Son poing s'enfonce avec rage dans le mur tandis qu'elle sursaute non sans un sanglot, de peur ou de surprise, sa tête à quelques centimètres à peine de l'énorme cavité qu'il a laissé.  Autour d'eux, les débris d'un amour brisé. Quelques bris de verre, de porcelaine, une chaise renversée, un cadre tombé. Et tous les deux, essoufflés par la colère. Il oublie pourquoi ils se battent sans arrêt. Ils oublient et ils s'oublient, se perdent dans cette relation qui les tue à petit feu. La raison de cette dispute lui paraît déjà si futile. Il a du mal à se souvenir de la façon dont elle a commencé. Comme toutes les autres, il suppose. D'un rien, d'un tout. Ou de n'importe quoi. En tête, le souvenir amer de leur enfance. Celui de la petite fille malicieuse et du garçon joyeux, que rien ne pouvait arrêter. Innocents. Et maintenant, la vie qui leur revient en pleine gueule. Fini l'innocence. Il se demande comment ils ont pu en arriver là et enrage d'autant plus. C'est elle. Elle et ses baisers brûlants, elle et son sourire qui lui fait croire au paradis. Elle qui le pousse à bout, elle qui le transforme en ce monstre cruel. C'est elle, qui le rend fou. Fou, de désir, d'amour, de rage. Il l'aime, c'est certain. D'un amour ardent, puissant, charnel. Si fort qu'il la déteste aussi. Est-ce que c'est possible ? Il ignore ce qui les attend.  Combien de temps encore comme ça, avant que l'un deux ne se perde en route ? Son front glisse contre le sien, fatigués, immobiles. Plus de jugement, plus de pardon. Pas question de fuir maintenant. « Embrasse-moi. » Pour la première fois depuis ces quelques minutes où ils sont contre ce mur de plâtre, il ose poser un regard sur elle. Sa voix de velours qui l'incite une nouvelle fois au pêché. Son amour, sa déesse, sa muse. Son tout. L'embrasser, ce n'est ni une requête, ni une demande. Un ordre, plutôt. Cette chose qu'ils ont déjà fait des milliards de fois lui paraît soudain vide de sens. Enfin il retrouve celle qu'il a toujours connu. « Non. » Bien sûr, il en meurt d'envie. Mais pas ce soir. Pas ici, pas comme ça. Il est catégorique, qu'il en soit ainsi. Alors c'est elle qui force à nouveau le destin pour lui voler un baiser fougueux. Tout se mélange. Amour et haine, amour et peine. Même ses lèvres ont un goût de trahison. Il leur manque quelque chose, à l'évidence. Le dernier élément pour l'équation parfaite. Il semble si loin, inatteignable. Alors dans l'espoir de jours heureux, ils se contentent de ces batailles incessantes, de cette chose qui les unit, plus par force que par réelle envie, de cette attraction surhumaine, électrique et obsessive qui les mènent indéniablement à leur perte. Non, il ne sait vraiment plus. La seule chose qui lui reste à l'esprit, c'est qu'un peu plus tard, il ira la retrouver dans le lit qu'ils partagent et tout sera oublié. Ils oublieront tout, encore un peu, un peu plus fort. Jusqu'à la prochaine fois.