Un troisième. J'étais à présent père d'un troisième enfant. J'aimais déjà ce petit être innocent mais je ne pouvais m'empêcher de me sentir de plus en plus piégé dans cette situation. Le fait d'avoir revu Chuck deux jours auparavant, m'avait replongé dans trop de souvenirs, trop de remise en question. Ma vie n'était pas ici, ma vie était avec lui, elle avait toujours était avec lui mais j'avais tout fait foirer. Comment j'avais pu merder à ce point ?
Le visage de Chuck apparaît chaque fois que je ferme les yeux, il hante mon esprit jour et nuit depuis deux jours. Le revoir fut la pire chose à supporter, je ne l'avais pas oublié bien-sûr mais dorénavant, la douleur, la peine avait été ré-ouverte, et mon cœur saignait de nouveau. Et ma vie devenait maintenant insupportable, même si je n'avais jamais été amoureux de Jean, je l'avais toujours accepté et avait finis par l'apprécier mais maintenant, sa seule présence m'insupportais.
Je sentais que ma tête allait exploser si je restais ainsi assis sur le bord du lit, je devais sortir, prendre l'air, réfléchir à l'horreur de cette vie. Les enfants étaient chez Milka, Jean toujours à l'hôpital, errer seul dans la maison ne me mènerais à rien. Je descendais les escaliers en courant, attrapant mon manteau au vol, je pris les clés, mon portable et sortis de la maison. Il avait neigé, génial, démarrer la voiture allait encore être une partie de plaisir !
Après trois tentatives vaines, la quatrième fut la bonne, le moteur rugit et la voiture démarra. Je pris la direction du centre ville, les rues semblaient vides bien que illuminées. Arrivant devant le bar « Chez Hogan » je compris très vite était les gens ! Ici tout simplement, le parking était bondé, ce qui prédisait rien de bon pour l'intérieur du bar, tant pis ! Je garais la voiture, et me dirigeais vers le bar, un verre me ferais du bien.
Le bar était effectivement bondé, les gens semblaient fêter quelque chose ou du moins un événement se passait en ce moment qui les mettaient dans un état d'hystérie total. Je pris la direction du comptoir essayant d'esquiver les personnes qui criaient et sautaient sur place. Après avoir réussi le parcours du combattant, je pris le premier siège libre devant moi sans regarder autour, ni prendre la peine demander si c'était libre à la personne assise à côté, je voulais juste m'asseoir et commander vite, j'étais gelé, énervé, il me fallait un verre rapidement ! Je commandais donc une tequila, ouai autant y allait fort tout de suite ! « Salut » je ne compris pas tout de suite que c'était adressé à moi, aussi je pris mon verre et bu le verre d'une traite, avant de réaliser que cela venait de mon voisin et qu'il n'y avait personne de l'autre côté. Pas très enclin à causer, je répondit un petit « Salut » par pure politesse. Je commandais ensuite un wisky avant de me rendre compte que je connaissais cette voix. Décidément, j'avais l'esprit complètement déconnecté ce soir. Aussi, je me retournais franchement vers l'homme assis à mes côtés et reconnut Niklas, ce bon vieux Nik ! « Tu ne profites pas de la fête Nik ? Je te croyais plus du genre à festoyer comme eux » ajoutais-je en désignant un groupe au milieu du bar qui hurlait après l'écran de télévision et sautait sur place à chaque mouvement des joueurs. Haa oui le SuperBowl ! J'avais choisi mon soir moi !

"Et toi alors?? Pourtant il y a plus de mecs que de filles ici. Je crois me souvenir que ce n'est pas pour te déplaire." Aie, merci d'enfoncer le clou Nik ! Je ne pouvais pas le blâmer, j'avais lancé la première pierre après tout. "Et ta famille ça va? Tu t'en sors toujours? J'veux dire..." Deuxième coup de poignard de la soirée ! Il était fort ce Nik, mais encore une fois, j'étais le seul à blâmer, j'étais responsable de ma vie, de ma situation merdique, cette impasse improbable dans laquelle je n'arrivais pas à me sortir, d'où je ne pourrais jamais me sortir même ! « Ca va, je te remercie de demander, mon troisième enfant vient à peine de naître, mon deuxième fils » J'essayais de dire ça avec le plus de naturel possible mais ma voix sonnait faux, malgré l'amour que je portais déjà à cet enfant, l'immensité du piège semblait se refermer de plus en plus vite sur moi. Plus ça allait plus la situation s'aggravait et devenait irrécupérable ? « Je suis dans une belle merde hein ! » J'éclatais d'un rire nerveux. Je levais me verre « A ma vie de merde !»

Et c'était peu dire ! Je ne voyais pas comment je pouvez me sortir de cette situation, je ne verrais jamais le fond. Mais être assis là avec Nik, à boire un verre entre potes, me soulager un peu, même si je savais qu'il ne comprenait pas comment j'avais pu me foutre dans un bordel pareil, il savait écouter, et j'en avais bien besoin en ce moment. Ca marchait toujours comme ça entre nous, on ne voyait pas les choses de la même manière, on se charrier mutuellement mais on pouvait toujours compter sur l'autre. « Et toi dis-moi tu vas repartir avec laquelle ce soir ? Tu as déjà choisis ? » J'accompagnais ma question d'un petit sourire en coin, et finis mon verre cul sec avant de recommander un wisky, ce soir j'allais me lâcher.

Niklas était tout le contraire d'Eliott, pourtant ce dernier l'appréciait sincèrement, il était le seul a pouvoir lui parler de la sorte, entendre ce genre de vérité de la bouche de Nik, ne le dérangeait pas, au contraire, il savait qu'il avait raison et il ne se privait pas pour lui dire ce qu'il pensait aussi, sans qu'il ne le prenne mal, les deux hommes se comprenaient malgré leur divergence de point de vue. Ils ne prenaient pas la vie du même côté et pourtant, ils étaient capable de boire un verre tranquille, en se balançant des vérités à la figure sans que ça ne dégénère en bagarre.

Niklas désigna une fille au milieu du bar, « Enfin, si elle est majeure. Je ne veux pas de soucis. Qui sera là pour toi, pour te rappeler que tu fais les mauvaises décisions au quotidien ? Je me dois de rester là pour toi » il accompagna sa réponse d'une tape sur mon épaule. Sacré Nik ! Jamais décontenancé celui-là. « J'avoue que je ne saurais pas quoi faire sans toi ! Je perdrais mon seul point de repère, t'imagines ? Comment je saurais ce que je ne dois surtout pas faire si tu n'es pas là ? » Petit clin d'oeil, une gorgée, un sourire. Cette conversation ne menait à rien mais ça faisait du bien de parler de n'importe quoi sans prise de tête, ça défoulait. Tout ce dont Eliott avait besoin en ce moment, c'était bien ça. Sa vie était un véritable chantier, un bordel magnifique, et Eliott était piégé au centre, Nik ne comprendrait jamais sa décision d'avoir quitter Chuck, il le savait très bien, lui-même ne le comprenait pas vraiment, à l'époque, il pensait avoir pris la bonne décision, que tout cela avait un sens, mais aujourd'hui, tout ça n'avait plus aucun sens, il avait merdé tout simplement mais il ne pouvait revenir en arrière, personne ne le pouvait, mais il préférait laisser son plaisir à Nik de le charrier avec ça, il le méritait après tout.