Les jours passent et les souvenirs restent, dit-on. Eh bien, Praskovia connaissait ce dicton par cœur. La nostalgie la travaillait à plusieurs reprises. Elle regrettait ne pas avoir su retenir son premier amour en Russie, elle regrettait ne pas avoir cherchée à retrouver ses parents biologiques avant cette année, elle regrettait avoir quittée si promptement son pays natal. Mais plus que tout, elle regrettait de n’avoir jamais trouvé l’amour, le vrai. Celui avec qui elle pourrait construire une famille, avoir des enfants et vivre heureux. Mais elle n’était tout de même pas si sotte, elle avait vingt-et-un ans et du temps devant elle. Elle ne disait pas non aux histoires d’un soir, ni même aux flirts passagers, bien qu’elle désirait trouver le vrai, celui qui restera. Et justement, durant les moments où sa nostalgie était trop importante, deux choses l’aidaient : rédiger des chansons ou sortir se changer les idées, se laisser désirer. Ce soir, la deuxième option l’attirait. Elle n’avait pas été en boîte depuis le début de la session d’automne, soit il y a quatre mois. Elle avait donc envie de sortir un peu, vivre sa vie en tant que majeure, boire quelque peu et faire de nouvelles connaissances. En tant que russe, elle tenait assez bien l’alcool et quelques verres ne lui faisaient jamais de tort, bien que plusieurs lui faisaient parfois perdre la carte. Bref, la jeune femme décida de se préparer en conséquence d’une virée en boîte. Il était vingt heures. Praskovia enfila une robe assez courte et décolletée – chose qu’elle portait seulement lorsqu’elle sortait, car rares étaient les fois où elle se dévoilait autant – et mit au pied des talons hauts pratiquement casse-gueule, mais elle avait un talent pour marcher dans ces échasses, allez savoir pourquoi. La jeune femme se coiffa – cheveux plaqués – et mit quelques bijoux pour accompagner sa tenue. Finalement, aux alentours de vingt-et-une heure, elle enfila son manteau, prit son sac et sortit direction la boîte. Elle appela un taxi pour s’y rendre, préférant de loin prendre des précautions dans le cas où elle boirait trop. La sécurité avant tout.

Vingt minutes plus tard, Praskovia débarquait en boîte. Elle laissa ses affaires au vestiaire de l’entrée et mit un peu d’argent dans son soutif, détestant traîner son sac à main toute la soirée. Elle ne savait pas à quelle heure elle rentrerait, ni même si elle ferait de nouvelles connaissances : ce soir, elle laisserait de côté sa gêne et s’amuserait, pour le rare nombre de fois qu’elle profitait de sa jeunesse. Praskovia Lidiya se dirigea finalement vers le bar et s’y asseya. « Je vais prendre un tequila sunshine, s’il vous plaît. » Elle ne manquait jamais de politesse, même au bar. Elle sortit un billet, paya son breuvage et laissa le reste en tant que pourboire. Elle adorait cette boisson.

Rares étaient les jours où Praskovia décidait de sortir dans les bars, n’appréciant pas trop l’ambiance de ces endroits où tout le monde reluquaient tout le monde. Mais une fois par quelques mois, l’envie lui prenait de se changer les idées, de boire un peu et même de s’amuser avec des gens qu’elle ne connaissait que très peu, voire même pas du tout. Autant dire qu’on ne la voyait pas souvent ici, mais quand elle venait, elle était partante pour s’amuser. Elle s’était alors vêtue d’une jolie petite robe mettant en valeur ses atouts féminins. Elle savait dès le départ qu’elle ferait tourner des têtes et c’était assez flatteur par moments. Il faut dire que Praskovia avait de belles courbes féminines tout en étant très petite de nature et que lorsqu’elle mettait des vêtements qui savaient dévoiler tous ses atouts, quelques mecs venaient à lui tourner autour. Autrement, elle était souvent invisible, mais elle aimait bien être peu observée. Bref, la brunette arriva au bar, commanda son drink favori et s’asseya finalement avant d’en boire une gorgée. Puis une voix qu’elle connaissait retentit dans ses oreilles. « Tiens, mais c’est ma petite sainte préférée! » Praskovia se tourna le visage vers sa droite, endroit d’où le son provenait. C’était Côme. Elle se souvenait de lui. C’était l’un des rares garçons qui avaient eu Praskovia dans son lit. Elle se rappelait aussi être partie très vite après leur partie de jambes en l’air, laissant Côme dans l’incompréhension totale. Un petit sourire vint apparaître à son visage. Lui non plus, ne semblait pas l’avoir oublié. Une question trottait alors dans l’esprit de la jeune femme… Devrait-elle le faire marcher? Ça pouvait être drôle et occuper sa soirée. Et puis avec Côme, ce ne serait certainement pas ennuyant. De plus, elle le trouvait très… attirant. Alors pourquoi pas. « Tu te souviens de moi? Wow, je t’ai marqué on dirait! » Elle ajouta à cette phrase un léger clin d’œil. Après tout, lui il ne devait pas se rappeler tous ses coups d’un soir, c’était pratiquement flatteur que de voir qu’il se souvenait d’elle. « Ta tenue est une véritable invitation à la drague, tu me tends des perches. » Praskovia souria de nouveau à ce qu’il venait de dire, c’est vrai qu’elle n’était pas mal ce soir. Elle vida son verre pratiquement cul-sec avant de se lever de son banc pour se diriger vers son interlocuteur. « Je te fais de l’effet alors! T'es pas mal non plus je t'avouerais. » Elle lui tint la main, l’amenant avec elle sur la piste de danse du bar. Elle se doutait bien qu’il ne dirait jamais non à danser avec elle, même s’il n’aimait pas cela. Ou qui sait, peut-être aimait-il carrément danser. En tout cas, Praskovia avait envie de s’amuser.

Praskovia avait carrément envie de laisser aller sa routine et tout le reste pour s’amuser ce soir. Elle savait qu’elle aurait un immense mal de tête demain matin et elle savait aussi qu’elle était en vacances et qu’alors, ça n’importait peu. Au départ, elle avait prévue rencontrer de nouvelles personnes, danser, boire un peu et retourner chez elle vers trois heures du matin tout au plus. Puis, elle vit Côme. Ce jeune homme lui rappela certains souvenirs – bons et mauvais en fait – car leur partie de jambes en l’air avait bien plu à Praskovia mais que le mal de tête qu’elle eut à son réveil le lendemain après-midi fut assourdissant. Comme on dit, toute bonne chose a aussi des imperfections. Bref, il l’aborda en premier et elle ne savait trop que faire. Embarquer dans son jeu et agir bien différemment des autres fois, ou alors l’ignorer. Elle fit un certain balayage de salle et personne d’intéressant ne semblait s’y trouver. Personne, sauf Côme. « Une à chaque soir, c’est cela? Ça me surprend que tu te rappelles de toutes. » Après tout, Praskovia, elle, se souvenait de lui car des coups d’un soir, elle en vivait possiblement un par année. Bref, c’était franchement très rare. Elle ne croyait pas techniquement en l’amour, le vrai, mais l’avait déjà vécu auparavant et savait qu’il existait et reviendrait en temps et lieux. Pour l’instant, il fallait s’occuper. La jeune femme bu son verre cul sec avant de se diriger vers le jeune homme qui ne cessait de la regarder depuis son premier commentaire. C’est vrai, sa robe avait le don de la mettre en valeur, qui plus est, c’était rare qu’elle s’habillait ainsi. À l’université, elle est plutôt du genre à rester invisible : paire de jeans et hoodies sont sa marque de commerce. Praskovia tint la main de Côme dans le but de l’amener à la piste de danse pour s’amuser, évidemment, et celui-ci suivit. Elle se mit à danser contre lui – comme toutes les autres personnes sur la piste de danse – et celui-ci posa ses mains sur ses hanches avant de plonger son regard dans le sien pour lui poser une question qui, pour une fois, faisait du sens et semblait sérieuse. « Tu es toujours d’humeur pour t’amuser habituellement, non? » Elle décida donc de lui répliquer par une autre question. D’abord, elle avait vraiment envie de s’amuser ce soir et Côme semblait le parfait élu pour cela. On aurait dit que la Praskovia de ce soir était la Praskovia saoule d’il y a quatre mois. Hors, elle n’avait bu qu’un seul verre et était loin d’être saoule. Elle avait seulement envie de jouer le jeu de Côme pour un soir. Praskovia s’arrêta de danser un instant pour venir lui dire à l’oreille quelques mots. « De toute façon, je suis convaincue que mon comportement de ce soir te plaît, et tu m’auras oublié d’ici une semaine alors autant en profiter. » Elle avait envie de dire autre chose aussi mais se retint, gardant cela pour plus tard, et se remit à danser, toujours avec Côme, évidemment.

Lorsque Praskovia avait passé la nuit chez Côme, elle était partie sans rien dire, lui laissant un mot et le laissant dormir. Elle faisait toujours ça lorsqu’elle vivait ses rares coups d’un soir. Elle déteste se réveiller en même temps que l’autre et vivre le moment étrange du ‘’okay, c’est avec toi que j’ai couché’’, alors elle quitte rapidement et termine son sommeil chez elle, seule. Apparemment, Côme n’avait pas apprécié son départ et avait donc tenté maintes fois de la ramener avec lui, toujours sans succès. La jeune femme ne se laissait avoir que lorsqu’elle le voulait, sinon c’était tout simplement impossible. Et c’était pratiquement identique pour Côme, hormis que celui-ci adorait avoir une fille dans son lit et ne disait que très rarement non quand ceci était en question. Il adorait aussi réussir. Tout comme Praskovia. Et ce soir, elle avait décidé de s’amuser, sans pour autant terminer la soirée chez lui. « J’ignore beaucoup de choses, certes, mais pas ta réputation auprès des filles. » Elle ne connaissait que trop bien à quel point Côme ne s’attachait pas et n’aimait que les parties de jambes en l’air. Ça avait intrigué un bon moment Praskovia – le fait qu’il semble détester l’amour – mais ensuite, elle s’était rappelée que elle, elle y avait crue, avait eu le cœur brisée et n’y croyait plus depuis cet instant. Elle laissait une porte ouverte, petite certes, mais n’y pensait jamais réellement. Elle pensait à sa fin d’études, à son retour en Russie. Mais elle savait qu’elle ne pourrait pas échapper toute sa vie à l’amour, ça la rattraperait un de ces jours. Bref, Praskovia amena Côme sur la piste de danse. La jeune femme n’était pas de celles qui souhaitaient toujours danser mais que faire d’autre dans un bar. Certes, habituellement elle est du genre à s’asseoir au comptoir, à siroter son cocktail, mais pas ce soir. Côme suivit donc et posa ses mains sur les hanches de Praskovia. Rares étaient les fois où ce dernier dansait avec elle, elle le rembarrait toujours habituellement. Mais ce soir était différent. Côme semblait s’en douter quelque peu puisqu’il lui demanda une question à ce sujet. Question par laquelle la jeune femme rétorqua par une autre. Oui, elle agissait différemment qu’à l’habitude mais bon, c’est toujours rigolo parfois de changer un peu, ne serait-ce que pour une soirée. Il sembla se contenter de sa réponse. Quelques instants plus tard, Praskovia vint chuchoter à l’oreille de Côme quelques mots et il l’amena vers lui, l’entoura de ses bras avant de descendre ses mains vers les fesses de Praskovia. Elle le laissa faire. Habituellement elle aurait remonté les mains du jeune homme, mais pas ce soir. Il lui chuchota à son tour quelques mots. La jeune femme sourit intérieurement. Elle ne perdait jamais, elle décidait toujours de comment elle voulait qu’une soirée se passe. Sauf lorsqu’elle buvait trop, ce qui n’était franchement pas son cas ce soir. Il n’aura qu’à bien se tenir. Praskovia décida de lui répondre par un simple : « Je ne perds jamais. » avant de venir poser ses lèvres sur le cou du jeune homme. La jeune femme se remit à danser pendant quelques minutes avant de finalement sortir de l’étreinte du jeune homme et de se diriger vers le bar, le laissant sur la piste de danse. Soit il viendrait, soit il se trouverait une autre fille. Auquel cas Praskovia se trouverait un autre garçon pour rendre Côme jaloux, évidemment. La jeune femme s’asseya sur un banc au bar et commanda un gin tonic. Elle le reçue quelques instants plus tard. « Merci. »

« Je n’ai pas dit que je m’y arrêtais, seulement que je la connaissais. C’est deux choses fort différentes. Tu devrais le savoir pourtant. » Côme lui faisait penser à un garçon russe qu’elle côtoyait lors de ses soirées dans les bars là-bas. Pas nécessairement physiquement, mais psychologiquement. Il semblait agir d’une façon semblable, du genre briseur de cœurs. Praskovia tâchait tant bien que de mal de se rappeler ce que Yakov lui avait dit des raisons de son comportement mais ça lui échappait. Mais elle avait couché plusieurs fois avec ce Yakov, enfin plusieurs, quatre fois pour être exact. Ensuite, elle était partie en Amérique. Près de quatre ans plus tard, elle pourrait toujours parier sur le fait que ce Yakov n’a pas de petites-amies et couche de tout bord tout côté, comme avant. Comme Côme en fait. Et Praskovia semblait toujours aller vers des garçons du genre lors de ses coups d’un soir : des gens qui ne s’attachent pas. De ce fait, il est simple de partir, de ne plus discuter avec cette personne. Bref, aujourd’hui – enfin ce soir – elle dansait avec Côme au bar, sachant que trop bien les deux scénarios qui s’offraient à elle pour la soirée. Soit elle la terminait avec Côme, soit elle le plantait là. Praskovia n’était pas du genre de filles à coucher partout, tout le temps. Elle n’avait pas beaucoup d’expériences sur les coups d’un soir, ni même sur les jeux à ce sujet, mais elle avait un bon caractère. En fait, la brunette avait peut-être couché avec quatre garçons différents dans toute sa vie. Sans plus. Côme faisait partit des quatre. Yakov aussi, au même titre que son premier amour Isaak. Bref, retournons à nos moutons. Le jeune homme vint la serrer contre lui, avant de descendre ses mains vers les fesses de la jeune femme pour finalement lui répliquer qu’elle serait la perdante. Ne perdant jamais – bien que ne jouant pas souvent non plus – elle lui répliqua avec assurance qu’elle ne perdait jamais. « Ça ne m’empêche pas d’être douée. » Elle dansa quelques instants encore avec le jeune homme avant de sortir de son étreinte et de se diriger vers le bar pour siroter à nouveau un cocktail. Son départ eu l’effet escompté puisque Côme vint la rejoindre, visiblement choqué par son départ rapide, avant de finalement lui dire qu’elle n’était pas restée longtemps, lançant un certain défi. La jeune femme fit un 180 degrés avec son banc et le regarda dans les yeux. « C’est que tu es déçu que je sois partie si vite alors que tu semblais avoir le dessus. » Une idée de défi lui vint à l’esprit aussi, à ce moment précis, alors que l’atmosphère dans le bar semblait se remplir et être de plus en plus à la fête. « J’ai une idée pour toi. » Elle but une gorgée de son breuvage, puis regarda l’heure affichée sur l’horloge au mur : 22h30. « D’ici minuit, le premier qui se trouve quelqu’un à ramener gagne. Si tu gagnes, soit tu retournes chez toi avec la chère demoiselle que tu auras choisis, ou alors avec moi. Si tu perds, ce sera à moi de décider. » Elle était d’humeur joueuse et avait surtout envie de lui prouver qu’elle pouvait gagner. Et alors, possiblement qu’elle retournerait chez elle seule, seulement pour l’énerver.