Les yeux se closent et l’esprit s’égare dans l’abîme de l’oubli. L’odeur acre de ce lieu ranime à mon cœur les souvenirs affreux d’une rupture absurde. Ses mots me tordent, ses larmes me brisent.
Je revois sa réflexion dans ce miroir, cette robe qui épouse ses formes, ses épaules nues la laissant à désirer. Je la croyais mienne, je croyais que je pouvais l’abîmer, l’aimer à l’écoeurement. L’idiot. « On dit que ça porte malheur de voir la mariée dans sa robe » avait-elle dit. A ces mots, à nouveau un sourire aussi facétieux que sincère se fige sur mon visage. Par taquinerie, j’avais répondu « On dit également que si on embrasse une grenouille, elle se transforme en prince charmant » Par le biais du miroir, j’avais pu voir ce sourire amusé qu’elle essayait vainement de dissimuler « j’ai déjà essayé, ça ne marche pas » J’aimais sans le savoir cette connivence entre nos deux esprits. Le fait qu’elle devine mes songes, qu’elle anticipe mes actes, faisait d’elle une évidence à mon cœur. Elle détenait un éclat qu’il la rendait à mon cœur, plus exquise même, que la passion d’une femme. Elle me comprenait malgré mes mutismes, et décelait du sens dans chacun de mes gestes aussi banals pouvaient-il sembler être. Elle naissait comme dans ma tête faisant de ma réflexion inutile. Je revois mes mains se posant sur ses épaules, alors que mes lèvres embrassaient son cou. Elle restait immobile, en mutisme comme la tristesse. « tu n’as jamais été aussi belle que ce jour » Elle repoussait mes mains, et répondait « épargne moi ces phrases clichées » Dans le reflet je la voyais poser ses mains sur sa peau opaline, soudain elle se retournait vers moi, le regard dur et froid «je sais tout Logan. Tout » Le dépourvu devait se lire sur mon visage, cherchant en vain à savoir ce qu’elle voulait dire. « Ton passé d’escroc tu avais l’intention de m’en parler quand ? » Tout en moi se mélangeait créant une incohérence dès plus totale « Ce n’est rien. C’est du passé. » Ses sourcils se fronçaient de nouveau « Si c’était du passé, tu m’en aurais parlé. » Ma main prenait la sienne, elle baissait la tête comme si elle ne voulait pas affronter mon regard. « tu dois me faire confiance » Sa tête se levait de nouveau, laissant apparaître des perles de larmes couler de ses yeux d’ivoires « et cette autre fille blonde que j'ai vue l'autre jour devant chez toi, c’est aussi du passé peut-être ? » Elle lâchait ma main et reculait. Elle cherchait un sens à cette mascarade dont elle était la victime, mais il n’y en a pas. « Judas » murmure-je. « Il n’y a pas le mot conne qui clignote en toutes les langues sur mon front » me criait t’elle. Dans ses pleurs elle m’apparaît si belle. Sur son visage, je lisais sa sempiternelle tristesse et son incompréhension. « dégage » disait-elle en un souffle fébrile. Je restais en mutisme devant cette femme que j’avais trahie. « DÉGAGE » hurlait t’elle une dernière fois.

Avec lenteur mes yeux s’ouvrent. Devant moi je revois ce miroir qui me reflète l’image d’une femme détruite. « Monsieur ? » demande une voix. Je redresse la tête et reconnaît l’organisatrice du mariage. Un soupir grossier s’échappe entre mes lèvres, mon après-midi entière allait être consacrée à l’annulation du mariage.

Le reflet du miroir me ramène toujours à Judas. Elle m’extirpe, m’attache à sa douleur. Impression d’un boulet greffé à mon sans-cœur, d’une plaie tuméfiée. Soudain la porte s’ouvre en un léger grincement m’obligeant à me détacher de la chimère du miroir. La réalité qui se présentait désormais devant moi m’assassine brutalement brûlant les derniers éclats d’un cœur cruel. L’univers devient trouble, les sons se brouillent, les couleurs se ternissent, seul l’halo de cette femme rayonne. L’ivoire de ces yeux m’accuse, le silence de ces lèvres me condamne. L’organe à deux ventricules dans ma poitrine suffoque. Judas origine du mal. « Qu'est ce que tu fais là ? Je t'avais dit que j'allais m'en occuper toute seule. » déclare t’elle en dissimulant dans son exquise froideur son dépourvu. Une envie aliénée de la toucher, l’embrasser, la déshabiller me prend. Le paradoxe de la situation est que l’algie se mêlait à un sentiment de bien être. Absurdité grossière.
Le mutisme clos mes lèvres, la froideur de mes prunelles cachent un état de béatitude. Femme comment peux-tu assujettir à ta passion le sans cœur d’un homme ? « Je peux savoir pourquoi tu ne m'as toujours pas renvoyer mes affaires ? » Je cherche à déceler du sens dans son regard, ses songes les plus intimes, une réponse à l’énigme qu’elle était. Ses affaires, j’avais demandé à ma sœur de les réunir n’ayant pas le courage de me réanimer chaque souvenir, chaque odeur dissimulées. « Tes affaires sont dans une boîte, je demanderai à ma soeur de déposer ça chez toi. Tu n’as qu’à l’appeler quand ça t’arrange » déclare-je contenant mon émotion dans mon cynisme et à mon animosité sans considération. L’absence de scrupules et de conventions me permettait de vivre dans un libre-arbitre prohibé. Triviale et insensée personnification du mal. « Il faudrait que tu me rendes l’alliance, c’est celle de ma grand-mère. » Ajoute-je sans calculer la véhémence de la cruauté de mes propos. Mon regard se redresse vers la Judas et son reflet chimérique dans le miroir. Alors que Judas semble m’éviter, son reflet me condamne sans procès. Malgré que je ferme les yeux, le spectre semble toujours me hanter pour distiller mon cœur, le mener aveuglément à la déchéance et à la folie. Que devais-je faire pour être libérer de cette prison des amertumes ? La détruire ? faire en sorte qu’elle me haïsse pour ne plus laisser ce feu d’espoir brûler dans le foyer de mon cœur ? « Sommes nous obligé de rendre les robes des demoiselles d’honneur ? J’ai des amies qui sont intéressées » déclare-je d’un ton détaché.

Spoiler:

« L’amour ne commence ni ne finit comme nous le croyons. L’amour est une bataille, l’amour est une guerre, l’amour grandit. » à écrit James Baldwin. M’éveiller sous ton regard, m’élever sous ta sempiternelle bienveillance, attraper ta main, tout cela m’a conduit au profondeur de l’abîme obscur. Tel un idiot aveuglé, je t’ai tout donné sans considération, je me suis oublié pour n’exister que dans la prunelle de tes yeux. Assujetti à cette passion, ton départ m’a amputé. Impression d’un cœur qu’on arrache. La douleur du moment est brutale, on suffoque, on se tord dans la controverse des sentiments. On pense à tort que le temps va effacer la cicatrice tuméfiée et hideuse qui s’étend sur tout le torse, mais il n’en ai rien, on n’oublie rien on vit avec. « D'accord. » répond t’elle sur un ton marquant son approbation. Mon regard se fige un instant sur son visage cherchant dans ses traits doux une faille. Il semblait véridique que toutes mes attaques pour l’atteindre étaient aussi inutiles qu'aberrantes. Le dégoût m’obligea à détourner mon regard. Un goût amer de rancune et d’aversion semblait chancir dans ma bouche. Une envie folle de hurler à la déchéance, comment peux tu être tellement sans cœur ? Confrontation avec la froideur d’un cœur brisé. De nouveau je l’attaque en lui demandant l’autorisation de donner les robes, à ma grande surprise elle rétorqua avec ferveur « Non il n'est pas possible de les rendre. » Mon regard se reposa sur elle afin de déceler ses pensés dans son regard. Comme pour se justifier elle compléta « Au cas où tu ne m'aurais pas écouté ses derniers mois, je t'avais dit que c'est ma mère qui s'occupait de la création des robes. » « Ce ne sont que des robes et qui plus est sont identiques » lui rétorquais-je en laissant percevoir dans ma voix une certaine irritation. L’indifférence grossière dont Judas faisait preuve mutilait mon estime. Dans mon égoïsme, je voulais la voir seule, accablée, abîmée. Je continuais sans mesurer mes mots et sur un ton cynique et moqueur « Tu les gardes pour ton prochain mariage ? »
Contre toute attente, elle me demanda « Ton père à demander que je passe le voir, est-il au courant où tu ne le lui as toujours pas dit ? » Mon père avait eu beaucoup de considération pour Judas qu’il considérait déjà comme sa fille. Dans ma tête défilait les images de mon père apprenant qu’il perdait sa belle-fille. Dans ses cries et ses injures, il me suppliait de réparer les éclats d’un vase brisé, d’honorer sa famille. Il se leurre en croyant que rien n’est fini, mais cette union entre judas et moi gît déjà sur le sol. Mon père prône une vision très archaïque et noble du mariage, une vision que j’avais bafoué avec mon insolence. Il accusait dans un procès défense, exigeant des raisons. Que lui dire ? Que les douceurs d’une étrangère m’avait guidées aveuglément aux sentiers battus de l’adultère ? Cela ne ferait qu’accroître son mépris et sa colère. « Seul mon père est au courant. » lui réponds-je. Je n’avais pas encore eu le courage de faire face aux larmes de ma mère et aux questions sans réponses de mes frères et sœurs. « S’il te plaît ne va pas le voir. Je veux pas qu’il se fasse de faux espoirs sur nous deux. Tu sais qu’il t’apprécie, mais il faut que tu coupes les ponts avec lui »

« Au moins celui-ci il aura lieu ! » ces mots vociféraient entre ses lèvres véhiculant sa rancœur et son aigreur contre ce cruel passé vulgairement laissé en suspend. Les attaques de cette femme faites de droit front saupoudraient les plaies de mon sans cœur d’un sel amer. Ses ripostes étaient aussi nobles que cruelles, dévouées à gagner cette guerre absurde. Elle me tuait de ses injures et de ses mots. Elle me tuait d’un amour barbare.
Cette guerre saugrenue devait continuer, ne pas laisser tomber les masques, ne pas laisser voir ce désarroi s’emparer de notre regarder. Dans un faux rire jaune, je laissais s’échapper « encore faut-il que quelqu’un veuille de toi » La véracité masquée de ces propos était que je ne pouvais concevoir que tu appartiennes à quelqu’un d’autre que moi, à l’éternité je t’exigeais mienne. J’implorais que ton corps et ton esprit demeurent dans mon contrôle aussi faible pouvait-il être. La promesse d’un amour infini murmurée dans la nuit triste du printemps était toujours encrée dans ma chair. « La bague, les robes, tu veux quoi d’autre ? Non vas-y lâche toi, tu veux peut-être ma maison aussi, non ? » Une envie de sourde de hurler que je voulais tout d’elle résonnait en écho dans ma tête.
« Tu sais Judas …» débutais-je quand son portable tomba à ses pieds. Dans un geste vif pour le ramasser, Judas se baissa lançant entrevoir sur le bas de son dos la gravure d’un nom masculin. Alvide se prénom fait violence. Le flot inextinguible court dans mes veines guidant à la passion dévastatrice. Mon corps se tend comme un arc par la rage, attaqué, rongé par la folie. Mes dents scellent ma bouche alors que sa raison hurle « garce ! » L’organe vernissant sous ma poitrine s’indigne. « Je... J'irais au moins lui faire mes adieux et je lui expliquerai que tout est terminé, que je ne le reverrais plus puis... » déclare t’elle d’un ton assuré puis continue « Ne t'inquiètes pas, je ne lui parlerai pas de ton adultère si c'est de ça dont tu as peur. » Le mot adultère prononcé de sa bouche résonne et impose dans l’espace. Il dérange par son tabou et par l’insalubre véracité vainement masquée. « Je t’interdis d’y aller, est-ce si difficile à comprendre ? » rétorque-je avec véhémence. La colère brouille mon esprit dans sa cohérence, la violence de mon corps semble impossible à maîtriser. « Ma famille et moi même avons assez donné en œuvre de charité pour les petites orphelines pendant 3 ans » Tonalités et intonations se tranchent et cinglent l'air. Les crocs sont plantés. Je voulais me débarrasser de la hantise de ce reflet condamnateur, de cette sempiternelle culpabilité rongeant mon âme. « Ce n’est pas grave, je suis sûr que certains hommes sont friands des filles comme toi : facile, seule et pitoyable » Dans un mouvement délicat elle se leva et quitta la pièce me laissant seul. Mon corps se laisse glisser contre le mur, la nuque tombe alors que ma main passe dans ma chevelure. L’idiot doublé d’un infidèle et la garce, quel couple formions nous !

Les larmes perlent rutilantes sur la teinte écrémée de son visage. Dans ses pleurs, elle m’apparaît si belle. Les prunelles de ses yeux hurlent sa sempiternelle tristesse et son incompréhension. Mon cœur suffoque comme si elle m’entraînait dans l’abîme de l’océan. Soudain mon esprit est plongé dans l’incompréhension, je sens une lourdeur qui projette avec véhémence ma joue sur mon côté gauche. J’ai à peine le temps comprendre la situation qui se fuit à mon contrôle, qu’elle vocifère « Tu n'es qu'un pauvre con ! Tu le sais ça ? Quand je te vois, tu me donnes juste envie de vomir. » Je reste dans un mutisme stupéfait par cette haine vacillant entre la rage et le désespoir. Elle continue « Tu n'as pas le droit de me traiter comme ça ! Je n'ai rien fait pour mériter ça. Je t'aimais Logan, je t'aimais et toi tout ce que tu as fait c'est me voler mon coeur et le piétiner comme une vulgaire merde. J'espère juste une chose c'est que cette fille en valait vraiment la peine et que tu seras heureux avec elle. Parce que non ce n'est pas juste de me dire que c'est ma faute, je n'ai rien fait d'autre que de t'aimer. » J’entends son souffle se meurtrir, je vois ses larmes brouiller sa vue, je sens son cœur comprimé par la folie. Son corps se laisse peu à peu tomber sur une chaise. D’un faux air hautain, elle continue posément« En faite tu sais quoi laisses tomber, ça ne me ramènera pas toutes ses années perdus avec toi, mais au moins maintenant je sais que c'est fini. » C’est fini, les deux mots m’écorchent et leurs échos m’achèvent. La situation devient d'autant plus pesante qu’elle connaît son origine dans mes fautes. Une erreur, un écart et me voici réduit au simple nom d'homme. Misérable moins qu'elle est ignoble. Cet infernal morceau de chair, m'assujettit. Je crève de crier appel au jugement rendu mais ma position ne laisse ni place à la clémence ou compassion de toute sorte. « bien » rétorque-je après un long silence. Avec lenteur mon corps prend appui pour se relever. Mon esprit est hors service, mon corps se meut vide. Je m'extirpe de ce monde enchaîné à ce boulet qui m'empêche de se dépecer tout à fait. Mon regard se pose sur elle alors que gisent au sol les désirs et souvenirs qu’elle m’a offert. « je suis suppose qu’on s’est tout dit. Tout le monde a vidé son sac, on est quitte ? » Avec lassitude je reprend mon manteau. Mon sans-cœur hurle à l’insatisfaction de cette absurde situation, ce reflet du passé dans le miroir me condamne de cet cruel lâcheté. Avant de refermer la porte sur mon passage, je me retourne une dernière fois sur Judas « Je te souhaite tout le bonheur du monde à toi et ton futur ex Alvide »

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