« Hey ... »
En entendant la voix derrière elle, pourtant aussi douce que du velours, Bonnie sursauta et se retourna vivement, posant une main dans le bas de son dos, par habitude. Le jeune homme face à elle tendit les mains en signe d'apaisement, un adorable sourire aux lèvres. La jeune fille se détendit et le jaugea. Évidemment, ce qu'elle faisait était horriblement mal élevé, mais après tout, il faisait comme elle. Les deux adolescents se regardèrent de haut en bas, pas le moins du monde gêné par le regard de l'autre. En voyant un morceau de sa bande, dépassant de sous son pull, Bonnie le vit tiquer. Elle tira la manche et lui lança un regard noir.
« Tu veux quoi ? »
« Wow, du calme. J'vais pas te faire de mal. J'viens d'arriver et ... »
« Tu devrais pas rester ici, avec moi. »
« Pourquoi ? »
« J'suis mal vue par tout le lycée. Trop bizarre selon eux. »
Il haussa les épaules et s'installa à ses côtés. La jeune fille brune reprit sa place initiale et regarda son téléphone, les yeux absents. Sa vie à Paris lui manquait. Sa famille lui manquait.
« Clyde. J'm'appelle Clyde. »
La jeune fille releva la tête vers lui et haussa un sourcils. Si c'était une blague, ou une caméra cachée, ça ne la faisait pas rire. Du tout. Le jeune homme ne comprit pas son regard vide de sens, vide de sentiments, vide de vie. Bonnie enlevait des vies, la sienne partait avec celles qu'elle retirait. Elle secoua la tête de gauche à droite, un léger sourire aux lèvres.
« J'te crois pas. Du tout, même. »
« Pourquoi ? »
« J'm'appelle Bonnie. »
Il tourna un regard étonné vers elle, et pour la première fois depuis son arrivée à New-York, la jeune fille rigola. Bientôt, elle fut rejointe par Clyde.
Ils partagèrent son sandwich, après que le jeune homme ait remarqué qu'elle regardait son repas avec envie, sans toutefois comprendre pourquoi elle ne mangeait pas. Les deux jeunes discutèrent pendant toute la pause, apprenant à se connaître, et au moment de la sonnerie, ils échangèrent leur numéro. Bonnie ne devrait pas faire ça. Elle n'aurait jamais dû faire un truc comme ça, mais elle n'avait pas eut le choix.
Six mois plus tard« Clyde ... J'la sens pas cette rencontre ... C'est trop bizarre ... »
« Mais arrête de paniquer, pour rien ! J'ai parlé avec mon père, il sera ravi de te rencontrer. Ma mère pareil. Ma soeur est partit pour ses études, donc tu la verras aux vacances. Tout se passera bien, bébé, ok ? »
« J'le sens pas quand même ... »
« BONNIE ! DESCENDS ! TOUT D'SUITE ! »
« J'dois t'laisser, mon père m'appelle. Tu passes me prendre dans trois heures ? »
« Ouaip. Je t'aime. A tout à l'heure. »
« J't'aime aussi. Bye. »
La jeune fille raccrocha et jeta son téléphone sur son lit, avant de descendre les escaliers, rapidement. Dans le salon, son père faisait les cent pas, Marion assisse sur le canapé, coupable. En voyant sa fille arriver, Maxwell redressa la tête et la jeune française sentit son sang se glacer. Ce regard. Elle le connaissait trop bien. Résignée à son sort, elle soupira et croisa ses bras, attendant la sentence. Son père lui tendit une enveloppe kraft, la regardant droit dans les yeux. Bonnie ouvrit le papier, mais elle fut stopper par son paternel.
« Promets-moi de pas te défiler, Bonnie. Jure-le moi. »
Elle hocha la tête, sceptique. Elle savait que c'était une personne à tuer. Elle reconnaissait l'enveloppe. De loin, elle entendait son père et Marion se disputer. Elle sortit la photo et observa le visage, attentivement. Sa main se plaqua sur sa bouche, avant qu'elle ne pousse un cri et lâche la photo. Le portrait de son petit-ami tomba au sol, alors que les larmes dévalaient ses joues. Elle releva un visage baigné de larmes vers son père, plongeant ses émeraudes dans les siennes. Bonnie secoua frénétiquement la tête de gauche à droite, les larmes inondèrent ses joues.
« J'peux pas, papa ... Pas Clyde, pitié. »
« Bonnie, s'il te plaît ... Je sais que tu l'aimes, mais ... fait-le, sinon, je m'en charge. »
« Ok ... ok, j'le ferrais. »
Année 2011« Les souvenirs revenaient et se mélangeaient. Clyde. La vie. L'amour. La mort. C'était dangereux de jouer à ça. C'était le jeu de la vie. De ma vie. Je m'en rappelle. Je me rappelle de tout. De chaque détails, de chaque souffles, de chaque étreintes, de chaque larmes. Les larmes roulent librement à présent. Perdue au milieu de nul part, j'essaie d'avancer. Le père de Clyde a sût. Dès qu'il m'a vu passer la porte au bras de son fils. Longtemps, le plus longtemps possible, j'ai caché ma "mission" à Clyde. J'ai menti sur les rendez-vous nocturnes avec mon père et d'autres, pour savoir où j'en étais. Jusqu'à ce que la vérité me saute à la tronche. Jusqu'à ce qu'il avoue tout. Jusqu'à ce que je ne puisse plus nier l'évidence. L'amour ou la mort. Je devais choisir. J'ai choisis de le protéger. Depuis toujours. Grâce à moi, d'une certaine façon, Clyde est toujours vivant. Son père a remboursé toutes ses dettes. De la première à la dernière. Clyde vit toujours. Mais sans moi. Je vis toujours. Mais sans lui. L'année après notre histoire, l'année de mes dix-huit ans, il a décidé de me faire souffrir. De me réduire à néant. De détruire chaque parcelle de moi. Et il a réussit. A chaque nouvelle fille, ça faisait encore plus mal. Il n'était plus au lycée. Je n'ai jamais su pourquoi il était venu. Chacun ses secrets. Quand il a sût, pour moi, pour lui, je l'ai vu pleurer. Pour la première fois en un an. C'est la seule et unique fois où je l'ai vu pleurer, d'ailleurs. Sa détresse, sa tristesse, sa douleur étaient tellement visible sur son si beau visage, que j'avais doublement mal.
Un an après mon diplôme, j'ai fuis New-York. C'était con et horriblement stupide de ma part, mais j'avais trop mal. Los Angeles était ma seule échappatoire. Loin de cette ville maudite. Loin de Clyde. Loin de mon ancienne vie. Mais les souvenirs m'ont poursuivit. Clyde était aussi là-bas. Pourquoi ? Comment ? Je n'en sais rien. Je ne l'ai jamais su. Peut-être qu'un jour je le saurais. Peut-être pas. Mais il était là. Toujours aussi beau. Toujours aussi décidé à me détruire et à me haïr. Je l'aimais toujours. J'ai passé un an en enfer, simplement. Il était là, à chaque fois. Avec une nouvelle fille. Alors, j'ai commencé à jouer, moi aussi. Je suis devenue une garce, sans coeur, couchant à droite à gauche, baignant dans le sang de ses victimes. Il savait. Et pourtant, la ligne a été franchit. Nous nous sommes retrouvés dans le même lit, sous les même couvertures, partageant la même étreinte, la même envie de détruire l'autre. Ma tristesse c'était retournée en haine contre lui, quand ses mots avaient franchi ses lèvres.
« T'es comme les autres, Bonnie. Aussi conne, aussi naïve. Claque la porte en sortant, et passe pas la nuit ici. »
Son regard dur et froid, qui me glace de l'intérieur. Ses yeux qui me fusillent, qui me tuent. Et mon coeur qui se brise. Mes entrailles qui se nouent. Les larmes qui noient mes yeux. La vague de douleur qui transperce mon corps et m'engloutit. Il avait frappé. Son amour m'avait fait mal. Alors, je l'ai haï. C'était plus simple que de l'aimer à en perdre la raison. C'était plus évident. Ca faisait moins mal.
L'année terminée, je suis partie dans ma famille, à Paris. J'ai revu tout le monde. Maman, Lola, Elise, Mikey, Aaron, Peter et Trenton. Trenton. Trenton, qui avait sût me consoler après mon premier meurtre. Trenton, qui a toujours été là, quand j'avais besoin d'être rassurée sur ma nouvelle nature de tueuse. Trenton, qui comprenait que ce que j'avais vécu dans la rue, m'avait marqué à tout jamais. Trenton, qui avait laissé des marques indélébiles au plus profond de moi. Trenton, en qui j'avais pensé trouver un père de substitution, quand le mien était à New-York. Trenton, qui avait commencé par me mettre une claque, pour me faire taire, malgré le risque je représentais pour lui. Trention, qui m'avait violenté. Trenton, qui avait finit par me violer. Plusieurs fois. Et j'avais été incapable de parler, de l'abattre. Il m'a fait jurer de ne rien dire. De me taire. Alors je me suis tue. Et j'ai dépéris.
Jusqu'en Espagne. J'ai tenté de vivre. Tenter, c'est bien. Mais j'ai pas réussis. J'ai essayé de sortir. De parler avec des hommes. De les embrasser. De coucher avec eux. Mais je ne pouvais plus. Je n'y arrivais plus. J'ai fait jurer à mes petites soeurs de me parler du moindre soucis à la maison. J'ai fait jurer à Peter de les protéger. J'ai appris, plus tard, que Trenton était parti de la maison, quelques mois après moi. J'ai essayé de revivre après ça, sans y arriver. Et Clyde était en Espagne. A Barcelone, aussi. Et il a continué à me faire souffrir. Encore et encore. Ça ressemblait tellement à de l’acharnement. Et avant l'été, nous nous sommes retrouvés. Sous les même draps, dans la même chambre, le souffle court, mes sentiments en pagaille. Encore une fois. Mais j'étais bien. Malgré les mois passés. Malgré la peur qui me comprimait le coeur. Malgré les viols qui appartenaient au passé. C'était Clyde. Ses mots ont tranché l'air, à nouveau. Les même qu'une année plus tôt. A quelques syllabes près.
« T'es encore plus conne que les autres, Bonnie. Aussi conne, aussi naïve. Sauf que j'ai réussis à te baiser deux fois. Claque la porte en sortant, et passe pas la nuit ici. »
Ô Clyde ! Tu ne te rends pas compte comme tes mots me blessent. Me détruisent. M'anéantissent. Mais ça t'amuses. Alors, je souffre. Et je me tais. Parce que c'est le prix à payer.
J'ai passé l'été au Panama avec toute ma famille. Papa, maman, Marion, Peter, Lily, Aaron, Mikey, Lola, Elise, Joshua. Tous ensemble. On est plus forts. C'était bien. Et en septembre, je m'envolais vers l'Italie. Pendant les vacances, papa m'a dit que j'avais changé. Que je n'étais qu'une ombre. Qu'une âme vide de sentiments. J'ai nié. Maman et Marion étaient d'accords avec lui. J'avais maigris. Mon visage c'était drôlement amincis. Ma peau était devenu cadavérique. Mes yeux étaient morts. Mes os saillaient. J'étais -trop- maigre. Je n'avais plus une seule once de vie en moi. Plus rien. Même plus le maigre espoir que tout rentrerait dans l'ordre. Enfin, presque tout. Le même scénario se répétait inlassablement. Clyde. Des filles. De la douleur. De la souffrance. La perte. Du sang. Des meurtres. Le métier. La vie. Les études. Une nuit avec Clyde. Et puis, la fin. Les vacances. L'oubli.
Montsimpa était ma dernière destination. Une ville où il fait bon vivre, à ce qu'il paraît. J'avais passé l'été, seule. Pour la première fois depuis des années. Et pour le moment ? Rien. Rien, à part la vie qui passe. Rien, à part les jours qui défilent. Rien, à part les meurtres qui s’enchaînent. Rien, à part des cicatrices qui ne guérissent plus. Rien, à part des sentiments qui se meurent lentement. Rien, à part une flamme qui brûlera éternellement. »