the way love used to be

Une autre journée ordinaire dans la vie de Suzanna Greggson. Je commençais à croire que je m'étais transformée en une de ces femmes enfermées dans leur routine qui avaient perdu leur rêve. Préparer le repas, s'occuper des enfants, ranger la maison, être toujours sur son trente-et-un. Devoirs essentiels d'une femme de banlieue. Sauf que j'étais incapable de cuisiner et que je n'avais pas d'enfant. Ce n'était pas que je n'en voulais pas, au contraire. C'était sans doute la seule chose capable de rafistoler le couple fragile que je formais avec Max, ce même couple qui paraissait si parfait aux yeux de tous. Une façade. Les apparences sont trompeuses, il ne faut jamais l'oublier. J'avais fini par me complaire dans mon bonheur, par oublier que tout ce qu'on a, on peut le perdre. Rien n'est acquis. Je voyais lentement notre couple se désagréger. Et j'avais l'impression que je ne pouvais rien y faire. Pourtant, il fallait bien que je réagisse, que je fasse quelque chose. Je ne pouvais pas laisser les choses se terminer ainsi. J'aimais Max. C'était la seule certitude que j'avais encore. J'aimais Max et j'étais prête à toute pour empêcher notre couple de devenir comme tous ceux que je voyais autour de moi. Deux personnes aigries qui se côtoient sans se voir ni se parler.

C'était le but de notre dîner ici. La raison pour laquelle j'avais enfilé une robe de soirée, chaussé des talons hauts et sorti mon plus joli collier. Je ne voulais pas être jolie pour ceux qui pouvaient nous voir, comme toutes ces femmes superficielles que je détestais tant, je voulais être jolie pour lui. Le restaurant était déjà presque plein quand je suis arrivée. J'ai adressé un sourire à la fille de l'accueil qui m'a dirigée une table pour deux, au centre de la pièce. Je me suis assise et j'ai attendu que Max arrive. J'ai attendu longtemps. Le serveur est venu m'apporter un verre de vin. Puis des biscuits apéritif que je n'ai pas touché. J'ai eu à supporter son regard plein de compassion. Je sais ce qu'il pense. A vrai dire, j'y pense aussi. Enfin, la voix de Max se fait entendre. Il s'excuse pour son retard et s'assoit en face de moi avec un sourire. J'aimerais lui dire quelque chose, que ce n'est pas grave, ou au contraire, qu'il aurait pu m'appeler. Mais tout ce que je parviens à faire, c'est regarder le menu d'un air morne. C'est plus fort que moi, je ne peux même pas le regarder dans les yeux. Pourquoi faut-il qu'il soit en retard la seule fois où nous sortons dîner dans le but de nous retrouver ?

Ce soir, je savais qu’une réservation m’attendait à une bonne table en compagnie de ma charmante femme. Un cadre idyllique voir parfait pour certaines personnes qui cherchent encore et toujours la personne qui partagera sa vie jusqu’à sa mort. En me mariant, j’étais tellement heureux, tellement convaincu que c’était la femme de ma vie que personne n’aurait pu me faire douter de notre avenir. D’ailleurs, les habitants de notre quartier étaient admiratifs face à notre couple. Pour eux, nous étions un couple modèle, proche de la perfection. Quelque part, on aurait pu l’être. Peut-être que j’en attendais trop de sa part ? Enfin, je ne demandais pas grand-chose, seulement un enfant. Et pourtant, elle n’arrivait même pas à m’offrir ce cadeau. Notre couple est de plus en plus inexistant. Un rendez-vous ? Cela n’allait pas vraiment arranger les choses entre nous, mais on devait faire semblant d’être toujours aussi amoureux l’un de l’autre comme une sorte de grosse mascarade qui était loin d’être amusante. Je savais qu’il y avait des chances que je sois en retard comme d’habitude. En faite, je n’étais même pas sûr de vouloir m’y rendre. Quelque part, on n’avait pas grand-chose à se dire. Notre couple ? Des fois, j’avais l’impression qu’il n’existait plus …

J’étais encore à l’université en train de corriger une nouvelle fois des copies. Comme d’habitude, j’en avais un paquet. Je ne faisais pas attention à l’heure. J’aurais peut-être dû y faire gaffe pour une fois. Évidemment, que j’allais être pris dans des bouchons que je n’aurais pas le temps de me changer et que je serais en retard au restaurant et que l’accueil sera glacial. Elle devrait être habituée à force. Je cours vers ma voiture pour me rendre au rendez-vous. J’avais une tenue assez simple et décontracte. En rentrant, je me rendais compte qu’il y avait beaucoup de monde et que la seule personne sans partenaire était ma femme qui avait fait un effort au niveau de sa tenue comme si nous étions au début de notre relation.

Max - Désole pour le retard.

Je ne pouvais rien dire d’autre. Je l’embrasse doucement sur le front comme à un enfant qui n’allait pas tarder à faire un caprice. Le rendez-vous commençait déjà mal … Et je savais que c’était de ma faute. Je m'installe en face d'elle en commande une bouteille de vin. L'ambiance était déjà bien tendu.

Max – Alors, ta journée ?

Max apparait enfin, il passe la porte du restaurant et me rejoint à notre table. « Désolé pour le retard. » Il dépose un baiser sur mon front. Geste particulièrement significatif. J'ai l'impression d'avoir perdu la passion de début, lorsque nous étions encore jeunes et amoureux. Cette pensée me frappe et j'ai soudainement peur. J'ai peur que notre couple ne tienne pas malgré tout nos efforts. J'ai peur que l'absence de fantaisie au quotidien nous ait finalement rendu si lasses. « Alors, ta journée ? » Il fait un effort, essaye de créer la conversation, de faire oublier son retard. J'ignore délibérément sa question. J'ai passé la journée à essayer désespérément d'écrire sans que l'inspiration ne me vienne pour autant. Il commande une bouteille de vin qu'un serveur ne tarde pas à amener. Mon regard se perd sur les couples présents dans la salle. Sont-ils tous comme nous ? Pires ? Ou au contraire bien plus heureux ? J''éprouve soudain le besoin de communiquer. J'en ai assez de tout garder pour moi, d'enfouir tous ces sentiments coupables en espérant qu'ils disparaitront. Le ressentiment. La peur. La colère. La lassitude. Une très grande lassitude. Je ne veux pas qu'on devienne deux personnes aigries qui cohabitent sans se regarder. Je ne veux pas le perdre. Malgré tout, j'ai encore la certitude, au fond de moi, que j'aime toujours Max et que ça au moins, ça n'a pas changé. Je lève la tête et plante mes yeux dans les siens. « Tu te souviens de notre rencontre ? De la manière dont on se détestait ? » Ma voix se fait pressante. J'ai besoin de me souvenir. « Tu te souviens quand on a finalement commencé à sortir ensemble ? Quand tout était encore incertain et qu'on vivait chaque journée comme si c'était la dernière qu'on passait ensemble parce qu'on ne savait pas si on n'allait pas rompre le lendemain ? Tu te souviens comme c'était beau ? Spontané ? On ne se prenait pas la tête, c'était si simple. Tu te souviens quand on s'est mariés ? Comme on s'était promis qu'on ne laisserait jamais la routine avoir raison de nous ? Comme on était certains qu'on serait différent de tous ces couples qui finissent par s'ignorer et s'éviter parce que la fuite est plus facile que la confrontation ? La vérité, c'est que je n'en suis plus si sure. »

j'ai failli mettre le même gif de matt que toi

Je sentais que cette soirée allait être très nulle, voir même complètement ratée. Mais, en entament une polémique sur notre passé, j’ai vraiment pensé à m’enfuir, ou crier au feu pour partir discrètement. Je n’avais aucune envie de commencer à parler de ça, ici et surtout maintenant. Je voulais entamer une discussion sur sa journée pour essayer de créer une bonne ambiance et hop, on partait sur une dispute en plein dans le restaurant. Bon, je savais qu’un jour, cette discussion aurait lieu, mais pas maintenant ! « Tu te souviens quand on a finalement commencé à sortir ensemble ? Quand tout était encore incertain et qu'on vivait chaque journée comme si c'était la dernière qu'on passait ensemble parce qu'on ne savait pas si on n'allait pas rompre le lendemain ? Tu te souviens comme c'était beau ? Spontané ? On ne se prenait pas la tête, c'était si simple. Tu te souviens quand on s'est mariés ? Comme on s'était promis qu'on ne laisserait jamais la routine avoir raison de nous ? Comme on était certains qu'on serait différent de tous ces couples qui finissent par s'ignorer et s'éviter parce que la fuite est plus facile que la confrontation ? La vérité, c'est que je n'en suis plus si sure. » Sortez les violons. J’ai presque envie de lui dire que c’est la vie, et stop. Mais, je ne veux pas la blesser, ni la faire souffrir car malgré tout, elle ne mérite pas ça. « Ecoute, je n’ai pas l’envie ni la force d’entamer une conversation comme celle-ci. On vient passer un bon moment, et pas pleurer sur le passé » Les choses étaient claires pour moi. C’est vrai que la routine commençait doucement à tuer notre relation. Mais, qu’est ce je pouvais faire contre ça ? « De toute façon, tu sais très bien qu’avec un enfant, tout serait très différent. » Je me devais de lui dire ça. « En même temps, comment avoir un enfant sans relation sexuelle depuis des mois ? Et ne va pas dire que c’est de ma faute. C’est toujours toi qui commence à sortir des excuses complètement stupides que j’ignore. » Je ne voulais pas entamer un débat, mais c'était plus fort que moi ...

Si j'avais imaginé qu'il serait un minimum touché par l'évocation de notre passé, je me trompais lourdement. Au contraire, cela semble l'agacer au plus haut point. « Écoute, je n’ai pas l’envie ni la force d’entamer une conversation comme celle-ci. On vient passer un bon moment, et pas pleurer sur le passé » Pour ça, il aurait déjà fallu qu'il soit à l'heure ! Mais je me retiens au dernier moment de lui balancer ça à la figure. Je ne veux pas avoir l'air d'une femme jalouse incapable de se contenir et de s'empêcher de faire des reproches. Certes, il était en retard et c'est inexcusable, mais notre couple est bien trop fragile pour que je le lui fasse remarquer. « De toute façon, tu sais très bien qu’avec un enfant, tout serait très différent. » Premier coup dur. « En même temps, comment avoir un enfant sans relation sexuelle depuis des mois ? Et ne va pas dire que c’est de ma faute. C’est toujours toi qui commence à sortir des excuses complètement stupides que j’ignore. » Et bam, il en remet une couche et m'achève. Je baisse les yeux et m'absorbe dans la contemplation de la nappe. N'était-elle pas parfaite ? Bon d'accord, je ne réussirais jamais à faire croire à quiconque que je m'intéresse à une nappe. Mon esprit est ailleurs, à mille lieux d'ici. J'aimerais être forte mais je sais très bien qu'il peut deviner qu'il m'a blessée rien qu'en regardant mon visage et mon regard fuyant. Et s'il avait raison ? Et si c'était ça la solution ? Le moyen de ramener dans notre couple tout ce qui nous a été enlevé. L'amour, la passion, l'imprévisibilité. Je relève la tête, ma détermination refait surface, mes yeux agrippent les siens. « Tu le veux vraiment, cet enfant ? » Je me suis souvent demandée ce que je serais capable de faire pour sauver mon couple quand je voyais ces femmes qui abandonnaient l'idée de retrouver leur amour d’antan. Je n'avais jamais pensé en arriver là moi-aussi mais voilà, j'en suis là. Qu'est-ce que je suis capable de faire pour sauver mon mariage ? J'aime Max, j'aime toujours Max, malgré nos disputes, malgré la routine. Et je ne veux pas le perdre. L'évidence me frappe de plein fouet, elle est si forte qu'elle m'en fait presque mal. Qu'est-ce que je serai capable de faire pour sauver mon couple ? Un enfant, si c'est ce qui peut nous tirer du gouffre.