J'étais chez Hogan ce soir-là. Hogan, personne ne sait vraiment de qui il s'agit, ou même s'il existe, mais dans tous les cas, tout le monde traîne là-bas. Et en particulier le soir voire la nuit, en fait. Cette fois-ci, j'avais su me faire une place au sein d'une bande de mecs que je n'avais jamais vu auparavant mais qui m'avaient semblé être assez attrayants pour que je leur fasse le privilège de siéger avec eux. L'un d'eux me lançait quelques regards coquins auxquels je me faisais une joie de répondre, mais il retomba bien bas dans mon estime lorsqu'il m'avoua ne jamais avoir goûté un Mojito tel que le miens. Oui, il m'en fallait peu, en effet. Cette boisson là était certainement l'une de mes préférées, et je ne pouvais pas partir d'ici ce soir sans lui en avoir fait ingurgiter ne serait-ce qu'une gorgée. D'une traite je prenais le soin de finir le contenu de mon gobelet et me levais, avec en tête l'idée bien précise de me faire servir de nouveau. Je fis glisser mon verre sur la largeur du comptoir, m'y penchant également. « Remettez-moi un Mojito Fraise, s'il vous plaît ! » réclamais-je en haussant le ton au près du barman qui se tenait quelques pas plus loin. Il se tourna dans ma direction, me fit un vulgaire geste de la main accompagné d'un sourire, et en même temps, une voix féminine se manifesta. Qui ici pourrait se montrer assez généreux pour m'offrir ce verre ? Je cherchais autour de moi d'où venait cette si charmante attention avant de croiser du regard une jeune femme qui ne m'était pas pleinement inconnu. Pas du tout, même. « Oh, merci...euh. » Je cherchais, pianotant sur le comptoir avec mes doigts. J'allais la nommer, pour lui montrer que d'une façon ou d'une autre je me souvenais d'elle, mais rien. A vrai dire son prénom, je ne le connaissais même pas. Et, comme si mes pensées avaient été partagées, elle me le révéla enfin. « Coquelicot...charmant. Original voire particulier, mais charmant. Je suis généralement pas douée pour retenir les prénoms, mais je vais tenter de me souvenir de celui-ci. Et c'est Jal, pour ma part. » Coquelicot. Je devais ma folle nuit à une demoiselle portant comme prénom l'appellation d'une fleur, intéressant, je dois l'avouer. Au moins elle pouvait se vanter de ne pas avoir un prénom populaire, du type que l'on croise à chaque coins de rue. Mon nouveau verre arriva, et je commençais par en enlever la fraise perchée sur le bord du gobelet, la mangeant alors. Lorsqu'enfin elle me fit signe de me poser sur la chaise à côté d'elle, je lançais un regard aux jeunes hommes qui m'avaient tenu compagnie juste avant. Peut-être m'en voudraient-ils de ne pas être revenue vers eux comme je l'avais pourtant dit, boarf ! qu'importe ! Je m'en voulais plus pour l'éducation du palais de monsieur que pour lui, en réalité. Je m'installais alors sur la chaise, m'autorisant à la regarder un temps, me remémorant la première fois que je l'avais croisée. « Alors, simple coïncidence ou j'étais si irremplaçable que ça ? » la questionnais-je, sourire en coin. A vrai dire, si elle était comme moi, du genre à ne pas être pour fréquenter la même personne deux fois et de façon volontaire, ça jouerait plus sur la coïncidence, mais il est vrai que j'étais tellement unique et formidable que peut-être...Je continuais de la regarder, avalant une gorgée de ma boisson au travers de la paille qui nichait dans le verre, entre deux feuilles de menthes soigneusement disposées.

« Tu as de bons goûts on dirait. » A cette phrase, j'eus un sourire. La plupart du temps c'est plus le mot étrange qui ressort pour qualifier ce que j'aime. Peut-être parce-que j'essaye justement de ne pas avoir les mêmes foutus centres d'intérêts que les autres, que j'essaye d'être différente, dans une certaine mesure. Je relevais les yeux jusqu'à Coquelicot. « On dirait bien oui. » J'en avais de toutes façons, c'était certain. Et ce rien que pour avoir partager un lit avec elle le temps d'une nuit. Je buvais alors lorsqu'elle me questionna, au sujet de la bande de mâles du fond de la salle qui me tenait compagnie un peu plus tôt, avant que je ne me pose au comptoir avec elle. Elle nota même la déception que portait l'un d'entre eux, celui à qui j'avais promis un verre, et probablement plus si affinités, ce qui me fit plutôt rire, moi aussi. « Mes amis, c'est vite dit. En fait, je suis venue seule, et ils m'ont tenu compagnie, en quelques sortes. Et celui qui tire une tête de chien battu est certainement déçu car je lui avais promis un verre, et peut-être même plus qu'un verre, si tu vois le genre... » De nouveau, un fin sourire étira mes lèvres tandis que je la regardais boire en silence. C'était plutôt difficile de porter un regard un tant soit peu décent sur elle, étant donné que je ne savais m'en rappeler que dans une situation on ne peut plus différente de celle qui consiste tout simplement à discuter en buvant. La brune certifia suite à ça qu'elle n'oublierait pas mon prénom, et que, notre rencontre ici ce soir n'était du qu'à une simple coïncidence. Ce qu'en fait j'avais bêtement cru comprendre. Soudainement, elle s'approcha un peu plus près de moi, et j'avouerai que sur le coup, je me suis demandé pourquoi. « Tu penses qu'ils croient que je vais t'enlever une nouvelle fois ? Bien qu'ils ne sachent pas que je t'ai déjà eu dans mon lit. D'ailleurs ils risqueraient de me détester étant donné qu'ils n'ont pas eu cette chance vu qu'ils te regardent comme un bout de viande. » Décidément, à croire que rendre mes anciens compagnons jaloux lui faisait vraiment envie. Je risquais de nouveau un regard vers eux et leurs mines déçues, sentant la main de la jeune femme serrer la mienne. « Un bout de viande, à ce point-là ? Je suis pourtant pas la seule gazelle à traîner ici, la seule chose qui pourrait éventuellement les rendre si malheureux est que je suis la plus formidable de toutes, mais ça, comment pourraient-ils le savoir en fin de compte ? » Je me retournais, jetant mes cheveux dans mon dos avant de me rendre compte qu'un bout de sa question était légèrement passé à la trappe dans ma réponse. « Suis-je censée en conclure que tu as dans l'idée de m'enlever une seconde fois ? » Et je n'eus alors pas le temps de recevoir une quelconque réponse qu'elle se trouvait debout, à manquer de me faire tomber de ma chaise pour m'entraîner avec elle. Danser, c'est le genre de chose que je faisais souvent en étant ici, cependant lorsque j'étais plus, beaucoup plus, électrisée...tant pis, cette fois j'allais devoir faire sans les quelques verres manquants. Et c'est Coquelicot qui ouvrit la danse, ne s'empêchant pas de la jouer collé/serré avec moi, ce qui finalement n'était pas tant pour me déplaire. « Alors, dis-moi, tu avais envie de me revoir ou c'est une simple coïncidence pour toi aussi d'être ici ? » « J'ai rarement l'habitude de côtoyer deux fois la même personne, conclus-en que c'était une pure coïncidence de mon côté également. » Après ces mots, plus rien. Il n'y avait plus que la musique pour ne pas nous plonger dans le silence complet. Prenant exemple sur ma partenaire, je me laissais aller au rythme de la chanson qui s'écourtait à chaque seconde qui passait. C'est dans ces moments-là que, oui, le monde a l'air de s'être temporairement stoppé. Le temps que nos corps s'ondulent, le temps que nos têtes sont vides de pensées, seulement éprises des battements de la musique. Mes cheveux volent, ma tête se fait lourde, mes yeux se ferment. A mon tour, je m'approche de Coquelicot, mêlant mon souffle au sien, assemblant nos mouvements. Et l'effet s'estompe, le son se baisse jusqu'à se couper d'une quelconque existence, et la musique divague sur un autre morceau. Chemin inverse, retour au comptoir. Par chance, personne n'a jugé bon de s'installer à nos places tenues libres un instant, et je me rassois, allégeant mon verre de quelques gorgées. Guettant mon ex-partenaire de danse qui se faisait resservir. « J'adore les Mojito mais, je n'en bois jamais seule. Heureusement que tu es là, cela me donne l'occasion d'en boire un. » Difficile de savoir quoi renchérir après ça, je me contentais alors de lui sourire de nouveau, observant le passage de sa langue sur ses lèvres après qu'elle ait vidé un peu de son verre.

(il était très bien ton post, je t'assure, mais excuse-moi d'avoir mis tant de temps pour te répondre)

La chose la plus surprenante ici, à propos de ce lieu, et que tout est diversifié. Des gens qui côtoient l'endroit à la musique qu'ils passent. C'est peut-être pour cette raison que ce Hogan, bien qu'inconnu, ait tant de succès à Montsimpa. Tout comme Coquelicot, lorsque la salle fut assombrie, je me tournais vers le piano installé au centre. Le style de la chanson était, je l'admets, loin de ce que je pouvais écouter en temps normal. Mais il n'en était pas encore si désagréable. En fait, ce que j'observais, ce qui m'absorbait, c'était la gestuelle de la pianiste. Ses doigts qui frappaient chacune des touches de manière si douce mais maîtrisée, ses yeux qui se fermaient, sa tête qui allait d'avant en arrière selon le rythme de la chanson, et ses cheveux qui virevoltaient. La façon qu'elle avait d'être sûre de ses mouvements envers son piano avait quelque chose de réconfortant, et c'était agréable même, de ne pas cerner le moindre soupçon de doute sur son visage. Elle tenait son instrument comme un cavalier tiendrait son cheval. C'était ça qui était beau, plus que ses paroles ou sa mélodie. A mon sens, tout du moins. Par politesse, j'applaudissais moi aussi à la fin de sa chanson, alors que la lumière revenait à elle en même temps que les gens se remettaient à piailler dans tous les sens. Dans le même registre, la brunette qui m'accompagnait m'avoua n'être pas complètement contre le fait de m'enlever ce soir aussi, et je lui souriais alors. Ainsi, beaucoup plus rapidement que moi, Coquelicot, et ses joues rouges, termina son verre. Et plus vite encore, elle en recommanda un, me demandant si je voulais quelque chose d'autre. Je la scrutais, elle paraissait émue. Par l'interprétation de la jeune femme j'imagine. Enfin, j'attrapais mon verre qui n'était toujours pas vide et lui fis signe. « Non, je te remercie, mais ça ira. » répondis-je en un nouveau sourire. J'en profitais alors pour boire encore un peu de mon Mojito, et faire un rapide tour de la salle en un regard. Rien n'avait bougé, si ce n'est le groupe de mâles avec qui j'avais siégé en première partie de soirée. Manquant de m'étouffer, je posais mon verre sur le comptoir avant de m'adresser à Coquelicot. « Tu m'en veux si je te quitte genre...un millième de secondes ? » Je fis un bond pour descendre de ma chaise, m'approchais doucement de la demoiselle et, de manière délicate, allais poser mes lèvres contre les siennes le temps d'un bref moment avant de l'abandonner pour me diriger vers le jeune demoiseau à qui j'avais promis un verre. Je venais de l'embrasser, comme ça, spontanément, un moyen signé Jal de lui faire comprendre que je comptais revenir. Il ne me fallut que quelques pauvres secondes pour attraper son téléphone, y entrer mon numéro, le lui rendre et lui dire de m'appeler, le jour où il voudrait de cette boisson. Et aussi rapidement, j'allais me replacer bien sagement à ma place, face à Coquelicot, sans même me sentir gênée par le baiser que je venais de lui voler. « Tes lèvres sont toujours aussi douces que dans mes souvenirs. » lâchais-je alors avant de pousser un petit rire. Il n'y avait pas de raisons qu'elle ait mal pris mon geste, de toutes façons, je l'avais déjà fait comme un million de fois quand je l'avais croisée pour la première fois. Cette fois-ci, à mon tour, je vidais mon verre d'une traite, enfin, le peu qu'il en restait, avant de passer mes mains dans mes longs cheveux blonds.