Coincée dans des - rares - bouchons en plein centre ville, je commençais sérieusement à perdre patience. Main sur le klaxon, j'avançais au pas pour rentrer chez moi hâte de retrouver ma fille, que j'avais laissé au manoir, accompagnée de sa fidèle baby-sitter qui venait à chaque fois que je sortais de la maison. La chaleur était étouffante, après cette tempête qui avait dévasté une bonne partie des maisons de Montsimpa. Je brûlais d'envie de hurler contre la voiture qu'il y avait devant moi, mais malheureusement il n'y était pour rien. Je regardais aux alentours pour m'occuper, lorsque je remarquais le bar de chez Hogan. Pourquoi ne pas y aller en attendant que tout ceci se tasse un peu ? Je fis un gros détour, dangereux mais au moins j'étais parvenu à garer rapidement ma voiture. Avec ça, je devais me faire remarquer par tout le monde. J'entrais dans le bar, remarquant que mon amour de petit ami était assis. Je lui faisais un coucou de la main, avant que celui-ci ne me le rende. Je m'approchais puis l'embrassais avec tendresse. « T'a déjà vu des bouchons pareil à Montsimpa ? On dirait que tout Bridgeport vient ici en journée ! Non mais franchement, en plus j'ai un abruti qui a failli m'engloutir la bagnole, j'ai eu chaud... » disais-je, d'un trait, complètement stressée par ces foutus bouchons. Je prenais une longue inspiration puis m'adressais au serveur. « Un café, bien corsé. » Vu les litres que je buvais par jour, un de plus n'allait pas m'inquiéter. « Ça va toi ? T'es bien silencieux ? » Loin de m'imaginer que ce n'était pas mon Dexter à moi...

Je venais de mal commencer ma journée, entre les appels incessants de mes parents pour prendre des nouvelles depuis la tempête, des nouvelles de mon éditeur qui était inquiet à mon sujet, les bouchons à Montsimpa et la venue des touristes de Bridgeport. Je me sentais de plus, constamment épiée par la presse people, chose que je détestais plus que tout au monde. Alors oui, me retrouver auprès de mon petit ami me calmait automatiquement. Je me demandais d'ailleurs ce qu'il faisait là, puisqu'à cette heure-ci il était censé travailler. Bref, je faisais abstraction de ce détail bizarre. Je me laissais aller, entremêlant mes doigts avec plaisir dans les siens. « J'étais dans le coin, j'ai laissé Bonnie à la maison. » disais-je, tout sourire. Je l'embrassais également en retour, avant de laisser le serveur poser ma tasse de café. Rien qu'à sentir l'odeur, je me sentais déjà mieux. Sa phrase m'interloquait. Il était bizarre aujourd'hui, ou alors j'étais en train de rêver ? Je restais silencieuse pendant quelques secondes puis plongeait mon regard dans le sien. Je devais probablement rêver. « Mis à part le stress immense généré depuis la tempête, j'ai passé une assez bonne journée dans l'ensemble. Et toi, tu n'es pas censé être au travail là ? » Ça m'avait échappé. Je voulais savoir ce qu'il faisait là, c'était normal.

Maintenant que Dexter était là, je pouvais peut-être profiter un peu d’une journée à peu près normale ? Remarque, avec la malchance que j’avais aujourd’hui, il allait encore m’arriver une tuile. Avec un peu de chance, j’allais casser mes talons ou bien une tache de café pouvait probablement m’achever en quelques secondes. J’essayais de me calmer, bien que je détestais tout ce mouvement à Montsimpa. C’était trop, d’un coup. Je sirotais tranquillement ma énième tasse de café du jour. A ce rythme là, je pouvais péter du cœur à tout moment tellement je buvais. Je fus surprise de le voir se resservir une autre tasse de café. Il avait peut-être pris son après-midi ? J’allais peut-être passer mon après-midi avec lui alors, et là au moins, j’étais certaine de passer une bonne fin de journée tranquille et apaisée. « Ah d’accord. » J’enchainais. « Au fait, tu as été voir la maison ? » Je sirotais mon café tranquillement. Il était temps de parler un peu de cette soirée bizarre de la tempête. L’une des soirées les plus traumatisantes de ma vie.

Je fus surprise d’entendre la réaction de Dexter, sur la maison. La sienne, qui fut détruite durant la tempête. Bien sûr qu’il l’avait vu, on y étaient en première loge. Je me souvenais de cette soirée comme si c’était hier. Nous au rez-de-chaussée, Bonnie à l’étage. Le toit qui s’effondre. D’ailleurs, c’est Dexter qui a sauvé Bonnie des décombres avant que tout s’effondre. C’était le sauveur de ma fille, mais aussi l’amour de ma vie. Comment oublier cette soirée. Je ne pouvais pas. C’était le genre de souvenir qui ne s’effaçait jamais de ta mémoire. Et c’est d’ailleurs pour ça que j’avais proposé à Dexter, de venir vivre chez moi. Un gros manoir comme le mien devait être comblé. Puis au moins, on pouvait concrétiser encore plus notre relation qui commençait à durer dans le temps. Je le regardais dans les yeux. Quelque chose ne tournait pas rond chez lui, et j’en étais désormais certaine. Je me sentais brusquement mal à l’aise. « On l’a vu hier, la maison. Est-ce que tu te sens bien Dexter ? » Je le regardais, pour essayer d’observer la moindre faille. Il n’avait pas bu, il n’avait pas fumé. Il n’était pas de ce genre, non. Puis il changeait brusquement de conversation. Je clignais des yeux rapidement, signe de stress chez moi. « Euh… Oui, oui. Pas de problème. » disais-je, avec un sourire tendu. A ce moment précis, je me demandais si l’homme que j’aimais était vraiment… Normal. Qu’est-ce que j’avais loupé ?