La boule au ventre, il sourit timidement avant de s'approcher de la jeune femme. Il s'installe à ses côtés sans un mot, mais tout en maladresse. Il faut dire ce n'est pas un jeune homme très, très malin, intelligent, mais naïf et surtout catalogué comme looser dans son lycée. Qui voudrait se lier d'amitié avec un mec dont la mère s'est barrée pour retourner en Pologne, et dont le père, ivre mort H24, fout son entreprise en l'air et va droit vers la faillite, si ce n'est pas déjà fait. Une famille montrée du doigt et dont l'enfant unique est introvertie, insociable, ainsi que fringué tel un camionneur dont les vêtements sont beaucoup trop larges pour sa frêle corpulence. C'est sûr, ce pauvre adolescent n'a pas beaucoup de succès auprès des filles. Sa situation fait qu'il s'est renfermé sur lui-même, n'a pas un seul amis et qu'on le fuit comme la peste. Une sorte de cas social, un désespéré, dont l'avenir est tracé, car on dit de lui qu'il finira comme son père, en ivrogne. Des paroles blessantes pour ce petit être sensible. Alors quand on le force à faire équipe avec l'une des jeunes filles les plus belles du bahut pour un exposé, il en perd ses moyens et vire au rouge pivoine dès qu'il s'approche d'elle. Pourtant elle semble différente des autres lycéennes dites « populaires ». Elle est certes extravagante, dévergondée, mais c'est la seule qui ne se moque pas du jeune garçon. Bien au contraire, elle prend sa défense, se montre douce et gentille à son égard. Un comportement auquel il n'est pas habitué. De quoi le perturber davantage. Installé à ses côtés, elle prend la parole et déverse une tirade incompréhensibles pour le jeune Gahis qui a l'esprit ailleurs. Obnubilé par sa beauté, il en devient mal poli en restant la fixer de façon intense et maladroite. Elle le sort de ses pensées lorsqu'accompagnée d'un petit rire cristallin elle le fait redescendre sur terre. « Gahis, tu baves .. ».

Il ne comprend pas. Elle devrait être rentrée depuis des heures, mais à partir du moment où elle a quitté le domicile familial en début de matinée, elle n'a pas donné signe de vie. Il commence à s'inquiéter, à interroger son entourage, mais elle est introuvable. La gosse dans les bras, elle hurle, pleure. Il est désespéré et ne sait pas quoi faire. Il est seul avec sa gamine et sa mère n'est pas là. Les heures défilent, la nuit tombe et l'inquiétude ne fait que grimper. Dès qu'il tente de la joindre, il tombe sur le répondeur. Une angoisse. Surtout que ce n'est pas la première fois. C'est de plus en plus fréquent et le jeune père commence à se poser des questions. Il a couché la gamine et fait les cent pas dans le salon. La fatigue commence à s'emparer de lui, mais il ne veut pas partir se coucher. Pas avant qu'elle rentre. Minuit passé, la porte d'ouvre et la jeune femme entre dans la demeure. Elle a une mine affreuse, sent l'alcool et sa marche est hésitante. Immédiatement Gahis s'emporte, mais il se rend bien vite compte qu'elle est défoncée. Ivre et défoncée, c'est le comble. Il lui a donné sa chance, il lui a proposé son aide, elle a déjà été en rehab, mais rien n'a changé. Il est désespéré et se sent trahi par son comportement. Ça ne s'arrêtera donc jamais. Il lui offre une dernière chance, mais celle-ci n'écoute pas, comme si elle s'en fichait. La remarque de trop. Il grimpe à l'étage, s'empare de la petite et quitte le domicile. Il ne peut pas continuer de vivre ainsi et ce n'est pas le genre de vie qu'il veut offrir à sa gamine. Pour elle, pour lui, il vaut mieux s'en aller sans se retourner.