Non loin de dire que je n’aimais pas les animaux. Bien sûr que je les aimais, sauf qu’il fallait avouer que je ne savais jamais comment m’y prendre quand j’étais en présence d’une espèce vivante. Ma mère avait tenté de m’habituer avec l’obligation d’aller trois fois par semaine à l’équitation. Rien n’y faisait j’étais toujours celle qui se faisait hennir dessus, le cheval cabré, les oreilles en arrières, dès que je m’approchais un peu trop de lui. Les chats c’était pire. Melody avait hérité d’un chaton pour la récompenser d’avoir réussi sa seconde. Le chat, mignon comme tout, s’amusait tout simplement à se faire les griffes sur ma peau. Les vêtements en lambeaux, c’était toujours les miens. Jamais ceux de Mélo’. Enfin, j’avais tenté d’avoir un chien. Un dalmatien. Je n’ai jamais su si ce dernier m’en voulait de quelque chose, mais je retrouvais toujours mes affaires urinées, souillées. Mes Louboutins mordillées, mes Kellogs renversées. Hop, à la SPA. J’en avais fini avec les amis sur pattes et m’était promis de ne pas retenter l’expérience. Melo’ en avait décidé autrement ce matin quand je vis, grognais à ma porte un bébé chiot Retriever. Eh merde. « MELODY ! » hurlais-je de mon lit quand je compris que la mascarade reprenait de plus belle. Un rire nerveux traversa la pièce. « C’est juste pour quelque jours. Une amie est partie en vacances. » Je me levai enfin furibonde, prête à l’attaquer. C’est en passant par le salon que je vis le chien sur le canapé, laissant des traces marron sur le tissu alors que ma sœur mettait ses chaussures. « Je vais en cours ! Je reviens cet… » Je lui coupai la parole « ah non ! Tu ne me laisses pas avec cette boule de poil !!! » Elle ne me laissa pas le temps de la retenir tandis qu’elle chopa son sac et se dirigea vers la sortie « Juste quelques heures ! » Elle ajouta enfin. « Ah et si tu pouvais le sortir… sinon il risque de pisser partout dans l’appart’ » . Elle était partit. Je hurlai tout en m’enfonçant un poing dans la bouche pour ne pas me faire entendre. C’est une vingtaine minutes plus tard, après m’être préparait, et avoir confectionné une pseudo laisse au cabot, que je le promenais dans la vallée du bois. Je n’étais pas très à l’aise, tandis que ce dernier s’amusait à me tirer. Ce n’était pas moi qui le tenait, mais bien lui. Tentant en même temps d’envoyer un sms à Sloan pour lui raconter mon périple, je me fis porter par la force du chiot qui à présent courait comme un énervé, en direction de quelque chose. Quelqu’un. C’est sa tête se cognant contre la mienne qui me fit prendre conscience que c’était une personne. OUCH. Je tombai sur mes fesses, hurlant derechef des obscénités à l’égard du chien. Je pris enfin la peine de jauger les dégâts physiques que je venais d’infliger à cet inconnu. Que ‘je’. Plutôt que le chien venait d’infliger ouiais ! Je me relevai, lâchai la saleté de ficelle qui me servait de laisse. Le chien restait de toute manière collait au jeune homme qui me faisait face. « Je suis désolé ! Ce n’est pas mon chien.. Ma sœur s’est amusé à garder le chien d’une amie et les sorties pipi, c’est moi qui m’y colle. Enfin on s’en fiche » J’interrompais ce monologue inutile quand les traits du jeune homme me stupéfia. « C’est marrant, j’ai l’impression de vous avoir déjà vu … » Lui souriant, tandis que je frottais mon front qui allait certainement former une bosse, j’ajoutai. « Je me trompe ? »

L’humiliation. Disons que ce n’était pas une chose que j’affectionnais. Qui aimait ça en fin de compte ? Surtout quand cette dernière venait d’être causée par un chiot, dont je n’étais même pas l’heureuse propriétaire. Adieu, donc l’envie de le punir sauvagement, de l’enfermer dans la salle de bain dans le noir jusqu’à qu’il en miaule –oui ouii-. Vous avez dit sadique. C’est ainsi que je me relevais sans un mot, le plus rapidement possible, que personne ne me voit, excepté bien sûr le jeune homme moqueur, sujet de passion pour le golden retriever. Hilarant. « Je suis désolé ! Ce n’est pas mon chien... Ma sœur s’est amusé à garder le chien d’une amie et les sorties pipi, c’est moi qui m’y colle. Enfin on s’en fiche » Je m’attendais à un paquet de reproches de sa part. Limite à un rembarrage. A l’inverse je faisais à face à un air amusé. Loin de me blâmer. « Y a pas de mal. Au pire j’aurais une bosse, je devrais survivre. Je suis le meilleur ami des bêtes, c’est pour ça » J’étais dans l’envie de lui lâcher « eh bien je vous confie le chien pour le weekend, ça me fera des vacances » mais me retenu pour ne pas paraitre trop farfelue. C’est son sourire qui me fit tilt. Cette petite fossette qui se formait automatiquement sur sa joue quand ses traits s’étiraient. Ses yeux légèrement plissés, ne laissant transparaitre que des reflets de ses pupilles dorées. Je posais la question presque par automatisme, car j’étais à dix mille pour cent sur de l’avoir déjà vu. « Côte Ouest, il y a deux ou trois ans ? Soirée endiablée, tout ça, ça te parle ? » Mon visage s’empourpra derechef quand des bribes de ce séjour me revinrent en tête. L’inconnu. « Mais oui c’est toi ! » décrétais je d’un air plein de malice. « Je ne sais pas si je ne dois pas me sentir un peu vexé qu’on m’oublie comme ça ! » non, non. Toutes les nuits que j’avais passé avec lui, je ne les avais certainement pas oubliées. Ces fous rires, quand nous partions à la dérive, son odeur sur ma peau quand je filais chercher le café avec sa chemise bien trop grande pour moi. Sa fossette qui ne daignait disparaitre et ne faisait que s’approfondir à chaque soir de plaisir. Je m’en souvenais maintenant. Comme si c’était hier. « En tout cas, moi je me rappelle de toi…par cœur » Glissant une main dans mes cheveux je le fixais d’un air qui en disait long. « Et moi je me souviens parfaitement de ça ! » tandis que je m’approchais un peu plus de lui pour pointer du doigt son sensuel creux sur sa joue. « Par contre je n’ai jamais eu le droit d’avoir ton nom, alors si tu veux corriger cet affront, c’est le moment, c’est l’instant ! » Il est vrai que je ne lui avais jamais donné mon prénom. Je ne sais d’ailleurs pour quelles raisons. C’était le piment de notre relation, à l’époque. Prendre notre pied, avoir des délires à s’en tordre de rire et pourtant ne rien savoir l’un de l’autre. Je me souvenais cependant qu’en me quittant il m’avait glissé son prénom pour qu’un jour au cas où je désirais le revoir, j’avais un indice. Marlon -Comme si il était le seul Marlon de vingt et un ans à avoir voyagé sur la côte ouest-. « Marlon n’est-ce pas … » prenant cette expression amusée, je renonçai à lui répondre. « Si je te le disais ce ne serait plus excitant ! » C'etait vrai. Avec quoi j'allais le retenir après cela, si je lui dévoilais d'ors et déjà la chose qu'il désirait savoir ?