- LOOK FOR THE GIRL WITH A BROKEN SMILE -
It's not always rainbows and butterflies
It's compromise, it moves us along
My heart is full and my door's always open
You can come anytime you want

Les journées sont longues, trop longues. Le regard bleu de l’homme observe constamment la pendule de son bureau, impuissant. Il n’est pas maître du temps, il n’est qu’un simple mortel qui doit se laisser porter par les jours, les ans, les décennies, les siècles, même. Oui, les siècles. Il a l’impression d’être cette chose qui voyage à travers le temps sans jamais en voir la fin. Une sorte de torture qui le consume à petit feu. Pour autant, il n’a jamais songé à mettre brutalement fin à ce voyage ; pourquoi le devrait-il, lui qui croule sous les responsabilités de père de famille, de mari, d’avocat, lui qui croule sous tant de perfection, tant d’amour, tant de tendresse. Ah, la bonne blague, songe-t-il alors qu’il referme le dernier dossier à traiter. Pourquoi son père ne l’a-t-il pas prévenu, au fond ? Etait-ce si compliqué de lui parler, un dimanche, lors d’un repas en famille, et de lui dire une bonne fois pour toute ce qu’il en retournait ? « Tu sais Ariel, la famille, l’amour, la vie, tout ça n’est qu’illusion. On vous berce de mensonges depuis votre plus tendre enfance mais on ne devrait pas. On ne devrait pas vous laisser vous prendre la réalité en pleine face. » Un rictus amer alors qu’il imagine dans sa tête la fameuse discussion avec son géniteur, celui qui l’a corrompu jusqu’à la moelle. Et si au fond, même son père faisait partie de l’illusion ? Et si, au fond, même son père n’aurait jamais remarqué qu’il était victime d’une supercherie ? Pourquoi pas. Mais là, pour l’instant, les questions existentielles, Ariel leur dit merde. Il est bien trop occupé à ranger sa robe d’avocat, à défaire sa cravate, prêt à étouffer dans son costume de scène, et s’apprête à quitter son bureau pour plonger dans le monde parfait des Heathcote. Femme parfaite, fille parfaite, maison parfaite, mari parfait. Et en prime, le sourire ultra-bright digne d’une publicité pour dentifrice. « Je serais injoignable ce soir, Cornelia. En cas d’urgence, orientez mes clients sur mon téléphone personnel mais uniquement en cas d’urgence. » Ariel n’adresse même pas un regard à sa secrétaire qu’il est déjà parti, direction sa voiture. Il jette son attache case, sa veste de costard à l’arrière et grimpe à l’avant. Un instant, il s’arrête. Il ferme ses yeux, prend une profonde inspiration et démarre, exténué. Exténué de cette vie dans laquelle il étouffe. Tout, absolument tout et n’importe quoi l’oppressent, que ce soit son travail, sa famille, et elle. Oui, elle. Depuis qu’il a croisé son regard en sortant du bureau, Ariel ne fait qu’y penser. Il ne peut s’empêcher de penser qu’elle a changé elle aussi, qu’elle est devenue une magnifique jeune femme alors qu’il n’a fait que vieillir et s’enlaidir. Le temps où ils observaient l’un contre l’autre une œuvre de Modigliani dans un livre était révolu. La vie était simple, à ce moment-là. Pas d’enfants, pas de responsabilités, juste eux et le reste. Dans un élan de nostalgie, Ariel change de direction. Exit Monsimpa, il roule à toute allure en direction de la galerie d’art de Bridgeport respirer l’air, le pur, le vrai. Il n’y a qu’en face d’un tableau qu’il n’est pas aussi antipathique, il n’y a qu’en face d’un tableau qu’il redevient un homme heureux. Enfin, si on peut vraiment parler de bonheur. Disons que ça le soulage momentanément et qu’il peut repartir chez lui le cœur léger.
La galerie d’art de Bridgeport ne contient pas vraiment d’œuvres d’art. Il s’agit plutôt de peintures, sculptures réalisées par des artistes aux environs de la ville mais elles n’enlèvent en rien à la signification si précieuse de l’art. Ariel s’assoit sur le banc, en face de la nouvelle acquisition de l’institut, et commence silencieusement à l’examiner. Les couleurs se juxtaposent parfaitement et n’agressent pas les yeux, c’est un bon début, songe-t-il. Rapidement, une forme de nostalgie et de satisfaction nait au sein de son esprit. Il respire. Il respire loin du faste de la vie, seul, face à un objet inanimé. Son téléphone vibre mais il ne prend pas la peine de répondre. Encore sa femme, certainement, qui cherche à savoir où il est parti, s’il la trompe, s’il refait sa vie avec sa secrétaire. Et bien non. Il essaie juste de redevenir l’étudiant qu’il était, sans toutes ces questions qui pèsent sur sa conscience.

✝ J’ai rencontré un garçon, il m’a un peu tourné la tête. Fortissimo même... Tu vois le requiem de Fauré ?! Bah être avec lui c’est pareil c’est fort c’est pur.

Je soupire en regardant de nouveau l'heure avancer de dix minutes sans que je n'ai pu bouger de ce siège, de cette pièce et de ce bâtiment. Damn c'est quoi ce temps d'attente pour un simple rendez-vous d'admission ?! Non mais ils prennent leur futurs étudiants pour quoi ? Des asociaux ?! Ils pensent qu'on a que ça à faire de notre après-midi ? Attendre ?! Tapotant sur mon sac en rythme je change une énième fois de position, commençant à avoir mal aux fesses à forces d'être installé comme ça sans bouger. J'ai envie de râler, mais bon je le ferais pas. D'ailleurs semblant lire dans mes pensées, la porte s'ouvre sur le "proviseur" de l'université, alors que je regarde l'élève de son bureau sortir en le saluant. Mignon, vraiment mignon. Mais d'un seul coup mon reflet dans le miroir me renvoie l'image d'une fille plus âgé que lui, et qui ne l'intéressera surement pas. Quoi que les femmes couguars... Non Winona arrêtes de dérailler. Melle ... Kurtis c'est ça ? Je me lève en lui souriant poliment lui serrant la main avant d'entrer dans son bureau suivit par ses pas. Prenant place sur un des fauteuils qui fait face au meuble central, je pose mon sac à mes pieds restant le plus naturel possible. J'ai lu votre... dossier et votre lettre de motivation... J'ai bien envie de lui envoyé un "Atypique n'est-ce pas ?" mais je me tais hochant simplement la tête sans l'interrompre alors que l’entrevu débute par cela. [...]
Et une heure après je suis enfin libérée de cette obligation sortant le sourire aux lèvres alors que je remet ma veste sur mes épaules marchant dans le campus l'esprit léger et totalement ailleurs. Étudiante. Étudiante en art. Bon général pour le moment ayant aucune idée de se dans quoi je veux me diriger mais c'est déjà ça. Souriante je continue d'avancer sans avoir l'envie de rentrer directement à l'appartement de Joshua et sa copine, voulant savourer un peu seul cette nouvelle étape... Et c'est quand mes yeux se posent sur le bâtiment de l'Institut d'Art Modern et donc abritant dedans une espèce de "musée" enfin bref un bâtiment regroupant différent artiste et qui suffit à me faire tourner vers celui-ci franchissant l'entrée avec un sourire plaqué sur les lèvres avant d'y pénétré dans la galerie. Perchée sur des talons immense le bruit de mes plats passe pas vraiment inaperçu mais la réceptionniste semble habituée à cela alors que j'avance ensuite me dirigeant dans les plusieurs salle prévue à cette effet. La vérité ? Je n'arrive pas vraiment à me focaliser sur les tableaux alors que dans mon esprits les changements de ces dernières semaines, pardon dernière années pour les gens autour de moi me reviennent encore en tête.

Je déambule donc ainsi mon regard s’arrêtant sur chaque œuvre alors que je me rend compte qu'il n'y a malheureusement pas de photographie par ici les salles se dédiant à al peinture et la sculpture je ne tourne cependant pas les talons continuant d'avancer... Et au détour d'une salle je me fige reculant d'un seul coup de quelques pas alors que mon coeur manque un battement avant de s'accélérer brutalement ma gorgée s’asséchant face à la silhouette de profil qui se tient assise plus loin. Mon dieu. Inspirant lentement j'essaye de remettre mes pensées en place tournant les talons pour m'éloigner de lui allant regarder les tableaux derrière son dos. Mon dieu que fait-il là ? Est-ce bien lui ?! Oui sur et certaines malgré le temps, malgré le fait que l'autre jour il était de loin... il se reconnaitrait parmi mille. Et je reste un long moment à me planquer avant d'inspirer lentement. C'est Areil, il n'a pas changé en douze ans c'est pas possible. Bon ok il est ...marié... coup au coeur. A une..; fille... deuxième coups... mais il reste cependant le mec adorable et plein de vie avec qui je m'entendais si bien avant d'être avec lui, non ?!Allez, je prend mon courage à deux mains et le rejoignant par derrière sans me presser je finis par me pencher juste derrière lui à sa hauteur. J'arrive pas à comprendre ce nouvel art moderne c'est dingue ça... Je lâche avec lenteur et douceur un sourire adorable se préparant sur mes lèvres bien que pour l'instant je reste sérieuse gardant le regard posé sur le tableau comme si j'avais vraiment interrompu sa rêverie pour ça.