Un nouveau jour s'achève, laissant place à la nuit, sa pénombre et les monstres qui l'habitent. Par conséquent, moi. Je vis extrêmement mal ma transformation. Depuis celle-ci, je n'ai pas touché à une seule goutte de sang humain, me contentant du sang synthétique. Je sais que je ne pourrais pas perdurer ainsi éternellement, mais je ne peux pas me contraindre à tuer pour me nourrir. J'ai déjà fait couler tant de sang, que je serais accablé d'encore plus de regrets si je me mettais à tuer de nouveau. Ceux-ci m'empêchent déjà d'avancer, il ne vaut mieux pas en rajouter. Du coup je tente de survivre comme je peux, de m'habituer à ma vie nocturne et surtout à ne plus avoir de contact avec mes proches. J'ai abandonné ma propre femme de peur de la faire souffrir à nouveau. Elle ne mérite pas un tel châtiment. Elle ne me mérite tout simplement pas, car je ne suis qu'un fardeau. Je n'ai rien à lui offrir, hors mis de la misère et davantage de peine. Sauf qu'encore une fois, ma maison me manque. Planqué dans un recoin d'une pièce appartement à l'immeuble des vampires, je tente de contenir mon envie d'y retourner. Je me force à ne plus y penser, mais le désir est trop fort. En moins de temps qu'il n'en faut, je suis face à ma maison. Le quartier est vidé de ses habitants. Normal, il est environ minuit et tout le monde dort. Je ne sens aucune présence dans la-dit maison. Comme abandonnée, je pénètre dans les lieux. Pas besoin de casser une vitre ou autre, ma nouvelle condition me permet d'entrer sans casse. Une fois dans le salon, je me sens nostalgique. J'ai vécu ici une grande partie de ma vie, c'est donc à la fois étrange et triste que de revenir dans ces lieux. Je suis peiné, mais également en rogne. En tant que vampire, j'ai mes sentiments qui sont amplifiés et que je ne contrôle pas. Cette haine, cette colère qui m'anime soudainement, me rend fou. Fou au point de prendre ce qui me passe sous la main et de l'éclater contre le mur d'en face. Le vase qu'on nous a offert le jour de notre mariage explose en mille morceaux ne laissant derrière lui qu'un vague souvenir. M'effondrant au sol et plongeant ma tête entre mes mains, je voudrais ne plus exister. Mais à peine je m'apitoie sur mon sort, que je ressens un coeur qui bat. Quelqu'un arrive. Grâce à ma super vitesse, je me planque dans un des coins du salon, me dissimulant dans un coin d'ombre.

Tapis dans la pénombre du recoin du salon, je me fais le plus discret possible. Même avant de devenir vampire et de posséder les attraits qui sont propres à la race, j'étais formé pour me fondre dans le décor, donc j'avais l'habitude. Silencieux, je ne fais plus un bruit. Craignant que cette personne soit ma femme, je pris pour qu'elle s'en aille. Lui faire de nouveau face, serait une épreuve bien trop dur. Et pourtant j'en ai vécu des épreuves et pas des moindres. Mais celle-ci est au delà de mes moyens. Voir son regard triste, sentir son coeur se briser à nouveau, rien qu'en me voyant, je veux nous éviter de la peine supplémentaire. Nous avons besoin d'espace, de réapprendre à vivre et avant de le faire à deux, il faut que je puisse me débrouiller seul. M'adapter à ma nouvelle condition, savoir me contrôler et faire face à mon changement de comportement. Tant de choses que je dois assimiler et que je ne peux pas lui faire subir. Elle mérite d'être avec un homme qui pourra lui offrir la vie qu'elle désire, avec de la joie, de la bonne humeur et surtout, des enfants. Je ne digère toujours pas d'être séparé d'elle, mais j'ai mes propres démons à affronter. Et pour cela, je dois m'éloigner au maximum de mes proches. Je ne le supporterais pas s'il arrivait malheur à l'un d'entre eux par ma faute. Sauf que soudain, la lumière du lustre illumine la pièce et me dévoile au grand jour. « Floyd ! Pourquoi as-tu arrêté de me donner des nouvelles ? Ca fait plusieurs semaines que j'essaie de te joindre. Et je peux savoir ce que tu faisais tout seul dans le noir ? » . Je suis plutôt surpris de voir qui j'ai en face de moi. Jamais je n'aurais pensé là voir et encore moins ici. Mais il est vrai que parmi les personnes que j'ai lâchement abandonné, il y a elle. Elle m'a été d'un soutien lorsque je suis rentré de guerre et vice versa lorsqu'elle a perdu son mari. Une compagnie que j'appréciais à l'époque, car avec elle je n'avais pas besoin de parler de mes problèmes ou simplement de ma personne. Nous sommes au fil des mois devenus proches. Une relation qu'on ne peut pas définir, mais qui fut d'un grand réconfort. Toujours surpris de la retrouver dans ce qui se trouve être mon ancien salon, je ne sais pas quoi dire. D'un côté, elle m'a assailli de questions. Finalement je tente de lui fournir une réponse, pas complète certes, mais c'est déjà ça. « Je ... je ... quelques soucis. Et je .. je m'attendais à voir quelqu'un d'autre, du coup je me cachais .. ». Autant être franc, sans pour autant lui dire toute la vérité. Car dans le genre « Désolé, en fait je suis mort. Oui, oui, mais pour devenir un buveur de sang. », ça le fait moyen. D'ailleurs en évoquant ma nouvelle nature, je ressens rapidement l'envie et la soif. Depuis ma transformation, je me refuse à boire du sang humain, j'en paye aujourd'hui les conséquences. Tel un automatisme, je me recule d'elle. « Tu ... tu devrais t'en aller. Ce n'est pas prudent de rester ici ... ». Lui dis-je tout en baissant le regard. J'ai honte d'agir ainsi, de me renfermer, mais d'un côté, je n'ai pas le choix. Qui me comprendrait ?