Je crois qu'il est préférable pour tout le monde que je ne vous dise pas ce à quoi je m'occupais avant qu'on ne vienne frapper à la porte. Tout ce que je sais, c'est que ces trois coups donnés contre la porte de notre appartement m'étaient apparus comme un soulagement. Enfin, fini l'ennui. Avec un peu de chance ,il s'agissait d'une pizza qu'on n'avait pas commandée, les gosses du club scout ou de l'école du coin venant vendre leurs gâteaux. Pitié, oui, faites que ce soit ça. J'étais et suis toujours complètement fan de ces délicieux petits cookies aux pépites de chocolat. Je me demande s'ils mettent pas un truc addictif à l'intérieur, genre héroïne, ou quelque chose du genre. Au moins, ils doivent faire exploser les ventes avec ça, peut-être que ça leur permettra d'acheter une tente imperméable ou de se payer la moitié d'un siège pour l'Angleterre. Je m'empresse de me lever du canapé pour aller ouvrir, pensant trouver cette petite fille à papa, lunettes et couettes blondes, le genre de petite à qui on ne refuse rien. Je sais bien qu'ils sont déjà passés la semaine dernière, mais les rapias qui me servent de colocataires n'ont pas daigné m'en laisser un ou deux. Cette fois, ils n'auront pas un seul gâteau de ma boîte. « Dites-moi qu'il vous reste encore une ou deux boîte de cookies ! » Sauf que ça n'aurait pas été drôle si ça avait été cette petite fille aux cookies divins. A la place, belle et rayonnante, une jeune femme avec ses bagages sur mon palier. « Salut Snoopy. » Pepper. Elle n'a pas changé. Et puis finalement, tout me revient en mémoire. Les disputes, les bons moments aussi. Surtout les disputes. Les réconciliations. Et puis finalement, le lit vide un matin et plus jamais de nouvelles. Deux longues années qu'elle est partie. Et voilà qu'elle décide de se repointer, sans prévenir, juste comme ça. Comme si on ne s'était jamais quitté. Comme si tout était aussi simple. « Pepper ? » Je ne sais pas vraiment comment réagir. « Qu'est-ce que tu fais-là ? » Simple, banal, vieux comme le monde. Et pourtant tant indispensable. On aurait pu trouver mieux. Cependant, c'est certainement la première d'une longue liste de questions, celle que j'ai pu établir chaque jour où je me suis levé en pensant qu'elle finirait par revenir, que ce n'était que passager.

« Dites-moi qu'il vous reste encore une ou deux boîte de cookies ! » Hum… Du Snoopy tout craché. Je ne peux m’empêcher de sourire en me disant qu’il est toujours le même. L’homme que j’avais aimé, sûrement le seul de toute façon. Je ne savais pas si j’avais vraiment changé pendant ces deux années passées à LA. J’aimais à croire que oui car je m’étais clairement forgé un caractère encore plus fort qu’avant. Je saluais celui qui était toujours mon mari et j’attendis de voir sa réaction. Bien que son visage surpris voulait déjà tout dire. « Pepper ? » Au moins, il se souvient de moi. Enfin, je n’avais pas trop peur pour ça, je suis un peu inoubliable quand même. Et puis, c’est pas comme s’il avait vécu une relation comme la nôtre entre deux. « Qu'est-ce que tu fais-là ? » Bonne question. Enfin, je connais la réponse mais il faut que je trouve autre chose à répondre. La jouer triste ou drôle ? « Bah tu vois, j’ai décidé de venir te tuer pour pouvoir récupérer ton argent ! » Il sait probablement que j’ai échoué dans ma carrière d’actrice pour le moment en ne me voyant pas à la télévision ou au cinéma. Mais il ne sait sûrement pas que je suis totalement ruinée. « Tu m’invites pas à entrer ? Je suis venue te voir, je le mérite non ? » Merde, il semble attendre une vraie réponse. Il me connaît vraiment trop bien. Rien ne sert de lui mentir, je sais qu’il le devinera. « Tu veux tout savoir pas vrai ? Je suis trop bien pour Hollywood, j’ai pas réussi à me faire une place. Enfin, j’y retourne bientôt, ne t’inquiète pas. » Non, je ne suis pas capable de dire les choses comme elles sont et clairement. Sur ce plan là, je n’ai pas changée au moins. Me reste plus qu’à espérer que Snoopy n’a pas changé non plus et qu’il est toujours aussi gentil.

J'avais imaginé la scène des dizaines, des centaines de fois. Depuis deux ans, je pensais avoir fait le tour de la question, et pourtant, aujourd'hui tout semblait si différent de ce que j'imaginais. Il n'y avait eu ni pleurs, ni embrassades, ni même sauts de joie. Juste un silence troublant, quelques blagues ratées. Et le néant. « Bah tu vois, j’ai décidé de venir te tuer pour pouvoir récupérer ton argent ! » Sourire. « Heureusement que tout mon argent est planqué sous le matelas alors. » Je plaque ma main sur ma bouche comme un enfant après avoir fait une bêtise. « Oops. » Je lui cède le passage et lui ouvre la porte de notre appartement. Quelque part, c'est préférable d'essayer de détendre l'atmosphère plutôt que d'attaquer directement sur les reproches. Même si ce n'est pas l'envie qui manque. J'avais tellement de questions, je ne voulais pas prendre le risque de ne pas obtenir de réponse. « Tu veux tout savoir pas vrai ? Je suis trop bien pour Hollywood, j’ai pas réussi à me faire une place. Enfin, j’y retourne bientôt, ne t’inquiète pas. » Cette fois, je ris légèrement, vraiment. « Spielberg et compagnie ne savent pas ce qu'ils ratent ! » Je sors deux verres tandis qu'elle s'installe au comptoir de la cuisine. Je sais qu'elle tente de se justifier, seulement je ne veux pas la façade, la phrase d'excuse qu'on sort à tout le monde pour ne pas dévoiler la sombre vérité. Je veux juste la vérité. « Et donc, tu avais quelques jours de repos et tu as décidé de rendre visite à ceux que tu as laissé derrière toi ? » A vrai dire, par "ceux" j'entendais plutôt... moi. Parce que c'était tout le problème, pas vrai ? Un jour elle était là, le lendemain elle était partie, sans rien, sans un mot. Sans même un au-revoir. Et moi évidemment, je n'avais pas eu mon mot à dire. Je pensais avoir un peu plus d'importance dans sa vie, puisqu'il fut un temps où nous nous étions offerts ces deux alliances composées d'un énorme dé en plastique tiré du premier distributeur inutile à Las Vegas. Apparemment, non. J'en concluais donc - une évidence plutôt difficile - qu'elle n'était sûrement pas revenue pour voir ce qu'était devenu sans grand ami - et occasionnellement mari - Snoopy, celui certainement trop con pour lui refuser quoi que ce soit.

« Heureusement que tout mon argent est planqué sous le matelas alors. » Je souris à son humour toujours aussi décalé. Ça ne m’étonne pas vraiment qu’il soit resté un grand enfant, ce ne serait pas lui sans cette particularité. « Oops. » Bon, si je suis vraiment désespérée, je saurais où chercher son argent. Mais je ne suis pas encore une voleuse donc il aura le temps de le changer de place. Je le suis à l’intérieur et je regarde rapidement la pièce. Bon, ce n’est pas le grand luxe mais comparé à mon trou à rat à LA, c’est toujours mieux. Mon regard revient vers Snoopy. A son expression, je devine que, même s’il m’a laissée rentrer, il veut des explications. C’est pas comme si je l’avais laissé deux ans sans aucune nouvelles après tout. J’ai dû beaucoup lui manquer. « Spielberg et compagnie ne savent pas ce qu'ils ratent ! » Je sais qu’il est ironique et je n’aime pas ça. Mais je ne vais pas le lui reprocher. Je sais que je ne suis pas dans la bonne situation pour le faire. Il nous sort deux verres, ce que je prends comme une invitation à rester encore un peu. Je m’installe sur un siège et je le regarde. Il n’a pas tant changé que ça en fait. Je crois qu’il est devenu plus beau que dans mon souvenir. « Et donc, tu avais quelques jours de repos et tu as décidé de rendre visite à ceux que tu as laissé derrière toi ? » On peut voir les choses comme ça. J’aurais d’ailleurs aimé que ce soit ça. Mais je ne vais pas lui mentir. Je veux qu’il me loge alors autant qu’il sache que je vais rester plus que quelques jours. « J’aurais préféré… » Pourquoi je n’arrive pas à lui dire la vérité ? Honte d’avoir échoué ? Peur qu’il me dise qu’il m’avait prévenu ? « Tu m’as manqué Snoop… Tu aurais dû venir avec moi mais c’est trop tard maintenant. » Je prends le verre qu’il me tend et je le regarde dans les yeux. Merde, je suis incapable de lui mentir quand il fait ses yeux de chien battu. Il a toujours un pouvoir sur moi sans qu’il ne le sache. « La vérité… c’est que la vie à Los Angeles n’était pas aussi facile que je l’avais prévu. En deux ans, j’ai perdu tout mon argent même si j’avais quelques petits boulots. Bref, je me retrouve encore plus bas que le point de départ vu que j’ai plus d’argent. » Le dire comme ça me faisait me sentir particulièrement pathétique et je détestais ça. Mais je devais au moins à Snoopy la vérité. Pour le meilleur et pour le pire avait dit Elvis non ?

Elle était vraiment incroyable. A se tenir là, devant moi, à me regarder droit dans les yeux et à me jeter ses mensonges à la face. Vraiment, cette fille a du cran. « Tu m’as manqué Snoop… Tu aurais dû venir avec moi mais c’est trop tard maintenant. » Oh non, elle n'est pas en train de me faire ce coup-là. Le coup du regret, le coup du "je t'aime, j'ai fait une erreur, pardonne-moi." Je n'achète pas. C'est juste trop gros, trop cliché. C'est une réplique qu'elle a tiré d'un scénario et trouvé bon de remettre ici, parce que la situation s'y prêtait ? « Alors c'est pour ça que t'es là ? Parce que je t'ai manqué ? » Je ne vois pas vraiment où elle veut en venir. Si je lui avais manqué, elle serait revenue plus tôt. Elle serait même pas du tout partie. « Et avant, je te manquais pas avant ? Pourquoi t'es pas venue plus tôt ? C'est trop facile de dire que je t'ai manqué et essayer de t'en sortir avec ça. » Je soupire profondément, et finit par secouer la tête. Non, on n'ira pas sur cette route-là. Pas maintenant, du moins. Pourtant dieu seul sait que je ne souhaite plus que personne d'autre mettre les choses à plat, en finir une bonne fois pour toute. « Tu sais quoi ? On ne va pas se disputer. » Je ne sais pas pour vous, mais je me trouve étonnemment responsable, aujourd'hui. J'aurais peut-être dû investir dans une banque, dans des actions, à la bourse qui sait ? Une partie de moi n'avait pas envie d'entendre un seul mot de plus de sa part et pourtant, je rêvais de tout connaître de son voyage. « La vérité… c’est que la vie à Los Angeles n’était pas aussi facile que je l’avais prévu. En deux ans, j’ai perdu tout mon argent même si j’avais quelques petits boulots. Bref, je me retrouve encore plus bas que le point de départ vu que j’ai plus d’argent. » Évidemment. Personne ne va à Los Angeles et espère trouver la perle rare du premier coup. Non, on mise plutôt sur les poubelles d'une petite ville, et on espère que c'est comme ça qu'on finira par faire fortune. Et pourtant, toute la colère que j'ai pu éprouver jusqu'ici s'envole, me laissant juste avec l'envie de la réconforter, de la prendre dans mes bras et de lui dire que tout ira bien. « Ca n'a pas dû être très facile... » Finalement, je baisse les bras, je la laisse encore une fois prendre le dessus. Parce que croyez-le ou non, elle est très forte, ma Pepper. Mais c'est pas si grave, parce qu'au fond, même si elle revient par dépit, elle est quand même là, avec moi.

« Ça t’arrive de te demander ce qu’on serait si je n’étais pas partie ? On serait encore ensemble ou on aurait déjà divorcé à force de trop de disputes ? » Je lève la tête comme si elle avait deviné. Que faut-il répondre à ça ? J'aurais aimé pouvoir tout lui déballer comme on avait l'habitude de faire, quand nous n'avions encore rien à cacher, quand j'avais encore confiance en elle. Mais comment lui dire que j'y pensais chaque seconde sans paraître pathétique, sans passer pour celui qui n'a jamais réussi à se détacher ? Je ne veux pas de sa pitié. En même temps, je ne veux pas être le grand connard, celui qui se fout totalement qu'on l'ait quitté pour la grande vie. Je voulais être honnête, pas trop cependant, même si je savais qu'au fond elle avait idée de la larve que j'avais pu être quand elle était partie. Après tout, elle n'était pas si idiote que ça. « Tous les jours. » Finalement, c'était sorti sans que j'y réfléchisse vraiment, et je ne vois pas comment j'aurais pu être plus honnête même si j'aurais aimé qu'on n'ait pas à se la poser. Et pourtant c'était bien vrai, je me la posais chaque jour, du matin quand j'ouvrais les yeux, quand je me demandais ce que je pouvais bien faire de ma vie, jusqu'au soir, à ce moment où vous sentez que vous commencer à sombrer mais que vous n'êtes pas totalement endormi. « Moi je pense que tu en aurais tellement eu marre de moi que tu aurais été voir ailleurs et qu’on aurait fini par se quitter, en larmes. » Je souris légèrement, presque amusé par sa réponse. C'est vrai qu'en y repensant, on ne formait pas exactement le couple le plus commun qu'il soit. Et pourtant, les disputes, les réconciliations, ne penser qu'à ça jour et nuit, ne vivre que pour ça, c'était certainement ce qui avait fini par nous éloigner, par détruire tout ce que nous avions été. « Moi je pense qu'à force de supporter ma perfection, tu n'aurais pas pu le supporter, tu m'aurais assassiné en empoissonnant mon repas et tu m'aurais enterré au fond du jardin comme un mal-propre. » Je tâchais de garder mon sérieux, même si à cette idée, c'était plutôt difficile. Après tout, je ne voulais pas rester dans la dimension étrangement dramatique que prenait cette conversation.

« Tous les jours. » Un tel élan de sincérité de sa part me surprit. Il venait de m’engueuler deux minutes plus tôt et voilà qu’il m’avouait sans hésitation qu’il pensait à nous tout le temps. Je devais avouer que j’y pensais aussi de temps en temps, me demandant si j’étais restée avec mon mari l’éboueur au lieu de partir essayer de devenir une star à LA. Peut-être que ma vie serait d’un ennui total, peut-être que je serais seule, peut-être qu’on serait heureux ensemble, qu’on aurait réussi à combattre nos disputes et à nous aimer. Seul le temps nous l’aurait dit et je ne lui avais pas laissé le temps de le faire (ironique n’est-ce pas ?). J’avais préféré prendre la décision toute seule, ne pas laisser les disputes nous tuer à petit feu et partir. Je ne savais pas si ça avait été le bon choix mais ça ne comptait pas, je l’avais fait et voilà. « Moi je pense qu'à force de supporter ma perfection, tu n'aurais pas pu le supporter, tu m'aurais assassiné en empoisonnant mon repas et tu m'aurais enterré au fond du jardin comme un malpropre. » Je ne pus m’empêcher de sourire. Il était resté le même grand gamin et j’adorais ça. « T’enterrer aurait été trop dangereux, il ne faudrait pas grand-chose pour que quelqu’un découvre ton corps. Je pencherais plutôt pour aller le mettre au fond de l’océan ou bien le brûler. Je trouverais bien des idées dans tous les scénarios que j’ai lus. » L’ambiance était beaucoup plus détendue et ça me plaisait. Ça m’aiderait à lui demander de me loger. Je finis mon verre d’eau et je regardais à nouveau Snoopy. « C’est un joli appartement que t’as en fait. Bien plus grand que celui qu’on avait à l’époque. » Commencer à parler de l’appartement en douceur. Comment je vais bien pouvoir lui demander ? Peut-être que je peux faire des sous-entendus, il pourrait comprendre avec un peu de chance. « Et c’est beaucoup mieux que mon appartement à LA. Et puis, à Montsimpa, je crois que je vais commencer à vivre dans la rue pour éviter de squatter chez mon père. Mais faudra pas lui dire, il risquerait de me forcer à vivre chez lui. » Je ne savais pas s’il savait pour le mariage de mon père et donc pourquoi je ne pouvais pas rester chez lui. Mais j’espérais qu’il aurait pitié. Il ne sait pas me dire non de toute façon mon petit mari.

« T’enterrer aurait été trop dangereux, il ne faudrait pas grand-chose pour que quelqu’un découvre ton corps. Je pencherais plutôt pour aller le mettre au fond de l’océan ou bien le brûler. Je trouverais bien des idées dans tous les scénarios que j’ai lus. » A cette remarque je mime une mine choquée, horrifiée à l'idée de retrouver mes cendres éparpillées dans l'océan, ou pire encore, dispersées dans un champs, piétinées par les vaches, servant d'engrais pour les récoltes de la prochaine saison. M'enterrer au fond du jardin, passe encore, mais me découper en rondelles et me faire passer dans un four maxi-size, c'était trop pour mon petit coeur ébranlé. Au moins, c'était bon à savoir. Note à moi-même, ne jamais énerver Pepper, ça risquerait de très mal finir pour moi. Qui sait de quoi pouvait être capable une fille en colère ? De toute façon, je ne les avais jamais véritablement comprises. Trop belles et bien trop lunatiques. Un peu comme Pepper, en fait. Même si avec elle, ça n'avait pas toujours été comme ça. L'évocation de notre ancien appartement apportait de nombreux souvenirs dans mon esprit. C'est vrai qu'il n'était pas vraiment idéal, mais je crois que j'y avais vécu mes meilleurs moments. Très certainement les pires aussi. Aujourd'hui, je préférais en sourire, après tout la vie continuait. « Et c’est beaucoup mieux que mon appartement à LA. Et puis, à Montsimpa, je crois que je vais commencer à vivre dans la rue pour éviter de squatter chez mon père. Mais faudra pas lui dire, il risquerait de me forcer à vivre chez lui. » Je comprenais à présent à quel point son voyage à Los Angeles avait pu être dévastateur, au point qu'elle préfère vivre dans la rue plutôt que chez son père. « Tu ne comptes pas rendre visite à ton père ? Il finira par le savoir, tôt ou tard. » Mon regard fit le tour de la pièce, songeur. Peut-être que ce n'était pas une si mauvaise idée, après tout. « Tu sais, si tu en as vraiment besoin, je ne crois pas que les autres verront d'inconvénient à ce que tu restes quelques jours ici. » J'avais beau tourner le problème dans tous les sens, ça me paraissait de loin la meilleure des solutions. Je me levais pour m'étaler sur le canapé. « Tu verras, il n'y a pas plus confortable que ce canapé, ma chère. » Ben quoi ? Je n'allais tout de même pas lui proposer ma chambre.

Finalement, j'étais ravi qu'elle accepte ma proposition. Après tout, il ne pourrait en sortir que du bon, et puis comme ça, peut-être que j'aurais peut-être plus de détails sur son voyage à LA, sur sa carrière d'actrice, et puis sur son retour... Surtout sur son retour. C'était peut-être une occasion inespérée, après tout. Une occasion de tout arranger, de recoller les morceaux. Bien sûr il restait encore beaucoup de chemin à parcourir, mais avec un peu d'efforts et une bonne bouteille de vodka, je suis sûre qu'on arriverait à peu près à n'importe quoi. Maintenant tous les deux assis sur le canapé, je prends le temps de la regarder, je me dis qu'elle n'a vraiment pas changé, qu'elle est toujours aussi belle et que moi, je l'aime toujours autant. J'aime toujours autant son sourire, celui qui me promets que tout ira bien, ses yeux, qui parlent bien souvent à sa place. J'aime aussi sa manière de tout prendre en dérision quand justement, il faudrait que l'on soit sérieux, même si ce n'est qu'une minute. Comme avec ce coussin qu'elle vient de me lancer à la face, par exemple. « Laisse-moi essayer mon nouveau lit, tu ne vas pas déjà me le piquer quand même ? » A mon tour, je lui balançais un coussin, je n'étais pas prêt de me laisser faire. Pourtant Pepper s'arrête soudainement, elle me regarde comme si elle venait de penser au truc le plus horrible qui soit. « J’espère quand même que t’as pas un coloc qui se promène à poil en pleine nuit, ça serait gênant ! » A mon tour, je mime une mine horrifiée. « Ca pourrait expliquer bien des choses... Remarque, je ne sais pas comment il s'occupe quand je ne suis pas là, mais on a installé une règle d'or : ne jamais laisser les personnes de cet appartement voir des parties du corps dont ils ne connaissent même pas l'existence. » C'était difficile de garder mon sérieux, surtout avec le regard que me lançait Pepper. A cet instant précis, je n'avais plus de rancœur envers elle, plus de choses à régler, plus de questions à poser. Je décidais de repousser tout ça à plus tard. Elle était là, maintenant, c'était tout ce qui comptait.

« Par contre, ça veut dire que toi, tu peux te promener à poil devant moi non ? » « Pas exactement, non. De toute façon, je ne me promène jamais entièrement à poil, je garde toujours au moins mes chaussettes. Tu sais, juste au cas où... » Juste au cas où ce serait la fin du monde en même temps et que je sois forcé de grimper à un arbre, quelque chose comme ça. On y pense pas souvent, mais si l'occasion se produisait, on serait reconnaissant d'avoir quelque chose pour s'enfuir plus rapidement. Le reste des fringues, au fond... C'était superflu. En tout cas, pas aussi important que de porter des chaussettes. Je suis rapidement sorti de mes pensées par Pepper qui me frappe encore une fois. Ca en deviendrait presque une habitude. Elle est debout cette, fois, elle est prête à me virer de "son lit". Elle semble si enthousiaste à l'idée d'avoir un toit ou dormir, j'espère vraiment que ça ne posera pas de problèmes aux autres. Et puis même si ça en pose un. Elle est mon invitée, elle reste, c'est comme ça. Moi, je ne compte plus les fois où leurs parents débarquent à l'improviste et forcent tous les habitants de cet appartement à aller faire des balades en vélo pour "mieux connaître leur fils et tout savoir de lui et de ses amis". Heureusement que ce ne sont pas mes parents qui débarquent, ma mère se jetterait probablement sur tous les mecs et mon père passerait probablement son temps à leur parler mode. Je chasse cette pensée horrible de ma tête et aide Pepper à déplier le canapé. Elle pourrait avoir la force de Hulk, si elle pousse le canapé dans le mauvais sens, il ne risque pas de s'ouvrir. « Tu sais que si je dormais dans ta chambre, on n’aurait pas besoin de déplier le canapé et de le replier tout le temps. » Je manque de rire à nouveau, répliquant rapidement en pensant rester dans le ton de la complicité. « Sauf si cette chambre est déjà occupée. » Je mets du temps à réaliser ce qui vient de sortir de ma propre bouche. Vraiment, quel abruti. J'essaye de rectifier le tir, mais la tête de Pepper me dit qu'il est déjà trop tard. « Ouais, enfin, tu sais. Elle est occupée par moi ! » Je tente de paraître naturel. C'est raté ça aussi. « C'est... C'est parce que je dors dans un lit simple. Alors... C'est complet, tu vois. » C'est vrai que comme ça, arrivant à peine à balbutier quelques mots, j'ai l'air très persuasif. « Pas qu'il y ait quelqu'un d'autre dans mon lit ou quoi que ce soit, hein... » Tu ferais bien de t'arrêter là, Snoopy, tu ne fais que t'enfoncer. Je soupire, je me demande pourquoi je peux bien être aussi con.

Je ne me souviens plus très bien à quand remonte notre dernier moment de complicité. Tout ce que je sais, c'est que j'avais oublié combien je pouvais me sentir léger. Elle me donnait l'impression de n'être jamais partie, c'était comme si nous n'avions jamais quitté notre appartement, comme si rien n'avait changé. Comme si. Oui, parce que la réalité n'est jamais bien loin derrière. « T'as vraiment un lit simple maintenant ? T'as fait quoi de notre lit à nous ? » Moment de panique. « Euh... je l'ai vendu sur Ebay ? » Je tente, hésitant. Bon, ce n'était pas un mensonge. De toute façon, je n'avais plus tellement l'utilité d'un grand lit à deux places maintenant qu'elle était partie. Quoi qu'il en soit, je n'avais pas la place pour un lit double dans ma nouvelle chambre, le problème était réglé. Je me retins d'ajouter que j'avais voulu m'en débarrasser parce qu'il me rappelait Pepper quand j'avais voulu qu'elle n'existe plus. Après tout, je n'avais pas envie de m'embarquer dans ce genre de conversation, je ne voulais pas tomber dans la dispute. Et puisqu'elle semblait ne pas relever, c'était parfait. Je cherche rapidement quoi dire pour éviter de laisser le silence s'installer. Mais puisque je ne serais pas moi si je prenais le temps de réfléchir avant de parler, je sors le premier truc qui me passe par la tête. « Tu dois ABSOLUMENT tester la nouvelle confiserie en bas de la rue. Je me damnerais pour leurs dragibus. » Sans attendre, je l'attrape par le bras, je l'ammène à la porte de l'appartement sans lui laisser le temps de rétorquer. C'est décidé, qu'elle le veuille ou non, elle fera la tournée des bonbons qui me font de l’œil chaque fois que je passe devant.