Le dernier carton vint s’imbriquer dans l'incroyable puzzle de son coffre alors que Jaime soupirait, les bras noués contre son torse, le regard passant partout sauf sur son ami. Ce frère qu'il s'était trouvé après le lycée et qui le laissait tomber maintenant que plus rien n'allait. Ça c'était sur, il boudait. Depuis trois semaines déjà l'affreux colocataire boudait, oubliant le malheur d'un Julian qui se transformait en loque pour ne se concentrer que sur ce silence que le médecin avait ramené avec lui. « Alors tu te barres pour de bon c'est ça ? Tu me laisses tomber ? » Le regard froid de Julian se posa sur l'autre garçon, retenant l'incroyable et soudaine envie de le frapper. « Jaime on en a déjà parlé merde. Si je reste dans cet appart je vais finir fou. » « Mais pourquoi, t'es pas bien avec moi ?! On a passé sept ans ensemble et voilà que tu t'en vas ? C'est du foutage de gueule. » Le poing se Julian se posa sur la carrosserie de la voiture dans un fracas douloureux.  Il serra les dents, se contrôlant. « Tais toi, sérieusement ferme là j'en peux plus. Si je reste tu vas me retrouver la tronche explosé par le premier flingue que j'aurais réussi à choper. Il y a son odeur partout, tu comprends pas ? Son odeur, son visage, tout. J'peux plus continuer ici, pas avec toi qui fait l’égoïste. » « J'suis pas égoïste- » « Fin de la discussion. Allez, à plus. » Il ferma tant bien que mal le coffre de la voiture, bouillonnant malgré lui d'une colère acre et douloureuse. Il s'assit au voulant, n'écoutant plus les mots de celui qui longtemps avait été son ami. La voiture démarra, un peu trop vite peu être. Elle roula, toujours aussi rapidement. Sans ce soucier des autres, sans ce soucier de lui même. Juste par pur désir de partir, de s'échapper. Comme une envie de s'envoler vers d'autres cieux où l'on ne lui demanderait plus de se justifier. Au lieu d'un paradis blanc s'étendant sur une infinie voluptueuse, c'est la maison de son enfance qui se dessina enfin. Il se gara, et attendit un long moment. Son regard fixa la demeure, hésitant. Et si l'on ne l'attendait pas ? Et si Darcy ne l'avait pas prit au sérieux lorsque cette nuit là il lui avait annoncé son retour à la base même de cette vie dont il ne voulait plus ? C'est la tristesse et le malaise qui prit place à la colère. Et pourtant il sorti de l'habitacle, claquant la porte derrière lui avant de grimper rapidement les quelques marches le séparant de cette grande porte le séparant d'un futur inconnu. Et alors il frappa, sous tension. Jusqu'à ce que la porte s'ouvre, jusqu'à ce qu'une voix s'élève dans un cri et qu'une furie rousse se jette sur lui. Il réceptionna sa sœur alors que toute colère s'évaporait. Même sa tristesse s'effaça sous le sourire heureux de Paisley. Un rayon de soleil s’abattait sur son cœur fendu. Il la serra contre lui un moment, enfouissant le visage dans les longues mèches orangées de sa petite sœur. Il inspira, les yeux fermés, enfin paisible. « Paisley, tu me manquais p'tite sœur. » Ils restèrent ainsi un moment alors qu'il ne la lâche enfin, son regard tendre se posant sur son visage rayonnant. « T'es toute seule ? Je dérange ? »

Paisley sentait bon. C'est la première idée qui passa dans la tête du bouclé. C'était stupide, hors contexte, et bizarre. Mais elle sentait bon, un mélange de fruits et de soleil, de chaleur et de vie. Il lui sembla que le parfum l'infiltrait avec langueur, le remplissant entièrement de cette sœur aux cheveux rouges. Ce que c'était bon que de se retrouver chez soi. Les bruits de vie, ces trucs tout simple dont les gens ne se souciaient jamais, le firent sourire un peu plus encore. Les cris de Paisy, la télé qui gueulait, et le doux calme d'une famille tranquille. Elle appela la fratrie au regroupement et soudain il sentit un pincement dans son cœur déjà douloureux. Même si Dominic et Darcy accouraient, ils ne serraient pas au complet. Ron manquait à l'appel, un an d'une absence terrible. Plus terrible encore pour lui qui ne supportait plus cette famille quasi complète et pourtant toujours aussi décomposée. « Je rentre oui. » Il se força à sourire pour sa soeur, posant son deuxième sac. Soudainement Darcy se montra au bous du couloir, revenant surement de la cuisine ou du jardin. Sa dégaine un peu verte et son air surprit fit rire Julian qui ne s'étonnait même plus de la réaction de l'aîné. « J'étais super sérieux grand frère. Pourquoi, je n'en avais pas l'air ? » Il fit un sourire à son grand frère, oubliant presque pendant un moment ce qui l'avait poussé à fuir son bercail. Des regrets ? Surement, mais tant pis. Il vivrait mieux avec des regrets que sans eux. L'accolade de Darcy par contre le laissa sur le cul, alors qu'il profitait avec surprise de la chaleur de son frère contre le sien. « Ça fait du bien de te voir Dars'. » Lâchant l'homme, il le laissa prendre le sac, avant de regarder Dominic dévaler l'escalier pour son plus grand bonheur. « Hey p'tit frère ! » Il le regarda descendre et le prit dans ses bras, le serrant de toutes ses forces, pour de bon à l'aise entre ces murs qui un temps avaient accueillit ses cris et ses rires d'enfants. « Il y a bien intérêt à ce que tu me rendes ma chambre. Comme si j'allais me laisser faire. » Il posa lui aussi son sac à l'intérieur, avant de lancer un regard soudain un peu inquiet à Darcy. « Tu as dis nouvelles de Ron dis ? » Mais déjà Dom fonçait dehors, faisant bondir un Julian refusant de laisser cette crevette s'occuper de ses affaires seul. « Attends moi tête de mule ! » Il sortit avec lui, attrapant deux cartons dans le même temps et fermant la voiture. Le reste arriverait plus tard, ils avaient amplement le temps de faire ça. C'est alors qu'il posait les cartons dans la cuisine qu'il entendit le cri de.. Ron ? Ça ne pouvait pas être possible, pas après tant de temps si loin d'eux. Le médecin se précipita dans l'entrée de la maison, et posa les yeux sur la silhouette dans l'encadrement de la porte. « Mon dieu Ron qu'est ce que tu... » Pas capable de finir sa phrase tant l'étonnement le bloquait, il resta un moment sans bouger. Avant de vite retrouver le sourire et de foncer vers le plus jeune des garçons O'Donnell, l'attrapant dans ses bras. « C'est pas vrai, c'est pas vrai c'est pas vrai... » Il lui sembla qu'il serrait trop, mais peu importe. Un an qu'il n'avait pas eu Ron dans ses bras. Ça faisait un bien fou que de se sentir entouré; en famille.

Si la situation n’exigeait pas un minimum de sérieux, Ron aurait tout simplement explosé de rire. Les expressions à la Tex Avery de ses frères et sœur étaient juste magnifiquement pensées. Julian fut le premier à briser l’étonnement général et alla sans attendre enlacer son plus jeune frère. Malheureusement pour celui-ci, allergique à toute démonstration affective, les dix prochaines minutes s’annonçaient rudes. « Si si tu peux le croire, je suis bien là. Fin’ pas pour très longtemps si tu continues à serrer aussi fort. » Le visage de son frère emmitouflé contre son épaule, Ron devinait malgré tout le grand sourire sur les lèvres de Jules. Quand ce dernier obtempéra finalement à libérer son frère de son étreinte, Ron fut aussitôt jeter dans de nouveaux bras. Ceux-ci appartenaient à Darcy, l’aîné du groupe. Sa famille s’était toujours plus ou moins amusée de son aversion pour les embrassades, sa mère l’embrassait sur la joue chaque matin avant de partir au lycée, son père l’enlaçait à chaque occasion, sa sœur débarquait dans sa chambre en criant « free hugs » et ses frères s’amusaient à lui rappeler son statut de petit frère devant chacune de son conquêtes. Pourtant, à cet instant, affirmer que les accolades partagées avec ses frères lui étaient désagréable aurait été un mensonge. Il retrouvait enfin la chaleur familiale qui lui avait tant manqué. « Une insulte et un cassage de pied, j’ai bien fait de rentrer moi. » lança t-il à son frère d’un ton ironique. Depuis le départ de leurs parents, Darcy incarnait à la perfection ce double rôle de grand frère/mère poule. Autrement dit, le soudain côté maternel de son frère avait en grande partie motivé son arrivée secrète, et d’après le regard déçu de Darcy, Ron venait fort heureusement d’échapper à une fête en son honneur. A peine délivré des griffes de Darcy que deux mains puis une baffe vinrent affectueusement claquées contre son visage. Paisley, ou comment passer en deux secondes de la petite sœur mignonne et affectueuse à un dragon cracheur de feu, venait à son tour d’entrer dans les retrouvailles. « Oh mon dieu maman sors de ce corps ! » Malgré son ton jovial, Ron ne tenu plus longtemps et ses bras vinrent enlacer l’unique membre de sa famille plus jeune que lui. Une seule année les différenciait, autant dire presque rien. Anti-fan des câlins peut être mais il reste des exceptions et retrouver son unique petite sœur en était une. Le dernier à enlacer fut Dom et leur accolade ne fut pas pour intriguer le jeune curieux. Malgré la distance, ils se parlaient tous assez régulièrement pour que rien n’échappe aux oreilles de Ron, qu’avait-il bien pu manquer ? « Un nombre de trucs ? Me dit pas que Darcy a enfin comprit qu’un lapin et une tortue ne remplacent pas la chaleur humaine ! » Un clin d’œil et un sourire amusé en direction du frère concerné clôtura finalement les retrouvailles. Admettre de vive voix que sa famille lui avait manqué était inimaginable mais celle-ci connaissait assez bien le garçon pour le deviner.

La phrase de son aîné le fit sourire alors que les raisons de cet exil si soudain lui revenait en pleine face. Ils n'avaient pas besoin de savoir, pas maintenant. « Je suis étrange, va falloir t'y faire. » Il offrit un sourire presque naturel à son frère et se retrouva bien vite dans ses bras, sentant le regard heureux de Paisley posé sur eux. Il se détendait enfin, fait plutôt exceptionnel. Il n'y avait que sa famille pour le faire se sentir bien en toute circonstance. Comme si ces visages connus depuis toujours étaient un remède magique à tout les maux du monde, même les plus terribles. Le deuil semblait plus simple dans ces bras, entouré de ces sourires, sous ce toit familier. Il verrait bien ce qu'il ressentirait une fois installé, mais pour la première fois en trois semaines Julian se dit que ce déménagement serait peu être une bonne chose au final. Puis enfin Darcy le lâcha, lui faisant part de sa soudaine inquiétude par un simple regard alors que la main de sa petite sœur passait dans son dos. Il la regarda, surprit par ce contact soudain, avant de comprendre qu'elle l'aidait simplement à se nettoyer. Génial, voilà que son aîné le repeignait. Boarf tant pis, il lui ferait faire sa lessive un moment histoire de se venger. Enfin arriva Dom, autre rayon de soleil dans cet enfer noir que Jules connaissait par cœur. Un frère toujours aussi bordélique, pour sa plus grande joie. « T'embête pas va, je rangerais tout ça. Après tout je viens vous envahir, je ne vais pas non plus vous faire nettoyer tout sur mon passage. » Il passa la main dans les cheveux de son cadet, nostalgique de cette époque où rien d'autre que la joie d'être ensemble ne comptait. Puis les garçons vidèrent la voiture quasiment vide avant de s'installer dans la cuisine. Il n'avait quasiment rien prit, refusant de garder ces meubles qui avaient un jour accueillit Roxane. Et puis il évitait ainsi à Woodstock de devoir racheter des meubles. Il n'avait prit que l'essentiel, ça lui suffirait bien. Enfin la voix de Ron se fit entendre, et à son tour de se faire attaquer par une avalanche d'accolades qu'il supportait, conscient que l'inverse les blesserait. Ce câlin laissa une sensation étrange chez Julian qui ne voulu plus quitter les bras de son plus jeune frère, sur le point de craquer. Pourtant c'est souriant qu'il le lâcha. Maître en l'art de cacher ses sentiments, il préféra regarder le reste de la meute lui sauter dessus. La réaction de Paisley le fit rire. Un rire qu'il n'avait plus entendu depuis deux mois, un rire qui lui chauffait le cœur. La tête de Ron lui semblait tout aussi comique. « Rêves pas, avant que Dars' lâche ses sales bestioles tu auras le temps d'être grand père. » Un coup d’œil à son aîné, comme pour le tester. Puis il ferma la porte derrière Ron et regarda l'heureuse assemblée, le cœur gonflé. « Ca fait du bien de vous voir. »

La tentative de meurtre de sa sœur et l’émotion des retrouvailles, presque, passées, toute la fratrie reprit gaiement ses bonnes vielles habitudes. A savoir, s’embêter les uns les autres, et dans ce domaine les O’Donnell étaient passés maitres depuis longtemps. L’avantage des grandes familles dira t-on. Dans ces moments, un membre de la tribu devenait la cible des quatre autres, cette fois-ci Darcy sembla incarner la parfaite victime. Ron ne manqua pas de rire aux répliques de ses frères avant de retourner son attention sur le plus vieux. « C’est un lapin et une tortue, tout ce qu’ils attendent de toi c’est une carotte et une feuille de laitue. » Ron s’étonna d’ailleurs de savoir ce vieux lapin encore en vie. A son départ l’année précédente, le pauvre animal semblait presque aveugle, les oreilles pendantes et le regard mourant. Au moins, Ron n’aurait pas à dissimuler son fou-rire à l’enterrement du pauvre lapin, à l’instar de feu Kipling dont les funérailles furent un moment très comique aux yeux du jeune homme. Si son frère avait pu lui faire construire un cercueil sur mesure, il l’aurait fait. La plus jeune prit à son tour la parole, ce qu’elle dit déroutant légèrement son frère. « Tu reviens vivre ici ? » Lâcha t-il cette fois-ci en direction de Julian. Etrangement son visage resta neutre, il n’était pas particulièrement heureux de la nouvelle, juste très surpris. « Te méprends pas, j’ai rien contre l’idée mais je comprends pas. T’as quitté la maison y’a un bail alors pourquoi revenir ? » Aux regards échangés entre ses deux aînés, Ron comprit que sa question avait fait mouche. Pourquoi son frère revenait-il après tout ce temps ? Contrairement à Jules, Ron n’avait jamais déménagé de la demeure familiale et son retour auprès des siens impliquait forcément son retour dans la fameuse demeure. Jules, lui, avait déjà sa vie de son côté. Ron laissa ses questions en suspens, doutant même qu’il en ait un jour les réponses, pour se concentrer sur Paisley. Affectueusement, il alla passer son bras autour de ses épaules tandis que celle-ci continuait de déblatérer sur les animaux de la famille. Darcy et elle se ressemblaient tellement pour ça. Au contraire des trois autres qui, sans les détester, les auraient bien foutu à la porte. « Dites les adorateurs de 30 millions d’amis, vous savez qu’il y aura bientôt plus d’animaux dans cette baraque que d’humains ? Ah pardon Pais’ je t’ai oublié, ils sont donc plus nombreux que nous ! » Bien que spirituelle, sa moquerie ne suscita pas l’accueil attendu et Ron ne dut compter que sur ses incroyables réflexes pour éviter une seconde gifle de sa petite sœur. Le garçon s’éloigna rapidement de la bête, préférant une place aux côtés de son frère le plus calme, Dominic. « Qu’il touche à mes affaires et j’le donne à bouffer à l’autre tortue. » Reprit-il non sans toiser d’un regard amusé les deux propriétaires concernés. Oh ça non, il n’hésiterait pas. Quand Dominic reprit la parole, son contenu suffit à enchanter son plus jeune frère. Il mourrait littéralement de faim, n’ayant rien avalé depuis le décollage, soit dix huit heures plus tôt. « Je t’épouserai bien si t’étais pas mon frère, Dom » Là aussi, il n’aurait pas hésité.