Bistrot Le petit Corse - 00h03

C’était une de ces journées où la chaleur est tellement intense qu’elle vous assomme littéralement. Sunset Valley semblait tourner au ralenti. En classe, les enfants ne parvenaient pas à se concentrer tandis qu’au travail, les adultes n’avançaient pas beaucoup.

Inutile de dire que le programme chargé d’Ellen s’était rapidement transformé en lézardage à la piscine municipale. Toutefois, le cœur n’y était pas vraiment. En effet, la jeune femme était d’humeur maussade et rien ni personne ne trouvait grâce à ses yeux : son short la boudinait, ses chaussures lui faisait mal aux pieds, les enfants étaient trop bruyants, les couples trop démonstratifs et pour finir, son burger bien trop cuit. Elle avait atterrit au bistrot après avoir erré en ville en quête d’un célibataire pour la nuit, sans résultat. C’était une mauvaise journée. Définitivement.

- Un mojito, s’il vous plait !, lança-t-elle au serveur qui s’attardait, selon elle, bien trop longtemps à une autre table.

Au bord de la crise de nerfs et une fois la boisson en main, elle se décida enfin à relâcher la tension accumulée et à laisser l’alcool emporter ses préoccupations.

Après le service, je décidais de rester un peu plus longtemps que prévu. Je n’avais pas encore envie de rentrer à la maison pour me coucher immédiatement, et puis j’avais envie de regarder un peu plus mon patron du coin de l’œil histoire d’en prendre plein la vue. Et ce, même si j’allais le retrouver demain pour une nouvelle journée sous tension. C’était toujours comme ça mais j’appréciais tellement cette routine « je t’aime moi non plus ». J’en rajoutais une couche de plus tous les jours un peu plus. Après m’être changée dans les vestiaires et récupéré ma tenue plus que descente, pour une fois, je m’installais au bar aux cotés d’une jolie blonde. Je savais que je n’étais pas invisible auprès du personnel qui restait encore à travailler quelques heures avant la fermeture du bistrot, qui fermait plus tard que d’habitude. Je déposais l’agrafeuse demandée par ma collègue au bar. Elle devait y afficher la soirée thématique qui allait se dérouler au bistrot dans quelques jours. Mon patron avait beau être plus qu’exaspérant, il avait tout de même de bonnes idées pour ramener un peu plus de clientèle chaque jours. Voyant que la jeune femme n’était pas forcément dans son assiette, ma curiosité prenait le dessus sur le reste. « Si une jeune femme boit un mojito aussi tard, c’est que quelque chose ne va pas… » disais-je, en terminant par un petit sourire. Je commandais la même chose, histoire de l’accompagner. « Excusez-moi, si je vous dérange. Vous pouvez me le dire, ne vous en faites pas. » Après tout, c’était libre à elle si la jolie blonde souhaitait discuter avec moi.