Mon nom est Maria Ashley Dacosta, je suis née le 18 Octobre 1991 en même temps qu’Elyza Alyssia Dacosta, ma jumelle et petite sœur de deux minutes même pas. Enfin, nous ne savons pas laquelle est la plus grande ou la plus petite : les bracelets avaient été mélangés à notre naissance. Pas de chance ? Probablement, du coup peut-être était-ce moi Elyza, finalement ? Hm… ça m’étonnerait tout de même : à chaque fois que j’y pense et que je me regarde dans un miroir, je ne voyais pas ce prénom aller avec ma tête. C’est totalement nul : depuis quand un prénom allait de paire avec le physique de quiconque ? La dernière venue au monde à mit fin aux jours de notre mère sur cette Terre, elle est morte au cours de l’accouchement, les médecins disent que c’est la cause d’une infection, que l’accouchement l’a affaiblie et qu’elle est morte. Peut-être. Ce qui veut dire qu’Elyza et moi, ne sachant pas qui est qui finalement, portons une culpabilité énorme. D’ailleurs, notre père, qui ne sait pas non plus qui nous sommes vraiment, nous le fait payer jours après jours. Il nous battait, nous violait en nous forçant quelques fois à regarder, nous enfermait, nous attachait, nous séquestrait, nous faisant regarder des films d’horreur effrayant qui nous traumatisait ; ce fut d’ailleurs comme ça qu’Elyza fut horrifiée par Scream et moi par Chuky : c’étaient les films qui pouvaient nous faire avoir des crises cardiaques.
Nous venions d’avoir treize ans, nous avions une existence de merde et un père qui ne méritait même pas cette appellation. Avec ma sœur, nous avions toutes les deux choisit notre défense chacune différemment, pour ma part je m’entourai des gens peu fréquentables, me réfugiant dans les substances illicites, dans la violence et la rébellion : je ne pouvais pas supporter d’être faible et une victime sur tous mes plans sociales. Elyza, quand à elle, avait eu son propre moyen pour décompresser de ce qu’on vivait chez nous. Donc je disais : je venais d’avoir treize ans, et je n’en pouvais plus des mauvais traitements, de l’abus et des choses que notre père nous faisait à ma jumelle et à moi, ce pourquoi je décidais que s’en était de trop, qu’il fallait réagir : ce n’était pas normal d’être traitée de la sorte, aucun de mes amis ne l’étaient alors pourquoi nous ? Je ne savais pas. Je me trouvai donc dans notre chambre à Elyza et à moi, notre père était au travail et c’était ces petits moments de répits à la maison que nous adorions. Je venais d’exposer mon projet de fuguer à ma sœur, mais elle avait tellement peur de notre père qu’elle refusait obstinément de se placer volontairement en travers de son chemin. Je décidais donc de fuir, d’aller à la police, de toute raconter, et ainsi de sauver ma sœur, ma jumelle. Je pouvais ressentir sa peur, et elle vint s’ajouter à la mienne, me rendant qu’encore plus envieuse de fuir. Je montai donc dans le bureau de notre père, nous n’avions le droit sous aucun prétexte d’y entrer, mais j’avais besoin d’un sac pour pouvoir mettre de quoi manger dedans. J’entrai donc et trouvai un ordinateur sur le bureau, je m’approchai et regardai à l’écran allumé : c’était sa boite mail. Et pourquoi ne pas fouiller un peu avant de partir ? Il ne rentrerait certainement pas avant une bonne heure, j’avais nettement le temps de préparer mes affaires et de fouiller dans les siennes. J’ouvris le dernier mail qu’il avait reçu, mettant mon grain de sel un peu partout, restant bouche bée devant tout ce que je trouvai : des photos de ma sœur et moi en train de dormir, des vidéos de quand mon père abusant de ma sœur et moi… Il nous avait filmé tout ce temps, je n’avais jamais remarqué de caméras dans le coin, pourtant.
Je sortis de son bureau en trombe et rejoignis ma sœur rapidement, l’attrapai par la main et sortis de la maison, l’obligeant à venir avec moi, un instinct protecteur puissant me poussant à agir ainsi ; comment aurais-je pu laisser ma propre jumelle entre les griffes de se montre ne serait-ce qu’une seconde de plus ? J’ouvris la porte et sortis en trombe, rentrant dans notre père qui revenait plus tôt du travail. Je poussai un hurlement et pris mes jambes à mon cou, serrant encore plus la main de ma sœur, l’entrainant avec moi. Mais notre géniteur, qui ne voulait pas nous laisser fuir, en avait décidé autrement et se mit à nous poursuivre. Lorsqu’il agrippait l’autre bras de ma jumelle, il l’arrachait à ma prise, l’entrainant avec lui. Je m’arrêtai et le regardai l’entrainer chez nous, où j’étais sûre et certaine qu’elle allait passer un très sal quart d’heure ! Comment pouvais-je la laisser comme ça ? Mon père savait très bien ce qui se passait dans ma tête, pour ça qu’il n’avait pas prit la peine de me courir après, à moi aussi. Je ne pouvais pas crier à l’aide : nous habitions dans une ferme avec aucune habitations aux alentours, il n’y avait pas à dire : il aurait pu nous faire ce qu’il voulait, nos hurlements ou nos pleures n’auraient alertés personne. J’attendis quelques minutes, partagée entre l’idée de la laisser et de fuir pour pouvoir la sauver, ou retourner chez nous en espérant que notre père soit indulgent sur ce coup-là. Mais c’était beaucoup trop beau : il ne connaissait ni la pitié ni l’indulgence, c’était un monstre sans âme. Je retournai chez moi la tête baissée, contenant les larmes qui me roulaient sur les joues, les mains dans les dos pour cacher leurs tremblements, la gorge sèche. J’entrai de nouveau chez nous.
Après cet épisode, plus rien ne fut comme avant : ma sœur et moi fûmes séparés, nous ne dormions plus dans la même chambre, nos repas –si nous pouvions appeler la soupe et le bout de pain rassît un repas- n’étaient pas aux même horaires, et je ne voyais ma sœur que lorsque notre père abusait de nous et nous forçait à regarder. J’avais été nulle de fuir, d’avoir entraînée ma sœur là dedans, et je le regrettai plus que tout. Autant avant je réussissais à m’éloigner de cette vie-là, à faire abstraction de ce que je vivais chez moi grâce à mes fréquentations, mais à présent j’étais comme morte de l’intérieur, j’étais seule, vide.
Trois ans étaient passés, Elyza et moi avions seize ans, et notre père se mit à recevoir du monde chez lui pour nous obliger à avoir des relations sexuelles avec eux –plus d’hommes que de femmes tout de même- et quelque fois je « travaillais » avec ma sœur pour un seul client ; pas la peine de vous faire un dessin pour que vous deviniez qu’il nous prostituait. Elyza et moi n’eûmes pas d’enfance, elle nous avait été arrachée par un être qui n’avait pour motivation que la vengeance et l’argent.
Ce qui changeait le cours de notre vie ? Ce fut un client pas comme les autres, il avait demandé à mon père de nous avoir toute les deux pour lui pendant une heure, pas de caméras ni rien, il payait largement le temps qu’il comptait consacrer avec nous. Nous nous retrouvâmes donc avec lui, et il ne nous toucha même pas une seule fois, se contentant de nous regarder s’asseoir sur le lit et le regarder à notre tour. Avec Elyza, nous n’échangeâmes pas un mot, c’était interdit par notre père, il avait voulu détruire notre lien de jumelle, et autant dire qu’il y était presque arrivé. L’homme revint plusieurs fois, sans jamais nous toucher ou nous parler. Un jour, c’était à mon tour de faire le ménage de la maison, ma jumelle se trouvait enfermée à clef dans sa chambre et la règle était que : celle qui fuit condamne l’autre ; charmant n’est-ce pas ?
La sonnette se mit à sonner et j’allai ouvrir la porte ; mon père trouvait dans le bureau. D’un seul coup, la maison fut prise de fond en comble, des cris fusèrent et c’était comme si le temps c’était arrêté : la police était venu nous sauver, Elyza et moi. J’appris que l’homme qui nous rendait visite sans nous toucher était un agent du F.B.I sous couverture ; Elyza et moi ne risquions plus rien. Nous restâmes quelques jours au commissariat, se faisant interrogée sans arrêt, puis on nous fit rencontrer un psychologue.
Aujourd’hui, je vis avec Elyza, nous avons 21 ans, nous avons dépassé tout ça et reprit une nouvelle vie. Que demander de mieux mis à part de n’avoir jamais vécue ce que nous avions vécu ?