Je reçus ce SMS d'une amie de l'hôpital. Elle faisait peut-être des études de médecine, mais dès qu'elle en avait l'occasion, elle chantait partout et quand je dis partout, c'est ABSOLUMENT PARTOUT ! D'ailleurs, elle me disait qu'elle allait chanter à une soirée micro ouvert aux Guitares Hurlantes. Elle me proposait d'y aller, ne serait-ce qu'une heure, histoire que je la voie à l’œuvre, et cette fois-ci sérieusement. Eh Jessie, ça te tente... Je m'arrêtai net. J'oubliais tout le temps qu'elle n'était pas à l'appartement le week-end. Je soufflai, agacée de toujours oublier ce détail, puis me rendant compte de son absence, je commençai à me sentir terriblement seule. Je regardai le sms à nouveau. Je n'étais pas obligée d'y aller accompagnée après tout. Et puis, c'était une bonne chose, car si je voulais rentrer, je n'avais besoin de l'avis de personne. Je m'en allai alors mettre une tenue simple pour sortir, mais quand même un peu à la mode, au cas où j'allais faire une rencontre, peut-être la rencontre de ma vie, j'espérais toujours. Une fois prête, j'attrapai mon sac, mes clés, repris mon portable puis fermai la porte derrière moi. Je n'étais encore jamais partie à une soirée micro ouvert, mais connaissant mon amie, ça allait être une soirée géniale.
Quand j'entrai dans la salle, il y avait quand même beaucoup de bruit. Ce que j'aimais bien, c'était qu'il n'y avait pas trop de lumière mais il ne faisait pas non plus complètement sombre, juste assez pour passer inaperçu. Contrairement à certaines personnes, je ne m'assieds pas à une table. Je préférais me placer au comptoir. De cette manière, je pouvais voir tout en regardant tout le monde. Je commandai un Coca. Sage, tout à fait à mon image. Puis je remarquai que je connaissais cet homme à l'autre bout bar.

Ce soir là, je n’avais rien prévu de particulier à faire. Le programme serait surement le même que la soirée d’hier, et celle d’avant-hier aussi par la même occasion. Un soupir. La routine n’était vraiment pas faite pour moi, et pourtant je vivais avec elle depuis des années à l’exception que quelques soirs par mois, lors des soirées micro ouverte aux guitares hurlantes. C’était le seul endroit où on me laissait encore tenir un micro en main et chanter. La seule déception, c’est que ce n’était en aucun cas pour mon talent ou ma célébrité – même moindre au jour d’aujourd’hui – mais bien par le contexte de ce type de soirée. Ils n’avaient pas le droit de me refuser de chanter. Ce genre de soirée m’aider à continuer d’entretenir un contact avec un public. Qu’il m’aime ou ne m’aime pas, ce n’était pas vraiment un problème, c’était surtout la sensation d’être sur scène que je retrouvais trois samedis soirs par mois. Oh, mais j’y pense ? Nous sommes DEJA samedi ? Que le temps passe atrocement vite ! Finalement, ma soirée qui s’annonçait vide et triste serait un peu plus gaie à l’idée de faire ce dont pourquoi je vie : la musique. J’allai me préparer en quelques minutes dans la petite salle de bain et enfila une tenue décontractée, à l’image de l’endroit que je fréquentais tous les week-ends ou presque.

Je mis dix minutes avant de trouver une place sur le parking du bâtiment. Il y avait énormément de monde, l’intérieur devait être bondé ! Mon hypothèse fut validée lorsque j’ouvris la porte : le bruit des quilles qui tombaient, les gens qui parlaient, riaient et chantaient en attendant le début de la soirée karaoké, le bruit des couverts que l’on repose sur son assiette au restaurant. Bref, c’était le week-end. Je me faufilai à travers la foule et me dirigea en direction du gérant de la soirée micro ouvert. Nous nous connaissions bien depuis le temps que je venais et il nota les chansons que je voulais chanter ce soir. Comme à mon habitude, j’allais m’assoir au bar. « Tient, monsieur Harper. Prêt à chauffer les foules ce soir ? » « Tient, Jeremy ! Malik n’est pas là ce soir ? » « Non, il est en congé ce soir et c’est moi qui le remplace. Qu’est ce que j’te sers ? » « D’accord. Donne-moi quelque chose de fort s’il te plait. Fort, et sucré. Fait moi ton meilleur cocktail ! » Jeremy, le barman, était connu pour être le meilleur créateur de cocktail du coin. Nous continuâmes tous deux notre discussion lorsque j’aperçu à l’autre bout du bar la jolie Primrose-Ruby. « Tu m’excuses Jeremy, je vais rejoindre une amie. » Je pris mon vers et m’en alla en direction de la jeune femme qui continuait de me regarder, un ravissant sourire aux lèvres. Elle était belle. Elle portait une jolie petite robe simple mais élégante avec de jolies chaussures à talons flashies. Elle semblait seule, personne n’avait daigné l’accompagner, ou alors son accompagnateur s’était absenté un instant. « Prim’ ! Tu es venue seule ce soir ? »

J'étais assise à le regarder tandis qu'il entretenait avec le gérant une discussion qui dépassait la simple commande. Il devait être un habitué, bien que cela ne m'étonnait pas de lui, au contraire. Quand il m'aperçut à l'autre bout du bar, j'eus le réflexe de regarder soudainement autre part. Ce n'était pas que je voulais l'éviter, pas du tout, c'était juste une mauvaise habitude dont il fallait que je me défasse. Et puis, il fallait bien qu'à un moment, il remarque ma présence puisque j'étais occupée à le fixer sans donner de pause à mes yeux depuis qu'il était arrivé au comptoir. Quand je me rendis compte que je n'avais rien de quoi me cacher, je le regardai à nouveau et lui lançai un sourire des plus sincères. Ça me faisait toujours plaisir de le voir, il était un très bon ami depuis que Jessie nous avait présenté l'un à l'autre. Il s'avança vers moi, son verre à la main, alors que j'attendais encore le mien. « Prim’ ! Tu es venue seule ce soir ? » Le barman arriva finalement avec ma boisson. Être proche de l'ami du gérant, ça aide forcément. Oui, je suis esseulée et en manque de compagnie. Tu te portes volontaire pour me supporter pour la soirée ? J'espérais qu'il n'attendait personne et qu'il veuille bien rester avec moi. Maintenant que je l'avais vu, je voulais vraiment rester avec lui.

HS: je sais, c'est très court et en plus de ça, c'est nul... mais je vais faire mieux à la prochaine réponse, c'est promis!

Le cocktail que m’avait préparé Jeremy était un délice. Les alcools forts se mélangeaient parfaitement avec les différents sirops qu’il avait rajoutés. Une saveur de kiwi s’en dégageait particulièrement, et j’adorai le kiwi. Ce mec était incroyablement doué, c’était un fait. De mon siège j’avais aperçu la jeune et jolie Primrose-Ruby. Rien que son prénom donnait envie de la voir. Un peu long certes, c’est pourquoi je l’appelais Prim’. Je ne devais pas être le seul cependant. J’étais donc parti à sa rencontre, m’étonnant un peu de la voir seule, elle toujours accompagnée de sa bande de copine ou au moins avec Jessie. « Oui, je suis esseulée et en manque de compagnie. Tu te portes volontaire pour me supporter pour la soirée ? » Je regardai autour de moi, comme si j’attendait quelqu’un, ce qui n’était absolument pas le cas. Mon regard se reposa sur Primrose. « Je n’ai aucune échappatoire.. » Un sourire s’affichait sur mes lèvres. Je la taquinait, c’était évident. « Je vais devoir te supporter toute la soirée comme tu dis. Mais c’est avec plaisir que j’accepte ma chère. » Primrose était une jeune femme de vingt-quatre ans qui étais très distante avec moi au début de notre amitié. Jessie m’avait raconté que c’était mon image de musicien alcoolique séducteur qui lui rappelait un mec dont elle était tombée amoureuse, et qu’elle avait peur qu’il lui arrive la même chose avec moi. J’avais expliqué à Jessie que je n’avais en aucun cas envie de me serrer Primrose mais qu’en plus, je n’étais pas comme son ex dont je ne me souviens absolument pas du prénom. A ma droite, sur le comptoir, j’attrapai un petit papier avec un stylo et le petit bouquin à côté et le tendis à Primrose. « Les duos sont à la page vingt-six. Choisis n’importe lequel et je t’emmène sur scène ! » En attendant la réponse de mon amie, je déboucha le stylo.

Maintenant que j'avais vu Noah, je savais que j'allais passer une bonne soirée. Seulement, il fallait qu'il soit seul pour que je puisse rester avec lui... Oui, je suis peut-être tête en l'air, mais tenir la chandelle n'a jamais été mon truc – surtout quand je cherche éperdument quelqu'un et que je ne le trouve toujours pas. Après avoir regardé autour de lui, Noah me répondit. « Je n’ai aucune échappatoire.. Je vais devoir te supporter toute la soirée comme tu dis. Mais c’est avec plaisir que j’accepte ma chère. » Je rigolai, même si j'avoue l'avoir cru au début – mais je ne le dirai jamais à haute voix. Je vais essayer de ne pas te faire regretter cette décision, mais je ne te promets rien, lui lançai-je pour plaisanter. J'aimais son sourire, mais je savais que ce n'était qu'une question de temps avant que je fasse à nouveau le lien avec Rudy. Même si j'étais convaincue que mon histoire avec lui ne m'avait pas traumatisé, elle m'avait quand même marquée. Et quand je voyais Noah, je ne pouvais m'empêcher de le voir – c'était ce que j'aimais chez lui, mais aussi ce que je lui reprochais. Mais je m'efforçais de faire abstraction de ce détail pour ne pas gâcher une amitié qui s'annonçait déjà prometteuse. Je posai mon regard sur la scène où un jeune homme s'était lancé dans une chanson de Prince. Très bon choix, mais très dur à chanter. C'est alors que Noah reprit mon attention en me donnant un livre de l'établissement. « Les duos sont à la page vingt-six. Choisis n’importe lequel et je t’emmène sur scène ! » Oh mon dieu. Euh... Je regardai le livret avec anxiété. Moi, chanter ? Même ma colocataire ne m'avait jamais entendue chanter car je faisais bien attention qu'il n'y ai jamais un seul être humain aux alentours au moment où j'ouvrais la bouche pour sortir ma voix qui chantait toujours faux. La seule personne qui m'avait déjà entendu chanter était... Rudy, lorsqu'il voulait répéter ses chansons. Pour être honnête, depuis cette époque, je ne chantais plus du tout. Noah, je sais pas trop... Je le regardai, essayant de lui inspirer de la pitié. La scène me terrifiait.

HS: voilà enfin la réponse

Chanter et jouer étaient les deux seules et uniques choses pour quoi je vivais. A croire que j’étais né avec une guitare et un micro dans les mains ! Chanter pour oublier, chanter pour se rappeler, chanter pour faire passer un message, chanter pour dénoncer… Il y avait tellement de raison pour lesquelles on peut chanter ! Ca tombe bien, aux guitares hurlantes, lors des soirées karaoké, on chante pour rigoler ! Pas pour moi en tout cas... J’y avais rencontré Primrose, une jolie jeune fille avec qui je m’étais noué d’amitié. J’avala à nouveau une gorgée du cocktail au kiwi que mon ami barman m’avait préparé en attendant une réponse de Prim’ à mon invitation à chanter. « Noah, je sais pas trop... » Ses yeux se posèrent successivement du livret à la scène, et de la scène au livret. Je comprenais qu’elle ne veuille pas chanter, mais j’y tenais vraiment. Venir à une soirée karaoké pour ne pas chanter, c’était comme aller au restaurant et ne pas manger. Inutile. « Tu vois cet homme la bas ? Il chante toujours deux chansons avant moi. Et il chante horriblement mal. Un peu comme dans les bêtisiers des recherches de talents. Et cette femme la bas, c’est un peu pareil. Sauf qu’en plus, elle ‘danse’.. très mal aussi ! Et ils sont encore là, chaque semaine ! Le ridicule ne tue pas. Et puis de toute façon, je suis là ! Alors fait moi plaisir, monte avec moi sur scène et chante avec moi. On va tout déchirer ! »