une compagnie fort agréable. Qu'allait-il répondre à son appréciation de l'autre homme ? Elle écouta sa réponse et le regarda pour voir s'il était sérieux ou non, car elle ne l'avait pas été un seul instant. "- Non, il ne vaut mieux pas, j'aurais peur de te voler la vedette assez rapidement..." Elle lui lança un clin d’œil taquin, sachant pertinemment qu'il pouvait être vexé par cette phrase, alors qu'au fond, elle ne pouvait nier qu'il était un sacré bon coup. Elle n'avait même pas fait attention à l'absence du vouvoiement et préféra jouer sans celui-ci, ne perdant pas l'amusement pour autant.

Il y avait du monde. Les gens allaient et venaient dans tous les sens. Certains étaient seuls, d'autres se promenaient en famille. Mais il y avait aussi ceux qui se pavanaient, fièrement, montrant au monde que la solitude n'était plus leur créneau. Ils étaient souvent de ceux à ne plus voir les autres. Colleen leur riait souvent au nez, se moquant d'eux à l'idée qu'ils veuillent par eux-mêmes s'emprisonner dans ce piège de sentiments. Mais pas ce jour-là. Tout était différent. Probablement l'était-elle elle-même. Elle qui voyait la vie comme une partie de cartes où il suffisait souvent de bluffer, de ne pas montrer ses sentiments, de ne même pas ressentir pour rafler la mise se retrouvait désormais à ne pas suivre le jeu, préférant s'arrêter. Elle ne faisait plus attention aux autres joueurs désormais. Elle était out. Au moins le temps de cette donne. Complètement out. Pourtant, elle avait remarqué ce joueur qui malgré tout voulait regarder son jeu, regarder ses cartes retournées. Chuck. Celui qu'elle ne voulait pas prendre le risque de perdre. Jalousie, possessivité ? C'était assez certain, mais surtout nouveau. Cet autre joueur voulait tricher. Abandonner son propre jeu, cette suite où la dame suivait sans sourciller son roi. Colleen ne dévoilerait pas son jeu. Malgré ce qu'elle disait à Chuck lui-même. Elle en plaisantait, mais elle ne voulait pour autant aucun lien avec cet homme. Emportée dans le jeu qu'elle avait démarré, elle écouta les mots de Chuck et se tourna vers lui, voulant savoir s'il était sérieux. Apparemment, il l'était. Elle ne sut pas tout de suite comment accueillir cette idée. Un peu de malice parvint dans ses yeux, changeant complètement sa manière d'être qui devint un brin plus féline. Cependant, le jeu ne serait pas si facile que cela, s'approchant de son oreille pour lui murmurer "- Et on fait quoi de sa femme et son môme ?" sur un air taquin. Le connaissant, il allait dépasser cet obstacle, mais elle voulait savoir jusqu'où il était capable d'aller. Probablement voulait-elle savoir ce qu'ils étaient réellement tous les deux, le défiant sans qu'il ne le sache...

Il était donc sérieux, des plus sérieux. Colleen ne le voyait pas ainsi. Ainsi donc, ils n'étaient pas ce qu'on pouvait appeler un couple. Certes, ce terme n'apportait rien aux yeux de Colleen, mais tout de même. Il n'y avait donc aucunement exclusivité, ils étaient donc tous deux libres de leurs actions ? Elle ne l'avait pas vu de cette manière-là, ou du moins, n'avait pas songé qu'il pourrait voir ailleurs... surtout qu'ils se voyaient assez régulièrement pour ne plus avoir envie de voir d'autres gens. Elle se mit à fuir son regard, craignant qu'il n'y décèle son embarras. Son sourire se faisait plus faux soudain, tandis qu'il lui faisait comprendre qu'il l'avait déjà rencontré auparavant, qu'il avait déjà couché avec, et qu'avec lui aussi, ça ne le dérangeait pas de remettre le couvert. Elle n'avait donc rien de plus que d'autres, même si elle se promenait à son bras. Il la laissait donc décider. La réponse était claire dans sa tête, mais elle ne voulait pas l'avouer. Elle cherchait ses mots ou ne serait-ce qu'un moyen de se dérober de ce plan à trois dans lequel elle semblait se fourrer, si je puis me permettre l'expression. "- Je... Non, c'est bon." Elle ne jouait plus, plus du tout. Elle se retint de soupirer, ne voulant pas montrer son mal aise et continua plutôt "- M'enfin, s'tu veux y aller, vas-y, je te retiens pas, j'voudrais pas te faire louper un bon moment..." Sa voix se voulait pleine de tempérament, pleine de sa fougue et de son envie de jouer habituelle, mais elle lâchait prise, elle abandonnait l'idée de ne l'avoir que pour elle. S'il partait, c'était clair, elle tenterait de l'esquiver probablement à jamais. Elle tenterait de ne jamais se rappeler qu'il lui avait fait perdre toute sa fierté et toute sa dignité. Elle se sentait trahie par le sérieux dont il faisait ainsi tant preuve. Dans sa poche, main sur son téléphone, elle se retenait d'appuyer sur le bouton magique qui simulerait un appel et lui donnerait l'opportunité de partir. Elle se tourna à nouveau vers lui, le regard plein d'une obscurité assez rare, elle le fixa. Non, elle ne pouvait pas le laisser aller vers lui, sa fierté prendrait trop cher à cette idée-là. Alors, elle plaça sa main derrière la nuque de celui qui la mettait dans tous ses états et l'embrassa à pleine bouche, comme pour dire à celui qui les regardait que c'était chasse gardée.

L'essence même d'une relation venait de sa force à embraser l'âme. Il faisait d'elle quelqu'un de différent... quelqu'un d'amoureux même. Elle aimerait le nier, elle aimerait presque retourner à sa vie d'avant, quand elle ne se posait aucune autre question que "qui va finir dans mon pieu ce soir ?". Elle jouait à la femme détachée, elle jouait la dragueuse qui restait comme elle avait toujours été naturellement, mais elle ne l'était plus. Plus totalement du moins. Elle le voulait lui, juste lui. Il ne s'agissait plus uniquement de coucher avec quelqu'un le soir, il s'agissait de l'avoir lui, de laisser les draps les serrer l'un contre l'autre. C'est pour cela qu'elle avait fini par craquer en le voyant devenir trop sérieux à son goût pour ce plan à trois qu'elle n'avait proposé que par humour. Elle avait été prise au piège par les filets de son propre jeu, finissant par ne voir plus que l'abandon comme solution. Après lui avoir fait part de son peu d'entrain à aller vers cet homme, elle sentit qu'il la regardait pour comprendre son comportement. Elle ne voulait pas s'expliquer davantage, restant silencieuse, tentant de ne pas péter un plomb. La réaction qu'elle finit par avoir pourrait se résumer au mélange qu'elle est : enfant en un sens, mais femme fatale surtout. Son côté joueur et capricieux s'était mêlé à son désir d'attirer, son envie d'être aimée. Il n'y dit pas non, il en redemandait presque le saligot, et son énervement, sa jalousie semblaient presque s'effacer doucement. Mais voilà, elle se tourna, reprenant le sens de la marche, et l'homme était toujours là. Elle ne réussissait pas à se détacher de cette possibilité qu'ils remettent le couvert ensemble. Cette image la mettait toujours hors d'elle, même si le baiser lui avait permis de relâcher un peu de cette pression. Il se mit à lui parler, lui expliquant qu'il ne pourrait plus aller facilement vers cet homme. Cette phrase la rassura un peu, mais pas assez, à son plus grand déplaisir. Elle finit par lui lâcher, serrant un peu les dents "- L'avantage c'est qu'il s'en fout de ce que tu fais avec ta petite-amie, vu ce qu'il fait de la sienne et de son môme..." Elle soupira, ne réussissant même pas à complètement s'énerver, même si à l'intérieur elle bouillonnait. Il la fixa alors, et lui posa cette question qui la laissa perplexe. Devait-elle lui dire que la jalousie la transperçait ? Non, il ne ferait que se foutre d'elle, lui dire qu'elle avait été bête de penser qu'ils étaient plus qu'un plan cul qui avait été régulier mais finirait vite par ne plus être, surtout si elle se comportait comme ça. Elle soupira une nouvelle fois, levant les yeux au ciel, et finit par dire "- Non rien, laisse tomber..." Pour autant, elle ne voulait pas en rester là, elle avait besoin de comprendre. Elle se mit face à lui, le regardant très sérieusement, et posa la bombe direct "- J'ai besoin de savoir... j'ai quelle place actuellement dans ta vie ?" Pauvre Chuck... Il était dans de beaux draps là...

L'humour parsemait l'humeur nauséabonde qui s'emparait de la jeune blonde. Elle se détendait en partie à chaque petite phrase de Chuck, mais ce n'était tout de même pas si simple. Bien que ce genre de situations était assez rare, il fallait l'avouer, la jeune femme se retrouvait pleine de doutes et de questions, elle qui ne s'en laissait pourtant jamais le temps habituellement, préférant l'impulsion. C'était différent. La situation entière était différente. Il était différent. Tout la rendait différente, même si elle n'aimait pas cette idée. Cela ne l'empêcha pas de montrer une forme de méchanceté à propos de cet homme en parlant du manque de respect qu'il avait envers sa famille, mais la réponse de Chuck avait su calmer le jeu. "- Pauvre homme... Il n'a pas le choix, je le reconnais." rétorqua-t-elle en souriant un peu, montrant l'ironie de sa phrase. Elle avait finalement lâché l'affaire en lâchant cette petite phrase, mais ce ne fut que de courte durée puisque la bombe fut ensuite larguée. Il semble surpris, ne pas savoir quoi répondre et elle-même ne sait plus quoi ajouter. Il finit par répondre, elle s'attendit alors au pire. En réalité, ce n'était pas vraiment une réponse, alors elle finit par lever les yeux au ciel et se permit une petite pique humoristique comme elle en avait le secret "- Non, genre le pape et moi... je ne te l'ai pas dit mais je le vois régulièrement lui aussi..." Aucun rire ne s'échappa pour autant d'entre ses lèvres. La réponse qu'il fit juste après ne réussit pas à la dérider. À l'inverse, elle ne sut que comprendre par ses dires. Essaye-t-il de lui dire qu'elle n'était qu'un passe-temps ? Qu'il ne voulait pas la froisser mais qu'elle n'était rien pour lui. Son soupir indiqua qu'il n'avait pas aimé la question. Tant mieux, elle n'avait pas aimé la réponse. Ils étaient donc quittes ? Non. Pas pour Colleen. Elle secoua la tête et essaya de recentrer ses pensées, tandis qu'il lui demandait si elle voulait lui parler d'un truc. "- Je sais pas. Je sais plus. J'essaye de comprendre ce qu'on est l'un pour l'autre, mais ça m'prend la tête..." Elle avait choisi d'être honnête mais elle savait qu'il ne s'agissait là probablement pas de la bonne solution. Ils s'entendaient bien au lit, mais de là à bien s'entendre sur ce qu'ils signifiaient l'un pour l'autre...

Elle n'était pas à l'aise, elle ne l'était plus. C'était étrange cette atmosphère... ses sentiments, n'en parlons même pas. Elle faisait bonne figure mais ce n'était pas si facile, il fallait l'avouer. Le sarcasme s'invitait dans leur échange, nuancé d'un peu d'humour et de complicité. Malgré son caractère très moqueur, très fort, elle découvrait une nouvelle facette de sa personnalité, la jalousie. Sa méchanceté n'en ressortait que davantage, et ils s'en amusaient, ou plutôt il s'en amusait. La discussion avait pourtant fini par se détourner, laissant les pensées de Colleen se mettre en place à voix haute. Ils n'étaient pas juste un plan cul. Ce n'était pas possible. Ils ne se baladeraient probablement pas ainsi sinon. Pour autant, ils n'étaient pas un couple, aucun des deux n'avait ce mot dans leur vocabulaire. Alors qu'étaient-ils ? À force de se battre à forger sa propre identité, Colleen avait peur de cette notion de partage que nécessitait un couple, cette notion de se perdre pour l'autre. Ce n'est pas ce dont elle rêve, elle s'en fout du grand amour, de la relation idyllique de deux personnes qui s'aiment. Elle en rit même de les voir si naïfs, de les voir si moelleux, capables de devenir de vrais guimauves pour mieux se coller l'un à l'autre. Son indépendance était trop importante, et les gars qu'elle ne voyait qu'un soir lui semblaient d'habitude bien mieux que les rencontres ordinaires de deux personnes qui finissent par ne plus rien pouvoir découvrir de l'autre. La découverte d'un corps, laisser opérer une osmose nouvelle, laisser le feu vous brûler la peau le temps d'une nuit, se perdre dans un tourbillon de sensations épanouissantes et chercher ensuite mieux ou pareil chez l'homme suivant. Ne pas s'habituer, jamais, mais se laisser émerveiller par chaque seconde de plaisir charnel. Son point de vue autrefois si clair sur la question devenait trouble. Sa plus grande faiblesse fut même de l'avouer. Pas de demis-mots, elle avait été parfaitement honnête, et elle sentait qu'il n'aimait en l'occurrence pas trop ça. "- Ça veut dire quoi être cool ? Se voir régulièrement, baiser ensemble ou avec d'autres mais faire des promenades comme n'importe quel couple ? Se voir tellement qu'on a à peine le temps de voir d'autres personnes mais se déclarer comme simple plan cul ?... Avoir envie d'égorger ce type au fond de moi ?" BOUM, la bombe était en train d'exploser et elle ne savait pas quel finirait par être le résultat de cette conversation. Ou peut-être boum, son cœur était en train d'exploser car les sentiments qu'elle avait ressentis des mois en arrière étaient toujours là. S'il fuyait ou lui faisait comprendre que plan cul était vraiment la définition maximum de leur relation, elle tournerait la page, finalement, et ne se retournerait pas vers ce moment d'égarement qui commençait à trop durer pour elle. Elle cessa finalement de le fixer, fuyant désormais son regard et la gêne qui en émanait.

Cela semblait inconcevable. Tout ça. À commencer par eux. Par leur première nuit ensemble. Les sentiments qu'elle avait contracté, elle, l'insensible par excellence. Ce meilleur ami présent. Puis cette nouvelle nuit. Puis les autres qui ont suivi. L'apogée semblait être cette balade qui ressemblait quand même beaucoup à celles de deux amoureux. Ce n'était pas eux. Ce n'était pas elle, ça ne l'avait jamais été. Pourtant, c'est ce dont elle avait envie. Toutes ces idées ne lui prendraient pas autant la tête autrement. Elle était perdue, ensevelie par ces questions, car il faut dire qu'elle n'avait pas forcément l'habitude de beaucoup réfléchir. C'est pas le fait qu'elle soit blonde, hein, arrêtez-vous de suite, mais juste qu'elle était l'impulsivité même. Agir, ne pas réfléchir, ne pas ressentir. Le flot de l'éphémère était le bateau sur lequel elle avait embarqué à la croisée des chemins de sa vie. Elle perdait ses nerfs, en même temps que toute sa raison et elle déballait son sac. Elle savait qu'elle allait par ce moyen le perdre lui aussi, mais elle préférait prendre le risque, elle n'avait jamais su faire semblant, enfin sauf pour piéger les gens et leur faire des sales coups, évidemment. Elle n'avait même pas évoqué ses sentiments, ils n'étaient pas assez sûrs pour qu'elle le fasse, elle s'était donc contentée d'avouer sa jalousie. Elle ne savait même plus quoi dire. Elle avait beau avoir l'habitude de se mettre à nu physiquement, c'était autre chose de le faire moralement. Elle se tut donc, et évita son regard. Rapidement cependant, elle sentit qu'il la fixait et finit par le regarder à nouveau. Elle voulait jauger, essayer de deviner ce qu'il allait dire pour éviter les phrases inutiles. Il était à nouveau gêné, ça ne sent pas bon, pas du tout même. Elle n'avait plus d'instincts, plus de réflexion, plus rien. Elle n'était plus rien à cet instant-là, si ce n'était dépendante de sa réponse, de ce qu'il pensait de la situation. Quelle idée répugnante ! Puis les mots se mirent à arriver. Elle fut étonnée de sa réponse alors elle se laissa quelques secondes pour être sûre d'avoir tout compris. Il pensait donc lui aussi qu'ils étaient plus qu'un plan cul. C'était déjà un bon point. Elle était plus qu'un plan cul pour lui. "- Faudrait peut-être qu'on essaye de le trouver dans les librairies alors ce manuel, car je sais pas non plus... je crois juste savoir qu'après plan cul, il ne reste pas beaucoup de catégories, si ce n'est qu'une, et c'est en couple..." Être en couple, cela semblait hallucinant, impossible, inconcevable. Mais c'était pourtant bien parti pour devenir réel.

Il y a des moments-clés dans une vie. Le jour où tout bascule. Celui où une brèche se crée et où tout le monde sait qu'il n'y a que deux possibilités : on s'en sort, ou on s'enfonce indéfiniment dans une réalité misérable. Pour être honnête, être en couple avait toujours été la réalité misérable pour Colleen. Cette notion d'engagement n'avait aucun sens pour elle, aucune logique. Mais sa jalousie n'avait aucun sens non plus. Leur relation grandissante encore moins. Ce n'était pas purement que du sexe entre eux, ils ne seraient pas là si ce n'était que ça. Ils le savaient autant l'un que l'autre qu'ils n'étaient pas qu'un plan cul, même Chuck l'avait reconnu... et ce n'était pas rien ! Mais se dire en couple était autre chose. Il y avait cette notion d'engagement qui s'y immisçait, cette fidélité, cette jalousie, et tous ces sentiments se mélangeaient pour former un quotidien différent. Différent du passé, et différent de tout ce qu'elle avait pu souhaiter et rêver jusque là. Elle cherchait à comprendre, toujours davantage. Ça ne menait à rien. Et vu la tête de Chuck, sa réflexion devait l'emmener encore moins loin. Il était un peu le Colleen au masculin de ce côté là en même temps, et Colleen + Masculinité mène forcément à une incapacité totale à s'engager. Mais elle ne parlait pas de mariage pour autant. Juste d'une sorte d'exclusivité. Pouvait-il l'accepter ? Se contenter seulement d'une femme quand il avait pris l'habitude d'avoir plusieurs hommes pour lui ? Elle en doutait profondément et n'attachait que très peu d'espoir à cette possibilité. Il se mit à parler, hésitant. Avait-il peur de réduire son cœur en miettes ? Cela serait bête, il est déjà dur de s'assurer du fait qu'elle en ait un, alors dans le pire des cas, il devait avoir la taille d'une miette justement... Les mots s'assemblèrent dans sa tête tandis qu'il les prononçait. Elle n'en croyait pas ses oreilles. "- Je... merci, je sais très bien les efforts que ça te coûte de dire ça..." Elle s'approcha doucement de lui et déposa un baiser au coin de ses lèvres, pour le remercier réellement, avant de le regarder dans les yeux, un peu soulagée de la tournure des choses.