vingt-cinq décembre deux mille neuf

Sa fille la regardait d'un regard pouvant être qualifié par nombreux de meurtrier tandis que tous, autour de la table joyeusement décorée, chantaient l'un des célèbres chants de Noël. Oui, Lily-Rose avait trouvé sa mère avec son oncle une heure avant le repas, et ils n'étaient pas simplement en train de parler calmement. Et le fait de rester stoïque face à elle depuis déjà cinq minutes devenait assez pénible pour la jeune fille. Cette dernière replaça une de ses mèches derrière son oreille et croisa les bras nerveusement. Secouant la tête au fil de la mélodie chantée faussement par son entourage, elle tentait par tous les moyens de ne pas se focaliser sur cette couguar. Oui, car, bien que cela soit rare, l'oncle de la jeune Lily avait deux ans de moins qu'elle. Bien qu'il fût bien bâti du haut de ses seize ans, ce n'était pas une raison valable ! En plus ce crétin d'adolescent mal fini ne cessait de la regarder et elle de lui sourire mielleusement. Rose roula des yeux et sourit faussement à sa grand-mère maternelle.
Alors que la purée faite maison circulait gracieusement entre chaque mains, elle termina sa ronde devant la jeune rousse. « Tu me passeras le plat ensuite chérie » Lily releva la tête et sourit. « Avec plaisir » Puis ce fut un moment dont chacune des personnes présentes se souviendraient. La jeune femme se servit puis attrapa le plus possible de purée trop salée avec l'ustensile. Elle tourna la cuillère à cent quatre-vingts degrés et plaça son doigt juste sur l'arrondie puis tira avant de relâcher précipitamment. On dût sûrement entendre le cri de sa mère dans tout Montsimpa. Quoique tous auraient trouvé que le beige/blanc lui allait assez bien.
Cette dernière se leva de sa chaise et s'essuya le visage, bouche grande ouverte. « Mais Lily t'es malade ou quoi ? Qu'est-ce qui te prends ? » Rose se leva à son tour les mains sur la table. « Noël est une fête familiale, n'est-ce pas ? Et je ne vois pas pourquoi elle devrait être parsemée d'une odeur de mensonge » La grand-mère posa alors la question fatidique : quel mensonge ? « Oui, de quoi parles-tu Rose ? » « Saviez-vous que parmi nous se trouve actuellement l'une des pires couguars que Montsimpa ait connu ? Femme qui n'hésite même pas à se faire mon oncle » « Qui Bobby ? Mais il n'a que seize ans, cesse tes âneries ! » Un rire nerveux s'échappa de la bouche de sa génitrice alors que tous les regards se tournaient vers elle. Mais elle, elle ne souhaitait qu’étriper qu'une seule personne à cette table : sa fille unique. « Arrête ça de suite Lily, je... » « Lis bien sur mes lèvres : je t'emmerde, maman. Et cela pour parler poliment. Je ne vois pas pourquoi personne n'aurait le privilège d'être au courant de tes histoires, c'est tellement passionnant » Sur le moment, Lily crut qu'elle allait fondre en larmes. Tout remonter alors d'un seul coup : la disparition de son père, les débauches de sa mère, ses nombreux amis ne venant même plus pour elle mais pour l'autre femme de la maison. Assez. On peut dire qu'elle n'en pouvait plus. Et même si c'était Noël, il fallait bien que ça sorte à un moment ou à un autre.
C'est alors que, face à la gêne ambiante, sa mère quitta la pièce et monta à l'étage. Étage où elle n'avait rien à faire puisque qu'il ne s'y trouvait que la chambre de la jeune Waid-Turner. « Mais qu'est-ce qu'elle fiche ? » « Lily tu aurais pu être un peu plus poli avec... » Elle n'eut pas le temps de finir que sa petite fille montait hâtivement les escaliers. Elle trouva sa mère en train de remplir une valise d'une multitude d'affaires en tout genre. Rose haussa un sourcil. « Tu pars ? » « Non, tu pars » Rose resta interloquée devant cette annonce. « Mais je... » « Tu quoi, tu m'emmerdes ? En parlant poliment bien sûr. Écoutes espèce d'adolescente en rébellion : tu vas quitter cette maison immédiatement. De toute façon depuis la mort de ton père rien de vas plus entre nous, alors à quoi bon ? Et puis tu es majeure non ? Je ne vois donc pas ce que tu fais encore ici. Termine ça et vas vivre ta vie » Elle quitta la pièce en claquant la porte. Lily s'assit sur son lit en regardant dans le vide. Mais aucune larme ne coula sur ses joues et, au contraire, elle esquissa presque un sourire. Elle ne pensait pas vraiment à ce qui allait se passer par la suite mais à ce qui se passait vraiment dans l'instant présent : elle était libre. Peut-être un peu brusquement, mais elle l'était.