Un an s’était écoulé depuis mon divorce avec Clide. Un an où je m’étais réfugiée dans le travail, seule ressource valable qui m’évitait de penser à lui. Et de penser à mon geste désespéré. L’avortement n’était pas chose facile, surtout pour une future maman. Mais je ne voulais plus rien à voir avec lui. Le simple fait de voir son visage encore dans mes souvenirs me donnait la nausée. Pourtant, j’avais tellement envie de retrouver un peu de ce bonheur qui me semblait éternel à l’époque. Je ne pensais pas que ça allait prendre une tournure pareille. Et pourtant… Je me retrouvais, seule, à vivre à nouveau chez mes parents alors que j’avais vingt-cinq ans. C’était moi, la fille qui pleurait tous les soirs parce que j’étais malheureuse. J’avais comme un air nostalgie qui m’envahissait ces derniers jours. Je me rappelais à quel point je pouvais être radieuse et pleine de vie. Je me rendais compte aussi comment tout avait basculé en l’espace de quelques minutes au supermarché. Je réalisais que je n’étais qu’une pauvre loque qui espérait encore pouvoir retourner en arrière. Mais c’était impossible. J’en voulais tellement à Clide, que je ne pouvais me résoudre à revivre avec lui. Aujourd’hui, je me trouvais sur la plage de la vieille jetée. Partiellement inondée depuis les dernières intempéries, le soleil recommençait à nouveau à repointer le bout de son nez. Vêtue d’un k-way, ainsi qu’une grande capuche sur la tête pour éviter de finir décoiffée, je m’avançais dans le sable. Je fréquentais beaucoup cet endroit lorsque j’avais un coup de mou. Je m’installais sur un banc, observant les vagues bien agitées. La tempête n’était pas tout à fait terminée, mais pourtant je prenais quand même le risque d’aller dans mon endroit fétiche. J’avais juste besoin de prendre l’air, et surtout d’oublier.

Le temps pourri ne me donnait pas envie de rester plus longtemps assise sur ce banc. Pourtant, il n’y avait rien à faire, je n’arrivais pas à partir d’ici. Je ne savais pas par quoi j’étais retenue, ni même par qui. Peut-être par mes nombreux souvenirs de journée bronzette à la plage avec Clide. Ces moments où j’étais heureuse, où je ne me demandais pas ce dont demain allait être fait. Cette plage ne ressemblait plus qu’à un tas de sable boueux. Il ne fallait pas se pointer avec les tongs aujourd’hui, c’était plutôt les bottes du pécheur. Pas très sexy comme tenue mais bon, j’avais mes pieds au sec c’était le plus important. Je me laissais emporter par une flopée de souvenirs avant d’être plongée dans l’obscurité la plus totale. Je sentais des mains sur mes yeux. J’eus un petit sourire en coin. Je savais qui c’était, je n’avais pas besoin de réfléchir pendant trois heures à deviner à qui appartenait cette voix. C’était Nicholas, mon meilleur ami. Un véritable soutien que j’avais depuis de nombreuses années. Même s’il paraissait idiot ou plutôt complètement barré, j’aimais bien ce mec. Au moins, il me faisait rire. Et en ce moment, j’en avais grand besoin. « Hum, je dirai le glacier du coin ! » disais-je, en souriant. J’enlevais les mains de mon visage sans trop de difficultés, puis me retournait pour apercevoir la frimousse de mon meilleur ami. Son sourire béat me donnait presque envie de l’imiter. « Alors, pas de monde aujourd’hui hein ? » disais-je, en le taquinant un peu. Je savais qu’il n’aimait pas lorsque les clients ne se présentaient pas au camion. Avec un temps pareil de toute façon, il n’y avait que nous pour être dehors.

Quelle meilleure façon de passer la journée ? Je n’ai pas de clients donc passer la journée dans mon camion ne présente pas grand intérêt. Rester seul, j’aime pas ça. Alors retrouver Lane sur la plage, c’est la meilleure chose qui aurait pu m’arriver aujourd’hui. Il n’y a pas mieux que sa meilleure amie non ? Elle me connait, je suis vraiment moi-même avec elle. Ça l’a fait toujours rire de me voir faire l’idiot mais ce ne sont pas des moqueries, contrairement à beaucoup de monde. Ses rares sourires sont réels et c’est pour ça que j’aime autant la voir heureuse. Ce qui est difficile ces temps-ci. Tout ça à cause d’un connard qui lui a brisé le cœur. Alors mon boulot, c’est de lui faire retrouver le sourire, la joie de vivre. « Hum, je dirai le glacier du coin ! » Et comme il n’y en a qu’un en ville, elle parle forcément de moi. Je dois faire fuir la concurrence je crois. Il n’y a jamais eu d’autre glacier en même temps que moi en fait. Je suis le meilleur en même temps, pas besoin d’un autre. « Comment t’as deviné ? » Elle est voyante et elle m’a même pas prévenu, j’suis déçu. Parce que n’importe qui aurait pu lui faire cette blague. Non ? Je retire mes mains de son visage et je viens m’assoir à côté d’elle. Je comprends pourquoi elle est là, c’est joli comme endroit. Et tranquille. « Non faut croire que les gens ont pas envie de sortir. J’comprends pas. Moi, même avec un ouragan, j’irais m’acheter une glace. » Bah quoi ? Quitte à mourir, autant mourir en mangeant une glace. Un avant-goût du paradis, surtout si la glace vient de mon camion. « Et toi, tu fais quoi ? Tu joues à sauter dans les flaques avec tes bottes en caoutchouc ? » Aucune critique là-dedans. Ça me donne justement envie de faire pareil. Mais j’ai des baskets au pied et je risque d’attraper un rhume si je me trempe les pieds. Lane pourrait me prêter ses bottes remarque mais elle a des mini-pieds donc ça va être compliqué. « Ça te tente une glace ? Comme t’es copine avec le patron, t’auras même le droit à un prix. Ou bien même gratos puisque t’es la plus belle ! » C’est bizarre mais avec elle, je suis rarement gêné. Peut-être parce qu’elle sait me mettre à l’aise et parce que je sais qu’elle m’accepte comme je suis.

Dans les coups de mous que j’avais, il y avait toujours Nicholas dans le coin. A croire presque qu’il me suivait. Mais je trouvais ça drôle. Il était un peu simplet, mais j’étais certaine qu’il y en avait dans sa cervelle. Et puis il n’allait pas finir à faire des glaces toute sa vie non ? Remarque moi, j’étais bien partie pour finir à soigner les vieux toute ma vie. Mais bon, ça ne me gênait pas bien au contraire. J’aimais rendre service aux gens. En fait, ça m’aidait aussi à penser à autre chose depuis mon divorce et surtout mon avortement. Ces derniers temps j’y pensais beaucoup parce que ça faisait plus d’un an aujourd’hui que j’avais avorté de ce fœtus. Si j’avais décidé de le garder, je n’aurai pas été dehors par un temps pareil. Mais au final, je me retrouvais seule comme à chaque fois. Comme c’était prévu. Entre ça et ma sœur qui désirait partir de Montsimpa, je me sentais incroyablement mal. J’avais l’impression que tout le monde me tournait le dos comme si j’étais une malpropre. Enfin j’étais sûre que Nicholas lui, ne me tournerai jamais le dos. C’était le genre de mec fidèle autant en amitié qu’en amour. Enfin en amour, je ne le savais pas puisque je ne l’avais jamais vu avec une autre fille. Mais en amitié, c’était un mec formidable. Au moins, il arrivait à me donner le sourire lors des moments difficiles. Je savais que venir à la plage de la vieille jetée signifiait aussi le croiser. J’avais bien calculé mon coup. « Nicholas, tu es le seul glacier de Montsimpa. Tu es facilement repérable tu sais. » disais-je, sur le ton de la plaisanterie. Je l’écoutais me vanter les mérites de s’acheter une glace à son camion. On voyait qu’il était passionné par son métier. C’était un adulte avec un esprit de gosse de dix ans. Cela m’amusait beaucoup. « Tu me connais, si je viens ici… C’est que ça ne va pas. » disais-je, en baissant la tête. Je me sentais gênée d’être malheureuse. Il avait toujours la patate lui. Je voulais connaître son secret. Ne pas avoir de relations amoureuses, ne pas avorter… C’était déjà pas mal. Lui au moins n’avait pas de peine de cœur. Il était tranquille. Enfin je passais rapidement le sujet, écoutant Nicholas me proposer une glace en me disant que j’étais belle. Bon sang, ça faisait du bien d’entendre ça de sa part. Je souriais, gênée. « Va pour une glace made in Hawkins ! Même s’il fait mauvais, c’est pas grave ! » Peut-être que sa glace allait me faire oublier tous mes soucis. Comme si c’était si simple… Pourtant parfois, j’aimerai que ce soit aussi simple.

On dirait pas comme ça mais je suis un pro pour consoler quelqu’un. Enfin pas pour pleurer avec la personne. Je me contente de redonner le sourire, c’est ce que je sais faire de mieux. En étant ridicule la plupart du temps mais ça ne compte pas, tant que ça marche. Voir les gens sourire, ça me suffit à être heureux. Un enfant dont le visage s’éclaire en voyant la glace que je viens de lui donner, des adultes qui rient en me voyant faire l’idiot… Lane qui sourit tout simplement. Tout ça suffit à mon bonheur. Quand je pense que certains ont besoin d’une voiture de luxe et d’une maison avec piscine pour être heureux. « Tu devrais être détective privée, tu serais excellente. » Elle est capable de me reconnaître alors que ses yeux sont cachés, elle est vraiment trop forte. « Tu me connais, si je viens ici… C’est que ça ne va pas. » Je sais bien que ça ne va pas fort depuis que son abruti d’ex-mari a fait le con. Mais elle ne doit pas penser à lui, elle doit recommencer sa vie. Et pourquoi pas avec moi tiens ? Au moins, je ne la tromperais jamais moi. J’ai jamais trompé personne, je ne compte pas commencer. Surtout pas avec une fille aussi géniale que Lane. Quel idiot fini ce Clyde ! « Pense pas à toutes ces conneries Lane. Pense à autre chose, moi par exemple ! » Rien que penser à moi, ça doit la faire sourire. Si tu compares ça à Clyde qui la rend triste, je gagne haut la main. Et puis je lui propose une glace, chose qu’elle ne peut pas refuser. Parce qu’elle aime les glaces et aussi parce que mes glaces à moi, c’est les meilleures. Bien mieux que toutes celles qu’on peut trouver au supermarché du coin. « Tu sais bien que mes glaces rendent le monde plus beau… enfin t’inquiètes, tu verras pas non plus des arcs-en-ciel, j’mets pas de drogue dedans. » Pas besoin de drogue pour moi, je vois déjà le monde différemment. A se demander ce que ça donnerait avec de la drogue. Parce que oui, je n’ai jamais essayé d’en prendre. Quel enfant sage, n’est-ce pas ? Je me lève du banc, tends la main à Lane et l’entraîne vers mon camion. Au moins, on sera à l’abri de la pluie qui recommence à tomber. En vrai gentleman, je lui ouvre même la porte et la laisse monter. « Bienvenue dans le monde merveilleux de Nicholas Hawkins ! Tu veux quel parfum ? » Je connais parfaitement ses parfums préférés mais je lui laisse le choix, réfléchissant déjà à ce que moi, je vais prendre.

Il avait beau être parfois ou plutôt souvent ridicule, un peu à l’ouest… J’aimais Nicholas pour ce qu’il était. Il me mettait un peu de joie de vivre. On pouvait presque dire que ma vie n’était pas rose mais plutôt noire. J’avais que des problèmes, à croire que je les attirais comme des mouches. Finalement, je n’étais peut-être pas partie pour aller seulement à la plage. Je savais qui j’allais y trouver. Je n’étais pas idiote à ce point-là. S’il n’était pas chez lui, il était dans son camion. Ou chez moi. Ce n’était pas le cas, donc. Je savais que Nicholas n’allait pas me lâcher jusqu’à ce que je me sente mieux. J’allais probablement passer l’après-midi dans son camion dans ces cas-là. J’y étais également habituée, à son camion. Il pouvait presque m’engager en tant que caissière tellement j’y traînais. « Tu vois, je te l’avais dit j’ai raté ma vocation ! Et ma vie par la même occasion. » disais-je, en haussant les épaules, soupirant. Ce divorce avec Clide m’avait vraiment foutu en l’air, mais mon avortement encore plus. Avoir un bébé d’un homme dont on ne veut plus entendre parler, être obligée de le revoir parce que « il » ou « elle » est son enfant, non merci. C’était un acte abominable, en y pensant. Cela me torturait l’esprit depuis presque une année. En tout cas, Nicho’ l’avait bien comprit et tentait de me faire tirer un sourire par tous les moyens. « C’est bien trop facile ça Nicho’ je pense déjà à toi puisque je suis venue ici. » Je me laissais entraîner dans son camion que je connaissais par cœur depuis le temps. Au moins, j’étais abritée de la pluie. J’enlevais donc ma capuche, laissant ma longue chevelure blonde à l’air. « Il ne manquerai plus que ça, que tu te mettes à me droguer ! Qu’est-ce que tu ne ferais pas pour avoir un sourire toi ! » disais-je, en le taquinant. C’est vrai, je n’étais pas vraiment à l’humeur sourire, mais il y arrivait après quelques efforts. « Chocolat, pépites de chocolats. Histoire de noyer ma colère dans les calories… » disais-je, en soupirant. Il connaissait ma glace préférée depuis le temps que je lui demandais. Les pépites, c’était le supplément « bonjour je déprime aujourd’hui, je dois compenser par autre chose ».

« Tu vois, je te l’avais dit j’ai raté ma vocation ! Et ma vie par la même occasion. » Bon la dépression, ça va deux minutes, faut pas tomber dans le dramatique non plus. Surtout qu’elle n’a rien raté, elle a encore toute la vie devant elle. Comme tout le monde. Tant qu’on n’est pas mort, on n’a pas raté sa vie, voilà tout. « T’as rien raté du tout. De toute façon, tant que t’as pas les seins qui tombent, tu peux continuer à vivre. Et aux dernières nouvelles, tes seins vont bien. N’est-ce pas ? » Tout à fait naturelle comme conversation. J’ai jamais vu les seins de Lane mais ça se remarquerait s’ils étaient pendouillant nan ? Non pas que je sois un pro en nichons, loin de là. « C’est bien trop facile ça Nicho’ je pense déjà à toi puisque je suis venue ici. » Elle pense à moi, je suis heureux, c’est bon. En même temps, c’est normal qu’elle pense à moi, j’serais vexé si ce n’était pas le cas. « C’est bien, continue comme ça et ça ira mieux. Une dose de Nicholas Hawkins trois fois par jour et tu seras guérie, recette miracle ! » J’suis un vrai docteur moi. Comme Olive quand on va jouer dans l’hôpital. Mais ce médicament-là, c’est certifié efficace. Il n’y a pas mieux comme antidépresseur et Lane en a bien besoin en ce moment. « Il ne manquerai plus que ça, que tu te mettes à me droguer ! Qu’est-ce que tu ne ferais pas pour avoir un sourire toi ! » C’est vrai que si je droguais Lane, elle sourirait sûrement. Sauf que ça ne durerait pas donc autant la faire sourire naturellement. C’est mieux. « Si tu veux, je peux être ta drogue, je me porte volontaire. Et j’te jure que je suis pas mauvais pour la santé. Sur la tête de Marcel ! » Et la tête du singe de Noam, c’est du sérieux. A la limite, j’suis un peu addictif mais c’est tout. Rien de très grave en soit. Une fois dans le camion, elle dévoile sa chevelure humide. Elle est vraiment belle ma Lane quand même. J’ai de la chance de l’avoir. Et elle me dit le parfum de sa glace, que je prépare rapidement. « Avec les compliments de la maison. Enfin du camion. » dis-je en lui tendant le cornet. Elle est parfaite cette glace. Ça me donne envie d’en prendre une aussi. Sauf que la mienne, j’fais un mélange de chocolat, de mangue et de pomme. Le meilleur que j’ai pu trouver jusqu’à présent. « Alooooors, raconte-moi tes dernières nouvelles pendant que tu manges. J’ai envie de connaître la vie de ma meilleure amie moi. Surtout que tu m’as pas appelé depuis longtemps. » Et je fais semblant de bouder. Mais je ne lui en veux pas, je sais que c’est pas facile pour elle en ce moment. Je devrais passer chez elle plus souvent d’ailleurs. Juste pour lui remonter le moral comme je sais si bien le faire. « Je gagne quoi si j’arrive à te faire sourire ? » Le sourire est déjà une récompense mais pourquoi ne pas en profiter un peu ?

Je savais que Nicholas ne supportait pas lorsque je commençais à me rabaisser. C’était quelque chose qui lui sortait par les yeux. Mais depuis plus d’un an maintenant, c’était presque devenu mon quotidien. Depuis mon divorce, je me sentais comme une incapable. Incapable de retrouver l’amour, incapable de tourner la page, incapable de me sentir bien parce que je me sentais comme étant un monstre. Mais pourquoi Nicholas commençait à déraper la conversation sur ma poitrine ? Je le regardais avec de grands yeux, légèrement gênée par la tournure de la discussion. « Je ne pensais pas que ma… poitrine t’intéressait à ce point. » disais-je, gênée. Et si Nicholas ressentait bien plus que de l’amitié à mon égard ? Oh, mais je l’aurai remarqué quand même je n’étais pas si bête que ça hein ? Enfin, je pouvais attendre si jamais c’était vrai. Nicholas était dans le genre vraiment timide, qui ne savait vraiment pas s’y prendre. D’ailleurs, je ne savais même pas s’il avait déjà embrassé une fille. Bref. « T’es sûr que t’a envie de voir une dépressive tous les jours ? J’ai pas envie de gâcher ta joie de vivre. » disais-je, simplement. Ok, c’était loin d’être une excuse. Puis j’étais certaine que Nicholas allait apprécier une visite trois fois par jour si c’était moi qui venais. Il était tellement gentil en même temps, comment refuser quelque chose pareil ? Il était mon meilleur ami, et les meilleurs amis aimaient passer du temps ensemble n’est-ce-pas ? « Puis après il y aura la cure de désintoxication… » disais-je, en riant. Je prenais ma glace, puis commençais à la savourer. J’avais vraiment besoin de ça en ce moment. Non pas de prendre du poids, mais de prendre du bon temps avec des choses aussi simples que ça. Je le regardais bouder comme un enfant. Je m’approchais puis lui tirais les joues comme je le faisais souvent. « Mais je ne t’ai pas oublié regarde ! Je suis là ! » disais-je, en prenant une mine toute mignonne. « Tu sais, je me suis un peu réfugiée dans le travail j’ai pas eu beaucoup de temps pour moi. J’ai enchaîné les heures supplémentaires, pour ne pas penser à … » Il savait que j’allais prononcer son prénom, et celui-ci avait tendance à le mettre en colère. Il ne pouvait pas se voir Clide et ce, depuis un moment. Mais bon, il évitait tout de même d’aller l’emmerder sachant qu’il était flic. Je n’avais pas vraiment envie que mon meilleur ami finisse au poste de police, pour « outrage à agent ». « Je ne sais pas ! A toi de choisir, pour une fois ! » disais-je, intriguée. Je pouvais m’attendre à tout comme récompense.

Je ne comprends même pas comment Lane peut penser ça d’elle-même. J’suis pas tout le monde mais je pourrais parier que tout le monde la trouve belle. Même quand elle ne sourit pas, elle est superbe. Alors quand elle sourit, je ne vous raconte même pas. Elle éclaire le monde. Enfin mon monde. Faut pas qu’elle éblouisse tout le monde non plus. C’est ma Lane après tout. « Je ne pensais pas que ma… poitrine t’intéressait à ce point. » Merde, j’ai l’air d’un pervers ? Pourtant, j’vous jure que je le suis pas. « Oh non ! C’est juste que ça m’a toujours passionné, ce truc que j’ai pas moi. » Et je tâte mon torse plat. C’est vrai, je me suis toujours demandé pourquoi les hommes n’avaient pas de seins. Enfin certains en ont mais ça ne leur va vraiment pas. « Et les tiens à toi, ils sont biens, c’est tout. » Si elle n’apprécie pas le compliment, tant pis pour elle. C’est – presque – totalement innocent comme phrase. Peut-être que, quand les autres hommes parlent de seins, c’est pervers mais moi, j’suis pas vraiment pareil. Pour moi, les seins sont comme toute autre partie du corps. Juste une belle partie pour certaines femmes. « Dis plutôt que t’as peur de perdre ta dépressive attitude. C’est ça hein ? T’as peur que je sois efficace ? » Il faut plus qu’une personne qui ne sourit pas pour altérer ma joie de vivre. Limite, je me demande si elle peut disparaître. Ce serait sûrement horrible. Nicholas le dépressif. Beurk ! « Qui te parle de cure ? T’as vraiment envie d’arrêter d’être accro à moi ? » Yeux du chat potté et c’est dans la poche. Enfin j’espère. Manquerait plus qu’elle sache me résister maintenant. Et quand je fais semblant de bouder, elle s’approche et me tire les joues, comme toujours. « Aiiiieeeeuh ça fait mal ! » En vrai, mes joues sont immunisées maintenant mais j’aime bien me plaindre un peu de temps en temps. « Tut tut tut ! T’as pas le droit de penser à lui quand t’es avec moi ! Tu as uniquement le droit de penser que tu voudrais à tout prix un câlin de ma part ! » C’est pas que je sois jaloux mais son ex, c’est vraiment un con. Alors il ne faut pas penser à lui, c’est moi le meilleur. D’ailleurs, c’est étonnant que Lane ne l’ait pas encore réalisé tellement c’est évident. Je suis le meilleur pour elle, y’a pas photo. « Bon je vais pas être trop exigeant mais je veux que tu hurles ‘je t’aime Nicholas !’ dehors. Y’a pas de trop de témoins, ça va. » C’est rien du tout ça. Comparé au temps que ça va me prendre pour la faire sourire. Il faut une récompense digne du travail. Et elle m’a laissé le choix, qu’elle assume maintenant. Elle n’a plus le choix. « Tu veux que je te raconte une histoire drôle ? L’autre jour, le singe de mon coloc a pissé sur le siège où t’es assise en ce moment ! » Et le pire, c’est que je ne l’ai même pas engueulé Marcel. Après tout, c’est pas sa faute.

Si y’en a bien un qui ne supportait pas que je me dénigre, c’était bien Nicholas. En plus de ma sœur, mais bon ça n’était pas pareil. Il détestait Clide aussi depuis le début, tout autant que ma petite sœur. Ils avaient beaucoup de points communs au final. Et bien évidemment, j’aurai du les écouter. Mais comme à mon habitude, je n’en avais fait qu’à ma tête. J’avais écouté mon cœur, mais mon cœur s’était lourdement trompé. « Je suis sûre qu’avec une paire de seins, tu seras vraiment très heureux toi ! » disais-je, en cachant mon sourire derrière ma glace. D’ailleurs elle était vraiment bonne. Le glacier Hawkins devait être heureux, d’en faire un produit inimitable à Montsimpa. Tout le monde allait chez lui pour en avoir. Les glaces du supermarché pouvaient se rhabiller à côté de Nicholas. « Eh bien, merci ! Je m’en souviendrai ! » disais-je, acceptant son compliment tout à fait spécial. Pour du compliment spécial, celui-là était classé en haut de la catégorie. Nicholas était même capable de complimenter l’alignement de mes dents. Selon lui, j’étais la perfection incarnée. Ce qui bien sûr n’était vraiment pas le cas. « Oui bien sûr ! Je suis largement mieux en dépressive, comme ça on s’occupe plus de moi ! » disais-je, sur un ton ironique. A vrai dire, je commençais à me lasser de voir les gens s’inquiéter pour moi. Ok, nous étions un couple célèbre à Montsimpa mais cela faisait un an. Il fallait trouver un autre ragot plutôt que de rester sur le cas Lane Cunnings tout ce temps. « Non, c’est vrai. Je suis bien accro à toi, faudrait faire ça plus souvent ! » disais-je, en lui retirant la joue. Je me calais à côté de lui, histoire de profiter un peu plus de ma glace. Je savais qu’il allait m’engueuler. J’avais failli prononcer SON prénom. Le prénom qu’il détestait entendre de ma bouche, parce qu’à vrai dire je n’avais que ça en bouche en fait. « J’peux pas m’en empêcher c’est plus fort que moi… Je n’arrive… » disais-je, en encerclant ma tête de ma main libre. « Je n’arrive pas à me le sortir de la tête tu vois, c’est comme s’il avait envie que je pense encore à lui pour me faire souffrir. » disais-je, en soupirant. Je me reconcentrais quelques secondes sur ma glace. Au moins, ça m’évitait de penser à lui. En fait, j’évitais de m’en mettre partout. Je n’étais pas vraiment douée pour manger une glace proprement. Je manquais presque de m’étouffer lorsqu’il me demanda d’aller dehors pour hurler un magnifique « Je t’aime Nicholas ». Bon si je mettais ma capuche, personne n’allait me reconnaître. « Voyons, tu le sais que je t’aime ! Pas besoin de le crier sur tous les toits, je vais encore plus faire tomber la pluie. » disais-je, presque gênée. J’étais en train de trouver une excuse là ? Elle était vraiment bidon, Nicholas n’allait pas y croire de toute façon. Je réalisais que j’étais assise sur un siège mouillé, comme Nicholas l’avait confirmé. Je me relevais aussitôt, regardant si je n’avais pas de l’urine de singe sur le manteau. Bon sang, j’aurai du regarder avant de m’installer. « Merci de la précision ! Tu aurais pu me le dire avant que j’installe mes fesses là-dessus… » disais-je, en grimaçant. Impossible de lui en vouloir de toute façon. Il allait encore me faire le coup du chat potté, et moi j’allais évidemment tomber dans le panneau. Comment résister à un garçon comme ça…

« Je suis sûre qu’avec une paire de seins, tu seras vraiment très heureux toi ! » Elle n'a même pas idée à quel point c'est vrai. Mais tout le monde rêve un jour de découvrir ce que ça ferait d'être de l'autre sexe, non ? Juste pour savoir comment ça aurait été. « J'attends avec impatience le jour où ils offriront des seins aux hommes comme moi. » C'est vrai ça. Tout le monde devrait avoir le droit d'avoir des seins après tout. Pourquoi les femmes seraient les seules a avoir droit à ce privilège ? La vie est vraiment trop injuste. Enfin j'ai pas à me plaindre, il y a bien pire. Genre les femmes qui n'ont pas de seins. « Oui bien sûr ! Je suis largement mieux en dépressive, comme ça on s’occupe plus de moi ! » Putain mais c'est tellement une bonne technique ça. Si tu veux un câlin, tu te mets un air dépressif sur le visage et le tour est joué, personne ne peut résister. Seul problème : je ne suis pas bon acteur. Si j'essaye de faire une tête triste, je ne tiendrais pas trente secondes sans éclater de rire. « Si t'as vraiment besoin de câlins, il suffit de demander. J'en donne même si t'es pas triste. » Nicholas au grand cœur, c'est bien connu. Enfin je ne suis jamais contre faire un câlin à Lane. « Non, c’est vrai. Je suis bien accro à toi, faudrait faire ça plus souvent ! » Enfin, elle le reconnaît. Je suis bien sûr le meilleur remède pour qu'elle aille mieux. Et elle n'a pas d'autre choix si elle veut arrêter de déprimer. Et même si elle veut rester triste, je l'en empêcherais. Avec plaisir même. « Ah mais les doses de Nicholas, tu peux en prendre quand tu veux ! Tu viens chez moi et c'est bon. Et si t'as peur de mes colocs, tu grimpes direct par ma fenêtre. Voilà, c'est parfait ça ! » J'ai beau être seulement au premier étage, j'ai du mal à imaginer Lane grimper dans ma chambre. Même moi, je ne l'ai fait qu'une seule et unique fois. Quand la clé de ma chambre était malencontreusement tombée dans les toilettes. « J’peux pas m’en empêcher c’est plus fort que moi… Je n’arrive… » L'envie de me boucher les oreilles et de chanter pour ne pas l'entendre parler de lui est très forte. N'est-on pas censé oublier les personnes qui nous ont déçu au bout d'un moment ? Surtout quand la personne en question était un vrai con. « Je n’arrive pas à me le sortir de la tête tu vois, c’est comme s’il avait envie que je pense encore à lui pour me faire souffrir. » « Si tu veux, je t'opère le cerveau pour l'enlever, ça te dit ? Ça te fera pas mal, promis ! » Nicholas, super docteur. Si je n'avais pas été glacier, j'aurais sûrement été docteur. Chirurgien même. J'aurais été excellent. Surtout si je propose de soigner les peines de cœur. Meilleur docteur du monde quoi. « Voyons, tu le sais que je t’aime ! Pas besoin de le crier sur tous les toits, je vais encore plus faire tomber la pluie. » Hors de question qu'elle se défile. Elle criera qu'elle m'aime, c'est tout. Moi, ça suffira à me rendre heureux, ça sera parfait. « Oh tant que tu ne fais pas venir d'ouragan, ça ne changera rien je pense. mais si tu as peur après tout... » Lane peut être parfois très compétitive. Donc la mettre au défi est bien souvent la meilleure solution. En plus, elle n'a pas encore sourit donc elle n'est pas encore obligée d'aller crier son amour pour moi. Enfin elle a raison d'avoir peur parce que je vais la faire sourire très bientôt. « Merci de la précision ! Tu aurais pu me le dire avant que j’installe mes fesses là-dessus… » Ça n'a pas manqué, elle s'est levée du siège en faisant une tête pas possible. Et moi, j'éclate de rire devant la scène. Qui ne le ferait pas ? « Si tu voyais ta tête ! » je réussis à articuler entre deux éclats de rire. C'est tellement facile de faire croire des choses aux gens. Après quelques minutes sans réussir à cesser de rigoler, je finis par me taire, progressivement. « Tu crois vraiment que mon camion ne respecte pas les normes de propreté ? Le pipi de singe, je l'ai nettoyé une heure après qu'il ait été fait. Même que ça puait, t'as pas idée ! J'avais bien dit à Noam de prendre un poisson rouge pourtant mais il m'écoute jamais. Personne ne m'écoute jamais. » Pauvre petit Nicholas. Le pire, c'est que les gens qui ne suivent pas les conseils le regrettent toujours. Il suffit de voir Lane qui a épousé le pire des abrutis alors que je lui avais dit de ne pas le faire. Belle erreur. « Je crois que je ferais mieux de me taire en fait puisque mes conseils ne servent jamais à rien. À moins que tu veuilles enfin suivre les miens ? » Avec un peu de chance, elle aura pitié et acceptera, sait-on jamais.

Tous les hommes rêvaient un jour d’avoir des seins comme des femmes. Mais si jamais ils commençaient à en avoir, nous les femmes on pouvait se ranger. Non mais c’est vrai quoi. Moi je pouvais arrêter de venir voir Nicholas, trop occupé à admirer ses dernières merveilles. « Je pense qu’on ne sera plus là pour le voir ! » Pour ne pas lui dire jamais. Nicholas était un rêveur après tout. Là, j’étais certaine qu’il allait m’accuser d’avoir brisé l’un de ses nombreux rêves. Mais bon lui faire le dépressif ça ne lui allait vraiment pas. Il était tellement habitué à faire le bien autour de lui. C’était dans sa nature, l’une des grandes choses que j’appréciais chez lui depuis toutes ces années. Je décidais donc de lui accorder le privilège de me faire un câlin. Bon ok, à vrai dire ce n’était pas le premier câlin qu’il me faisait mais bon. On dira le premier de la journée. Je m’approchais de lui, et le serrais dans mes bras quelques secondes. « Le premier d’une longue lignée… » disais-je, en me reculant un peu pour finir ma glace. En tout cas, il semblait vraiment satisfait de mes révélations. Bah oui, j’étais accro à lui. A sa gentillesse. Au fait qu’il me soutenait à chaque fois que je n’allais pas bien. C’était un véritable ami sur qui je pouvais compter en cas de besoin. Il manquait presque de me faire avoir une crise de fou rire à chaque fois que l’on se parlait. « Passer par la fenêtre c’est pas vraiment mon délire. Et me connaissant avec la poisse, je serai capable de me casser une jambe. » J’étais poisseuse que depuis mon divorce. Depuis, il m’arrivait que des tuiles. A force, je commençais à être habituée à cette malchance qui me poursuivait. J’avais peut-être cassé un miroir sans faire exprès ? Non, franchement je ne savais pas ce qui pouvait me provoquer ça. Peut-être le fait de toujours penser à une seule et même personne, cette personne qui m’obsédait et qu’au fond j’aimais encore. Mais cela faisait un an que je prenais soigneusement le temps de l’éviter. Je savais où il était à chaque heure alors bon. Facile pour moi. « Si seulement c’était possible tu sais, je l’aurai fait depuis longtemps. » disais-je, en baissant la tête. Si seulement c’était si facile. Avec des si, je pouvais refaire le monde à ma façon. Bref, je passais rapidement sur le sujet avant de casser l’ambiance. J’avais envie de bonne humeur aujourd’hui. Avec ce temps pourri et cette inondation, j’avais besoin de retrouver un peu de soleil. Une dose de Nicholas et ça devrait normalement repartir pour la journée. « C’est pas drôle Nicholas ! Mon jean coûte hyper cher, t’a pas idée ! » disais-je, d’une façon ironique. Non, je n’étais pas ce genre de fille qui s’achetait des fringues de marques. Moi, je restais dans le basique. Puis mes revenus ne me le permettaient pas non plus. « Eh, c’est pas parce que j’ai épousé Clide que je ne t’écoute jamais Hawkins ! » disais-je, en le pointant du doigt comme pour le gronder. Oui, je savais que j’avais fait une erreur. Une grosse erreur. Mais l’amour me rendait aveugle, après toutes ces années de relation. Je pensais vraiment que c’était le bon. « Bon et si on arrêtait de parler de lui ? Parlons de toi ! Les filles, hein ? Alors ? » disais-je, tout d’un coup curieuse. Bah quoi, je me renseignais comme tout le monde.

« Je pense qu’on ne sera plus là pour le voir ! » Quoooi ? Elle ose dire un truc comme ça ? Franchement, la science évolue tellement vite depuis ces dernières années que rien ne peut plus nous étonner. Et elle ose sous-estimer la médecine ? Incroyable ! « Retire ça tout de suite ou bien ils ne vont pas le faire juste parce que tu n’as pas la foi ! » Ouais, y’en a qui croient en Dieu ou en n’importe quoi d’autre, moi je crois en la science. C’est rationnel au moins non ? Enfin j’y crois juste pour les trucs qui m’arrangent, comme les seins pour hommes. Et elle me fait un câlin pour me prouver qu’elle en veut. Je la serre fort contre moi avec l’intention de prendre tous ses chagrins mais ça ne marche pas comme ça, je le sais. « Oh tu vas me faire plein de câlins ? Tu fais de moi le plus heureux des hommes ! » C’est vrai en plus. Un câlin de Lane, ça ne rend heureux. Bon ok, beaucoup de choses me rendent heureux mais certaines plus que d’autres. « Passer par la fenêtre c’est pas vraiment mon délire. Et me connaissant avec la poisse, je serai capable de me casser une jambe. » Oh c’est pas drôle ça. Moi je voyais déjà Lane grimper à ma fenêtre, je suis déçu. Mais bon, j’aurais dû m’y attendre en fait. « Au pire, je ferais la béquille humaine. Ou je te porterais carrément. J’suis vraiment trop gentil en fait. » C’est même pas moi qui l’invente, on me le dit tout le temps ! En même temps, je ne suis jamais méchant avec les gens. Être méchant, c’est pas bien. C’est même méchant. Ouais, être méchant, c’est méchant, exactement. Alors moi, je ne le suis pas. Et surtout pas avec mes amis comme Lane. « C’est possible si on y croit. C’est comme dans les contes de fée. Suffit d’y croire ! » Ouais bon, on parle quand même d’opération au cerveau là mais bon, sait-on jamais. Si Lane pense avoir oublié Clide, ça peut marcher. « C’est pas drôle Nicholas ! Mon jean coûte hyper cher, t’a pas idée ! » Au contraire, c’est même très drôle. Surtout que c’est sa faute si elle a acheté un jean super cher, pas la mienne. « Tu ferais mieux d’utiliser ton argent pour quelque chose d’autre qu’un jean. Genre des cadeaux pour moi par exemple. » Je dis ça, je dis rien moi. Mais bon, son jean est joli quand même, elle a bien fait de l’acheter. Surtout qu’il n’est même pas contaminé par du pipi de singe finalement. Il a eu chaud. « Tu sais ce que tu aurais dû faire ?... M’épouser moi au lieu de cet abruti. Mais bon, c’est trop tard maintenant. » C’est vrai ça, j’aurais fait un super mari. Je n’aurais jamais été voir ailleurs ni rien. Limite, Lane aurait plus de chances d’être infidèle que moi. Surtout que de toute façon, personne d’autre ne veut de moi donc aucun risque. Et j’sais résister quoi. « Bon et si on arrêtait de parler de lui ? Parlons de toi ! Les filles, hein ? Alors ? » Hein ? Filles ? Erreur dans le système. De quoi elle parle ? Si elle croit vraiment que j’ai une copine, elle a plus de problèmes que ce que je pensais. « Ah mais tu sais bien que tu es la seule femme de ma vie Lane. Enfin avec ma sœur mais elle, ça compte pas. Non en fait, aucune fille n’est assez bien pour moi alors j’attends patiemment que Noam tombe sous mon charme. » Noam et Nicholas, couple de l’année ouais ! Enfin ça passe après Lane et Nicholas quand même. Si Lane veut bien se rendre compte que je suis l’homme de sa vie comme elle est la femme de la mienne.

Je savais que ça ne faisait pas plaisir à Nicholas. C’était un rêveur. Limite utopiste. Si seulement je pouvais être comme ça moi aussi, l’espace de quelques minutes. Imaginer que ma vie pouvait être bien meilleure qu’hier. Finalement, j’étais peut-être un peu rêveuse moi aussi. Mais beaucoup moins que lui. Je fus presque étonnée de ses dires. « Je te signale que je vais à l’Eglise tous les dimanches ! Et je dois être bien plus croyante que la plupart de ces habitants ! » disais-je, limite indignée. J’étais très croyante, et j’étais véritablement attachée aux valeurs de la religion. Je m’étais réfugiée auprès du seigneur après la rupture avec Clide. Même si le pasteur ne m’avait pas accueilli avec le sourire. J’avais rompu un contrat de Dieu tout de même. Je ne savais pas si Nicholas était aussi croyant que moi, mais s’il était capable de rêver d’avoir des seins… Il était bien capable de croire en Dieu tout court. Mon câlin lui faisait visiblement plaisir. De toute façon, tout ce qui venait de moi lui faisait plaisir. Je n’avais jamais rencontré un homme comme lui, aussi scotché au moindre de mes faits et gestes. « Je t’en fais régulièrement non ? Oui, je sais je ne t’en fais pas assez ! » disais-je, presque amusée. Je savais qu’il allait me dire ça de toute façon. Il en voulait ce petit Nicholas. Mais selon moi, il me demandait beaucoup trop de choses. Comme l’oublier… Ce n’était pas aussi facile que ça. Même si cela faisait plus d’un an maintenant, la cicatrice était bel et bien ouverte. En tout cas, en grimpant à la fenêtre de Nicholas, je pouvais m’en faire de belles aussi. Je décidais quand même de lui faire rendre la raison. « Ou sinon, je peux passer par la porte d’entrée… » disais-je, en lui faisant un clin d’œil. De petites taquineries comme ça, je n’en avais pas fait depuis longtemps. Je fonctionnais comme ça avec Nicholas depuis toujours. « Pour le moment, je continue de croire que le temps réparera tout ça. » disais-je, évasive. J’avais vraiment envie de changer de sujet. Penser à lui me rendait triste et surtout en colère. Je ne pouvais lui pardonner son geste. D’ailleurs, je n’avais pas eu de scène de rupture avec lui. J’étais partie, de notre appartement. Il savait pourquoi j’étais partie. Pas besoin de faire plus. Puis mon entourage lui avait bien fait comprendre de ne pas m’approcher. Même s’il représentait l’autorité et qu’il en avait le droit, il avait toujours respecté ça. « C’est vrai… On disait toujours qu’on finirait par se marier. » disais-je, en tentant de me remémorer nos souvenirs communs. C’était il y a tellement longtemps maintenant. A l’époque, je n’étais pas encore avec Clide. Si j’avais su, j’aurai probablement écouté nos rêves d’adolescents. Je soupirais. Et pourquoi j’avais enchaîné sur les filles moi ? Après tout, ça ne me regardait pas. Même si, je devais l’avouer, j’étais bien curieuse pour le coup. J’imaginais Nicholas avec une fille… Tellement inédit ! « A mon avis, j’suis pas sûre que Noam soit aussi patient que toi. » disais-je, joueuse. Je le regardais plus sérieusement. « Allez ! Il doit bien y en avoir une qui te plaît non ? Dis-moi ! » disais-je, en faisant mes yeux chat potté. Oui, ça marchait aussi sur lui.

C’est vrai que Lane croit beaucoup en Dieu. Mais moi, je ne parle pas de ça, je parle de croire que quelque chose peut arriver, d’avoir l’espoir. Bon ok, la religion, ça peut ressembler à ça mais en fait, c’est différent. Je le sais parce que je vais parfois à la messe. Tout est possible alors pourquoi pas un dieu au-dessus de nos têtes ? Il ne faut pas avoir l’esprit fermé après tout. « C’est pas ce que je veux dire, faut pas croire qu’en Dieu, faut croire en tout ! Quand t’as cet espoir, tout va toujours mieux. Crois-en mon expérience. » Et puis elle me fait un câlin. Elle ne m’en fait vraiment pas assez. Pourtant, c’est bon pour sa santé, elle devrait y penser plus souvent. « Tu me connais vraiment trop bien, tu devines mes pensées avant que je ne les pense moi-même. T’es médium en fait ? » Lane médium, ce serait genre la plus grosse révélation de la journée. Surtout parce que je serais vexé qu’elle ne me l’ait jamais dit. Enfin ça ne durerait pas longtemps et je lui poserais des tonnes de questions sur son don. Bref, à tous les coups, elle n’est même pas médium et je me fais des films, comme souvent. Mais avouez que ça serait amusant quand même. « C’est vrai que j’avais pas pensé à ça tiens. » La porte d’entrée, c’est tellement basique que je n’y pense pas. Même si, moi-même, j’entre par là. Et tout le monde en fait. Personne n’a jamais grimpé à ma fenêtre. Alors je ne sais pas pourquoi je pense à la fenêtre avant de penser à la porte. « Enfin il faut affronter Marcel le singe si tu passes par là. Je préviens juste. » Bon Marcel n’est pas méchant mais sait-on jamais. Il y a des gens qui ont peur des singes après tout. « Pour le moment, je continue de croire que le temps réparera tout ça. » Elle a sûrement raison. Le temps la guérira. Même si moi, je serais plus efficace que le temps. Mais je ne réponds pas parce que je n’ai pas envie de m’éterniser sur le sujet Clide. Et elle non plus à mon avis. Ne parlons pas d’un idiot alors qu’il y a des sujets de conversation tellement mieux. « Tout n’est pas encore perdu tu sais. » Ouais, j’espère toujours l’épouser un jour. C’est pas parce qu’elle a épousé un nul avant moi que je ne veux plus d’elle. N’importe quoi ! C’est comme tout, il ne faut jamais perdre espoir. « Oh mais Noam ne va pas tarder à faire son coming-out à mon avis. Je t’ai jamais dit qu’il essayait de me regarder sous la douche ? J’ai peur parfois. » Faire croire aux gens que Noam est un gay caché, c’est une petite vengeance sur lui. Et puis, après tout, on ne sait jamais hein ? Enfin avec toutes les femmes qu’il y a dans sa vie, je doute que ce soit pour bientôt en fait. « Mais y’en a bien une qui me plait. Enfin ça fait longtemps en fait. » Mon regard se cale dans celui de Lane mais je n’ose rien ajouter. Pourtant, elle ne va pas comprendre à moins que je lui dise clairement. Les filles sont nulles pour voir ça.

Si je pouvais être toute aussi rêveuse que Nicholas… Avec des si, je referai toute ma vie si j’en avais la capacité. On ne peut pas dire que celle-ci a été des plus heureuses. Enfin si, je croyais l’être mais je m’étais trompée. Comme quoi, j’aurai peut-être du réfléchir avant de lui dire oui à l’Eglise. Mais bon, le mal était fait malheureusement. Je ne pouvais plus faire marche arrière. Maintenant, je souffrais depuis plus d’un an. Quand est-ce que ça s’arrêtera ? Aucune idée. « Croire en Dieu, c’est suffisant. Je ne crois plus au reste. J’ai tellement cru que c’était une blague, que j’étais en train de rêver … Alors tu sais, croire ou espérer sont deux verbes qui ne font plus parti de mon vocabulaire. » J’avais tellement espéré de sa part, je pensais tellement que ce n’était qu’un mauvais rêve et que j’allais me réveiller dans quelques secondes. Au final, ça faisait un an que j’étais dans ce cauchemar et il était bel et bien réel. « Si j’avais des dons, j’aurai pu deviner un tas de choses ! » Oui, comme le fait que Clide m’a trompé avec cette vieille peau. Oui pour moi c’était une vieille peau. Elle lui tournait autour depuis trop de temps, elle avait gagné. « Je me battrai avec Marcel le singe s’il le faut. » Bon je n’étais pas fana des singes, mais bon pour aller voir mon meilleur ami j’étais prête à braver tous les dangers. S’il était avec moi pour m’aider à panser mes blessures, peut-être que ça irait plus vite. Il était fort pour ça. Mais je n’avais pas envie de le gêner dans sa vie personnelle non plus. J’en avais assez avec mes problèmes de cœurs. Je me demandais simplement s’il avait quelqu’un dans sa vie. C’était un sujet plutôt épineux. Ou plutôt non, je constatais que Nicholas échappait toujours à ce genre de conversation. Il était peut-être gêné de parler d’amour, ou je ne sais quoi. « Oublie Noam, et lance-toi ! Tu crois que cette fille va t’attendre longtemps ? Qui sait peut-être que c’est réciproque tu n’en sais rien ! » J’avais tellement envie de le voir avec quelqu’un. Il le méritait tellement. Enfin j’arrivais même à penser qu’il n’allait plus me voir une fois en couple et que j’allais me retrouver seule comme un vieux croûton moisi. Donc je n’étais pas pressée non plus de le voir avec une fille. « C’est qui cette fille ? Je l’a connais ? » Oh allez quoi, pour une fois que j’avais des informations croustillantes à me mettre sous la dent.

« Un jour, tu trouveras un autre homme pour te faire croire à l’amour. Et, même si t’y crois pas, moi j’y crois pour deux alors ça marchera. » Elle mérite d’être heureuse, même si ce n’est pas avec moi. Elle a subi beaucoup alors elle mérite du bonheur maintenant. Comme tout le monde en fait. Mais Lane mérite de sourire plutôt que de pleurer. Elle est tellement plus belle quand elle sourit. « Si j’avais des dons, j’aurai pu deviner un tas de choses ! » C’est vrai que si on voyait le futur, on pourrait faire des tas de choses. Bon c’est pas le plus cool des supers-pouvoirs mais il peut être utile quand même. Genre pour sauver les gens de la mort avant qu’elle n’arrive. Ou bien pour savoir qui il ne faut pas épouser. Ce genre de trucs quoi. « Qu’est-ce que tu ferais pas pour venir me voir. Enfin je viendrais te sauver si tu veux. » En fait, Marcel est assez gentil en général quand on ne l’embête pas donc je doute qu’il s’en prenne à Lane mais sait-on jamais. Noam aurait pu lui apprendre à ne pas aimer les blondes ou je ne sais quoi. Lane dévie la conversation vers ma vie amoureuse à moi, ce qui est un peu gênant. D’un, parce qu’il n’y a rien à dire. Et de deux parce que c’est Lane quoi. J’ai toujours eu un petit crush pour elle. J’avais appris à le faire taire pendant qu’elle était mariée avec son nul de mari mais depuis le divorce, j’ai retrouvé l’espoir. Ouais, Nicholas ne brise pas les couples, attends. « Tu crois vraiment que quelqu’un pourrait m’aimer ? Tu dérailles ma pauvre Lane. » Je suis bien trop particulier pour ça. Ma sœur dit que je suis trop bien pour les filles, qui ne réalisent pas la chance qu’elles auraient de m’avoir. Elle a sûrement raison mais en fait, j’ai envie que Lane me rassure aussi. Peut-être que ça me donnera du courage. « Hum je crois… Mais si je te le dis, ça doit rester secret hein ! Promet que tu n’en diras rien à personne. Juré craché hein ? » Je souris et me penche vers elle, hésitant encore sur ce que je vais lui dire. Une fois arrivé à côté de son oreille, je dis la première chose qui me passe par la tête. « T’es belle Lane… » Le pire, c’est qu’elle ne va sûrement pas comprendre avant que je lui dise clairement mais là, je ne sais pas comment le faire. J’ai peur de la perdre si je loupe mon coup.

Croire en l’amour, voilà une année que je n’y croyais plus. Je pensais que l’amour me donnerait des ailes mais au contraire il m’a écrasé au sol. J’avais du mal à me relever, mais j’étais encore debout. Chose dont je ne me sentais pas capable il y a un an de ça. Les choses avaient changées. Certes, j’avais encore mon divorce en tête ainsi que mon avortement. Des moments de ma vie que j’aurai aimé supprimer de ma tête. Malheureusement, je vivais avec. « Tu es adorable… Merci d’être là Nicholas. » disais-je, en souriant. J’étais émue, à cette période. Cette date restait dans ma tête, gravée. Le cap des un an était difficile à passer, mais je savais que Nicholas était à mes côtés pour m’aider à le traverser. Je n’étais pas seule. Il y avait mes parents, mes amis puis Nicholas. Oui, il était à part lui. Il était bien plus qu’un simple ami. Le seul à cohabiter avec un singe dans sa maison. Un homme spécial quoi. « J’affronterai tous les dangers, crois-moi. » disais-je, presque déterminée à combattre. Bref, trêve de plaisanterie. Là, on entamait un sujet sérieux. Nicholas et les femmes. C’est vrai que je ne me souvenais pas l’avoir vu avec une fille. Les filles le trouvaient bien trop spécial pour sortir avec lui. Pourtant au fond de moi, je savais qu’il était parfaitement capable de rendre une fille heureuse. Encore plus qu’un homme « normal ». Il n’était pas normal, il était spécial. Il fallait l’apprivoiser ce petit. « Bien sûr que quelqu’un peut t’aimer, chaque être humain est fait pour aimer. C’est comme ça que notre espèce continue de vivre. » disais-je, avec un discours presque religieux. Ok, moi et la religion si je commençais à venir là-dedans on en sortait pas. J’avais tellement envie de savoir qui était cette fille qu’il convoitait. Si jamais elle lui faisait du mal, je lui tordrais le cou. Oui, je pouvais être violente et méchante lorsque l’on s’en prend à mes proches. C’est comme ça. « Je te le promets ! Je resterais muette comme une tombe ! » disais-je, en mimant le geste de la fermeture sur ma bouche. Bah bien sûr je savais garder un secret. J’étais une femme et une amie digne de confiance. Ce n’était pas mon genre de colporter ça aux oreilles de tout le monde. Même si à Montsimpa, les secrets ne restaient pas cachés longtemps. Je m’apprêtais à entendre le prénom de la jolie demoiselle à mon oreille, mais je ne m’attendais pas à ce que Nicholas me complimente à la place. Il essayait de contourner le sujet ou quoi ? Ou alors… Non, ce n’était pas possible ! Quoi que, ça ne me surprendrait pas à vrai dire. « Tu essaies de contourner le sujet, Nicholas ! Allez ! » disais-je, en le regardant dans les yeux. Peut-être que ma nature de curieuse était un peu trop présente là.

Lane va finir par retrouver l’espoir et le sourire un jour, j’y crois dur comme fer. Et ça sera sûrement plus tôt que ce à quoi elle s’attend. Enfin elle n’a pas l’air de s’y attendre mais je suis sûr que ça arrivera. Avec moi de préférence. Je veux être là pour elle et réussir à la faire sourire. Pas juste un petit sourire occasionnel, la voir sourire tout le temps. Comme avant. « De rien, c’est grat… ah mais nan, j’pourrais te faire payer en fait ! » C’est vrai que je fais tellement sourire les gens qu’ils devraient me payer. Ça leur fait des économies d’antirides quand même. Mais en fait, avoir plus d’argent, ça m’intéresse pas beaucoup. Surtout parce que je paye pas de loyer. C’est pour ça que mes glaces sont si bon marché. Surtout comparé au supermarché. « Tous tous les dangers ? Genre même un dragon ? Ou pire… un éléphant ? » Ouais, j’aime vraiment pas les éléphants. Ça peut vous écraser en un rien de temps ces gros trucs là. Mais ils sont beaux quand même, je peux pas dire le contraire. Je préfère juste les voir de loin de préférence. Au zoo par exemple. Mais j’ai beau raconter n’importe quoi, Lane revient sur un sujet plus sérieux. Nicholas et les filles. Qui pourrait vouloir parler de ça hein ? Surtout vu le peu qu’il y a à raconter. Mais elle insiste alors je n’ai pas le choix. Elle pourrait bouder si je refuse après tout. « Même mon espèce tu crois ? Peut-être que les Nicholas Hawkins sont faits pour ne pas perdurer. Après tout, les gens les trouvent trop bizarres. » En fait, les Nicholas, c’est l’espèce des fous. Olive, elle est dedans aussi. Aeron aussi. On est pas mal tout bien réfléchi. Faudrait que je dise à Aeron et Olive de faire des bébés pour faire perdurer l’espèce des fous. Surtout qu’un mélange des deux, ça donnerait… un geek qui joue au docteur maboule à ses heures perdues. Mais ne nous égarons pas, Lane demande toujours une réponse. « Tu jures sur la tête de ton chat ? » A vrai dire, je ne sais même pas si elle a un chat mais il me semble. Ce qui prouve que je ne vais vraiment pas assez chez elle. Et je lui dis qu’elle est belle, ce qui est la stricte vérité. Mais elle veut plus explicite. J’sais pas comment on fait les déclarations moi, on m’a jamais appris. Et c’est pas les films à l’eau de rose de ma sœur qui m’inspirent. Mais il faut bien prendre son courage à deux mains un jour. Et saisir l’occasion qui se présente. « Tu sais que j’ferais tout pour toi hein Lane ? Bon peut-être pas marcher sur du feu mais à part ça, c’est tout. T’as toujours été quelqu’un de spécial pour moi… » J’espère que le fait que je parle d’elle alors qu’elle me demande qui est la personne pour qui je craque va lui mettre la puce à l’oreille parce que je ne suis pas encore prêt à tout dire. « Tout ce que je veux, c’est te voir sourire alors on arrête de parler de ça ? » Essaye de changer de sujet, on sait jamais qu’elle ignore tout ce que tu viens de lui dire. Quel froussard tu fais Nicholas !

Spoiler:

L’espoir ne s’achetait pas chez moi malheureusement. Et pourtant, il le savait. Je voulais retrouver cette petite étincelle qui me manquait, pour redevenir la Lane épanouie que j’étais il y a un an de ça. Pour le moment, j’étais loin du compte. Je commençais peu à peu à baisser les bras, mais avant que je ne les baisse complètement j’avais encore du chemin. En espérant que d’ici là… Je tentais de garder mon sérieux face à Nicholas qui ne manquait pas une occasion pour me faire rire une nouvelle fois. « Je suis aussi fauchée qu’un préposé au café qui débute ! Alors non, pas un seul centime et même si tu me fais le coup du chat potté ! » disais-je, en tentant de bouder quelques secondes. Je reprenais mon air joueur. Bizarrement, Nicholas avait embelli ma journée. Je ne pensais plus du tout à toutes ces dates qui me torturaient l’esprit. Je ne voyais que l’instant présent. Si seulement je pouvais faire ça aussi SANS Nicholas. Pas facile pour moi. « Même une crotte de nez géante… » disais-je, en me rendant compte de la bêtise que je venais de lui dire. Une crotte de nez géante… Mais j’étais sûre que Nicholas pouvait y croire. Voilà ce que c’était de vivre dans son monde. Parfois, ce n’était pas plus mal que de retourner dans sa bulle. Je reprenais un air faussement sérieux, limite trop intelligent. « Jusqu’à preuve du contraire, tu es un être humain. T’es comme tout le monde. Enfin… Simplement, unique. » Quel plus beau compliment je pouvais lui faire après ça. A force, je devais le gonfler. Je lui en faisais tellement… Peut-être que sa tête allait m’exploser à la figure. Bref, je commençais à perdre ma patience légendaire. Pourquoi il ne voulait pas me le dire ? Je me demandais qui était cette personne pour que ce soit aussi… déroutant pour lui. « Je le jure sur la tête de mon ami imaginaire Diego ! » disais-je, en regardant à côté de moi pour faire genre il était là. Diego, quel prénom pour un ami imaginaire. Quoi que parfois, je parlais toute seule alors bon. J’avais une excuse maintenant. Et une raison de prouver aux gens que j’avais perdu les pédales. Néanmoins, je n’étais pas si folle que ça. Nicholas, en train de me faire un semblant de déclaration ? Non, ce n’était pas possible. Ma folie devait me jouer des tours probablement. La preuve, il changeait à nouveau de sujet. J’étais agacée, prête à lâcher l’affaire. Peut-être qu’il avait peur que je me moque de lui. Nicholas était imprévisible. « Bon… Tu ne veux pas me le dire, très bien. J’arrête de gonfler avec mes questions. » disais-je, en boudant. Tentative ultime pour lui faire cracher le morceau, bien que je n’y croie plus trop maintenant. « Et merci… Pour ce que tu viens de me dire. » disais-je, d’une petite voix. Attention, je le remerciais mais je boudais encore. Hors de question de craquer.

Si je pouvais me remémorer les nombreux moments que j’avais passés avec Nicholas. Ils étaient nombreux. Il ne manquait jamais un moment pour me faire sourire, me complimenter bien que parfois c’était bien trop, ou bien pour me remonter le moral. J’étais une fille pas vraiment bien dans sa peau à la base. Depuis mon divorce, j’étais deux fois plus fragile. Je m’accablais de tous les maux possibles, alors que ce n’était pas de ma faute. Mais ça, c’était moi tout craché. « Tant que c’est gratuit, ça me va ! » disais-je, pour le taquiner. C’est vrai que Nicholas était très affectif et réclamait beaucoup de ma part. Evidemment, je ne pouvais pas lui refuser. Notre relation était vraiment spéciale, tout le monde me le disait. Oui parce que même si je n’étais plus avec Clide les petites mamies continuaient encore à parler de moi sur le banc du parc. Comme si personne d’autre ne pouvait alimenter leurs conversations. « Bah bien sûr ! Si c’est le prix à payer pour venir te voir… » disais-je, en coupant ma phrase. De là à affronter une crotte de nez géante, peut-être pas. Le jour où j’en voyais une… Je pouvais être sous l’effet d’antidépresseur probablement. Avec Nicholas, ma vie pouvait se transformer en un dessin animé où j’étais la princesse enfermée dans un donjon surveillé par un dragon. Lui, c’était le prince. « Et je porterais plainte pour copie, bien évidemment ! » disais-je, avec une pointe d’ironie. Oui c’est sûr il n’y en avait pas deux comme Nicholas. Je l’appréciais aussi pour ça. Il était vraiment spécial. A croire que je n’aimais que les gens spéciaux. J’éclatais de rire. Nicholas avait vraiment de drôle de référence sur ses dessins animés. J’étais sûre qu’il ne ratait pas un seul épisode de dessin animé le matin devant son bol de céréales. J’aimais voir ces petites choses, ces manies et cette routine. Bon bref, j’avais craqué. Je m’étais mise à rire alors que j’étais en train de rigoler. Je ne pouvais pas rester sérieuse pendant quelques minutes avec lui. Il avait ce truc pour me faire baisser ma garde. Je sentais sa main sur mon menton. Et en plus il essayait de me forcer à le regarder. Il allait faire le chat potté j’en étais certaine. Il savait que je craquais facilement avec un tel regard. « C’est de ta faute si je boude ! » disais-je, en imitant une petite fillette qui faisait son caprice. Au moins, ça l’entraînait pour plus tard. Quand il allait avoir son premier enfant, avec sa première femme. A vrai dire, je ne l’imaginais même pas père. Mais j’étais sûre que cela pouvait le transformer. Et vlan, encore un compliment dans ta face Lane. S’il continuait comme ça, je n’allais plus passer la porte du camion. Il devait me couper les cornes. Je le regardais, décidant d’arrêter de bouder pendant quelques secondes. Peut-être qu’il allait craquer. Mais en fait, ce fut le contraire. Nicholas ? M’aimer plus fort que ses glaces ? Personne ne pouvait surpasser son camion. Surprise, je le regardais me caresser le menton et surtout se vautrer complètement sur le sol avec son tabouret. Je ne pouvais rester sérieuse plus longtemps. Tout en riant, je me penchais en tendant ma main. « Ça va, t’a rien de cassé ? Sacré gamelle ! » disais-je, en tentant de l’aider à se relever. Une fois chose faite, je l’observais en silence. J’avais envie de tenter un truc. J’allais probablement le choquer jusqu’à la fin de ses jours. « Ne bouge pas, je vais tester quelque chose. » disais-je, d’une voix douce. Je prenais quelques secondes pour le contempler. Il devait stresser, ou limite avoir des sueurs froides. Je m’approchais doucement de lui, dirigeant mon regard sur ses mains que je prenais dans les miennes. Pratiquement collée contre lui, ma bouche frôlait ses lèvres. Puis j’y allais franco. Je l’embrassais. Un baiser doux, pas trop agressif. Juste un, pour voir comment il allait réagir. J’étais un peu sadique, mais qui sait peut-être que cela pouvait le faire réagir.

Je n’aime pas voir les gens malheureux. Et pour Lane, c’est encore pire. Je ne le supporte pas. Limite, j’aurais préféré qu’elle reste avec Clide si ça signifiait qu’elle garde le sourire. Mais il avait fallu qu’il gâche tout. Alors c’est à moi de faire remonter la pente à Lane, la faire sourire à nouveau. C’est un peu mon destin en fait. Le but de la vie de Nicholas : faire sourire la plus belle des blondes. « De toute façon, tu sais bien que je ne peux rien te refuser. » Et c’est vrai. Je ferais à peu près tout pour elle. Tout comme elle vu ce qu’elle me dit. Elle affronterait le pire juste pour venir me voir. Je pleurerais presque tellement c’est beau. J’aime voir que je compte pour elle. Sûrement pas autant qu’elle compte pour moi mais c’est toujours ça de pris. Je souris, heureux. Parce que je suis avec elle, parce qu’elle me dit ce que je veux entendre. « Je croyais que tu voulais rien payer, faudrait savoir. » Mais bon, je vais pas m’en plaindre. Si elle veut venir me voir, elle fait tout ce qu’elle veut. Moi, je ferais bien n’importe quoi pour venir la voir alors pourquoi pas elle ? C’est pas toujours aux garçons de faire les efforts. C’est pas parce qu’on a un truc en plus dans le pantalon que c’est toujours à nous de tout faire. Les filles ont bien en truc en plus sous le t-shirt. Egalité. « Tu me le présenteras avant quand même ? Juste pour voir ce que ça fait de rencontrer sa copie ? » C’est vrai ça, ça doit être marrant de rencontrer quelqu’un comme moi. J’ai la version féminine avec Olive mais un garçon comme moi, il y en a peu. Faut dire que la plupart ont grandi dans leur tête. « Ma faute ? Mais j’suis adorable avec toi ! » Et ça, c’est vrai. A part que je ne veux pas lui dire le nom de la fille qui me plait. Mais ça, ça me regarde. Et elle aussi d’une certaine façon mais bon. Mais sa moue boudeuse finit par avoir raison de moi. Et je lui sors une grande comparaison. Mais vraie. Et croyez-moi, j’aime beaucoup la glace à la mangue. Sauf que la déclaration aurait été plus classe si je ne m’étais pas écroulé sur le sol juste après. Le rire de Lane envahit le camion et ça me fait sourire. Même si j’ai mal au dos. Si j’avais su qu’il suffisait d’une chute pour lui donner le sourire, je l’aurais fait avant. Enfin ça fait mal quand même, je ne le referais pas. Elle m’aide à me relever une fois son fou rire passé. Et puis arrivé en haut, je sais pas ce qu’il se passe. On reste collés l’un à l’autre et elle me dit qu’elle va tenter quelque chose. Je dois avoir peur ? Et là, ses lèvres viennent effleurer les miennes. Je ne sais même pas comment réagir. Ça ne dure pas longtemps mais j’en ai l’impression. Et une fois fini, elle me regarde. Merde, je suis censé réagir là ? Ça m’irait bien de rester immobile comme ça. Mais je ne devrais sûrement pas. « J’ai mal aux fesses. » Ouais, j’sais pas quoi dire alors je dis ce que je pense. Elle aurait pu me prendre moins par surprise, j’aurais sûrement eu une autre réaction. Mais là, je suis encore sous le choc. J’ai peut-être fait un arrêt cardiaque. On le sait comment quand notre cœur s’arrête ? Faudrait que je demande à un docteur. Mais là, c’est pas le moment. « Au fait, je t’ai vue sourire !! Tu sais ce qui t’attend ! » Je me sépare d’elle pour ouvrir la porte. Le vent souffle fort mais un défi est un défi. Et j’ai gagné, j’ai réussi à la faire sourire. « Crie ton amour pour moi Lane, le monde n’attend que ça ! Enfin surtout moi vu qu’il n’y a personne ici… » Pourquoi est-ce que j’essaye de changer de sujet alors que j’ai eu ce que je voulais ? J’en sais rien mais je continue de parler. Je dois être nerveux. « Et si tu veux, je… enfin j’sais pas ce que tu veux… Alors comme tu veux… Tu veux une autre glace peut-être ? » Très très clair Nicholas, bravo.

Je n’avais jamais rencontré un homme aussi serviable que Nicholas. Je savais que si j’étais mal et ce, même à trois heures du matin, celui-ci débarquait chez moi en trombe. Il était le seul d’ailleurs. C’est vrai qu’en ce moment, je ressentais le besoin d’être auprès de lui. Au moins, je pensais à autre chose. Au moins, il arrivait à me décrocher un sourire ce qui était un exploit à la base depuis ces dernières années. « Justement, je dois en profiter. » disais-je, en gardant une part de mystère. Mystère qui s’était bien installé depuis le baiser que je venais de lui donner. A vrai dire, je ne pouvais pas mettre un mot ni même un sentiment sur ça. C’était probablement mon cœur et non ma tête qui agissait ainsi. Ma tête elle, était toujours réfléchie et prenait toujours le temps de peser le pour et le contre. Mon cœur lui, trop fragile trop romantique sûrement, semblait en manque de cette personne qui le faisait battre. Je m’attendais à une réponse, ou alors quelque chose de bien décalé digne de lui. J’avais droit à un « J’ai mal aux fesses » très expressif. Au fond de moi, je devais me l’avouer… Sa réponse me décevait un peu. Je pensais qu’il attendait ce moment depuis longtemps. Puis il me le demandait plusieurs fois d’ailleurs, mais aujourd’hui c’était différent. J’avais l’impression de faire un pas en avant mais trois pas en arrière. C’était presque comme si ce baiser ne s’était jamais déroulé. Comme si ce n’était pas important. Je commençais à me vexer, mais surtout l’envie de prendre mes deux jambes à mon cou me torturait l’esprit. Je restais bouche bée, lui me demandant de relever son défi. J’étais presque aussi choquée par sa réaction que par mon geste qui pourtant, n’était pas fait par pitié ni autre chose. J’en avais envie. L’envie envers Nicholas, c’était spécial… au point de se prendre une grosse gifle au travers de la figure. Sonnée, je préférais plutôt fuir. C’était le seul échappatoire. « Je… Non, ça va aller. On fera ça un autre jour. Je… J’y vais. » disais-je, en reculant. Ne laissant même pas le temps à Nicholas de me supplier de rester prendre une autre glace à la mangue, je remettais ma capuche sur ma tête puis sortais à l’extérieur. J’avais oublié à quel point le vent était froid, et qu’il pleuvait autant. Au moins, la fraîcheur me permettait d’ouvrir un peu les yeux et de me réveiller. Mais qu’est-ce que j’espérais au juste ? J’espérais une réaction meilleure qu’un simple « J’ai mal aux fesses » ? Tout semblait confus dans ma tête. .