Soixante quinze pour cent des adultes placent dans le top trois de leurs fantasmes s’envoyer en l’air dans un avion. Je souris à la lecture de cet article et porte à mes lèvres le verre de mojito qui me fait de l’œil depuis quelques instants déjà. Un succulent breuvage qui brûle agréablement ma gorge lorsqu’il s’y glisse. Je repousse ma longue chevelure blonde en arrière et réfléchit à quelques probabilités. Si j’ai moi-même ce fantasme, combien de chance y a-t-il qu’un homme pris au hasard, me plaisant l’ait aussi ? Si jusqu’à aujourd’hui, je ne savais répondre à pourquoi je me suis orientée vers une filière littéraire, la réponse coule à présent de source. Je déteste les probabilités, les calculs inutiles. De toute façon, je connais la perle rare. L’homme qui ne refusera de s’envoyer en l’air dans aucun endroit. L’homme qui aime juste mettre à mon profit son talent sexuel, sans rien me demander en retour que de l’imiter.

Je jette finalement le magasine sur la petite table basse en verre de mon appartement, et me dirige vers la salle de bain. Je laisse la serviette nouée au dessus de ma poitrine atterrir sur le sol et j’enfile à la place de la lingerie fine qui remonte ma poitrine afin de faire de mon décolleté mon plus grand atout. Je m’empare par la suite de mon blackberry et compose son numéro machinalement. Comme si je l’avais trop de fois composé pour lui faire ce genre de proposition indécente. Se retrouver afin de s’envoyer en l’air. La tonalité se répète deux fois avant qu’une voix masculine ne se fasse entendre au bout du fil. Je ne le laisse pas parler, je prends la parole d’une voix sensuelle et douce. « Qu’as-tu prévu ce soir mon chou ? Ne me réponds même pas, annule tout, ce soir on s’envole pour Djerba. Tu n’as pas vraiment le choix en fait, j’ai quelque chose à tester. On se rejoint à l’aéroport à dix neuf heures, ne me fais pas attendre. » Je raccroche, et souris à mon reflet dans le miroir. J’enfile une robe noire qui moule mes formes féminines et dévoile mes longues jambes au teint hâlé et je me hâte de finir de me préparer.

Je me connecte sur internet, réserve rapidement deux billets d’avion, enfouis dans un petit sac de voyage de la lingerie, quelques vêtements et des préservatifs et me dirige vers la porte de l’appartement. Seulement vingt minutes après mon coup de téléphone je monte dans un taxi en direction de l’aéroport. Je n’ai jamais fais de choses aussi folles avant de le rencontrer. J’étais plutôt calme. Volage depuis mon divorce, mais calme, posée. Je m’envoyais en l’air dans des lieux neutres, rien de très fou. Et puis il y a eut Niklas. Comme un tourbillon il est entré dans ma vie. Une alchimie folle nous lie depuis. Pourtant c’est loin d’être une histoire d’amour. Bien loin même. Pas d’attaches, pas d’amour, pas même de sentiments. Nous ne sommes que des amis qui s’envoyons en l’air. Point barre. Ca a été le cas du moins les premières semaines puis il y a eut ce petit quelque chose. Cette complicité inhabituelle. Il est un peu comme mon âme sœur dans le sens où il est moi, en homme. Le même caractère, la même franchise, la même envie de profiter de la vie, sans faire de concessions pour quelqu’un, sans être aliéner par des sentiments qui vous font changer d’humeur sans que vous ne le désiriez vraiment. Nous pouvons parler de tout, nous nous apprécions énormément et nous ne partons pas juste après l’acte. Cette entente sexuelle se traduit aussi dans notre relation. Beaucoup assimilent notre relation à un couple, pourtant il suffit de connaître l’un de nous deux pour voir qu’il n’y a là dedans rien d’amoureux. Preuve en est que nous nous racontons même nos expériences avec d’autres hommes ou femmes, sans aucune jalousie. C’est peut être ça le secret du bonheur. Après tout, le mariage et l’amour ne m’ont apportés qu’un lot énorme de désillusions, peine et déceptions. A quoi bon insister sur cette voix là alors que je peux m’envoyer en l’air, et profiter de la multitude d’hommes qui m’entourent. Pourquoi en choisir un quand il n’y en a tant ?

Je suis sortie de mes pensées par le chauffeur qui se retourne vers moi avec un regard interrogateur. Je lève les yeux vers lui et me rend compte que nous sommes à l’arrêt. L’aéroport est juste là, devant moi, je n’ai qu’à descendre du véhicule et il semblerait que c’est ce qu’il attend, impatient de pouvoir prendre un autre client. Je souris tout en lui tendant l’argent que je lui dois, il retient ma main quand je la retire, son sourire veut tout dire. Sa voix ne tarde pas à me proposer de me raccompagner lorsque je reviendrais, il propose même de me donner son numéro personnel. Je me contente de sourire de plus belle, et de répondre d’une voix toujours douce. « Ca ne sera pas la peine, de plus je serai exténuée par ce voyage. Vous n’auriez rien à tirer de moi.» Je choisi volontairement ces mots avant de m’extraire du véhicule, bagage et sac à main au bras. La voiture ne tarde pas à s’éloigner et je m’engouffre dans l’aéroport, des centaines de personnes attendent patiemment l’annonce qui leur fera part du départ imminent de leur avion, ou au contraire de l’arrivée d’un avion qui contient très certainement une personne chère à leur cœur. Je jette un coup d’œil à l’énorme horloge au dessus du panneau des arrivées. Dix huit heures cinquante neuf. L’avion décolle dans une heure. Et Niklas devrait être là d’une minute à l’autre. Toute excitée, je scrute la porte du hall. Est-ce que mes déductions, tout sauf mathématiques, seront bonnes ? Est-ce que Niklas est vraiment l’homme idéal pour vivre un tel fantasme ?

Les aéroports ont quelque chose de spécial. Les gens s’y sépare le cœur déchiré, s’y retrouve le sourire aux lèvres, ils fuient le quotidien quelques heures en amoureux, ou profitent de vacances bien méritées en famille. Ils prennent l’avion pour rejoindre leur famille pour les fêtes de fin d’années, ou bien multiplient les voyages d’affaire à l’autre bout du monde. Les aéroports sont le théâtre de bien des scènes. Des célibataires endurcis mangent un sandwich en attendant leurs amis. Des mères semblent effrayées de perdre l’un de leur bambins dans une telle foule, des amoureux illégitimes s’y retrouvent avant de rejoindre leur hôtel. Je me souviens de la première fois que j’ai posé un pied ici. Je ne connaissais rien de cette ville, la seule chose qui m’attirait était la distance conséquence qui la séparait de New York, mieux, de mon bourreau. Je me souviens de cette journée ensoleillée où j’ai posé un pied hors de l’avion et où j’ai réappris à respirer, à me sentir en vie, à me sentir bien. Loin de tout ce qui gâchait ma vie à New York, la pollution et mon addiction à son amour. Et à chaque fois que je reviens ici, je me souviens de cet instant magique où ma nouvelle vie a commencé. Depuis, je n’ai pas un jour regretté d’avoir pris cet avion, d’avoir décollé de New York le ventre serré et la gorge nouée. Un corps se blottissant contre ma colonne vertébrale m’arrache à mes souvenirs. Je n’ai pas besoin de me retourner pour savoir de qui il s’agit. Cette touche de parfum masculine ne m’est pas inconnue. Et ses mains se posant sur ma poitrine ne font que confirmer ce que je pense. C’est bien entendu lui. Mon compagnon de voyage. Mon ami fidèle. Mon amant talentueux. Je frissonne lorsque ses lèvres se posent délicatement dans mon cou et y dépose de tendres baisers. Ce n’est qu’un avant goût et pourtant déjà je sens que j’ai eut raison de l’inviter. « Salut toi. » Sa voix m’enivre totalement et je me laisse aller à des fantasmes qui s’emparent rapidement de mon esprit. Il y a en lui quelque chose qui me fait littéralement fondre. C’est chimique entre nous. Il n’y a pas d’autres explications. Notre entente sexuelle est à son apogée parce qu’il développe en moi certaines sensations jusqu’alors inconnues. Il a ce petit quelque chose qui m’attire, qui m’excite. Son odeur, sa voix, sa démarche, tout ce qui le constitue est un appel au désir, au plaisir. Et je l’avoue, depuis notre rencontre je n’ai à aucun moment essayer d’y résister. Je pivote sur moi-même afin de lui faire face et le fixe intensément. J’oubliais, son regard fait vaciller mon être tout entier. Je ne sens presque plus mes jambes. Je me sens tomber, mais tant que c’est dans ses bras ou dans son lit, je n’y vois aucun inconvénient. Pourtant, malgré le petit tic qu’il provoque en moi, mon mordillement de lèvre, j’essaie de ne rien laisser paraître. Mieux, je feins de ne rien éprouver et je me montre simplement sûre de moi et de mon pouvoir de séduction. « Pile à l’heure pour le décollage. » Dis-je un sourire collé à mes lèvres pulpeuses. Je repositionne correctement ma robe, si courte soit elle et ramasse le petit sac de voyage qui contient tout le nécessaire pour ne jamais me montrer trop naturelle et le lui tend comme s’il était évident qu’il devait le porter. Un sourire malicieux se fige sur mon visage tandis que je dépose un baiser sur le coin de ses lèvres. Je m’empare de son poignet et l’entraîne avec moi vers l’embarcation. Ce voyage m’excite d’avance. Et la musculature que je peux deviner à travers ses vêtements n’aide en rien à me faire patienter. Une hôtesse s’approche de nous et nous demande nos billets et nos bagages. Je ne peux manquer le regard qu’elle lui lance, et le sourire idiot qui naquit sur ses lèvres lorsqu’il la regarde. C’est l’une des choses qui me plaît chez lui. Il est désiré par toutes les femmes et d’ailleurs il ne se prive pas pour sortir avec toutes les filles qu’il trouve à sa hauteur. C’est un peu comme un trophée lorsque c’est à mon bras qu’il se pavane sous leurs regards affolés par son corps musclé. Je pourrais facilement être jalouse, jouer les possessives, mais ce n’est tout simplement pas moi. Plus moi. Fut un temps où je l’aurais embrassé à pleine bouche, où j’aurai fusillé la brune aux seins minuscules du regard. Mais j’ai changé. Au contraire, d’un ton délicat je me plais même à lui faire remarquer. « Mon chou on dirait que Mademoiselle aimerait te dévorer autrement qu’avec ses yeux. Pourtant Mademoiselle, ce soir il est tout à moi, et pour une fois nous n’avons pas prévu de plan à trois. Peut être une autre fois. » Celle-ci me fixe, puis baisse les yeux. Ses joues s’empourprent rapidement tandis qu’un rire cristallin s’échappe de ma bouche.

Les couloirs entre l’aéroport et l’avion m’ont toujours semblé interminable, mais aujourd’hui, vu la raison pour laquelle je prends cette avion, au contraire je trouve ce temps long excitant. Reculer au maximum le plaisir pour le savourer d’autant plus. Nous franchissons finalement les portes de l’avion et trouvons nos place en première classe sans aucune difficulté, je me débarrasse alors de ma légère veste pour ne porter à présent plus que la robe à bustier noire qui s’arrête au niveau de mes cuisses. Je me laisse glisser sur l’un des sièges qui nous sont réservés et soupire. J’attends qu’il prenne place à mes côtés, tout en le fixant à l’ouvrage lorsqu’il pose nos sacs. Il est terriblement sexy, attractif, séduisant. Il n’a rien à envier à qui que ce soit, et il le sait, cela se traduit par son assurance. Je ne peux nier l’attirance qui nous unit. Son regard me chamboule, son sourire me bouleverse et son corps me transporte dans un pays de fantasmes. Finalement lorsqu’il s’assoit, je pose ma main sur sa cuisse et un sourire se lit sur le coin de mes lèvres. « Je ne suis jamais allé à Djerba. Et comme tu t’en doutes, le tourisme ne m’intéresse pas. Alors sais-tu ce qui m’a poussé à t’embarquer dans cet avion ? » Je lui demande cela comme s’il s’agissait d’une question totalement banale. Je mordille de nouveau ma lèvre inférieure et me redresse afin de déposer dans son cou un baiser brûlant. « Je n’ai jamais réalisé mon fantasme de coucher dans un avion, et vois tu j’avais envie de le satisfaire… » Avec même le décollage, le ton de ce voyage est donné. Je le fixe, attendant patiemment une réaction de sa part.