Tu étais là perché sur ton tabouret les yeux rivés sur le sol. Torse nu, dans une position des plus inconfortables qui demandait décidément beaucoup de souplesse, tu restais silencieux.  Bien qu’étant un piètre model tu aimais beaucoup cette activité calme et reposante. Le professeur des Art de l’université t’avais demandé ce petit service, et étant donné que tu étais une très gentille personne et surtout sans un rond, tu avais accepté. Tu avais surtout vu dans cette proposition l’opportunité de faire de nouvelles rencontres, et l’idée d’avoir une bonne raison pour côtoyer la gente féminine te plaisais.  Malheureusement pour toi, tu t’étais surtout fait draguer par des mecs, tu n’y pouvais rien si tout ton sex appeal attirait aussi la gente masculine. Trop de charme naturel que voulez-vous…. Tu t’entais vainement de rester en place sans faire le moindre geste, mais ça semblait au-dessus de tes capacités. Pourtant tu essayais, tu y mettais du tiens, mais rien à faire, tu n’étais clairement pas doué pour ça. La demoiselle qui ne se tenait pas très loin de toi, te lança à nouveau un regard froid et méprisant. Tu n’avais pas besoin d’être devin pour comprendre qu’elle commençait à en avoir marre. Si elle croyait que c’était facile d’être à ta place elle se trompait.  Prenant à nouveau sur toi, tu décidas de l’ignorer et faire comme si de rien n’était. Depuis que tu étais là, tu t’étais habitué à ces petites remarques. Pour le moment elle semblait un peu trop pointilleuse et perfectionniste à ton goût. « Je m’appelle James. James Bond » dis-tu railleur comme si la réponse était des plus évidente, bien décidé à lui rendre l’appareil.   Tu aurais bien voulu tourner la tête pour voir l’expression sur son visage, mais tu ne souhaitais pas lui offrir l’opportunité de te faire une remarque désobligeante. Elle n’était pas méchante, même plutôt jolie, mais tu la trouvais un peu froide. Alors que tu étais d’un naturel joyeux et enfantin, ta voisine semblait être l’exact opposé.  Tu mettais cette rigidité sur le compte de la concentration, après tout elle était entrain de te dessiner. Pour être franc, tu avais très envie de voir à quoi tu allais ressembler.

Le temps passait beaucoup trop lentement à ton goût. À chaque fois que tu en avais l’opportunité, tu regardais discrètement ta montrer pendant que madame autoritaire avait le dos tourné. Malheureusement, chaque secondes semblait devenir des heures. Tu tuais donc le temps comme tu pouvais, c’est-à-dire en titillant la patience de la dessinatrice. Bon ce n’était pas tellement logique comme raisonnement, parce qu’elle mettrait encore plus de temps à dessiner, mais te dire que l’heure serait autant éreintante pour elle que pour toi te ravissais au plus haut point. Cela restait tout de même très gentillet, simplement quelques taquineries. D’ailleurs ta petite touche d’humour semblait avoir fait son petit effet. Le regard toujours perdu au loin, tu entendis le bruit de ces chaussures résonner dans la salle. Se prêtant audacieusement à ton petit jeu elle te répondit du tac-au-tac. Comme quoi sous cette face rigide de marâtre elle avait de l’humour la petite. Ouai c’est ça la reine d’Angleterre en plus. Surpris par sa réaction, tu restas quelque seconde la bouche grande ouverte, complètement béat. « Je pourrais aussi t’appeler ma reine pendant que j’y suis. » t’exclamas-tu mort de rire. Elle pouvait toujours courir par ailleurs.
La demoiselle faisait preuve d’une repartie des plus efficaces. Levant un sourcil perplexe face à sa remarque, tu jetas rapidement un regard vers ton pantalon. Tu venais tout juste de perdre le peu de crédibilité que tu avais. Tirant la langue, tu refermas ta braguette. De toute façon tu étais là pour ça, te déshabiller et exhiber ton magnifique corps alors bon ce n’était pas si grave. « Ouai, enfaite tu mattes depuis tout à l’heure mon magnifique corps c’est ça ? Si ça se trouve tu ne sais même pas dessiner….tu dois être une de ces folles dingues qui me suit partout. C'est parce que je mets du axe » réplicas-tu avec humour en lui lançant un petit clin d’œil, t’envoyant au passage quelques lauriers. Pour avoir remarqué ce genre de petit détail elle avait bien du s’intéresser à cette partie-là hein.

C’est vrai que tu avais toujours eu une forte tendance à t’auto-complimenter. Comme le disait si bien ta môman, dans la vie personne ne te fera jamais de compliment, tu peux t’en faire qu’à toi-même. Ainsi, l’autodérision et l’autocomplimentation était devenu un mécanisme de défense, une façade derrière laquelle tu pouvais te cacher. Une sorte de carapace qui te protégeait de la sagacité de la réalité. Le rire était devenu très rapidement ton moteur et peu à peu flatter ta petite personne était devenu une seconde nature, tout comme respirer. Cela t’avais permis d’oublier bien des choses, des horreurs, de la tristesse, que tu avais refoulés le plus lointain possible dans ton esprit. Certaines personnes avaient tendance à te juger de manière hâtive, la possibilité que tu sois à ce point narcissique semblait les révulser, mais tu t’en fichais complètement. Tu n’étais pas du genre à prêter attention aux chuchotements des rumeurs.
« Mes chevilles vont très bien. Merci de leur porter intérêt. De toute façon je porte toujours des chaussures taille 203 pour des chevilles XXL » répliquas-tu avec amusement en bougeant dans tous les sens tes jambes, pour lui montrer tes chaussures. N’empêche que c’est vrai que tu avais de grands pieds. On ne pouvait pas tout avoir dans la vie.
En entendant ces mots magiques, que tu espérais entendre depuis plus d’une heure et demie, tu souriais tel un gamin de deux ans devant son cadeau d’anniversaire, sautant rapidement du tabouret comme si tes fesses étaient en feu. À force d’avoir été assis à ne rien faire, tu ne sentais plus celles-ci qui au toucher semblaient toutes molasse. Après avoir fait quelque étirement de base pour voir si tout fonctionnait bien, tu t’élanças vers la demoiselle. Ce n’était pas trop tôt. « Aurais-tu l’amabilité de me laisser jeter un coup d’œil à ton dessin, Mme la Reine ? » demandas-tu avec humour les remplis d’avidité. Tu étais la curiosité incarnée. Attendant sa réponse, tu enfilas ton t-shirt, c’est qu’il ne faisait pas quarante degré par ici.
« Dis le tout de suite si tu veux un autre rendez-vous en tête à tête, pas besoin d'inventer une excuse. » répondis-tu avec un ton faussement séducteur, sachant pertinemment que c’était simplement pour le travail. « Je ne sais pas….faut voir….j’y gagne quoi ? » demandas-tu pensif.

Après l’effort surhumain que tu avais fourni pour ne pas bouger d’un pouce, tu méritais bien de jeter un coup d’œil sur son chef d’œuvre, même si tu avais toujours des doutes sur ses capacités à dessiner. Tu attrapas vivement son carnet de dessin, voyant son air réticent, de peur qu’elle puisse changer subitement d’avis. Avec les femmes de nos jours on ne savait jamais, mieux valait prendre quelques précautions quant à leur saute d’humeurs. Les sourcils froncés, concentré, tu regardais avec minutie le papier que tu avais sous les yeux. Pour être franc, tu ne connaissais strictement rien à cette discipline, dessinant comme un pied, mais l’ensemble te semblait harmonieux et régulier. Il se dégageait quelque chose de singulier et tu aimais ça. Néanmoins, simplement pour l’embêter et titiller sa patience, tu commenças à faire quelque petit bruit indiquant ton indignation. Espérant qu’elle interpréterait ces signes comme un écœurement te ta part.
« Tu trouves vraiment que je ressemble à ça ? Mais tu m’as fait des tous petits muscles ! » t’exclamas-tu en poussant le bouchon encore un peu plus loin. « Après m’avoir maté pendant deux heures en plus ! Tu dois loucher ma vieille.» ajoutas-tu dans ta lancée, soulevant à nouveaux ton t-shirt pour qu’elle puisse comparer. Avec cette prestation, t’allais directement avoir le droit à un oscar. L’appréhension traversa ses pupilles, elle semblait légèrement dépitée. « Je déconne, ce n’est pas moche ce que tu as fait. J’irais jusqu’à dire que tu as du talent. » dis-tu avec un grand sourire, les yeux pétillants. « Mais t’habitues pas trop à ce que je te fasse des compliments, sinon c’est tes chevilles qui vont devenir XXL » te contentas-tu de dire accompagné d’un clin d’œil amical en lui rendant son travail.
« Hum…. ….Je sais pas….qu’as-tu à m’offrir ? » répliquas-tu du tac au tac amusé. Oui tu pouvais continuer ce jeu pendant longtemps. « Pour le moment je ne sais pas….mais j’accepte. Je te ferais une liste plus tard comme pour le Papa Noël et tu choisiras ce que tu voudras m’offrir » complètas-tu en mettant fin à son supplice.

« Imbécile et fier de l’être. » répondis-tu simplement en tirant la langue, un sourire aux lèvres content de ton petit effet. Ouai, il en fallait vraiment peu pour être heureux. Puis bizarrement, t’aimais bien qu’elle te traite d’imbécile, tu trouvais ça mignon. Tu avais finalement réussi à briser la glace. Alors qu’au tout début tu la trouvais froide et coincée, tu commençais à entrevoir une toute nouvelle facette de sa personnalité. Tu préférais d’ailleurs largement celui-là, l’autre impassible te rappelant beaucoup trop ta mère. « T’inquiète si je te demande de l’argent, ça sera que des billets de monopoly. » ripostas-tu avec humour. Même si tu avais toujours besoin d’argent, cela ne t’intéressais point d’en recevoir de sa part. Surtout que tu n’aimais pas du tout être redevable. Puis tu n’étais pas du genre compliqué, tu allais bien trouver un truc qui n’allait pas la ruiner, même si pour ça tu devrais clairement faire travailler tes méninges.
« Maintenant que la séance est terminée….que comptez-vous faire Mlle la Reine ? Allez-vous retourner dans votre château ? » ajoutas-tu avec un accent anglais aristocratique, du genre sarcastique en ramassant le reste de tes affaires que tu avais réussi à éparpiller dans toute la salle. T’étais clairement pas doué comme mec. Ton imitation avec ton petit accent était légèrement pitoyable, mais tu avais le mérite d’entrevoir un petit sourire sur ces lèvres. Tu étais un vrai clown à toi tout seul. « En ce qui me concerne, j’vais surement prendre la Bondmobile, et aller sauver le monde, juste après un café. » dis-tu naturellement en bombant ton torse à la Tarzan. C’était bien connu, le café était le moteur de tous les plus grands super héros.