Il était là sur son vélo, à traverser Montsimpa comme tous les matins, son éternel sourire d'imbécile heureux collé au visage. A ses yeux le métier de facteur était le plus bel emploi qu'il pourrait exercer. Il s'amusait toujours quand il devait poster le courrier et livrer des colis. A la base ce n'était qu'un job d'été et voilà qu'il en avait fait sa vocation. Il s'inspirait d'ailleurs de ses rencontres avec les voisins pour écrire quelques scènes cultes de ses romans. Après tout, la fameuse Nicole de « Faites la mouche, pas la guêpe » était la caricature même d'une voisine à laquelle il aimait envoyer des lettres d'amour enflammées, mais de façon anonyme, lui faisant ainsi croire qu'elle avait un admirateur secret. De plus faire du vélo l'empêchait de penser à Danaé et Téo. Fréquemment elles revenaient dans son esprit et il n'arrivait plus à se concentrer sur quoique se soit. Il aimait sa liberté, son célibat et tout ce qui allait avec. Alors l'écrivain avait du mal à supporter qu'une femme puisse ainsi le perturber. Téo c'était différent, ils ne faisaient que se chercher et s'embêter l'un et l'autre continuellement. Mais quand même. Arrivé devant une maison où il devait livrer un paquet, il jeta un coup d'oeil furtif au nom du destinataire avant de hausser les sourcils, septique. Tea Peach, sérieusement ? Un regard à droite et à gauche lui indiqua qu'il n'était pas suivi. Non mais vraiment, Tea Peach ? Un mélange de Ice Tea et de Princesse Peach. A cette pensée il se mit à rire tout seul avant de secouer la tête pour se convaincre qu'il ne s'agissait que d'une erreur. Un instant il se demanda quand même si ce n'était pas une blague de l'un de ses voisins. Qu'en savait-il ? Après tout, peut-être même que le colis qu'il s'apprêtait à livrer était une baguette magique. Pensif il déposa son vélo contre la clôture de la grande maison et s'engagea dans l'allée qui menait à la porte d'entrée. Il tenait fermement le paquet sous un bras, prêt à s'excuser pour cette erreur de prénom quand il s'aperçut que sous la sonnette, le même nom « Tea Peach » y était indiqué. Reculant de quelques pas, il regarda la maison en détail pour voir si elle n'avait pas la forme d'un champignon. Sérieusement, à ce stade, plus rien ne l'étonnerait. Un sourire amusé se dessina sur ses lèvres alors qu'il revenait sur le perron de la demeure et que joyeusement il frappa à la porte. Peut-être qu'il allait se retrouver nez à nez avec un nain, cela ne le choquerait même pas. Et lorsque la porte s'ouvrit, il resta comme un con déboussolé. C'était loin d'être un nain la propriétaire des lieux. Il reprit vite ses esprits néanmoins et demanda : « Mademoiselle Peach ? » Il tendit gentiment le colis, ainsi que le reçu et indiqua l'emplacement pour la signature. « Un colis pour vous. Il faudrait signer le recommandé ici. »

Il est tôt et je suis déjà levée. Pourtant pas très matinale, ce matin les rayons du soleil sont venus m'exploser les yeux. Comme une conne, la vielle j'avais oublié de fermer mes volets. Trop défoncée pour le faire sûrement. C'est donc en petit boxer noir (vous voyez celui qui vous fait un cul de bombass) et débardeur transparent et bien trop grand pour la gonz' toute menue que je suis, que je me suis installée devant mon chevalet. La toile encore vide, l'inspiration eut du mal à pointer le bout de son nez. Après deux-trois pétards, celle-ci fit son apparition et très vite j'enchaînai les oeuvres. Deux bonnes heures plus tard me voilà interrompue par la sonnette de ma porte. Très rare sont les personnes à me rendre visite, du coup je suis intriguée. Couverte de peinture et toujours en petite culotte, je vais ouvrir. Mon visage se décompose. J'en reviens pas. J'ai les genoux qui s'embrassent, mon coeur qui s'emballe. Ce n'est pas lui, ce n'est pas possible. Je suis comme on dirait ; sur le cul. Mais vraiment sur le cul. Sous le choc de la rencontre je suis tombée à la renverse et bim me voilà sur les fesses à l'entrée de ma porte. Surprise par cette visite, je n'ai pas compris un mot de ce qu'il a baratiner. Il a évoqué un recommandé, puis parlé de colis. Arf je m'en balance, il est là, devant moi. Et ô vache, qu'il est beau. Je tente de l'ouvrir, d'aligner deux mots, mais rien ne sort. « Bleugbla ... ». Ouais la prochaine fois il vaudrait mieux que je me taise. Toujours sur les fesses, je me relève avec son aide. Enfin je réalise. Mon idole, mon écrivain favori, celui que j'idolâtre, il se tient en face de moi. Je souffle un ; « Je dois rêver ... » puis je me pince pour vérifier. Stupide idée, car c'est la réalité. Je reprends mes esprits, mais très vite l'excitation prend le dessus. Je pousse un cri strident, celui d'une fane en furie. Je suis une fane en furie. Je lui saute alors dans les bras le couvrant de baisers. Ce type me rend dingue, enfin ces mots me rendent dingue. J'aime ce qu'il fait. Pas de chance pour lui d'être tombé sur moi. Il doit me prendre pour une folle, une dingue sortie de l'asile. Dans ses bras, je le tâche au passage à cause de la peinture fraîche trônant sur mes vêtements. Mais je m'en fiche. Je n'ai aucune honte. Je recule d'un pas pour l'admirer avant qu'il ne parte en courant. Et oui, c'est bien lui ; Noam. Le rêve.

Ses voisins avaient toujours été une source notable d'inspiration à ses yeux. Ils peuplaient les livres de Noam sans même le savoir. Et dans le quartier, il connaissait à peu près tout le monde, et tout le monde le reconnaissait également. Pourtant la demoiselle qui lui faisait face lui était inconnue. Ce n'était pas une naine, ni un troll, ni même une sorcière tairait au fond d'une grotte. C'est le nom indiqué sur le colis qui portait à confusion en réalité. Voilà pourquoi Noam s'était sérieusement imaginé tomber sur une détraquée. A première vue elle n'avait justement rien l'air d'une détraquée. L'écrivain la regarda un instant de la tête aux pieds, ne pouvant s'empêcher de trouver un côté sexy aux tâches de peinture qui parcourait le corps de la belle. Une artiste. Un sourire taquin apparu sur les lèvres de Noam tandis qu'il tenait toujours le colis et le reçu dans ses mains, attendant patiemment une réponse de la demoiselle. Mais elle semblait ailleurs, en proie à un vertige. Elle tomba mollement sur ses fesses alors que Noam jetait le colis et le reçu sur le côté pour venir à la rencontre de Tea et l'aider. « Hééé ! » lança-t-il lorsqu'il la vit à terre lui demandant après coup si tout allait bien. Il l'aida à se remettre sur ses jambes tandis qu'il avait toujours une main posait sur le bras de la jeune femme, s'inquiétant de la revoir tomber une nouvelle fois sous le coup d'un malaise. « Bleugbla ... » fut le seul son qui sortit de sa bouche. Merde, elle ne savait pas parler en plus. Alors Noam se tenait toujours face à elle, la regardant, inquiet, ne sachant pas trop quoi faire. Peut-être qu'il devait l'accompagner dans sa cuisine pour lui faire boire un peu d'eau. Ok, il était pas habitué à secourir les gens, d'habitude il faisait genre qu'il ne les avait pas vu. Ouais, c'est un con le Noam. C'était peut-être une échappée de l'asile en fait. « Je dois rêver ... » Étonné, l'écrivain relâcha le bras de Tea avant de reculer d'un pas. Voilà que maintenant elle parlait, faudrait savoir. Puis si elle commençait à prendre Noam pour une hallucination, ça craignait un max. Il s'apprêtait à répliquer quelque chose lorsqu'il la vit se pincer le bras, mais il n'eut pas le temps de réagir que la demoiselle poussa un cri aigu avant de se jeter dans les bras de Noam et de le couvrir de baisers. Par réflexe il passa un bras dans le dos de la jeune femme, bien qu'il tentait de se débarrasser d'elle. Elle devenait incontrôlable et c'est seulement lorsqu'elle recula d'un pas que l'écrivain réalisa ce qu'il venait de se passer. Légèrement ahuris sur les bords Noam regarda la demoiselle en petite culotte devant lui avec des tâches de peintures partout. Lui-même en avait dorénavant sur sa chemisette de vacances, mais osef, ce n'était pas le plus important. Cette fille était une détraquée, une dingue, une folle. Non. Encore pire, une fan. « Si je pouvais avoir le même accueil avec toutes les jolies filles que je croisais, ce serait le top. » finit-il tout de même par dire alors qu'il remettait sa chemise convenablement. Son sourire taquin s'agrandit tandis qu'il posait son regard sur Tea, d'abord pour s'assurer qu'elle ne faisait plus de malaise et ensuite pour se préparer à un éventuel nouvel assaut de sa part. « Plus de vertiges, ça va ? »

Si j'avais su que ce matin en allant ouvrir ma porte je tomberais sur un de mes auteurs préférés, mon dieux, je me serais un minimum vêtue. Je n'en reviens pas qu'il soit en face de moi. D'ailleurs, ma petite chute démontre parfaitement l'état de choc dans lequel je suis. Ou plutôt, un état d'extase total. J'en perds même mes mots. Je dois passer pour une totale délurée. Je suis même étonnée qu'après ma chute et ma tentative de prendre la parole, il ne se soit pas encore enfui. Il doit avoir un fond suicidaire. Toujours éberluée de l'avoir sur mon pallier, je pense un instant rêver. Mais non, ceci est bien la réalité et Noam Beckett est bien en face de moi. « Si je pouvais avoir le même accueil avec toutes les jolies filles que je croisais, ce serait le top. » . Je réalise que je suis passée pour une totale débile. Ça m'offre un léger moment de réflexion, avant de lâcher un petit rire. C'est vrai, je m'en balance. Si je commence à m'en faire pour l'image que je dégage et de ce que pense les autres, je ne suis pas sortie de l'auberge avec le phénomène que je suis. « Ne faites pas l'hypocrite ! Je vous ai fais peur. Je l'ai vu sur votre visage ... », je fais mine d'être déçue (en fait, je m'entraîne à jouer la comédie dans l'optique de débuter une carrière d'actrice), puis la seconde suivante je rayonne de par mon large sourire. Il ne faut pas chercher à comprendre. « ... mais je m'en balance, car vous êtes là ... devant moi ..., ouiiiii ». Je tape des mains en sautillant sur place. J'exprime ma joie et mon bonheur, il y a un soucis ? « Plus de vertiges, ça va ? » . Ah oui, je me suis quand même étalée par terre. Et soudain une idée me vient à l'esprit. Je fais mine de retomber dans les pommes, sauf que cette fois-ci, je tombe dans ses bras. « Mon dieu ... ça recommence ... ». C'est tellement surjoué que s'en est pitoyable. Mais ça m'amuse. Et puis je m'ennuyais, ça va me faire passer le temps. « Vous devriez entrer ... je pourrais rechuter avant d'atteindre mon canapé ... ». Lui ds-je en faisant en même temps les yeux doux. Je suis sûr qu'il ne pensait pas tomber sur un numéro tel que le mien. Il doit regretter de ne pas être parti lorsqu'il en avait encore le temps.

C'était un petit bout de femme incroyable. Le genre de fille qu'il ne rencontrerait qu'une seule fois dans sa vie, il le savait. Elle dégageait à la fois une folie extraordinaire et un charme complètement envoutant qui allait à l'opposé de sa folie. La combinaison était néanmoins terriblement parfaite et Noam était fasciné par l'artiste qui lui faisait face. Ce n'était pas tant sa tenue, ni les tâches de peinture qui recouvraient son corps qui le captivait autant, non, c'était cette foutue association d'artiste incomprise, de jolie fille et d'échappée de l'asile. Son prénom ne semblait être alors que la digne représentation de cette équation. Elle était là, devant lui, feintant d'être déçue alors que l'instant d'après elle explosait de joie à grand coup de « ouuiii » et de tapes dans ses mains. De nature pas très loquace, Noam aurait pu volontiers s'assoir sur une chaise et admirer cette fille pendant des heures. Elle était drôlement fascinante. « Olà, tu peux me tutoyer hein, j'ai l'impression d'être vieux sinon. » préféra-t-il expliquer instantanément parce que au rythme où elle était partie, elle l'appellerait bientôt « monsieur ». Et à seulement vingt-deux ans, Noam ne se sentait pas l'âme d'un monsieur, ni d'un « vous ». Son attention était toujours autant accaparée par la fameuse et épique Tea Peach qui pétillait de joie et de bonheur. L'écrivain ignorait cependant si c'était dû à sa visite ou si elle était généralement ainsi, si extravertie et ouverte envers les inconnus. Des fans il en avait déjà rencontré, mais une Peach, il n'y en avait décidément qu'une seule. Et une fabuleuse en plus de cela. Mais sur l'instant, Noam s'inquiétait surtout de la revoir faire un malaise et bien vite, il avait constaté que la jeune femme surjouait toute la scène. Cela le fit doucement sourire tandis qu'il décidait de rentrer dans son jeu au moment même où elle lui tombait, cette fois-ci, dans les bras. Jolie comédienne, bien que novice dans le domaine du théâtre, de toute évidence. « Vous devriez entrer ... je pourrais rechuter avant d'atteindre mon canapé ... » C'est qu'elle savait faire tourner son monde la belle. L'écrivain passa délicatement un bras sous les jambes de la jeune demoiselle tandis que son autre bras se cala dans son dos. Il la porta doucement alors que son regard restait fixait sur le visage de l'artiste. « Effectivement, autant profiter de ma présence ici pour faire autre chose que livrer un colis. » lança-t-il d'humeur taquine alors qu'il se dirigeait avec peine à travers la maison de Tea, sans trop savoir de quel côté il devait se diriger. Lorsqu'il supposa avoir trouver le salon il y entra et vint déposer Tea sur son canapé bien qu'il garda la main de la demoiselle dans la sienne pour tapoter gentiment et doucement dessus. « Tu veux un peu d'eau ? » Bah ouais, elle était supposée se sentir mal.