Noah soupira. Assis sur son sofa, le jeune homme éteignit la télé d’une pression sur le bouton de la télécommande. Le monde qui l’entourait l’étouffait un peu plus à chaque instant. Il avait besoin de se retrouver seul et penser à son avenir, à demain. La musique lui manquait énormément. C’était quand même cool de jouer tous les soirs dans les plus grandes salles de New York, Los Angeles et Miami. Aujourd’hui, c’est à peine si le petit bar de Montsimpa l’acceptait pour un soir. Même pas une heure, quarante-cinq minutes. Ridicule. Il enfila le premier jean qui lui passa sous la main et un tee-shirt blanc, près du corps, faisant ressortir sa musculature de rêve. Comme le temps n’était pas bien chaud, il prit le gilet en maille gris qui trainait dans un placard. Par la même occasion, il attrapa une grande malle noire, le pack et de bière et la bouteille de vodka qui trainait à côté.

Les mains sur le volant, le compteur dépassait à présent les cent cinquante kilomètres heures, sur une petite route de campagne limitée à quatre-vingt-dix. Jamais les flics n’auraient l’idée de venir contrôler les routes ici, dans ce petit endroit perdu entre Montsimpa et Bridgeport. Cet endroit, il l’avait découvert par hasard il y a de nombreuses années. Cela faisait maintenant près de dix ans que Noah venait s’isoler ici, dans la vielle grange abandonnée au fin fond de la campagne. Cette vieille grange menaçait de s’écrouler à tout moment à l’époque mais à l’aide de quelques outils et d’un bon manuel – la menuiserie pour les nuls -, Noah avait réussi à lui redonner un état un peu moins catastrophique. En tout cas, elle tenait bon. Il l’avait même aménagé avec une échelle en bois pour monter à l’étage et quelques bottes de pailles pour faire des petits bancs. Ingénieux ce garçon. Il sorti de sa voiture la malle et les boissons qu’il avait pris et entra dans la vieille grange. Le soleil passait à travers la toiture et illuminait le sol gisant de poussière. Cet environnement l’inspirait et le reposait. L’innocence de cet endroit lui rappelait un tas de chose tel que les bons moments passés avec sa mère, les maigres souvenirs qu’il avait de son père, les copains avec qui il allait pique-niquer à la campagne… Sa vie d’avant, la vie qu’il aurait aujourd’hui peut être s’il n’avait jamais suivi ses meilleurs amis en Amérique. Il s’assit sur l’une des bottes de paille et ouvrit la malle noire. Cette malle contenait sa meilleure amie et sa pire ennemi, ce qui l’avait rendu célèbre mais aussi ce qui avait détruit sa vie, sa passion et sa plus grande haine à la fois. Cette malle contenait l’objet que beaucoup désiraient il y a plus de quinze ans maintenant, mais aussi l’objet qu’il avait manqué de détruire les années qui suivirent sa chute. Cette malle contenait une sublime guitare de marque Gibson au pan coupé, d’un bois d’épicéa. Une guitare unique, customisée à la Harper avec des citations plutôt rock tout autour de la guitare. C’était son bébé, celle qu’il chérissait plus que tout même quand il la haïssait. Il la sorti de la grosse malle qui lui servait d’étui et se mit à jouer quelques accords naturellement, les accords de la chanson qui avait rendu Frosted célèbre.

S'éloigner de tout était la méthode qu'avait choisi Colleen pour se délivrer de cette sensation qu'elle avait tant détesté comprendre et devoir admettre. L'amour n'avait jamais été quelque chose qui pouvait prendre un sens selon elle. Il avait réussi à la changer, sans que rien ne le lui demande. Vile garce forte devenue pendant quelques mois une presque douce jeune femme dont les conquêtes ne comptaient plus. En fait, il y a un truc qui cloche un peu là. On parle quand même de Colleen. Ce fut d'ailleurs ce que se dit le patron du bar où elle travaillait qui lui somma de redevenir elle-même, et notamment productive, car à ce rythme-là il en embaucherait une autre. Il ne fallait jamais dire deux fois ce genre de choses à la tornade blonde. Elle s'était enfui aussi loin que possible, oubliant ce qu'elle avait pu oser ressentir pour revenir plus forte. Elle avait hésité avant de le faire. Non pas partir, mais revenir. Elle s'était demandé si elle n'était pas mieux ailleurs, mais elle avait toujours vécu à Montsimpa et se voyait mal tout quitter définitivement, même si elle n'avait plus parlé à quiconque de là-bas depuis le jour même de son départ. Son retour se fit sans grand bruit. Elle s'était remise à arpenter les soirées, notamment les bars pour faire sa pub... et peut-être un peu sa pute. Enfin, non, elle ne se faisait pas payer donc bon. Garce c'est réellement mieux pour elle en fait. Tout ça pour dire qu'elle se remettait à son quotidien d'avant, sans le travail et les rentrées d'argent. Elle ne vivait que des rares économies qu'elle s'était faite pendant les jobs faits ailleurs.
Malgré tout, la jeune blonde avait besoin de moments de répit. Elle n'était plus complètement elle-même. Cette découverte d'autres coins du pays lui avait donné l'envie de découvrir d'autres endroits de sa ville. Cet approfondissement lui permettait un calme qu'elle lui savait positif. Elle s'était peut-être assagi, mais le cachait bien. Son attitude restait la même, la résonance de celle-ci, elle, différait. Elle n'était jamais passée par ce bout de campagne. Elle marchait depuis des heures quand elle passa devant cette grange abandonnée mais qui semblait cependant un peu retapé. Pas de signes de vie, mais une voiture garée devant. Elle s'avança, sans pour autant pénétrer sur le terrain. Les notes de guitare arrivèrent à ses oreilles. Un mince sourire s'ancra sur son visage pourtant marqué de réflexion profonde quelques secondes auparavant. Elle s'approcha alors du lieu, guettant des rires ou des échos de discussions qui pourraient montrer qu'une joyeuse troupe était là. Mais seule cette chanson pouvait se faire entendre. Elle voulut monter en toute discrétion, voir de plus près cette scène qui devait être d'une douceur musicale incroyable. Mais ce fut sans compter son côté maladroit. Elle tomba avant même d'atteindre l'échelle dans un fracas effroyable qui fit que la partie discrète de son action se révélait désormais impossible. Tant pis, elle se ferait chassée, alors elle tourna les talons, cette fois-ci en évitant de tomber.

Ces doigts glissaient sur le manche de l'instrument d'une telle aisance, s'en était remarquable. Noah était un grand musicien, un vrai. Pas une de ses nouvelles super star qui, sans les bandes sons par ordinateur, ne seraient rien. Noah avait la musique encrée en lui, comme marquée au fer rouge. Le jeune homme ferma les yeux et replongea des années en arrière. La salle était immense et son nom résonnait dans la salle. Noah, Noah, Noah. Son public n'avait d'yeux que pour lui. Il était l'un des favoris. Le moment qui allait arriver était le moment préféré de tous : le solo guitare de Music in me, cette chanson qui les avait rendu célèbres. Le héros d'un soir c'était placé au milieu de la scène et c'était mis à enflammer la foule. Dans ces moments là, il n'y avait plus rien qui comptait à part l'instant présent, cette sensation que l'on ressent d'être sur scène, avoir le coeur serré, jouer pour des milliers de personnes qui vous aime pour votre talent. C'était ça qui comptait. Et rien d'autre. Un solo de quelques secondes qui se répétaient chaque soir - ou presque - mais qui semblait durer une éternité.

Un fracas résonna dans la vielle grange et perturba Noah. Jamais en plus de dix ans il n'avait été dérangé dans ces moments là. Il lâcha l'instrument et le remis dans son étuis. Noah se leva et marcha en direction d'où était survenu le bruit. Une femme se tenait là, dos à lui et semblait s'en aller discrètement. Noah leva les yeux au ciel. Bon sang, si les paparazzis avaient trouvés sa cachette, il était foutu et ne pourrais plus jamais être tranquille. « Eh vous ! Vous n'avez vraiment rien d'autres à faire que de me suivre espérant dénicher un nouveau scandale à mon sujet ? Bordel ! » Il attendait de bonnes explications, et surtout le fait que cette personne promesse de ne rien dévoiler sur sa petite cachette secrète, cette vielle grange qu'il chérissait tant. Il resta droit et immobile, en attendant.

La douce mélodie s'était arrêtée. Soudainement. Le silence était revenu, presque pesant. Plus de notes qui s'envolaient dans l'air telle la douceur d'un vent frais par un jour de grande chaleur. C'était terminé, plus rien. Il fallait dire que Colleen l'avait bien cherché en voulant s'avancer et en faisant un vacarme monstre. Le silence pesant, ce n'était autre qu'elle qui se disait que c'était peut-être sa faute et qui s'était faite remarquer. C'était pour cette même raison qu'elle avait donc décidé de faire chemin arrière. Simplement se retourner et recommencer à marcher vers un chemin inconnu, pour découvrir encore un peu ce paysage qu'elle n'avait jamais vu, aussi bizarre que cela puisse paraître pour une native du coin. En tout cas, il fallait être sûre qu'elle n'allait aucunement s'excuser pour le dérangement auprès du jeune homme et que partir était donc mieux. Après tout, passer dans le coin était permis. Certes, elle s'était quand même en partie avancée dans cette propriété pour savoir d'où venait le son, mais si la personne n'était pas d'accord, il fallait avouer qu'elle s'en contrefichait. Elle avait le dos tourné, prête à s'éloigner complètement quand elle entendit une voix qui semblait s'adresser à elle. Elle voulut d'abord ne pas se retourner et continuer à fuir, ne voulant s'épuiser dans une discussion inutile mais elle écouta tout de même ce que la voix masculine lui reprocha. Les réflexions qu'il lui fit lui firent changer d'avis. Elle ne comptait aucunement se laisser faire et le laisser dire de telles bêtises. Il se prenait pour qui celui-ci ? Elle lui fit alors face. Elle riait aux éclats, de son rire cynique et glacial. Elle se foutait de lui, c'était parfaitement clair. "- Pardon, vraiment, mais vous êtes qui en fait exactement pour me dire ça ? Les extra-terrestres sont venus dans votre grange et ça vous a rendu célèbre, c'est ça ? Désolée, mais je m'en contre-carre de ce genre de choses !" La gentillesse de Colleen était toujours agréable à entendre, n'est-ce pas ? Elle le regarda alors d'un air nonchalant, de bas en haut, montrant ainsi qu'elle le jugeait. Elle n'avait pas vraiment apprécié cette manière qu'il avait de lui parler comme s'il était the star internationale. Alors que visiblement, elle ne le connaissait ni d'Eve ni d'Adam et qu'en plus... il était quand même paumé en pleine campagne le p'tit gars, alors pour devenir célèbre, c'était plutôt compliqué à ses yeux. Le fait qu'il se tienne droit et immobile face à elle ne lui fit absolument aucun effet, il en fallait bien plus pour déstabiliser la tornade blonde qui semblait sur le point de se déchaîner. Elle ne le connaissait pas, c'était sûr. Mais lui allait bientôt connaître Colleen et sa froideur universelle...

Son rire cynique ne laissait pas envisager quelque chose de bon. Mais qu’à cela ne tienne, il ne laisserait pas cette fille s’en aller avec la seule chose qu’il voulait garder secrète : cet endroit. "- Pardon, vraiment, mais vous êtes qui en fait exactement pour me dire ça ? Les extra-terrestres sont venus dans votre grange et ça vous a rendu célèbre, c'est ça ? Désolée, mais je m'en contre-carre de ce genre de choses !" Cette excuse bidon du parfait inconnu, on ne lui avait jamais faite. Alors qu’elle s’était retournée, Noah en profita pour la regarder de bas en haut. Elle était joliment habillée et avait un joli visage. Dommage que cette expression qu’elle arborait n’était pas plus agréable. Noah remarqua autre chose : elle n’avait aucun sac avec elle, rien ! Pas d’appareil photo, ni même un petit bloc note et un crayon à papier. Boulette ? « Attendez ?! Vous êtes entrain de me dire que vous n’êtes pas une de ces paparazzis à la recherche d’une chose : le buzz qui pourrait booster sa carrière ? » Noah porta sa main à sa nuque, l’air un peu confus. Mais quand même, la situation avait porté à confusion et dans ce genre de moment, Noah avait du mal à garder son sang froid. Les paparazzis commençaient à lui pourrir la vie, sincèrement. L’ancienne vedette ne pouvait plus faire un pas dehors sans que celui-ci soit mal interprété. Il suffisait qu’il sorte de chez lui accompagné de la voisine qu’il avait croisée dans l’ascenseur, tout de suite il avait couché avec elle. S’il était vu avec une bière à la main adossé un comptoir, c’était évident : il s’était remis à boire. Noah avait changé ! Il n’avait plus dix huit ans. L’époque où il finissait bourré tous les soirs et enchainait les conquêtes était révolu. Enfin presque. Noah s’était calmé avec l’alcool mais était toujours accro aux nanas. Moins, cependant. Noah nota également que la jolie blondinette ne semblait pas le connaître. C’était décevant. Elle ne semblait pas bien vielle, pas trop jeune non plus. Elle avait certainement du connaître Frosted. Noah avait pris l’habitude d’être reconnu. En bien, ou en mal, peu importe, il s’en fichait royalement. Les gens ne l’oubliaient pas, c’était le principal. Même s’il est vrai que parfois, se faire oublier était la meilleure chose possible. « Bien, dans ce cas excusez moi pour mon agressivité et mon impulsivité. Et s’il vous plait, ne dites à personne que vous ne m’avez vu ici, je vous en serais reconnaissant. » Noah croisa les bras et adressa un sourire bref à la jeune fille avant de tourner des talons, commençant à se diriger vers l’endroit ou était resté sa guitare et son pack de bière.

La connaissance de l'Homme s'arrêtait en réalité à la pointe de ses orteils. Hormis la connaissance de lui-même, et encore, il ne pouvait prétendre tout savoir. Maîtriser un domaine parfaitement était impossible. C'était probablement ça qui rendait le monde si intéressant. La découverte ne s'arrêtait jamais. Colleen avait cru connaître tout de la ville. Montsimpa ne semblait n'avoir aucun secret pour elle. Son départ lui avait fait réaliser qu'elle avait ignoré une partie de sa propre existence tout autant que de ce lieu qui l'avait vu naître et grandir. Elle connaissait les rues de la ville par cœur, pouvait presque expliquer l'emplacement de tous les commerces. Elle avait parlé à une bonne partie de la population grâce à son métier de barmaid tout autant que grâce à son côté dragueuse... Elle avait fini par vouloir remédier à son ignorance concernant la ville tant qu'elle le pouvait. Elle marcha le bagage léger pour avoir l'esprit léger un peu plus longtemps. Cette musique à ses oreilles l'avait mené plus près de cette grange où en était l'origine. Une guitare, c'était certain. Quelqu'un était là, ce n'était pas un CD qui tournait, c'était de la musique en direct. Mais sa discrétion avait mis fin au petit concert et avait fait venir son interprète vers là où elle s'enfuyait. Bon, ça commençait plutôt mal là, il fallait l'avouer. Elle ne put s'empêcher de rire et rétorquer à la suspicion du jeune homme qui n'avait ni queue ni tête. En lui faisant bien comprendre qu'elle ne le connaissait pas et qu'elle s'en fichait carrément de qui il pouvait bien être, elle sembla le décontenancé puisqu'il lui demanda si elle n'était vraiment pas une paparazzi. D'abord étonné qu'il ne semble pas comprendre qu'il n'était pas connu à ses yeux, elle se reprit vite histoire de lui faire monter au cerveau qu'il n'était rien et qu'il ne le serait probablement jamais. Mais non, elle n'a jamais été méchante voyons ! "- Si j'étais paparazzi, je ne serais vraiment pas planté là à tenter de vous prendre en photo. Surtout pas pour booster ma carrière ! Vous vous prenez pour la prochaine star montante ? Pardon, mais non. Et j'ai mieux à faire que chercher à faire une photo, même non indiscrète de vous." Elle était vraiment coriace quand elle s'y mettait, mais elle n'aimait pas être prise pour une indiscrète ni même pour une paparazzi. Vivre pour suivre sa propre vie lui était déjà parfois difficile, alors tenter de montrer la vie des autres, c'était improbable. Elle aimait déranger, pas se cacher et faire la fouine ! Elle ne bougea pas, attendant patiemment de savoir ce que cet allumé allait encore trouver à lui dire. Quand il finit par s'excuser, un sourire vainqueur se glissa sur le visage de la jeune blonde qui était contente d'avoir gagné la bataille. La fin de la réponse la déçut tout de même. "- Oh, t'inquiète pas pour ça, va, c'est vraiment pas mon genre de balancer la vie des gens, je ne divulgue aucun scandale, je préfère en faire partie plutôt ! Et puis, de toute façon, je ne connais même pas ton nom... donc à moins de passer pour une folle en disant que j'ai croisé un gars qui m'a dit qu'il était une célébrité... je vois pas trop ce que je pourrais faire... Mais bon, tu jouais quand même pas trop mal hein. Pas assez pour percer un jour, mais c'était pas trop mal." Si Colleen avait assez de mémoire auditive pour se rappeler la chanson, peut-être aurait-elle pu se rappeler que cet homme avait réellement été célèbre au lieu de se foutre réellement de lui. Mais ce n'était pas le cas, alors elle était là à le traiter comme un vulgaire artiste qui se croyait supérieur à ce qu'il était. Mais il était vrai qu'elle avait le droit de le sous estimer par le fait qu'il pensait mériter sa curiosité. Elle n'était pas du tout journaux people. Elle ne connaissait les musiques que par les écoutes à la radio ou au bar et en boîte. Elle ne voyait jamais les clips ni les concerts, elle trouvait ça inutile. Le pauvre aura vraiment du mal à la calmer sur sa méchanceté !

"- Oh, t'inquiète pas pour ça, va, c'est vraiment pas mon genre de balancer la vie des gens, je ne divulgue aucun scandale, je préfère en faire partie plutôt ! Et puis, de toute façon, je ne connais même pas ton nom... donc à moins de passer pour une folle en disant que j'ai croisé un gars qui m'a dit qu'il était une célébrité... je vois pas trop ce que je pourrais faire... Mais bon, tu jouais quand même pas trop mal hein. Pas assez pour percer un jour, mais c'était pas trop mal." Noah s’était très certainement trompé à propos de la jeune femme, c’était même certain. Elle n’était pas paparazzi pour sûr ! De plus, elle ne le connaissait pas. Le jeune homme n’avait pas de temps à perdre à raconter qui il était à cette femme qui le prenait de haut, qu’il avait rempli avec son groupe toute les salles de New York affichant complet en à peine vingt-quatre heures, qu’il avait été premier du top 50 plusieurs semaines consécutives, qu’ils avaient en quelque sorte régné sur le monde de la musique pendant trois longues années ! Non, il n’en avait pas envie. Il voulait simplement retourner à sa guitare et ses bières. Mais la fin de la réplique de la blondinette lui avait fait changer d’avis. Il se stoppa net. Personne n’avait jamais insulté sa musique. Dire que Noah jouait mal était la chose qu’il détestait entendre et qui pouvait le rendre désagréable, encore plus quand il avait bu ! C’était comme se prendre un coup de couteau en plein cœur : on touchait à ce qu’il avait de plus précieux : ce don pour la guitare. Noah se retourna et fonça à nouveau en direction de la jeune femme d’un pas décidé. « Pas assez pour percer un jour ? » Un rire nerveux s’échappa de sa bouche. « Frosted, tu connais ? » Tout le monde connaissait Frosted ! Ne pas connaître Frosted, c’était comme ne pas connaitre Claude François, Queen, ABBA, les Rolling Stones, les Beatles ! Si c’était le cas, c’était peine perdu et il n’y aurait eu qu’une chose à faire : laisser tomber, prendre ses affaires et partir loin de cette grange pour aujourd’hui !

Il en fallait peu pour se perdre. Certains se perdaient dans leurs pensées, d'autres dans l'immensité de l'univers qui les entourait. Et puis, il y avait ceux qui, plus terre à terre, ne se perdait que dans les chemins de campagne de la ville où ils ont toujours vécu. Colleen n'avait rien d'une fille qui cherchait à comprendre ses sentiments, à comprendre ce qui l'entourait, puisqu'elle ne vivait que pour elle et par elle. Elle refusait l'aide des autres, elle refusait leur donner quoi que ce soit d'ailleurs, et encore moins de la reconnaissance ou de l'amitié. Très rares étaient ceux qui avaient mis le pied sur le terrain de son estime. Les stars ? Elle ne s'en était jamais préoccupé. Elle s'en fichait même de la célébrité. Elle ne rêvait que d'argent. Si des gens devaient être à ses pieds, ce ne serait jamais des paparazzis mais des domestiques qui feraient toutes les tâches qu'elle se refuserait de faire. Mais tout cela restait tout de même un rêve, un but ultime de sa vie qu'elle n'atteindrait que par un moyen qui lui était encore inconnu. Cet homme qui prétendait être connu et couru après par les paparazzis la faisait rire. Elle détestait cette recherche de l'attention que les gens cherchaient tant. Alors, par ces mots, elle avait tenté de lui rabattre le caquet en lui faisant comprendre qu'il n'était rien, rien du tout, du moins pour elle. Elle y avait peut-être été fort... Quoi que, elle ne le ressentait pas comme ça. Elle avait aimé la musique qu'il avait joué, mais pas de quoi s'attirer les faveurs du monde entier, il fallait arrêter. Bon, certes, elle n'était pas une parfaite musicienne qui pouvait se permettre de juger, mais elle savait que voilà, ce n'était pas non plus de l'extraordinaire. Puis, l'homme, apparemment blessé dans sa vanité, se mit à répondre en rigolant nerveusement. Elle le regarda perplexe face à sa réaction. Puis, il lui demanda si elle connaissait Frosted. Elle haussa à nouveau les sourcils en signe de perplexité. "- Peut-être, probablement, j'en sais fichtre rien, j'ai autre chose à faire qu'apprendre les noms des chansons que j'écoute. Pourquoi ? Elle est compliquée et tu sais la jouer ? Wouhou..." Bon, la gentillesse était pas encore tout à fait là, mais il gagnerait à la faire devenir presque épatée s'il lui montrait qu'en plus de la jouer, il l'avait composé. Bon... il restait quand même du chemin à parcourir, mais c'était toujours mieux que les insultes.

Cette femme qui se tenait face à lui faisait preuve d’une arrogance hors norme. Elle était froide, moqueuse et par-dessus tout, elle avait l’air d’apprécier cela. "- Peut-être, probablement, j'en sais fichtre rien, j'ai autre chose à faire qu'apprendre les noms des chansons que j'écoute. Pourquoi ? Elle est compliquée et tu sais la jouer ? Wouhou..." Frosted, une chanson ? Mais d’où elle sort cette fille ? Noah soupira et tourna des talons. Il s’en alla s’asseoir sur la botte de paille où il avait laissé ses affaires et ouvrit une bière. Il n’avait jamais entendu pareil sornettes. Le musicien ouvrit la mallette où il rangeait son instrument et ouvrit le double fond. La boite au trésor. Dans ce double fond, Noah avait précieusement gardé tous un tas de vieux papier : des articles de presse, des photos du groupe avec d’autres personnalités, un de leur tourbook… Noah s’empara d’un magazine musical très connu, et vachement référencé dans lequel son groupe avait fait l’objet d’un énorme sujet. Frosted, du garage au Maracana à Rio. C’était l’article qu’il avait préféré, retraçant le parcours du groupe. De leur création jusqu’à leur plus grosse date : le stade Maracana, 150 000 spectateurs, fans ! De quoi faire pâlir Justin Bieber ! En couverture, une photo du groupe. Noah, alors âgé de 18 ans seulement, se tenait fièrement sur la droite, guitare en main et sourire jusqu’aux oreilles. C’était il y a des années, mais il était toujours reconnaissable. Il sourit naïvement en regardant le magazine et releva la tête pour regarder la blondinette qui n’avait pas bougé d’un centimètre. « Viens voir ! » Noah n’était pas persuadé qu’elle viendrait mais après tout, un peu de culture musicale à cette nana ne lui ferait pas de mal. Il porta délicatement sa bière à sa bouche et en bu une gorgée.

La douceur n'avait jamais été une marque de fabrique de Colleen. Elle n'avait jamais apprécié cette notion et ne faisait preuve de tact avec personne. C'était ce qui plaisait à beaucoup d'hommes en général, surtout quand elle les draguait. Là, ce n'était clairement pas le cas. Elle cherchait juste à rabattre son caquet à cet homme qui se croyait si puissant, si beau, si talentueux et surtout si célèbre. Alors que bon, il ne semblait pas y avoir grand monde qui lui courrait après vu le silence qui régnait autour d'elle. S'il était si aimé, les paparazzi auraient trouvé depuis belle lurette sa petite planque. Elle le regarda silencieusement avant de se dire qu'il était probablement le temps de se barrer. Ce serait quand même mieux après tout plutôt que de rester avec ce loser à débattre de son hypothétique carrière. Elle regarda d'un air ébahi si ce n'est indigné le sourire niais se dessiner sur le visage de l'homme qui se tenait pas très loin d'elle. Puis, il l'invita à se rapprocher. Elle se rapprocha, silencieusement et regarda ce qu'il tenait dans sa main. Oula, une bande de kéké qui apparemment avait fait fureur il y avait quelques temps. Déclic. Elle se rappelait, à l'époque, avoir eu leur album pour son anniversaire et l'avoir écouté quelques fois. Elle connaissait probablement les chansons par cœur, mais avait oublié le groupe et n'avait pas du tout fait le lien entre le guitariste du groupe et la personne qui se tenait face à elle. Elle se mit la fin face au visage avant d'exploser de rire et de s'exclamer "- Tu pensais que pour ce vieux moment de gloire les paparazzis viendraient jusqu'ici ? Genre vraiment !" Elle explosa d'un rire à moitié moqueur à moitié nerveux avant de se tourner, comme si elle voulait rester polie et empêcher son rire, assez paradoxal hein ? Elle se tourna alors avant de dire "- Non, mais sérieux, tu faisais partie de ce groupe là ? Mais t'as quel âge ? J'étais juste môme quand j'écoutais vos chansons !" Bon, c'était sa manière d'être gentille et de dire qu'elle les appréciait à l'époque. Puis elle explosa de rire une nouvelle fois, même si elle se retenait en mettant sa main devant sa bouche et se tournant à nouveau, tout en s'excusant. Le respect était de retour, et c'était assez rare pour le noter. Puis, elle s'assit sur la botte de paille et se mit à chantonner la chanson qui avait bercé ses années d'innocence.

Elle riait aux éclats, se moquant inlassablement de lui. Au début c’était frustrant, ensuite agaçant. Et maintenant, c’était complètement énervant. La musique était ce pour quoi Noah était fait. Il vivait cœur et âme pour ces notes écrites sur de vulgaires pages blanches, ce code indéchiffrable pour certain, mais toute une passion pour d’autres. Petit garçon, il avait toujours voulu savoir jouer de la musique. Il avait souvent pensé que ça impressionnerait les copains, attirerait les filles, et surtout que c’était une superbe excuse du style je peux pas, j’ai un concert de guitare à donner. C’était un peu vrai, au fond. "- Tu pensais que pour ce vieux moment de gloire les paparazzis viendraient jusqu'ici ? Genre vraiment !" Vraiment. Cet endroit, Noah est l’une des rares choses qu’il avait gardées secrètes. Elle rit à nouveau. Ah, mais qu’elle bécasse ! "- Non, mais sérieux, tu faisais partie de ce groupe là ? Mais t'as quel âge ? J'étais juste môme quand j'écoutais vos chansons !" Voila une chose intéressante. Il était très improbable qu’elle n’ai jamais entendu parler d’eux, ou entendu ne serait-ce qu’un extrais musical d’un de leur trois albums. Il releva la tête afin de lui répondre mais elle explosa d’un nouveau rire. Bizarrement, elle sembla essayer de se retenir et se calma. « Sérieux. J’avais 18 ans petite. Et oui, tout cela ne me rajeunis pas ! J’en ai trente-et-un à présent. Bientôt trente-deux. Je donnerais tout ce que j’ai de plus cher pour retrouver cette flamme qui faisait briller mes yeux à l’époque ! » Ses yeux se reposèrent sur la couverture du magazine. Cette chanson… ! Noah l’avait joué tellement de fois devant des milliers de gens qui l’acclamait, lui et ses amis, ses meilleurs amis ! Il fut d’abord étonné de l’entendre chantonner, mais ensuite amusé. Il se mit à rire à son tour. « Oh mon dieu, stop ! Tu gâches ma chanson ! Tu chantes… pas si mal ! Mais… » Noah avala une nouvelle gorgée de la boisson alcoolisée, la posa par terre et attrapa celle qui ne la trompera jamais : sa guitare. Il posa ses doigts sur le manche et enchaina les accords. « En acoustique, elle est moins bien qu’en instrumental, mais c’est toujours mieux qu’a capella.. » Il afficha un radieux sourire, tout en continuant d’enchainer les accords de la chanson. Quand il commençait à jouer, rien ne pouvait l’arrêter !

Le rire était le propre de l'homme. Il était cette partie qui rendait vivant, qui maintenait la bonne humeur, ou qui au moins servait à la feindre. Ici, il ne s'agissait que de moquerie. Colleen se faisait plaisir en rigolant toujours davantage face à l'attitude de l'homme à qui elle parlait dans cette grange isolée. Elle se fichait ouvertement de sa figure, mais peu à peu, elle se rendit compte que c'était à tort. Elle lui avait fait comprendre qu'il ne ferait jamais carrière dans la musique, qu'il ne serait jamais suivi par les paparazzi. Et puis, finalement, elle avait découvert qu'il avait vraiment eu une carrière dans le métier, et qu'elle avait même été de ceux qui avaient écouté assez assidûment ce groupe. Elle sembla donc changer et se transformer en une femme un peu plus calme à cette nouvelle. Elle l'avait certes à nouveau un peu charrié, mais après, elle s'était amusé à lui faire comprendre qu'elle avait écouté ses albums. Il lui répondit ensuite... en l'appelant petite. Elle le regarda étonnée. Alors, ça y est, il se mettait à lancer des piques. Même pas peur. Elle s'approcha alors, doucement, de lui et fit une moue toute mignonne en disant "- C'est presque mignon, même de la part d'un vieux", avant de lui faire un clin d'oeil qui lui montrait que c'était par humour qu'elle disait ça. Elle ne l'estimait aucunement vieux, surtout qu'elle s'était fait des hommes bien plus âgés... donc bon... Il fallait avouer que maintenant que tout avait pris une tournure différente, elle ne le voyait plus uniquement comme un gars qui se pensait doué et intéressant pour les autres. Elle s'était ensuite assise et mise à chanter cette chanson qu'elle avait écouté des dizaines et des dizaines de fois. Elle l'entendit se mettre à rire, et le regarda alors, sur le point de rétorquer avant qu'il ne sorte sa guitare et se propose à mettre la musique par dessus. Il commença à jouer et elle continua à chanter, accompagnée par le jeune homme et sa guitare. Elle souriait et pour la première fois depuis qu'elle était arrivée devant cette grange, il n'y avait rien ni d'hypocrite ni de moqueur. Tout changeait du tout au tout. Elle le regardait avec un regard quasiment complice. L'homme n'était pas si détestable qu'il n'y paraissait au début quand il pensait qu'elle était une paparazzi. Bon, ok, en réalité c'était plutôt elle qui n'était plus si détestable que quand elle se moquait de lui.

Le son de la guitare s’était répandu dans toute la grange. On aurait pu dire que leurs voix étaient en harmonie si seulement la jeune femme chantait… mieux ! Noah avait affirmé qu’elle se débrouillait plutôt bien pour ne pas s’attirer à nouveau les foudres de la jolie blondinette. Elle afficha un sourire presque complice. Noah s’arrêta de chanter et posa son instrument dans son étui. A nouveau, il avala une gorgée de sa boisson alcoolisée. « T’en veux… ? » Noah attrapa une bière du pack qu’il avait amené jusqu’ici et lui tendit. « J’ai tendance à mieux composer quand j’en ai un p’tit coup.. J’ai l’alcool plutôt mélancolique alors ça aide vachement. Maintenant que tu le sais, t’es obligée de boire jusqu’à ne plus te souvenir de ce moment. » Noah décapsula sa petite bouteille en verre qui se mit à déborder de mousse. Il avait mis du temps pour réussir à faire taire les langues qui le disaient toujours alcoolique et ne voulait surtout pas que ça recommence même si on ne pouvait pas vraiment comparer cela à de l’alcoolisme. Boire lui permettait de ressentir d’avantages ses sentiments et ses émotions et l’aidait grandement à retranscrire tout ça sur papier pour écrire de nouvelles chansons. Il en avait écrit pleins, des centaines ! De quoi faire plusieurs albums.. Mais Noah gardait précieusement caché chaque papier sous son matelas. Pour lui, sa carrière était terminée et ce qu’il écrivait n’était et ne serait en aucun cas vendeur. Il sourit à son tour à la jeune femme et termina la fin de sa bouteille en une seule gorgée et en ouvrit une autre, pour accompagner la jolie jeune femme.

Se sentir transportée. Se laisser emmener tellement loin qu'on en oublie quelques secondes où on se trouve. Secrètement, au plus profond d'elle-même, Colleen repensait à des bouts de son enfance, où bercée par cette même chanson, elle s'était affairée à grandir, à apprendre à exister. Elle en fut troublée quelques secondes, oubliant sa voix pas forcément faite pour le chant, oubliant qu'elle n'était pas seule, oubliant que l'adolescence était loin derrière elle. Nostalgie ? Probablement pas, sa vie lui allait parfaitement. Simples souvenirs qui refaisaient surface et lui mettaient un peu de baume au cœur. Beaucoup de petites images lui revenaient en tête et la firent même frissonner. Elle n'était pourtant jamais de ce genre-là, mais cette chanson lui fit cet effet étrange. Elle ne chantait jamais, elle n'écoutait plus les musiques comme elle l'avait fait des années auparavant. Ce n'était pas un manque, loin de là. Mais se rappeler cela la rendit un peu plus chaleureuse qu'auparavant. Elle n'était plus du tout la jeune femme hautaine qu'elle avait pu être à peine quelques minutes plus tôt. Elle s'arrêta ensuite de chanter et s'échappa de ce moment de souvenirs. Elle le regarda en souriant et quand il lui proposa une bière, elle l'accepta avec plaisir. Elle l'écouta alors parler des effets de l'alcool sur lui, ce pouvoir qu'il avait à le rendre plus inspiré. Elle hocha doucement la tête, elle comprenait parfaitement. Elle lui fit alors un petit clin d’œil pour exprimer cette compréhension. "- Forcer une femme à boire pour se sentir moins coupable, c'est du beau ça !" Un rire plus doux qu'auparavant, dépourvu de toute moquerie éclata. Elle avala alors une gorgée de la bière que le jeune homme venait de lui ouvrir avant de se tourner vers lui à nouveau. "- Mais ça fait un moment que vous n'avez pas sorti d'albums, non ? Comment ça se fait si tu composes encore et tout ?" Sa curiosité était probablement mal placée, il est vrai, mais elle voulait en savoir plus concernant ce groupe qui, même si elle ne s'en était pas rappelé pendant quelques minutes, avait été très important à une époque et avait une carrière toute tracée.

La première fois que Noah avait avalé une gorgée de bière, cela lui avait brulé la gorge. Le goût était désagréable, sec et râpeux à la fois. Bref, un très mauvais souvenir. Mais poussé par ses amis, le jeune homme avait terminé sa première bouteille, puis une seconde, puis une troisième, une quatrième et termina saoule à uriner contre un buisson derrière la grande salle dans laquelle ils venaient de faire leur concert. Ce soir là, il avait ressentit un immense bonheur, comme si tout allait pour le mieux. Il avait apprécié l’était second que l’alcool lui procurait et c’est comme ça que Noah s’étais mis à boire. Cette page noire de son histoire avait été arrachée du livre et brûlée. Noah ne buvait plus pour se sentir mieux, mais buvait occasionnellement pour se faire plaisir. « Forcer une femme à boire pour se sentir moins coupable, c'est du beau ça ! » Un sourire s’afficha sur ses lèvres. Noah ne se sentait plus coupable de boire. Au début oui, lorsqu’on le regardait avec une bière à la main, il se sentait coupable, pensant tout de suite qu’on pensait qu’il s’était remis à boire. Mais c’était il y a longtemps. L’ancienne célébrité en avait tellement lu à son sujet et l’alcool qu’il avait décidé, enfin, de faire comme bon lui semblait. En guise de réponse, il leva sa bière et trinqua dans celle de la jeune femme. « Santé ! », annonça t’il dans un hochement de tête. Il la regarda boire en souriant et en fit de même. « Mais ça fait un moment que vous n'avez pas sorti d'albums, non ? Comment ça se fait si tu composes encore et tout ? » Cette question le désarçonna. Jamais personne ne lui avait demandé une telle chose, et il fallait dire que personne ne savait qu’il composait encore. Certains s’en doutaient mais n’avaient jamais osé aborder le sujet. La révélation qu’il avait faite à la jeune femme était sortie toute seule, il avait parlé sans réfléchir. En l’espace d’un instant, cette femme était apparue de nulle part et avait découvert deux de ses secrets : cette grange, et le fait qu’il compose encore. Quoi qu’il dise, Noah était bien décidé à lui faire oublier cette après midi, alors autant dire la vérité. « C’est assez délicat. Ca fait un peu moins de 15 ans que le groupe est fini.. Je n’ai jamais rien trouvé d’autre à faire à part quelques concerts, donner quelques cours de gratte à des mioches et chanter tous les samedis soirs aux soirées karaoké… Pourtant la musique fait partie intégrante de ma vie, alors j’écris, c’est plus fort que moi. » Noah laissa échapper un soupire et avala une nouvelle gorgée de sa bière, le regard vide, se rendant compte à quel point la grande scène lui manquait.

L'atmosphère semblait se tinter de nostalgie et de vieux souvenirs qui refaisaient surface. Tous deux se revoyaient quelques années en arrière dans des situations totalement différentes que celle actuelle, assis dans la grange à siroter une bière tranquillement. Pourtant, aucun des deux ne le montrait, surtout pas Colleen, qui ne supportait pas laisser entrevoir les rares sentiments qu'il lui arrivait d'avoir. Elle était très sage désormais, calme, presque comme une enfant domptée. En fait, ce n'était pas le cas, pas du tout, personne n'avait su la dompter de toute sa vie, et l'inverse serait vraiment étonnant, mais là, elle n'était plus dans une ambiance à taquiner. La musique l'avait un peu rendu non pas émotive mais humaine je dirais. Bière à la main, elle trinqua donc avec l'homme qui était face à elle en lui répondant avec ce même santé qu'il venait de prononcer. Elle reprit une gorgée de sa cannette avant de regarder cette dernière d'une manière très pensive, la menant à une réflexion qui se clôtura sur la question qu'elle finit par lui poser. Elle remarqua cependant qu'il en fut déstabilisé et se rendit compte que la question n'était peut-être pas à poser, mais c'était trop tard désormais, elle ne pouvait plus la retirer. Elle rentrait dans sa vie, dans ses passions, dans ses envies les plus profondes, elle s'en rendait bien compte. Mais quelques secondes après avoir posé la question. Elle fut étonnée qu'il lui réponde honnêtement et vraiment, alors qu'il aurait pu fuir le sujet. Elle l'aurait probablement fait si on lui avait posé une question du genre, assez indiscrète. Elle l'écouta sans broncher, attentive à chacun de ses mots. Elle se tourna alors vers lui, et le scruta. Elle lisait dans ces yeux à quel point il aimait la musique. Puis, elle souleva une hypothèse qui semblait comme une évidence à ses yeux "- Mais pourquoi tu n'as pas fait une carrière solo si le groupe est fini mais que tu vis toujours pour la musique et compose régulièrement ? J'imagine qu'en 15 ans, tu as fait un paquet de chansons ! Je me trompe ?" Elle essayait de comprendre tant bien que mal comment il pouvait être là, seul, dans sa grange, à boire jusqu'à être assez inspiré, alors qu'il pourrait être elle ne savait où en concert. C'était peut-être une nouvelle question qui n'avait pas lieu d'être, elle n'en savait rien, mais elle ne voulait aucunement être méchante, pour une fois. Elle but alors une nouvelle gorgée de sa bière, continuant à réfléchir pendant ce temps.

La question lui tomba dessus comme un coup de massue. C’était ces questions là qui le déstabilisaient. Dès lors que l’on évoquait l’éventualité d’une carrière en solo, Noah était perdu. Tout un tas de question se mettait à défiler dans sa tête : Est-ce trop tard ? Aurais-je du sauter sur l’occasion après la chute du groupe ? Suis-je passé à côté du plus grand truc de ma vie ? Est-ce que j’aurais cartonné ? Mieux que le groupe ? Le sujet d’une carrière solo était un sujet qui le flattait mais qui l’énervait tout autant. L’entourage du garçon l’avait bien compris, et plus personne n’avait remis le sujet sur la table depuis dix ans maintenant jusqu’à ce que cette femme sortie de nulle part le fasse. A ce moment, Noah ne savait pas vraiment quoi faire. Il porta sa bouteille de bière à sa bouche et avala une nouvelle gorgée. Il était un très bon musicien, un bon vivant et un homme très optimiste sur tout excepté une chose : ses textes. Pour lui, ce qu’il écrivait aujourd’hui était une pale copie de ce qu’il écrivait des années auparavant dans le garage avec ses copains : des textes qui ne laissaient passer aucunes émotions et dont tout le monde se fichaient. Oui j’ai écris. Beaucoup. Enormément même ! Mais une carrière solo... Voyons ! Qu’est ce que tu veux d’un vieux qui débarque avec des chansons qui parlent de choses dont tout le monde se fout au milieu de starlettes dont les chansons ne parlent que de cul, d’alcool et de meufs sur une bande son merdique qui les fais bouger ! Noah se leva et attrapa les deux feuilles qui étaient posées sur l’étui de la guitare. Vivement, il les chiffonna et les lança aussi fort qu’il pu. Le musicien se rassit en tailleur sur la botte de paille et avala à nouveau une gorgée de la boisson alcoolisée. Dans un soupir, Noah continua. J’ai horreur de l’admettre, mais ma carrière est aussi fini que le groupe. Mais j’ai pas envie d’être formé à devenir caissier ou vendeur pour être quelqu’un de normal. Parce que j’suis pas quelqu’un de normal. J’ai la musique dans la peau, j’ai que ça. Je sais faire que ça.. Mais c’est fini. Noah ignorait pourquoi il était sincère avec cette inconnue mais il l’était et ça lui faisait du bien. C’était comme nécessaire. Pendant toutes ces années il avait intériorisé un tas de choses et n’en avait jamais parlé à personne. La seule ‘personne’ à qui il se confiait était le fantôme de son père mais il ne s’était plus manifesté depuis quelques années. Noah se rendit alors compte que malgré tout, il était seul.

Il y a plusieurs types d'hommes qui intéressent plus les femmes que d'autres. Les bruns ténébreux un peu discrets. Les blonds parfaits qui savent tout faire. Mais il y avait aussi ces artistes un peu perdus dans leur pensée qui ne cherchaient qu'un appui dans leur vie. Beaucoup de femmes rêvaient d'être leurs muses, ou mieux, celle qui les aiderait à se sentir mieux et à oublier cette dépression qu'ils avaient pu connaître. Elles se rêvaient héros, mais sans le slip par dessus le pantalon, juste en étant là et en faisant le bien autour d'elles par un sourire. Autant vous dire que Colleen se voit plutôt du côté des méchantes. Pour autant, elle aime le charme que dégageait cet homme mélancolique. Il avait un petit quelque chose, elle ne pouvait le nier. Mais sa tristesse la bloquait tout de même également. Elle écouta avec attention ses lamentations mais n'eut comme réaction immédiate que de lever les yeux au ciel. Elle se leva, montrant une joie débordante jusqu'aux coins de ses lèvres "- Cesse de croire que ta carrière est finie, que tu ne feras rien. Tu as du talent, tu en avais il ne peut pas avoir disparu. Alors vis la musique comme tu vis une vie. Profites de chaque instant, croque dedans, balance le son et tu t'en fous des autres. Vis pour toi. Que ce soit à la mode ou pas." Elle se mit alors à fredonner doucement tout en tournant sur elle-même avec une grâce assez rare. Elle se mettait à tournoyer comme pourrait le faire un enfant... ou un danseur, montrant que la musique transperce une âme et ne s'attrape pas. "- Vis, allez viens vivre avec moi !" Elle le tira vers lui et le força à danser avec elle. Elle avait eu ce petit coup de folie, cherchant par un quelconque moyen à l'extirper de sa dépression. La seule pause qu'elle fit fut pour prendre une nouvelle bière et la descendre assez rapidement, avant de tournoyer à nouveau, quasiment seule. Finalement, elle le ramena plus près d'elle comme pour l'obliger à danser. Il n'y avait pas de musique qui imprégnait la grange, mais c'était comme si. Alors, peu à peu, elle devint un petit plus sensuelle que folle, elle se laissa emporter par cette musique qu'elle chantonnait doucement, peu importe son timbre de voix. Elle souriait, laissant apparaître ses dents du bonheur et montrant qu'il devait lui aussi sourire, qu'il devait se sentir bien. Laisser la musique battre et l'inspiration découler de sa tête sans chercher à contrôler et renier. Juste laisser battre. Et finalement, quand chaque accord se fait, la vie est là, accompagnée d'une note de douceur. C'était peut-être ça la vie, se laisser emporter par le tourbillon tantôt pianissimo tantôt forte que l'on ne pouvait contrôler.

Un virage à 180 degrés. Les choses n’étaient pas ce qu’elles avaient prévu d’être. L’après midi aurait du être calme, musical, inspirant, rempli de solitude et alcoolisé. Finalement, il était quand même alcoolisé et musical mais la solitude avait été remplacée par la présence d’une magnifique inconnue et le calme de cette solitude par cette même personne. Quant à l’inspiration, elle fut remplacée par la confession. Qui donc était cette jeune femme ? Un ange gardien ? Une psychologue ? Elle avait évoquée à leur rencontre les martiens, était-elle l’une d’entre eux ? Peu importait : elle l’avait fait parler et lui avait enlevé cet énorme poids qu’il avait sur le cœur. L’ancienne rock star s’était lamenté sur son sors concernant sa carrière musicale. Sa vie se résumait à Frosted, c’était tout. "- Cesse de croire que ta carrière est finie, que tu ne feras rien. Tu as du talent, tu en avais il ne peut pas avoir disparu. Alors vis la musique comme tu vis une vie. Profites de chaque instant, croque dedans, balance le son et tu t'en fous des autres. Vis pour toi. Que ce soit à la mode ou pas." Elle venait de réussir à le faire sourire. Quand je disais que le sujet de la carrière solo lui était soit flatteur soit dévastateur. La jolie demoiselle se mit à tournoyer sur elle, chantonnant un air gai. Elle attrapa le guitariste et l’invita à la rejoindre, se collant plus près de lui à chaque instant. Le pack de bière venait de perdre une nouvelle bouteille que la jeune femme descendit en quelques gorgées. Noah termina simplement la sienne et la posa sur la botte de paille. Plus les secondes passaient, plus le corps de la créature blonde se rapprochait de celui de Noah, jusqu’à se coller contre lui. La folie avait laissé place à la sensualité. Le jeune homme s’était laissé prendre au jeu. Ses yeux se fermèrent et la musique que chantonnait la douce lui résonnait dans la tête. Il posa ses mains sur sa taille, resserrant à son tour son étreinte sur elle, la faisant tournoyer sur elle-même. La mélodie qu’il avait maintenant en tête l’inspirait. Une vieille grange, un homme perdu, un ange. Le scénario était sous ses yeux et la suite des évènements deviendrait sa nouvelle chanson : un papier de plus à glisser sous le matelas de la chambre. Ses yeux se rouvrirent et il glissa un murmure dans l’oreille de la jeune femme. Tu m’inspires. Noah lâcha l’inconnue et pris deux nouvelles bière : les deux dernières du pack. Il en tendit une à la blondinette et ouvrit l’autre pour lui. J’ai du talent, ça j’le sais. Mais pour jouer dans un groupe. Pas pour assurer une carrière solo. A la tienne ! Les deux petites bouteilles de verre s’entrechoquèrent.

La musique transportait les âmes, les enlevait de leur enveloppe charnelle pour les faire s'envoler avec une légèreté déconcertante. Elle donnait vie aux personnes les plus amorphes, celles qui parfois ne voulaient plus se laisser emmener. Elle avait cette puissance inestimable, cette puissance que l'art lui avait donné des millénaires en arrière. Le pouvoir de simples sons, qui combinait prenait un sens encore plus fort que le simple langage seul. Colleen n'y croyait que très peu. Elle avait cette habitude de ne se laisser guider que par elle-même, mai parfois, il lui arrivait de laisser couler. Face au désespoir présent du jeune homme, elle s'était dit qu'il ne suffisait que de se laisser guider. Il avait fini par la suivre, convaincue par la tornade blonde. Il lui faisait confiance, et mine de rien, elle en était assez fière. Il souriait, il dansait contre elle, elle avait réussi. Elle avait fait sa bonne action de la journée, c'était certain. Peut-être même de l'année. En fait non, carrément du siècle pour Colleen, il ne fallait pas abuser. La musique avait créé une petite et fine bulle qui les rapprochait chaque seconde un peu davantage. La musique, et un petit peu l'alcool, bien qu'ils n'avaient pas encore bu grand chose. Cette proximité en était presque étrange, mais aucune question ne se posait. Elle l'aidait, cela lui semblait presque naturel. Était-ce le début d'une amitié qui se faisait ? Peut-être, ou alors Colleen s'en voulait peut-être d'avoir participé à cette baisse de morale. Elle avait mal jugé, et malgré sa méchanceté ambiante, elle voulait rattraper cette erreur en le rassurant sur son talent. Elle couvrait encore le silence par son petit chant tandis qu'ils tournaient. Il semblait se laisser finalement complètement emporter, fermant les yeux. Elle chantait alors encore plus, pas mieux par contre, et dansait avec un peu plus d'engouement. Elle sentit alors ses mains sur sa taille et le laissa alors désormais mener la danse. Elle écouta les mots qu'il lui dit à l'oreille et, tandis qu'elle posai une main dans la nuque du jeune home, elle s'approcha à son tour de son oreille "- Ma belle voix en est honorée" Elle avait cessé de chantonner pour prononcer ces quelques mots avant de laisser un petit rire presque enfantin traverser sa gorge et résonna dans la grange tel une douceur innocente tombant sur eux. Ils n'avaient pourtant rien d'innocents, pas plus dans leurs gestes que dans leur âge. Ils se décollèrent ensuite pour une nouvelle bière, elle saisit celle tendue d'ailleurs. "- Tu peux autant faire une carrière solo qu'en groupe. Au pire, tu peux devenir compositeur pour d'autres dans le pire des cas ! Mais je suis sûre que tu as le potentiel." Puis, dans un sous-entendu qui se retrouva appuyé par un regard fixe, elle poursuivit "- Je suis sûre que tu es très doué... il ne te reste plus qu'à l'admettre et le montrer sans crainte." L'aguicher ? Non jamais, Colleen était toujours très chaste. Elle porta alors à nouveau la cannette à ses lèvres pour en avaler une énième gorgée. Dommage que la bière ne lui fasse pas beaucoup d'effets, sinon elle tournerait peut-être encore et encore, dans une folie excessive, jusqu'à ne plus pouvoir partir de ce lieu tellement elle serait mal. Mais contrairement à cela, elle était juste là, avec ces sous-entendus, à tenter de le remettre sur pied, de lui permettre de croire en elle et surtout en lui. Elle se le promettait à ce moment précis, elle ne le laisserait pas dépérir dans ses doutes.

Noah avait souvent manqué de confiance en soit. Il savait que ce qu’il faisait était bien, mais il se persuadait du contraire. Ainsi, le tas de papiers qui s’entassaient sous son lit n’étaient d’autres que des chefs d’œuvres que l’artiste avait écrits, mais pour Noah il ne s’agissait que de vulgaires textes sans aucune valeur puisqu’il n’était plus question pour lui de revenir sur le devant de la scène. Alors qu’elle attrapa la bière que le bel homme lui tendait, la jeune femme s’empressa de répondre aux précédentes paroles de Noah. "- Tu peux autant faire une carrière solo qu'en groupe. Au pire, tu peux devenir compositeur pour d'autres dans le pire des cas ! Mais je suis sûre que tu as le potentiel." Compositeur. Cette éventualité, Noah n’y avait jamais pensé et lui paru soudain comme une évidence. S’il ne pouvait pas chanter ses textes, peut être qu’une autre star le pourrait. L’espace d’un instant, l’ancienne vedette s’imagina en grand compositeur/parolier pour les plus grands. Qui aura la dernière chanson écrite par Noah Harper ? C’était bien trop beau pour pouvoir être vrai. Le monde de la musique n’est plus ce qu’il était il y a quinze ans de cela. Noah avala une nouvelle gorgée de la dernière bière du pack, puis une autre et descendit finalement la bouteille. Même Magalie Vaé ne voudrait pas de mes chansons pour remonter sur scène ! C’est très tentant, mais c’est peine perdu. Les producteurs recherchent des chansons à frics ! J’suis has been pour eux. Le jeune homme attrapa la bouteille de vodka qui trainait par terre et en dévissa le bouchon. Il avala deux gorgées de son breuvage préféré, et une troisième après les dernières paroles de la jeune blondinette. Il referma la bouteille et la tendit à la jeune femme qui avait encore sa bière en main. Je suis doué pour pas mal de choses, je l’admets. Et je te promets de te montrer si tu bois suffisamment pour oublier cette journée ma jolie. Il s’en alla s’asseoir sur la botte de paille la plus proche et attrapa une feuille et un stylo dans la pochette de la guitare et se mit à écrire quelques phrases. Il leva les yeux vers la jolie demoiselle qui le regardait. Ne me regarde pas comme ça. Bois ! Des couplets, un refrain. Une nouvelle chanson qui finirait comme toutes les autres : sous le matelas du lit de Noah.

Spoiler:

Il existe des chances qu'il faut savoir saisir. Des opportunités. Parfois, quand tout est pour le mieux, cela se combine exactement à la passion d'une vie. Vous rêviez, pendant des mois, et finalement vous pouviez toucher du doigt ce que vous aviez tant voulu pendant de temps. Il s'agissait parfois que d'une ébauche de ce rêve que vous connaissiez par coeur à force de l'avoir fait, mais d'autres fois, la concrétisation était là, parfaite, sans défauts. Mais il fallait le voir, le comprendre et faire ce pas précis qui mènerait à la vie idéale, ou à ce qui pouvait s'en rapprocher le plus du moins. Noah semblait de ceux qui avaient une passion dévorante, qui ne vivait que pour celle-ci, et Colleen ne comprenait pas pourquoi il semblait si borné à limiter ses opportunités. Il pouvait être voué à de grandes choses. Et puis has been ou pas, il était largement plus doué que certaines personnes qui étaient au top de la célébrité de nos jours. Elle avait envie de croire en lui, et cela est dû au simple fait que voir cet homme, charmant, doué, et passionné, déprimait alors qu'il avait plusieurs portes qui étaient ouvertes face à lui. Elle lui avait fait comprendre qu'il devait profiter de chaque occasion, qu'il devait faire le maximum pour ouvrir, si ce n'était forcer les portes de la gloire. On a rien sans rien, et ce n'était pas dans cette grange qu'il allait réussir à retrouver les chemins des studios, vraiment pas. Elle l'avait secoué, elle avait tenté de lui faire comprendre en lui posant plusieurs questions pourtant simples mais qui relevaient de choses assez importantes, qu'il ne semblait même pas avoir prises en compte apparemment. Elle avait dansé, l'avait fait danser pour qu'ils allègent leur âme du poids du chagrin et ne penser plus qu'à ce petit air de musique qu'elle chantonnait. Ils avaient vécu pendant quelques secondes, s'abandonnant à cet air, et inspirant apparemment le brun qui l'avait fait remarqué à sa collègue blonde qui ne comptait pas le lâcher tout de suite. Ils en étaient à parler de la composition, Colleen soulevant l'hypothèse qu'il puisse être uniquement compositeur s'il ne voulait pas être seul sur scène. "- C'est sûr que si t'abandonnes avant même d'essayer, tu vas rester là à prendre poussière sur ta botte de paille et jamais être heureux mon gars." Elle voulait lui faire reconnaître la vérité, qu'il ait envie de se bouger, qu'il essaye, même si cela semblait peine perdu vu la motivation dont faisait preuve le garçon. Il se mit à boire quelques gorgées de vodka et lui tendit la bouteille ensuite. Elle finit les rares gorgées encore restantes dans sa canette de bière qu'elle jeta vers les autres avant de dévisser à son tour le bouchon de la vodka et d'en boire quelques gorgées. L'alcool était plus fort, mais les pensées de Colleen ne fuyaient pas encore. Cependant, s'ils tournaient à la vodka, ça serait bien plus rapide que prévu. Elle rit de sa phrase avant d'ajouter avec un air faussement angélique laissant sous-entendre pas mal de choses. "- Je suis assez déçue quand je ne me rappelle pas des talents qu'on m'expose... Je peux pas avoir un aperçu avant que je ne sois complètement ivre ?" Elle ne rajouta rien de plus, le regardant s'asseoir sur cette botte de paille où il se mit à écrire. Elle n'avait pas bougé mais le fixait juste. Quand il leva les yeux vers elle, elle put y voir quelques paillettes qui montraient l'essence même de sa passion. Il se mit alors à parler et elle leva les yeux au ciel "- Occupe-toi de ton papier, et après, peut-être que tu auras le droit de me donner des ordres... Et encore, seulement si tu es sage !" Pourtant, alors qu'elle finissait la phrase, elle déposa à nouveau la bouteille à ses lèvres et en prit plusieurs gorgées d'affilée. De quoi commença à la rendre un peu plus folle, mais ce n'est pas encore ça. Elle garda la bouteille à la main et alla s'asseoir à côté de lui, ne regardant aucunement ses écrits, mais juste son visage, lui murmurant sensuellement à l'oreille "- Tu sais que t'es pas mal sexy quand tu es inspiré ?" Elle posa sa main sur l'épaule du jeune homme, le regardant sans ciller, puis lui tendit la bouteille qu'elle tenait dans l'autre main.

Les mots lui venaient facilement, trop facilement. Le crayon défilait à vive allure sur la feuille de papier, laissant derrière lui de nouvelles phrases, de nouveaux couplets, une nouvelle chanson. Un rien pouvait inspirer notre ancienne vedette : une vielle grange retapée, un guitariste déprimée et une jolie créature qui s’était aventurée jusqu’ici. Le scénario était tout trouvé. A mesure qu’il écrivait, la mélodie qui pourrait accompagner ses paroles défilait dans sa tête. Un air joyeux, comme celui qu’elle avait chantonné précédemment. Quelques passages en mineur, pour une pointe de nostalgie et de déprime. Et revenir sur du majeur, pour laisser exploser toute la joie de cette chanson, de cette rencontre. Les précédentes paroles de la jeune femme étaient restées sans réponse. Elle voulait un aperçu de son talent avant d’avoir trop bu pour se rappeler. Ce n’était pas vraiment ce que Noah avait souhaité mais peu importait. Il la poussa quand même à boire, on ne sait jamais, quelques fois qu’elle changerait d’avis. Occupe-toi de ton papier, et après, peut-être que tu auras le droit de me donner des ordres... Et encore, seulement si tu es sage !" Noah leva la tête pour la première fois de son papier et accorda un sourire taquin à la blondinette. Il ne savait pas vraiment si elle était sérieuse où si elle rigolait, mais il était d’humeur à préférer la deuxième option. Il replongea la tête dans son papier où les lignes continuaient de déferler. Soudain, il sentit la présence de la ravissante jeune femme à ses côtés ainsi que sa main sur son épaule. Il accéléra son écriture et posa enfin le point final sur la feuille. Il attrapa la bouteille qui lui était tendu et avala quelques nouvelles gorgées. Il tourna la tête pour regarder la jeune femme. Son visage n’était qu’à quelques centimètres du sien. Arborant un sourire ravageur, il répondit à son tour dans un murmure. Ca, c’est parce que mon inspiration l’est tout autant. Il avala une nouvelle gorgée et lui tendit à nouveau la bouteille. Toujours aussi souriant, il attrapa sa guitare et se mit debout devant la jeune femme, commençant à jouer quelques arpèges assez joyeux. J’espère que tu te rappelleras de ce moment, c’est la première et dernière fois que tu entendras cette chanson. Un clin d’œil. Il commença à jouer plus gaiement et se mit à chanter la chanson précédemment écrite. La passion l’emportait. Les yeux de Noah se fermèrent par moment. Les mots qui sortaient étaient vrais. C’était la première fois qu’il écrivait et chantait une chanson pour quelqu’un.

L'alcool enivrait les sens. Il ne transportait pas, il déroutait. Il faisait perdre l'équilibre d'une vie en une soirée, un instant. Il permettait d'oublier ce sol sur lequel nous étions tant affairés à poser le pied. Il libérait en un sens les idées les plus malsaines et les faisait tournoyer dans l'air lourd des responsabilités. Tout disparaissait pour un laps de temps indéfini. Il avait cet effet qu'avait eu l'opium par le passé sur les artistes les plus talentueux. Certains avaient écrit des poèmes, d'autres des livres entiers grâce à un état second qu'ils ne savaient contrôler. Il semblait en être de même pour Noah qui n'était inspiré qu'après avoir tourné pendant ce qui avait pu sembler une éternité avec la tempête blonde qui s'était bien décidée à faire changer sa vie. Elle ne se résoudrait aucunement à le laisser s'attrister sans son sort sans l'aider à s'en sortir. Et personne n'était en mesure de nier que Colleen avait beaucoup de caractère, et que quand elle a quelque chose dans la tête... elle ne l'a vraiment pas ailleurs ! Il était désormais inspiré, et la blonde en était ravie. Hormis quelques paroles pour lui répondre, elle resta silencieuse. Elle ne chantait plus du tout, devinant que les notes de musique n'avaient alors de la place que dans la tête du jeune homme. Si elle tentait d'un quelconque moyen de le distraire, elle pourrait s'en attirer les foudres, du moins cela n'aurait pas été étonnant. Elle l'avait regardé s'animer, se laisser empoigner par l'inspiration qui ne semblait pas vouloir le quitter. Elle était fière d'être témoin d'une telle scène. C'était beau. Touchant. Même pour Colleen. C'était pour cette raison qu'elle s'était laissé tenter à boire comme il le lui avait dit, et qu'elle avait fini par se rapprocher de lui. Elle avait besoin de faire partie de cette bulle magique. Elle ne savait pas pourquoi. Alors, assez rapidement, elle lui avait fait du rentre dedans, lui disant qu'elle le trouvait pas mal sexy, ce à quoi il avait répondu comme Colleen l'espérait. Elle reprit alors la bouteille qu'il lui tendit et laissa la vodka prendre possession de sa gorge à nouveau. Elle s'écarta un peu pour qu'il puisse jouer de la guitare tout en hochant silencieusement la tête. Il était assez rare de la voir aussi calme et docile, mais elle avait l'impression que quelque chose de magique régnait dans l'air, cette magie musicale qui flottait et les contrôlait autant que l'alcool s'emparait de leurs veines. Elle sourit simplement pour montrer qu'elle était attentive et se surprit à se laisser porter par les notes, fermant elle-même les yeux comme si elle ressentait ce qu'il disait. Elle se sentait flattée. Réellement. Puis, elle reprit une nouvelle gorgée de vodka. Cette chanson était belle, elle aimait beaucoup, et elle ne pouvait que sourire, ne sachant qu'ajouter d'autres, ayant peur de casser ce moment. Puis le moment s'arrêta, la chanson touchait à sa fin. Elle s'en était enivrée tout autant qu'elle s'enivrait de la vodka. Elle s'approcha de lui, et sans un mot, l'embrassa sur la joue, comme si cela suffisait à expliquer qu'elle avait beaucoup apprécié ce moment. Cependant, le silence lui devint pesant et elle lui murmura à l'oreille. "- Ne brise pas ton talent en te sous-estimant. Tu vaux bien plus que ce que tu crois. Cette chanson est parfaite." Elle déposa à nouveau un baiser sur sa joue, avant de boire une nouvelle gorgée de cette potion qu'elle transmit à son partenaire de l'instant.

Les mots étaient sincères et l’émotion le submergeait. Jamais il n’avait composé une chanson pour une personne en particulier, jamais. Encore moins pour une inconnue. Mais la situation avait été idéale, parfaite et inspirante pour le garçon. Tout était arrivé avec tant de simplicité, comme si Noah la connaissait depuis longtemps. Pourtant rien n’aurait pu laisser prétendre un tel changement de situation. La méchanceté avait laissé place à l’amabilité, la sensibilité et à quelques moments la sensualité. Les poils de Noah s’étaient hérissés tout le long de la chanson. En plus de n’avoir jamais composé pour quelqu’un, il n’avait jamais chanté ses propres compositions devant qui que ce soit. Les dernières notes de la chanson se firent entendre et la star d’un après midi rouvrit les yeux et regarda la jolie blonde, attendant quelques mots de sa part. Sa réaction ne se fit pas attendre. En un instant, elle fut près de lui et ses lèvres touchèrent sa joue. Un doux baiser comme remerciement sans doute. Les quelques paroles qu’elle lui murmura lui chatouillèrent les oreilles et lui provoquèrent un sourire. Noah replaça une mèche de la jolie demoiselle derrière son oreille et approcha son visage du sien. Au dernier moment, il tourna la tête pour lui souffler à l’oreille. Merci. Il saisit la bouteille que tenait la demoiselle en main et avala quelques nouvelles gorgées. Les effets de l’alcool ne tarderaient pas à se manifester à la vitesse où descendait la boisson. Les lèvres alcoolisées de Noah déposèrent un doux baiser entre la joue et le cou de la jeune femme. Après lui avoir adressé un sourire des plus séducteurs, il se dirigea vers la grande échelle au fond de la grange. Il monta les quelques barreaux et arrivé à l’étage qu’il avait également retapé. Beaucoup moins éclairé, Noah se cogna la tête contre une poutre. Il continua d’avancer vers ce qu’il cherchait. Un vieux coffre. Lorsqu’il fut à porter de vue, il se mit à sourire. Noah regarda d’en haut la jeune femme. Allez, monte ! Alors qu’elle se mit à marcher en direction de l’échelle, Noah ouvrit le coffre. Des bouteilles, plusieurs bouteilles d’alcool étaient à l’intérieur. Ainsi qu’un plaid : la paille n’est pas toujours très confortable pour un vieux monsieur comme Noah. Et de nombreux objets qui avaient une importance pour Noah. L’ancien alcoolique sentit la présence de la demoiselle à ses côtés. Le trésor de cette grange.. Le garçon se releva et se tourna. La proximité entre elle et lui était moindre. Ses yeux se perdirent dans les siens, il ne contrôlait plus rien. Il attendait juste. La grange aurait elle trouvé un nouveau trésor ?