c’est venu le temps de faire les courses, il est là, le jour où j’ouvre les placards et le frigo et où je ne trouve rien de plus qu’une demi-tomate et un pot de mayonnaise qui ne pète plus que de l’air. ouais, j’suis là, j’suis là avec ma bagnole sur le parking du supermarché, à râler de devoir aller acheter à manger. c’est que, j’me laisserais bien mourir de faim moi, à ne me commander que des pâtes chinoises dans des boîtes en carton, mais lui, lui j’peux pas le laisser comme ça. faut que j’entretienne son corps quand même, j’vais pas le laisser s’empâter. quoi que, quand j’y pense, ça serait éventuellement une solution. avec une brioche, au moins, il n’irait plus dans les draps de qui que ce soit d’autre que moi. qui sait, peut-être la solution à tous mes problèmes se trouve alors devant mes yeux. devant moi, dans ce rayons qui se trouve face à moi alors que je franchis les portes automatiques du supermarché, qui s’illumine sous mes yeux comme envoyé de dieu. le messie, mon miracle. le rayon des friandises. l’allée des chocolats et autres saloperies du genre. le paradis des kilos en trop. allez mon petit djali, t’es prêt à grossir ? le chariot se remplit bien vite de toutes sortes de choses dont nous n’avons même pas besoin, et je sens que le budget nourriture va bien vite être explosé. c’est un mal pour un bien, après tout. et moïse se dresse face à moi, magnifique, rayonnant et surtout, seul. seul, le seul, le dernier. l’ultime. le parfait. le dernier kinder bueno. je lance ma main comme désespérément et une autre, plus fine, féminine, s’heurte à la mienne, sans doute dans le même but que moi, alors que j’attrape, triomphant, la terre promise entre mes doigts. fragile, mon précieux. je baisse les yeux à la blondeur des blés et décèle une lueur de déception dans son regard.
- fallait être plus rapide, chaton.
ça n’est qu’une question d’entraînement, tout ça. faire les courses plus régulièrement, avoir l’œil et une vitesse et une certaine souplesse dans ses mouvements. comme un guépard à l’affût de la gazelle qu’est la sucrerie sainte, face aux rivaux. cette rivale-là qui n’a rien pour faire peur, mais qui va finir par me faire craquer si elle continue de me regarder comme ça.
- si t’as assez de culot et de cran pour me convaincre de changer d’avis, c’est à toi.
allez, je t’en prie, épate-moi. sors les crocs un peu, toi qui n’a pas l’air d’en avoir l’habitude.