Il est si faible. Là, caché derrière sa paroi, c'est ainsi qu'il se sent. Aucun autre mot ne lui vient à l'esprit. Faible, c'est ce qui le définit le mieux. Incapable de tenir une conversation sans revenir à ses instincts primaires. Incapable de se fondre dans la masse. Incapable d'être humain, simplement. Il n'a jamais demandé ça. Il était bien, avant. Un mec ordinaire, rien de bien compliqué. Et même s'il n'a jamais demandé à être transformé, il aurait au moins imaginé qu'il deviendrait plus fort, plus puissant. Et lui, il aurait hérité de la race inférieure des vampires. Du bas de l'échelle vampirique, quoi. Des gênes (si gênes il y a) les plus pourris parmi les immortels, en d'autres mots. « C'est quooi ? Un nouveau jeu à la mode chez les vampires ? » Vampire. Le sujet qui fâche, le mot interdit. Ce qui le fait sortir de sa cachette. L'impulsion qui prend le dessus. Il se rut vers son amie, un peu trop vite, un peu trop bien. Il ne contrôle décidément plus rien. Sa vitesse la bouscule un peu, ils sont tous les deux en équilibre à présent. Sur le point de tomber, de s'écraser sur le sol à des mètres en dessous d'eux. Il n'a pas peur. Il ne sent rien. Pas même l'air qui se rafraîchit. Pourtant, c'est l'effet inverse qu'il espère provoquer chez Deva. Il veut qu'elle ait peur, qu'elle prenne conscience. Qu'elle déguerpisse, loin de lui. Elle n'a pas sa place, ici. « Je pourrais te tordre le cou, tu sais. » Il est calme, à présent. Trop calme, peut-être. Il se concentre. Ses mains entourent le visage de son amie, doucement, avant que ses doigts ne glissent le long de sa jugulaire. « Ou bien te vider de ton sang. » Ses canines s'approchent dangereusement du creux de son cou avant de s'arrêter quelques instants. Il se délecte de l'odeur alors qu'il sent les tremblements s'emparer de ses membres et il se fait violence pour garder son sang-froid. Un prédateur, voilà ce qu'il est. Il sait très bien que ses efforts vont rapidement se dissiper et que bientôt il devra s'éloigner pour retrouver un état stable. Alors pour l'instant, il doit faire vite. « Je pourrais te vider de ton sang avant même que tu n'aies le temps de crier. » Il parvient à maintenir une expression impassible, mais le liquide qu'il sent couler sous ses doigts posés sur ses veines lui monte à la tête. Il voudrait l'effrayer. Il voudrait la faire fuir, ou au moins, lui faire comprendre. Et pourtant, c'est lui qui ne comprend pas. Il ne comprend pas pourquoi malgré tout, elle garde son sourire, pourquoi elle est si tentée par le simple fait de devenir comme lui, ce qu'il y a de plus horrible sur cette planète. Lui qui donnerait tout pour quitter cet état, il n'admet pas que quelqu'un puisse le vouloir, de son plein gré. « Et pourtant, ça ne te fais rien. » Ses yeux la questionnent mais malgré tous ces efforts, il peine à lire en elle. Elle l'intrigue, c'est bien simple. Il reprend sa position initiale, laissant ses mains glisser sur ses épaules. Il tient difficilement. « Pourquoi est-ce que tu restes, Deva ? » Toujours avec son calme contenu, il ose enfin. Cette question qui le tracasse, qui le hante. La question qui déterminera si oui ou non, il est un monstre.