Ce matin, l’école avait téléphoné à la maison pour prévenir que la maîtresse de Pavao serait absente jusqu’à la fin de la semaine suite à une intoxication alimentaire et qu’aucun remplaçant n’était prévu pour assurer la classe. Les parents du petit garçon avaient téléphoné à Blyss et Olive, mais aucune d’elles ne pouvaient garder Pavao aujourd’hui. Son père téléphona alors au bureau pour annoncer qu’il ferait son travail chez lui, exceptionnellement, jusqu’à la fin de la semaine afin de veiller sur son fils.
La maman du petit garçon était venue le réveiller tout de même pour lui annoncer la nouvelle. Pavao sauta sur son lit et serra Monsieur Lapin dans ses bras. « Tu entends ça Monsieur Lapin ? C’est un peu comme les vacances mais en avance ! » Le petit garçon fit alors triste mine quand il appris que c’est son père qui allait le garder, mais qu’il allait devoir travailler. Cela signifiait que Pavao allait devoir s’occuper tout seul.
La matinée s’était déroulée tranquillement. Le père de Pavao lui avait demandé de ranger sa chambre, ce que le petit garçon avait fait avant de jouer avec ses petites voitures et le garage qu’il avait eu à Noël l’an dernier. Au déjeuner, papa avait préparé des lasagnes. Hm, Pavao adorait quand papa faisait des lasagnes ! C’était un peu sa spécialité. Il adorait ça !
Après manger, son père s’était accordé une petite pause dans le canapé. Pavao commençait à s’ennuyer de jouer aux petites voitures et regarda par la fenêtre. Le soleil brillait sur Bridgeport dans un ciel magnifiquement bleu. Cool, ça c’était un temps à aller faire du vélo ! « Papa, papa ! Je peux aller faire du vélo ? S’il te plait. » Le petit garçon regarda son père en espérant qu’il accepte. Ce qu’il fit. « N’oublie pas de mettre ton casque, et ne vas pas trop loin d’accord ? » Le petit garçon sautilla sur place et s’en alla en direction du petit bâtiment où était rangé son vélo. « C’est promis papa ! »

Monsieur Lapin était correctement posé dans le petit panier au devant du vélo. Pavao pédalait aussi vite qu’il pouvait. Il savait exactement où il voulait aller. C’était là qu’il allait habituellement. La grande place de Bridgeport. Le petit garçon aimait venir faire du vélo ici, puisqu’il y avait peu de voitures. C’était maman qui lui avait dit de venir ici. Un sourire se dessina sur ses lèvres lorsqu’il aperçu la voiture à restauration rapide. « Monsieur Lapin, ça te dit un dessert trop bon ? » Le petit garçon descendit de son tricycle, attrapa son lapin en peluche et se dirigea vers le véhicule. Oh dis donc, c’était bien haut pour lui ! Il posa Monsieur Lapin sur le comptoir et se mis sur la pointe des pieds. « Monsieur, vous avez de la glace à la noix de coco ? »

En ce début d’après-midi, le soleil brillait étonnamment bien pour un mois d’automne. Montsimpa était réputée pour avoir des températures plutôt clémentes jusqu’à l’arrivée de l’hiver. La semaine venait de commencer et après ses cours du matin, Megara avait dû aller acheter un livre à la librairie pour un de ses cours. Elle était à vélo, roulant avec douceur sur la voie piétonne, sentant la douce brise qui lui fouettait légèrement le visage, un petit sourire aux lèvres et surtout, ses écouteurs dans les oreilles, l’ipod dans la poche droite de sa robe bleue diffusant beautiful day de U2. Elle pensa au retour chez elle, au chai latte qu’elle allait pouvoir se faire avant de lire tranquillement dans son fauteuil. Un après-midi de retraité, en fait. Quand allait-elle enfin commencer à vivre ? Elle se sentait ridicule de ne pas vivre comme les gens de son âge. Elle savait pourtant comment devait se passer la vie à vingt-deux ans. Les séries américaines lui apprenaient suffisamment sur la vie et tous ces clichés. Elle avait l’impression d’être dans un long coma et de ne pas pouvoir en sortir.

Perdue dans ses pensées, elle aperçut le marchand de glaces sur sa gauche et ralentit avant de se ranger vers un poteau où elle accrocha son vélo. Cela faisait longtemps qu’elle n’avait pas mangé de glaces, depuis cet été même. Le temps doux le permettait encore. Elle s’approcha doucement du camion et aperçut un petit garçon en train de commander. Elle se mit derrière lui, quand elle entendit le marchand dire d’une voix désolée « Oui, oui, on a de la noix de coco mais si tu veux une boule, tu n’as pas assez de sous. » Cherchant son porte-monnaie dans son sac de cours, elle tendit un billet de cinq simflouz au marchand. « Je vais lui payer…pouvez-vous me mettre un cornet vanille-fraise avec s’il vous plaît ? » Pendant que le marchand s’exécuta, elle se tourna vers le petit garçon, un peu gênée. Elle savait que les enfants n’étaient pas censés parler aux inconnus, du moins c’est ce que sa mère lui avait toujours appris. Elle ne voulait pas passer pour une folle ou une kidnappeuse, mais le trouvait dans tous les cas adorable. Megara se demanda ce qu’il faisait ici, en début d’après-midi. Ne devait-il pas avoir école ? Elle l’observa discrètement avec son lapin et son petit vélo caché derrière lui. Bridgeport n’était pas une ville dangereuse, le taux de criminalité était assez bas. Il n’empêche qu’il pouvait lui arriver n’importe quoi. Elle osait espérer qu’il n’avait pas fait de fugue.

Oh, Megara était de nature à s’inquiéter pour les autres et à ne pas vraiment se soucier d’elle. Mais que pouvait-elle faire face à un petit garçon tout seul ? Elle se prenait certainement la tête pour rien, comme toujours. Alors que le marchand tendit en premier le cornet à la noix de coco puis ensuite celui de Megara, la jeune fille se pencha et tendit le cornet au petit garçon. « Tiens, ne t’inquiètes pas pour les sous ! » Elle lécha sa glace d’un air gourmand et voulut s’éloigner, mais curieuse de savoir ce que le petit garçon allait faire, elle resta statique, l’air faussement concentré sur sa glace, attendant de voir ce que le petit allait faire. Il était adorable. Elle adorait les enfants, même si voir des petits êtres comme lui, ayant toute la vie devant eux la déprimait. Elle avait tellement envie de dire à tous les enfants qu’elle croisait d’être toujours gentils à ceux qui n’étaient pas comme eux, car ils méritaient le respect comme tous. Après, ce n’était pas sûr qu’ils saisissent tous le message. A cet âge-là, il y a les gentils et les méchants. On apprend en grandissant que c’est plus compliqué que cela…

Délicatement dressé sur la pointe des pieds, Pavao venait de demander au vendeur de la glace à la noix de coco. Le petit garçon avait préalablement sortie trois pièces de sa poche qu’il avait posé du bout des doigts sur le comptoir, juste à côté de Monsieur Lapin. Attendant une réponse du vendeur, ce dernier regarda les trois petites pièces que le garçonnet venait de poser et dit enfin « Oui, oui, on a de la noix de coco mais si tu veux une boule, tu n’as pas assez de sous. » Comment ça pas assez de sous ? D’habitude, c’était suffisant. Le petit garçon fronça des sourcils, l’air mécontent. Il la voulait sa glace à la noix de coco. « Mais monsieur ! Elle est chère votre glace ! Chez Nicholas j’aurais eu assez de sous, j’aurais même eu assez pour en prendre une à Monsieur Lapin ! » Il espérait de tout cœur que cela lui fasse peur et qu’il lui donne alors une boule sans rechigner. « Je vais lui payer…pouvez-vous me mettre un cornet vanille-fraise avec s’il vous plaît ? » Pavao se retourna et regarda la femme qui se tenait derrière lui. Elle était gentille de lui offrir une boule de glace. Mais quand même, ici c’était horriblement cher ! Elle sortie de son porte monnaie un billet de 5 simflouz. Waw, elle était riche ou quoi ? Le petit garçon essaya de regarder le vendeur préparer les deux glaces. Franchement, ils devraient mettre un petit escalier pour les petits garçons comme lui, tout serait beaucoup plus simple. La jeune femme lui tendit alors le petit pot qui contenait la meilleure glace de tout les temps : la glace à la noix de coco ! « Tiens, ne t’inquiètes pas pour les sous ! » Il saisit le petit pot et enfourna gourmandisement une première cuillère de glace dans sa bouche. Ah, oh ! C’est froid ! « Merci Madame, c’est gentil. » annonça t-il d’une voix timide. Il regarda son lapin sur le comptoir. Oh zut ! « Est-ce que vous pouvez me donner Monsieur Lapin et mes sous s’il vous plait ? » Pavao regarda le jeune femme de haut en bas et se remémora ce que lui avait dit sa mère la premier fois qu’il était sortit tout seul. Ne jamais parler aux inconnus. Finalement, cette dame plutôt gentille d’apparence lui voulait peut être du mal. De toute façon, si c’était le cas, maintenant qu’il avait sa glace, il n’avait qu’à monter sur son vélo et pédaler à fond la caisse jusqu’à chez lui, où il serait en sécurité. Il voulait tout de même en avoir le cœur net. Une question lui vint alors à l’esprit. « Vous habitez Bridgeport ou Montsimpa ? » Le petit garçon lui adressa un petit sourire avant de manger une nouvelle cuillère de sa glace. Il ne fallait surtout pas qu’elle se doute qu’il était entrain de se méfier d’elle, cela l’affaiblirait si vraiment elle lui voulait du mal !