✚ 06 NOVEMBRE : jagger&fyodor
« kiss my swag, suck my fortune and fuck my notoriety »

Comme l’éternel recommencement d'une histoire sans fin, je suis avachi sur le rebord du jacuzzi de la salle de bain où se déroule la soirée. Et comme je suis un invité d'exception, l'hôte même de la maison est agenouillée à mes pieds en train de me tailler une pipe ; je ne m'appelle pas Fyodor Katcheriojkine pour rien. Pendant qu'elle fait sa petite affaire, je me regarde dans le miroir à pieds qui me fait face, j'ai la gueule déjà bien amochée par la coke et j'essuie du revers de la main mon nez encore enfariné. Je pousse un râle, parce que malgré tout, cette petite traînée me fait du bien et continue la contemplation de mon reflet abîmé. « Aïe ! » La fille vient de toucher les bijoux de familles avec ses dents. Je la repousse d'un coup de genou assez violent ce qui a le don de la faire s'étaler de tout son long sur le sol marbré. « Putain, mais t'es conne ou quoi ? Tes parents t'ont pas appris à sucer correctement ? Merde. » Je ne regarde pas son visage, j'ai pas envie de voir l'expression dépitée qu'elle doit afficher, de toute façon elle n'émet pas mot et ferme sa bouche. Je me mets debout et relève mon jean, tombé alors sur mes chevilles avant de m'approcher du lavabo et de me refaire trois poutres. Une avalanche dans mon crâne. Mieux encore qu'un orgasme. Je n'entends que lointainement la porte qui claque. Je m'essuie le nez une nouvelle fois, passe de l'eau sur mon visage, attrape le sachet en plastique contenant de la came qui ne m'appartient pas et tourne les talons pour quitter la pièce, rejoignant ainsi cette soirée plutôt merdique dans l’ensemble.

J'erre à travers les couloirs sans fin de cet immense demeure, mon objectif premier est en effet de retrouver Jagger pour qu'on se casse de cette fête de pré-pubère et en trouver une autre qui conviendrait plus à nos attentes, à mes attentes. La musique craint, l'ambiance craint, les gens craignent, massacre social. J'ouvre chaque porte qui se présente à moi. Des mineurs, se lèchent les glottes dans des recoins sombres, se fument des joints avec aussi peu de professionnalisme que des gamins de cinq ans, se font leur premier rail, tirent leur premier coup – ou pas -, mais Jagger ne fait pas partie du lot. Je presse le pas et ouvre une énième porte avec détermination. Illumination. Il est là, torse nu, écroulé sur un canapé accompagné de deux filles qui ne doivent pas avoir plus de 16 ans. Elles l'embrassent et lui caressent l'entre-jambe avec aussi peu de classe qu'une pute. Il ne remarque même pas que je viens de faire mon entrée tant il est pris par son rôle de papa. « Oh mec. Viens on se casse ça craint ici. J'ai pris la came. » J'en ai à dire vrai, rien à branler de lui casser son coup ou non. J'ai pas été satisfait du mien, il a pas à l'être tant que je n'ai pas réglé mon affaire; ainsi va la vie. Sa tête se relève vivement vers moi, la même qu'il a à chaque fois que je lui fais un coup de pute ou qu'il est choqué par ce que je dis. « C'est bon, t'en choperas une autre bien plus bonne que ces deux catins, si on bouge notre putain de cul d'ici. »

Fyodor, ce type que Jagger considérait comme son meilleur pote mais aussi comme le type qu'il avait envie de cogner à chaque fois qu'ils sortaient tout les deux, comme s'il trouvait toujours le moyen de lui taper sur les nerfs, comme s'il cherchait la petite bête et de quoi l'emmerder un peu plus à chaque fois, ou alors c'était peut-être parce que le blond lui ressemblait un peu trop et qu'il était aussi con, têtu et borné que lui qu'il le trouvait insupportable relativement souvent. Jagger avait un sale caractère, tout dépendait d'avec qui il était mais généralement il ne faisait pas d'exception et il ne se gênait pas pour dire ce qu'il pensait, se foutant complètement de ce qu'on pouvait en penser, il n'avait aucune gêne et il était borné, il osait. Fyodor aussi, il lui tenait tête lorsqu'ils se disputaient, n'avait pas peur de lui foncer dessus s'il en avait envie et pourtant, Jagger avouait qu'il l'appréciait, il se marrait bien avec lui, c'était un pauv' type prétentieux et chiant comme lui, le pire était qu'ils entretenaient tout ça, comme si c'était une certaine fierté, comme s'il y avait des années d'expérience derrière eux. C'était à vrai dire le cas, ils se connaissaient depuis un long moment, et à force de traîner ensemble, ils se ressemblaient autant moralement que physiquement, toujours la vanne à la bouche, ils ne loupaient personne et généralement, lorsque la tempête Jagger/Fyodor était passée, on se sentait tout de suite mieux. Ils étaient assez cons ensemble, n'avaient pas peur de gueuler tout fort ce qu'ils pensaient, persuadés de toute façon qu'ils avaient raison. Toujours. Leur relation était électrique cependant, les deux jeunes hommes restaient très soudés, toujours là l'un pour l'autre malgré les nombreux sales coups qu'ils avaient pu se faire.

Toujours partant pour une soirée, Jagger avait accepté quand Fyodor lui avait proposé d'aller dans une maison, chez une fille qui organisait une fête, il ne s'attendait à rien de bien exceptionnel cependant il n'avait rien à faire alors pourquoi pas ? Ça pouvait être marrant. C'est alors qu'ils se retrouvèrent entourés d'adolescents. Boh, ça pouvait être drôle. De nombreux verres et joints plus tard, Jagger, complètement inconscient et surtout super con, avait trouvé le moyen de se poser dans une chambre avec deux filles, des gamines, une blonde, une brune, il faisait dans la variété des couleurs au risque de les confondre. Confortablement installé, t-shirt retiré, il fumait un joint, les yeux presque clos, un sourire en coin ornant ses lèvres. Puis, un emmerdeur ouvrit la porte : Fyodor. Il venait le chercher apparemment, trouvant la soirée un peu trop chiante à son goût. Jagger leva les yeux vers lui, n'eut aucune réaction sur le coup puis d'un coup, se leva. Prêt pour de nouvelles aventures. Sans adresser le moindre regard aux deux jeunes femmes qui devaient se demander ce qui se passait, attrapa son t-shirt pour l'enfiler et poussa légèrement Fyodor pour sortir de la pièce, l'attrapant par le bras pour l'embarquer avec lui en disant « Oh mais mec, putain, pourquoi tu me traîne dans une soirée de collégiens ? Sérieux, c'est pas humain, j'peux pas me taper des meufs de seize ans... » lui dit-il, conscient qu'il était, quelques minutes auparavant, sur le point de se faire plaisir avec des filles de cinq ans de moins que lui. Il passa sa main sur son visage puis dans ses cheveux bruns en poussant un soupir. « Tu veux aller où maintenant pauv' type ? »

Jagger avait une tête de dépravé, comme s'il venait juste de s'enfiler une dizaine de joints, ses yeux étaient rouges, bien trop rouges et il avait ce sourire niais sur les lèvres, le sourire du mec qui avait du mal à comprendre ce qui se passait autour de lui car il était bien trop défoncé. Il leva les yeux au ciel lorsque son ami lui parla de sa coke, Jagger n'aimait pas spécialement ça, il lui arrivait d'en prendre lorsqu'il n'avait plus rien à fumer chose qui était relativement rare, car même lorsqu'il en avait plus, il trouvait toujours le bon con à qui emprunter pour ne jamais lui rendre. Jagger avait de l'argent, beaucoup d'argent et ça le l'empêchait pas de faire quelques petits coups à des types qui se prenaient pour des grands dealeurs, leur promettant de leur donner l'argent sans jamais prévoir de le faire. C'était fourbe, mais ça marchait bien et on ne venait pas trop lui courir après pour lui demander ce qu'il devait en général. Il savait de toute façon à qui le faire et à qui au contraire, ne pas le faire. Il était borné mais pas suicidaire et il savait très bien qu'il y avait toujours des types un peu tarés qui n'hésitaient pas à sortir une arme si jamais on ne voulait pas payer. Jagger préférait ne pas trop jouer dans ces cas là. Les deux jeunes gens sortirent alors de la pièce, Fyodor ne manquant pas de leur demander de la fermer. Une fois dehors, comme deux gamins, il se mirent à parler de la courte soirée qu'ils venaient de passer. Jagger répondit, un sourire ornant ses lèvres, ayant un peu de mal à mettre un pied devant l'autre, il arrivait cependant à l'ouvrir pour parler, ça toujours « Sérieux, heureusement que t'es arrivé, j'sais pas ce que je leur aurais fais ! T'imagines dépuceler deux meufs en même temps ? » commença t-il avant de rire, amusé par sa propre connerie puis, il tourna la tête vers lui, le prit entre quatre yeux et lui demanda, prenant l'air le plus sérieux possible « Elle avale ? » Il n'eut pas franchement le temps d'écouter sa réponse qu'il recula pour se marrer. Et ça avait vingt-deux ans...