Une journée à la plage, avec ma lecture de la semaine, mon lecteur de musique et rien d'autre. C'était une de ces journées durant lesquelles je ne voulais pas m'encombrer de mon téléphone portable et des SMS qui ne me lâcheraient pas une seule minute. J'avais envie de me plonger dans l'univers de mon roman ou de mon groupe de musique préféré en me faisant bronzer, dorlotée par le soleil et la légère brise. Je me rendis donc à la mer avec ma serviette de plage et une petite robe fleurie par-dessus mon bikini blanc et or, et je m'installai au sol. J'étalai avec maladresse de la crème solaire sur mon dos, puis avec facilité sur le reste de mon corps, et je m'allongeai à plat ventre sur ma serviette, avant de détacher le derrière de mon bikini afin de ne pas avoir de démarcation dans le dos. J'insérai mes deux écouteurs dans mes oreilles et je laissai Adele m'emporter dans son univers de rupture, de déception et de coeurs brisés. Si seulement je pouvais au moins avoir le coeur brisé par un homme. Non, j'avais plutôt le coeur brisé par l'Amour, parce qu'il ne me laissait aucune chance. Cela devait faire cinq ans que je n'avais pas eu de petit ami. Le temps commençait à être long et moi, à désespérer. Alors que je pensais à tous mes déboires et ma malchance, une ombre vint se placer juste au-dessus de moi. J'avais les yeux fermés mais j'avais tout de même senti le changement de lumière au travers de mes paupières. Je relevai les yeux et la tête vers ce dérangement et aperçut un homme, de dos, qui faisait je-ne-sais-quoi. « Hum, excusez-moi monsieur ?! » Demandai-je poliment. Il avait le soleil devant lui alors même lorsqu'il se retourna, je n'arrivai pas à discerner de qui il s'agissait. Je ne pensais pas le connaître. Je souris, à l'aveuglette. « Pourriez-vous .. juste, vous décaler un peu ? Vous êtes devant le soleil ... » Continuais-je, innocemment.

Carlisle avait beau aimé son métier de policier, il se demandait parfois comment il faisait pour ne pas disjoncter, péter les plombs, tout quitter pour partir vivre tel un lama en Papouasie. La réponse est simple : s'il quittait ce boulot, il n'avait plus rien, à commencer par l'argent, bien qu'il en ait encore assez pour les trente prochaines années avec tout ce qu'il a épargné et tous les billets piqués à sa famille et ses amis. Mais malgré tout, il en avait marre des mégères qui venaient l'emmerder au commissariat tout ça parce que leurs chats avaient disparus ou s'étaient simplement coincés dans des arbres. Ils était des policiers, pas des gardiens animaliers. Sauf s'il s'agissait de lamas, alors là, la négociation serait tout bonnement envisageable.

Le boss de Carlisle était visiblement de bonne humeur aujourd'hui puisqu'il avait laissé le jeune homme rentrer chez lui plus tôt après qu'il lui ait fait croire qu'il avait une migraine énorme et qu'il n'arrivait même plus à tenir debout et encore moins à marcher. Il avait donc profiter de son début d'après-midi pour regarder la télé, lire des livres de cuisine - il n'avait d'ailleurs jamais vu de poulets dans cette position - avant de décréter qu'une petite visite sur le sable chaud de la plage n'allait pas le tuer, ni personne d'autres. Sauf s'il marchait sur quelqu'un, et encore, tuer quelqu'un en lui piétinant très légèrement le visage était quelque chose de rare, très rare, trop rare sans doutes.

Il s'était donc armé de ses lunettes de soleil et avait remonté un peu son jean, avant de partir vers la côte. Elle était toujours aussi magnifique par ailleurs, il se demandait même parfois si la mairie ne mettait pas de produits illicites dedans, ce qui lui permettrait de garder cette si belle couleur. Enfin bref, il ne s'attarda pas sur ce détail et pénétra dans le lieu plus en profondeur. Il n'y avait pas beaucoup de monde aujourd'hui, pour ainsi dire presque personne, ce qui était presque normal à cette période de l'année. Il fallait avouer que le temps se rafraichissait un peu et que le soleil se couchait de plus en plus tôt. Carlisle continua ensuite sa route. Il ne savait pas trop pourquoi il était là : peut-être pour décompresser. Passer des journées entières à côté d'alcooliques, voleurs ou possibles meurtriers pouvait mettre tout le monde sous pression, et Carlisle faisait parti de ces gens là. Tout le monde ne pouvait pas supporter cela mais il savait très bien à quoi s'attendre lorsqu'il avait intégré la police de Montsimpa.

À un moment donné, il s'arrêta. Il ne savait pas même pas pourquoi. Il regardait l'horizon alors qu'une voix vint à le faire sortir de ses songes. Voix qui provenait de derrière lui. « Hum, excusez-moi monsieur ?! » Cela lui semblait être une voix féminine qu'il connaissait ou du moins qu'il avait déjà entendu auparavant, mais de là à dire qu'elle lui était familière, non, sans doutes pas. Sans trop savoir ce qui se passait, il se retourna vers la jeune femme, ayant donc le soleil dans les yeux, il ne la voyait pas très bien et ne pouvait donc pas deviner qui était cette personne allongée sur le sable. Quoi qu'il en soit, il préféra ne pas répondre. Sait-on jamais, peut-être que cette personne détestait les lamas. « Pourriez-vous .. juste, vous décaler un peu ? Vous êtes devant le soleil ... » Cette nana voulait donc que Carlisle se bouge. Il ne savait pas trop. Il hésitait à vrai dire. « Tu donnes combien ? » Tous les moyens étaient bons pour pouvoir récolter de l'argent, même si pour cela il devait passer pour un gros connard auprès des principaux intéressés. En attendant, il ne bougea pas d'un pouce. Peut-être qu'il allait énerver la demoiselle -qui avait une très jolie voix soit dit en passant) mais, au fond, c'était amusant, non ? Et puis peut-être que, finalement, il bougerait. Peut-être.