Son frère aîné, Oliver, était un garçon turbulent mais intelligent. Il faisait partie de ces enfants qui se distinguaient des autres car ils ne voyaient pas les choses de la même façon. Nora avait toujours pensé qu'il avait été surdoué mais ses parents avaient refusé de lui faire passer des tests de Q.I., préférant qu'il soit un enfant normal comme les autres. Nora elle, était tout ce qu'il y avait de plus normale. Petite fille en admiration devant son aîné, elle le suivait partout et obéissait docilement à tout ce qu'il lui disait. Il n'avait jamais abusé de son pouvoir. Il avait toujours été un grand frère parfait. A l'exception faite qu'il souhaitait se rebeller et en faire voir de toutes les couleurs à leurs parents. C'était la seule chose pour laquelle elle ne le suivait pas, redoutant bien trop la colère de son père. Elle avait toujours préféré se cacher ou jouer tranquillement dans sa chambre lorsqu'Oliver lui, allait entreprendre de faire tourner ses parents en bourrique.


« Il faut qu'on s'échappe, » murmura-t-il à la petite fille âgée de seulement huit ans. Ils étaient tous les deux cachés sous leur tente faite en couverture, et une lampe de poche de mauvaise qualité les éclairait faiblement d'une lumière jaunâtre. Il avait posé une carte routière entre eux et pointait du doigt l'Ecosse, ce pays où ils s'étaient rendus une fois avec leurs parents pour fêter Noël avec de la famille immigrée là bas. « C'est le seul endroit où on peut se cacher. Les autres pays sont de l'autre côté de la mer, c'est impossible. Alors l'Ecosse, c'est parfait tu vois. » lui expliqua-t-il, et Nora arqua un sourcil, peu convaincue par l'idée qu'il lui proposait. « De quoi tu veux qu'on se cache ? On est bien ici. On a tout ce qu'on veut. » répondit-elle naïvement. Son frère fronça les sourcils et secoua vivement la tête avant d'enchaîner « Ecoute, tu es trop petite pour comprendre mais tu verras plus tard que j'avais raison. Il faut qu'on parte d'ici. Tout ça, c'est pas pour nous. On a pas tout ce qu'on veut. T'es contente car t'as tes poupées, et tout ça, mais c'est pas ça qu'il faut.. » Incrédule, elle fixa son frère un long moment sans quoi savoir lui répondre. Puis elle pensa finalement que partir d'ici n'était pas vraiment une bonne idée, après tout, que diraient leurs parents ? « - Papa et maman nous aiment. - Non, justement. C'est pour du faux. Ils t'offrent toutes les poupées que tu veux pour que tu ailles jouer dans ta chambre et que tu les laisses tranquilles. Depuis combien de temps on est pas allé tous ensemble au Zoo ou au parc ? Ou même.. Mieux. Depuis combien de temps est-ce que c'est la nounou qui t'emènes tous les matins à l'école ? Même quand les parents travaillent pas. Ils restent loin de nous. Ils font semblant. Il faut qu'on parte. » Les larmes commencèrent à monter aux yeux de la petite fille et elles se mirent à couler le long de ses joues sans qu'elle n'eut le temps de faire quoi que ce soit pour les arrêter. L'annonce de son frère lui avait fait mal au coeur, et si elle avait du mal à le croire, se disant que ses parents les aimaient, comme tout parents, il y avait peut être du vrai dans ce qu'il disait. Il soupira, réalisant qu'il s'était peut être exprimé un petit peu trop franchement et qu'elle était encore trop jeune pour le comprendre. Il la tira vers lui pour l'enlacer le temps qu'elle calme son chagrin. « - Je t'oblige pas à venir si tu veux rester. » dit-il tout simplement et après un long silence. Les yeux rougis par les larmes, la fillette fixa son frère longuement en se demandant s'il serait capable de partir pour la laisser. Et d'une certaine façon, elle savait que c'était le cas. Elle savait qu'il détestait leur vie ici.

Il s’exécuta quelques années plus tard. Du jour au lendemain, Oliver disparu de la surface de la Terre et ne laissa comme signe de son départ qu'une lettre à l'adresse de sa soeur cadette. Il était âgé de 16 ans, elle en avait 13. C'était en mars 2004. Ils ne l'ont plus jamais revu depuis. Il expliqua dans sa lettre à Nora la raison de son départ et la pria de ne rien dire à ses parents à propos de celles ci. Elle respecta son choix et ne montra jamais la lettre. Il lui dit qu'il aspirait à autre chose et que leur vie trop parfaite devenait insoutenable, il n'en pouvait plus de ces parents qui n'en avaient rien à faire de lui, et il pariait même qu'ils abandonneraient rapidement les recherches, ce qu'ils firent en effet. Toutes les prévisions d'Oliver étaient bonnes. Il lui disait qu'ils fuiraient leurs responsabilités, nieraient leur faute, diraient qu'ils avaient toujours été de parfaits parents et qu'il était ingrat qu'il s'en aille ainsi, qu'il fugue de cette manière. C'est ce qu'ils firent. « Ton frère ne savait pas la chance qu'il avait, s'il a préféré aller ailleurs et bien très bien. Tant mieux pour lui. On a jamais vu aussi ingrat. Il va revenir quand il verra ce que c'est la vraie vie. Je lui donne une semaine. » Quand la première semaine passa, ils commencèrent à s'inquiéter un peu, puis voyant que les recherches ne donnaient rien, ils se décidèrent à croire qu'Oliver était quelque part en bonne santé et en sécurité. Ca les rassurait. Ils arrêtèrent les recherches.