Son cours d’analyse littéraire venait tout juste de terminer. Résultat? Cinq heures de cours avec à peine une pause pour manger. La jeune femme avait hâte aux congés qui s’en venaient car elle souhaitait se reposer un tant soit peu. À travers les cours et le bénévolat qu’elle faisait dans une maison pour personnes âgées, elle trouvait très peu de temps pour elle, hormis ses deux heures de jogging matinal. Habitant à trente minutes (de marche) de l’université, et vu le soleil qu’il faisait à la fin de l’avant-midi, Praskovia s’était rendue en cours à pied. Hors, désormais elle regardait à l’extérieur et il tombait des clous. Ayant une simple veste à capuchon en coton, elle n’échapperait guère à la température misérable qui s’offrait à elle. La brunette mit sa capuche sur sa tête et sortit. Elle se foutait de ce qu’elle aurait l’air rendu chez elle, après tout, il pleut et elle est à pied donc il fallait faire avec et rester à l’intérieur avec le troupeau de gens apeurés par la pluie ne l’amènerait pas plus chez elle. Elle commença donc à marcher à travers le parking, question de prendre le plus de raccourcis possible. Jusqu’à ce qu’un jeune étudiant l’interpelle. Elle se retourna vers lui. Il était beau, grand, brun. Elle se demanda un instant pourquoi il lui proposait de l’amener chez elle. Avant tout, qui était-il? Elle resta planter là, un certain moment, se demandant que faire. Il se présenta comme étant un certain Keegan. « Je m’appelle Praskovia ». Keegan lui mentionna ensuite qu’il n’était pas un psychopathe, rien de tel, qu’un simple étudiant. Encore un peu perplexe, la jeune femme attendit un certain moment, sous la pluie. Était-il convenable pour elle d’embarquer avec un parfait inconnu? Peut-être que oui, ses parents lui diraient que non. Mais tant pis, ils étaient en Russie, et elle, elle était trempée. Elle se dirigea vers l’automobile du jeune étudiant, plus vieux qu’elle visiblement, et y entra pour s’asseoir sur le siège passager. « Merci, c’est gentil. » Elle ne savait trop que dire, visiblement gênée par la situation. Par où commencer? Se présenter? Lui demander des informations à son sujet? Parler de la pluie? « Alors, Keegan, c’est bien ça, je me trompe pas hein? Bref, merci vraiment hein! J’habite sur la rue des oiseaux, en passant! » ajouta-t-elle, question de faire quelque peu la conversation et qu’il sache où se diriger!

Les vacances arrivaient bientôt et Praskovia avait franchement hâte de prendre du temps pour elle et qui sait, possiblement retourner en Russie pour passer Noël avec ses parents et revenir au pays après. Ses parents lui envoyaient à pratiquement chaque année un billet d’avion aller-retour pour Irkutsk, accompagné d’un billet d’autobus direction leur petit village. Elle aimait bien célébrer cette fête avec ses parents. Bref, aujourd’hui elle venait de terminer un cours barbant et il pleuvait, alors lorsqu’un certain Keegan lui proposa de la ramener chez elle, elle accepta après un moment de songe. Il s’installa dans le siège conducteur après qu’elle se soit installée dans le siège passager et démarra la voiture. Il semblait sympathique et franchement épuisé des cours, lui aussi. Il avait cet air sincère qui avait convaincu la brunette d’accepter l’offre. L’automobile du jeune homme était un peu en désordre, tout le contraire de la sienne, mais ça ne lui dérangeait guère. Elle n’avait jamais été du genre à porter des commentaires, encore moins aux gens qui lui rendaient service. De plus, chez sa mère biologique – de ce qu’elle se rappelle – la vaisselle de trois semaines traînait toujours sur le comptoir. Autant dire qu’elle avait vue pire que quelques déchets dans une voiture. Elle souria au jeune homme lorsqu’il lui mentionna que ce n’était rien, si ça pouvait faire plaisir. « N’empêche, rares sont les gens généreux à notre époque! » Il était vrai que peu de gens offraient leur aide désormais. C’était plutôt l’individualisme qui prônait et la jeune femme le savait bien. Par contre, elle aussi aurait été tentée d’agir comme Keegan l’a fait aujourd’hui : elle aime bien rendre service. « Sérieux? On est peut-être voisins sans le savoir! » Le monde était petit, comme on disait. Ils habitaient sur la même rue, donc possiblement proches. Tant mieux pour Keegan, son geste de générosité ne lui fera pas faire de détours! Au même moment, son téléphone se mit à sonner. Elle se sentait mal à l’aise de répondre mais l’afficheur montrait que c’était ses parents. Elle répondit et se mit à parler en russe. À peine trente secondes plus tard, elle raccrocha, ayant mentionné à ses parents qu’elle les rappellerait plus tard car elle était occupée. Praskovia trouvait cela mal poli de parler au téléphone en compagnie de quelqu’un. « J’étudie la littérature étrangère, enfin, en voie de. Je suis en bacc en littérature et l’an prochain je débute une maîtrise en littérature étrangère! Et toi? » Ah les cours, la fac, les nombreux travaux. Pourtant, elle aimait bien ce dans quoi elle étudiait mais parfois, elle trouvait cela saoulant après des cinq heures de cours. En plus, elle savait que ce n’était pas tous ces cours qui lui serviraient à quelque chose plus tard. Par contre, elle aimait bien l’idée de culture générale.

« Je partage parfaitement ton point de vue. » lui lança-t-elle, sur l’importance de s’entraider. Praskovia avait toujours été de celles qui aidaient les gens qui en avaient de besoin. Si elle avait eu l’idée de venir à la fac en voiture aujourd’hui, elle aurait fort probablement proposé, elle aussi, à quelqu’un d’y embarquer. Tout comme Keegan l’avait fait pour elle. S’il y a une chose qu’elle adorait d’ici, contrairement à en Russie, c’est que les gens s’entraidaient vraiment plus. Dans l’est de la Russie, possiblement dans l’ouest aussi, les gens adhéraient totalement au chacun pour soi. Ils adoraient cette mentalité et deux fois plutôt qu’une s’était-elle fait arrosé sur le bord de la route lorsqu’elle n’était qu’une simple piétonne en une journée pluvieuse. Les gens qui donnaient de leur temps aux autres étaient considérés comme étranges. Alors Praskovia était une personne étrange en Russie. Il ne fut donc pas surprenant qu’à son arrivée en Amérique elle décida d’aller faire du bénévolat dans un centre de personnes âgées. Elle fut surprise d’apprendre que son geste n’était pas pointé du doigt, qu’au contraire, il était valorisé, admiré. Décidément, elle adorait l’Amérique. « Effectivement, mais comme tu le dis, il y a tellement de gens! De toutes, je suis du genre à passer inaperçue donc c’est normal! » En effet, Praskovia était loin d’être dans les cheerleaders de l’université, bien qu’elle aurait possiblement pue intégrer l’équipe. Ça ne l’intéressait guère. Elle faisait par contre partie de l’équipe de natation de l’université et faisait quelques championnats, trois ou quatre fois par année. Ce n’était pas un niveau aussi élevé qu’en Russie, mais c’était bien. Pour ce qui était de la boxe, elle en faisait durant ces temps libres, au gym, mais plus de façon compétitive. Bref, son téléphone sonna. Ses parents. Elle adorait leur parler, ils étaient tout simplement merveilleux et rares étaient les fois où ils appelaient de Russie – une fois par semaine est rare pour Praskovia – mais la jeune femme était en compagnie et ne souhaitait pas paraître asociale. Elle les rappellerait donc plus tard, comme elle leur avait mentionné avant de raccrocher, dans sa langue maternelle. « Wow! Étudiant en médecine! Tu en as du courage! La biologie, pour ma part, c’était franchement pas pour moi. Félicitation pour ta fin d’études, qui arrive à grand pas! » La jeune femme n’aurait jamais été en médecine, bien qu’ayant une grande admiration pour ceux qui l’étaient. Elle ne se voyait pas travailler dans un hôpital, encore moins ouvrir le corps de quelqu’un qui te met sa vie entre tes mains. Décidément, les études littéraires étaient faites pour elle. Cela ne l’empêchait tout de même pas d’admirer Keegan pour sa persévérance en médecine, qui est possiblement le plus dur domaine d’études. Il devait vraiment exceller pour être dans ce domaine! Puis, il lui demanda si elle était bilingue. Il tomberait sur le cul de savoir qu’elle parle en fait couramment sept langues. En voie d’en apprendre une huitième, mais n’ayant pas trop le temps en ce moment. « Bilingue? Non. Ma langue maternelle est le russe, je parle couramment anglais, comme tu le vois. C’est de même pour cinq autres langues. Je parle en fait sept langues. » Praskovia avait toujours eue un talent dans l’apprentissage de diverses langues, comme si ce don lui était tombé du ciel. Peut-être que ses parents biologiques parlaient plusieurs langues ou avaient cette facilité. « Tu fais parti de certaines activités sportives à la fac? Ton visage commence à me dire quelque chose. Enfin, je me trompe peut-être! » La jeune femme trouvait qu’il ressemblait à un visage qu’elle avait vu sur le babillard dans la division sport de la fac où toutes les équipes sportives étaient affichés. Elle lui trouvait un visage familier.

« Non, pas vraiment. Je suis plutôt réservée! » Elle avait toujours eue peur de tomber en amour ou alors de s’accrocher à des gens, ce qui la rendait pratiquement inaccessible aux yeux des garçons, bien qu’ayant un physique fort avantageux. Certains lui demandent son numéro de téléphone, ce qu’elle trouve fort déplacé lorsqu’elle ne connaît même pas leur prénom. Alors en un sens, elle passait inaperçue. Mais c’était strictement volontaire. « Ça a jamais vraiment été mon genre discuter avec tous pleins de garçons! Mais bon, je ne suis pas asociale non plus hein! » Non, ça non. Elle était gênée au départ mais à force de discuter avec des gens, elle s’ouvrait vite aux autres, sans nécessairement raconter sa vie de tout bord tout côté. Puis vint le sujet des études, qui intéressait franchement Praskovia. Elle avait toujours aimé parler des projets de vie des gens, savoir quel genre de caractère ils ont. Elle sait qu’un domaine d’étude démontre souvent le caractère de la personne et elle admirait Keegan pour étudier en médecine, elle en serait incapable. « Si ça t’intéresse, c’est l’important. C’est un métier admirable que d’être médecin, vraiment! » Et elle le pensait : elle en serait tellement incapable que voir des gens réussir dans ce domaine la fascine. Ils ont un talent dans l’apprentissage de notions complexes et ont une très bonne mémoire, ce qu’elle n’a pas tellement, hormis pour les langues. « Mais si! Après la troisième langue, c’est facile! Comme un jeu d’enfant!! Puis l’allemand, je t’apprendrai si tu veux, je le parle couramment. En fait, je parle russe, anglais, français, mandarin, allemand, latin et espagnol. Mais le latin était un passage obligé presque pour la littérature antique, cours supplémentaire que j’ai pris. J’adore les vieux livres et manuscrits! Un vrai rat de bibliothèque que je suis, ou presque! » lança-t-elle à la blague. Elle adorait certes passer du temps dans une bibliothèque mais elle faisait d’autres choses de sa vie, aussi. « Bon alors j’ai dû me tromper! Je croise tellement de visage quand je vais en natation que je mélange, faut pas penser que je mélange tout le monde par contre! C’est vrai que le sport est un bon défouloir, pratiquant la boxe, je ne peux que penser ainsi! » Praskovia était une vraie sportive et intellectuelle à la fois, c’était inné chez elle. Elle était d’ailleurs très fière de ses talents dans certains sports.

Keegan sembla consterné du fait que la jeune femme était d’allure plutôt renfermée. Ce n’était pas le premier qui avait cette expression lorsqu’elle avouait ne pas être du genre je-vais-parler-à-tout-le-monde-comme-si-c’était-mes-amis et alors, rester réservée. En fait, l’enfance de Praskovia l’avait rendue ainsi. Elle adorait discuter avec les gens, mais elle ne parlait jamais de son passé ou alors de ses projets. Ou bien si oui, c’était bref. La jeune femme avait vécu plusieurs évènements marquants qu’elle eut déjà avoués avant. Les gens lui répondaient par de la pitié et elle détestait. S’il y avait bien quelque chose qu’elle détestait, c’était se faire prendre en pitié. Bref, elle était réservée, point barre. Elle adorait avoir du temps pour elle et d’ailleurs, elle habitait seule. Certes, parfois elle ne dirait pas non à une certaine présence, ou alors à un colocataire, mais elle s’était habituée. Elle avait été élevée ainsi : seule.

Le sujet se détourna alors vers celui des études, ce qui raviva le sourire de Keegan. Tant mieux, car l’atmosphère était plutôt bizarre après qu’elle lui ait avoué être réservée. Une étincelle sembla s’allumer dans ses yeux lorsqu’il parla de son futur métier : médecin. La jeune femme ne put que lui sourire. Elle adorait voir des gens autant passionnés de leur choix de carrière. Dans ses cours de littérature, la majorité des gens se plaignent des livres qu’ils doivent lire. Praskovia s’était toujours demandé pourquoi ils avaient choisis littérature s’ils n’aimaient pas lire. Elle voyait tellement des souvent des gens ayant complètement raté leur plan de carrière que lorsqu’elle en voyait l’ayant réussis, elle ne pouvait que se réjouir pour eux. « C’est très bien aussi! Il en faut des gens pour cela et hélas, très peu de gens en sont passionnés comme toi tu le sembles! » Pour sa part, elle adorait ce qu’elle étudiait. Depuis sa tendre enfance, Praskovia s'était réfugiée dans la lecture et dans la rédaction d’un journal. Elle adorait tous les contrastes que la littérature permettait et elle avait déjà hâte à sa maîtrise en littérature étrangère. Certes, les livres étaient parfois longs, endormants par moments, mais elle réussissait toujours à trouver des parties intéressantes dans tout roman/livre/manuscrit. De plus, Praskovia a toujours eue une facilité dans l’apprentissage des langues. Elle adore parler plusieurs langues et en apprendre, adorant voyager. « J’admets que lorsque je voyage, plusieurs langues c’est très pratique! » La jeune russe est d’ailleurs en train d’apprendre une huitième langue : l’italien. Ensuite, elle ne sait que trop. Elle parle déjà quelques dialectes africains non-officiels comme le wolof, le sérère et le swahili, mais ce n’est pas considéré comme des langues.

Le sport était une grande partie de la vie de Praskovia. Elle voyait en le sport un défouloir, tout comme un moment de détente. Elle profitait pleinement de son deux heures de jogging matinal, de même que ses séances boxe et de natation. Elle adorait vider tout son stress en faisant du sport : non seulement ça la gardait en forme, mais c’était bon pour le moral. Elle comprenait par contre que ce n’était pas le cas pour tout le monde. Le sport, soit on aime, soit on aime pas. Et si nous n’aimons pas, il est difficile d’y voir un moment de détente à travers la séance d’entraînement. « Personne n’y croit! Mais c’est bel et bien vrai! J’ai le cardio d’une boxeuse aussi! Tu me crois si je te dis que j’ai déjà couru trois marathons? » En Russie, elle en avait courue deux et elle en a fait un depuis son arrivée en Amérique, adorant en faire lorsque des fonds sont amassés pour des causes comme celle des enfants malades. Par contre, le marathon étant très dur physiquement, elle n’en fait certes pas à chaque année. « Qu’est-ce que tu fais de tes temps libres, lorsque tu n’as pas de travaux de médecine? » On dit qu’on en apprend beaucoup sur une personne en sachant ses passe-temps préférés et c’était la question par excellence de Praskovia : elle ne manquait jamais de le demander à ses nouvelles rencontres.

Spoiler:

Praskovia était une fervente voyageuse. Elle avait déjà visité une très grande partie de l’Europe, avait posé ses pieds en Australie et même en Afrique. Pour ce qui est de l’Asie, c’était sa demeure. Désormais résidente en Amérique, on peut dire qu’elle a fait tous les continents. Elle adore découvrir d’autres cultures et en apprendre plus sur les gens venant d’autres pays que le sien, soit la Russie. Voyager faisait partit de ses priorités à vrai dire. « Vraiment? Moi aussi je songe à retourner chez moi à la fin de mes études! » Elle adorait Montsimpa et ses habitants, sans oubliés les gens qu’elle avait rencontré, mais parfois, voire même très souvent, sa famille lui manquait. Sa famille adoptive, certes, mais c’était tout de même sa famille. Elle songeait régulièrement à retourner en Russie à la fin de des études à Montsimpa dans le but d’y trouver un emploi et possiblement d’y fonder une famille, enfin, là ou ailleurs pour ce dernier point car elle savait qu’elle voulait une famille. Ainsi, il n’était pas rare de la voir fouiner sur des sites web des offres d’emploi dans son domaine en Russie, souhaitant voir si ses chances étaient bonnes pour trouver du travail. « Je pense la même chose parfois. Ce sentiment d’appartenir ailleurs, d’être seulement de passage… Et puis, ne dit-on pas que le plus beau des voyages est celui qui nous ramène chez nous? » Home is where the heart is. Praskovia connaissait bien ces deux citations étrangères et souvent, elle se disait que la Russie était chez elle, que ce serait merveilleux lorsqu’elle repartirait là-bas. Puis, elle pensait à toute l’expérience qu’elle vivait en Amérique et se disait : et si c’était ici chez moi? « En quelque sorte, oui. Tous en Russie. Et toi, ils sont en France aussi? » Ses parents biologiques, elle ne savait que diable où ils étaient. Mais ses parents adoptifs étaient en Russie ainsi que toute la famille les entourant. Alors on pouvait dire que certes, la majeure partie de sa famille se situait dans son pays natal.

Le sport, Praskovia en était une mordue. Elle sortait ses émotions dans tout ça, ce qui lui permettait un équilibre de vie constant. « Je me suis entraînée longtemps, à vrai dire! Mais en fait, c’est un peu comme pour toi et la médecine : quand tu aimes quelque chose, c’est loin de sembler comme une corvée. » Et la boxe ainsi que la natation, c’était loin d’être une corvée pour la brunette. « T’as raison, un étudiant typique! Je suis pareille comme toi, sauf qu’au lieu de bosser, je fais du bénévolat. » Ses parents adoptifs lui envoyaient de l’argent pour qu’elle paie ses dépenses mensuelles incluant le loyer, la voiture, la nourriture, si en échange elle continuait dans les sports qu’elle adorait et qu’elle faisait du bénévolat. Praskovia avait acceptée avec plaisir, ne se voyant arrêter ses sports et adorant le travail communautaire. Keegan tourna dans la rue des oiseaux et s’arrêta, en questionnement d’où elle vivait sûrement, de même que si elle souhaitait prendre un café. Elle en avait chez elle et trouvait cela une bonne idée, surtout pour le remercier de sa générosité envers elle face au transport durant ce temps merdique. « Ma maison est un peu plus loin, la dixième maison à ta droite. Il y a une auto noire dans la cour d’entrée et la façade de la maison est blanche. C’est le 1465, le numéro civique. » Sa maison n’avait rien d’extraordinaire, une petite maison de deux étages (trois en incluant le sous-sol) mais n’ayant que quelques pièces. Elle avait deux chambres à coucher (la sienne totalisant le deuxième étage), deux salles de bain, une cuisine, un salon et une salle commune au sous-sol. C’était confortable, raisonnable. De plus, elle était peu dispendieuse. La jeune femme en avait fait son chez-elle. En moins d’une minute, Keegan était garé à l’entrée. La jeune femme se retourna vers lui, un sourire au visage. « Si tu veux, on peut prendre le café chez moi. J’en ai acheté hier! Je n’avais rien de prévu à l’horaire de toute façon et ça me ferait plaisir! » Il avait été sympathique de la reconduire et était de bonne compagnie. Le jeune homme acquiesça et Praskovia descendit donc de la voiture, suivit de Keegan. Elle sortit les clés d’une des poches de sa veste et déverrouilla la porte d’entrée. Elle y entra la première. « Bienvenue chez moi! » Praskovia se déchaussa et se dirigea vers la table de cuisine pour y déposer ses livres pour finalement se rendre vers la cafetière.

De toute sa jeunesse, Praskovia n’avait jamais cherchée à retrouver ses parents biologiques : les détestant de l’avoir abandonné. Certes, elle avait vécu avec sa mère durant pratiquement trois ans et demi mais cette dernière l’avait abandonnée aux mains des services sociaux comme on jette un objet vieux et inutile, alors la brunette n’avait jamais pardonné cette action. Pour ce qui est de son père, elle ne l’avait juste jamais connu, s’ayant enfui avant sa naissance. Oui, elle trouva difficile le fait de se rappeler que ses parents adoptifs – qu’elle adorait comme ses vrais parents – n’étaient rien d’autre que de simples personnes n’ont reliées de façon consanguine avec elle. Elle ne pouvait pas se faire dire à l’épicerie – comme plusieurs enfants le peuvent – qu’elle et sa mère semblent jumelles. Praskovia est brune, sa mère et son père adoptifs sont blonds aux yeux bleus. Bref, tout à fait rien en commun physiquement. Mais elle les adorait. Puis, une fois rendue en Amérique, l’envie de retrouver ses parents biologiques se fit sentir. Elle avait donc tout récemment engagé un avocat dans le but de retracer ses origines. Au début de la présente semaine, elle avait appris que son père était présentement dans un centre pour alcooliques après avoir sombré dans un profond coma suite à une overdose. Sa mère, quant à elle, vivait sous le seuil de la pauvreté, ayant fréquenté un drogué qui lui volait toujours son argent et n’ayant jamais complété ses études. Ébranlée par ce qu’elle avait appris sur ses parents biologiques, Praskovia se rendit donc compte à quel point elle était chanceuse d’avoir des parents adoptifs sans problèmes reliés à l’argent ou à la consommation excessive. « Je comprends parfaitement ce que tu veux dire. Ils sont gentils, mais une partie de toi reste rancunière quant au fait qu’ils t’ont abandonnés, ce qui t’enlève l’envie de leur donner une chance. En plus, ayant été élevé par d’autres personnes, il est difficile de croire que ceux-ci ne sont pas tes parents et que tes parents biologiques sont des gens qui ne te ressemblent que physiquement, n’ayant pas toujours les mêmes valeurs que toi. » Oh ça oui, elle comprenait. « La Russie est aussi mon chez-moi, ici je considère cela un endroit passager. Je sais que je vais retourner en Europe ou en Asie pour y vivre plus tard, bien que je ne sais quand. Montsimpa, c’est bien. Beaucoup moins dangereux que la Russie en tout cas! » Elle adorait son pays natal mais elle se devait d’avouer que les gangs y étaient fortement concentrées et que ce n’était pas toujours tout rose, la Russie ayant des antécédents communistes.

Praskovia avait toujours eue le cœur sur la main, toujours là à aider ceux dans le besoin. Elle détestait voir quelqu’un souffrir, dans la solitude ou alors tout simplement ignoré. Elle adorait voir un sourire s’afficher sur le visage des personnes âgées qu’elle visitait qui n’avaient bien souvent que sa visite à elle : leurs familles respectives étant trop occupées pour venir les visiter, outre à Noël. La jeune femme adorait parler avec eux, de tout et de rien. Bref, passer du temps avec eux. Elle avait aidé une bonne partie du centre à comprendre comment envoyer des courriels sur internet, ce qui permettait aux résidents de communiquer plus fréquemment avec leurs familles. Elle organisait aussi des jeux les vendredis soirs et profitaient de ces moments privilégiés avec eux. Un sourire vint se loger sur son visage lorsque Keegan lui demanda où elle faisait du bénévolat. Elle adorait l’endroit où elle en faisait. « Dans le centre pour personnes âgées de la ville. C’est tout simplement merveilleux! »

Une fois arrivés chez Praskovia, celle-ci entra la première et se mit à faire fonctionner la cafetière. Elle sortit deux tasses, deux cuillères à thé, un pot de sucre, le lait et de la crème, ne sachant trop ce que Keegan prenait dans son café. Elle déposa le tout au centre de la table de cuisine avant de se diriger dans la salle adjacente : le salon. Elle replaça un cadre qui semblait vraisemblablement avoir tombé. Dans ce cadre, une photo d’elle âgée d’environ neuf ans, une médaille à la main, au championnat national de natation de Russie, avec ses parents adoptifs de chaque côté. Elle retourna ensuite dans la cuisine. Puis Keegan complimenta sa maison. « Merci! C’est petit mais chaleureux! » Elle adorait sa petite maison qu’elle considérait maintenant comme son adresse fixe, ayant laissée tomber l’adresse de Russie il y a de cela pratiquement trois ans, à contrecœur. Désormais, elle aimait bien son chez-elle américain. « Tu veux prendre le café au salon ou dans la cuisine? Peu importe. » Le café allait être prêt bientôt.

Avoir été adoptée, Praskovia l’avait toujours sue. Elle avait trois ans et quelques mois lorsqu’elle avait eu une nouvelle famille, et bien que cette époque remonte à très loin, de vagues souvenirs lui effleuraient toujours l’esprit. Elle avait pris ses distances avec sa nouvelle famille au départ, les laissant même se demander si c’était le bon choix de prendre un enfant au lieu d’un bébé. Puis, une fois adaptée à cette nouvelle vie, Praskovia avait changé du tout au tout et s’était mêlée à sa nouvelle famille. Elle les adorait tellement, les remerciant chaque jour de l’avoir prise elle, de l’avoir sorti de cet enfer qu’était sa vie avec sa mère biologique. Ainsi, elle n’avait jamais ressentie de la colère envers ses parents adoptifs. Hors, toute sa rancœur se dirigeait vers sa famille biologique. Refusant d’accepter le fait qu’ils ne voulaient pas d’elle. Certes, sa mère avait dix-sept ans, c’était très jeune pour avoir un enfant – ayant vingt-et-un an présentement et ne se voyant toujours pas élever un enfant – mais c’était fait et Praskovia considérait qu’elle aurait dû vivre avec les conséquences de ses actes. Mais elle avait choisi le chemin facile, elle avait abandonné. Hors, un enfant, ça grandit, ça se rappelle et l’adoption marque à jamais le cœur de cet enfant. Si quelqu’un pouvait comprendre Keegan au sujet de son point de vue envers sa famille biologique, c’était bien Praskovia. « De réapparaître comme si de rien n’était, comme si maintenant ils avaient le droit de faire leur rôle de parents quand tu es déjà à l’âge de la majorité et que tu vis par toi-même. Oui, trop facile. Tu n’as pas à être leur fils, parce qu’en fait, tu ne l’es que techniquement mais selon les papiers et tout, ta vraie mère est celle qui est en France, pas tes parents qui habitent en Amérique. Tu ne leur dois rien. » Praskovia avait tendance à pardonner facilement, mais elle pouvait aussi s’avérer fort rancunière, surtout sur des sujets comme l’adoption. Il y a deux semaines, son avocat lui avait annoncé que sa mère était enceinte d’un autre homme. Praskovia s’était alors demandé comment pouvait-elle accepter avoir un autre enfant quand son premier a été envoyé à l’adoption. Comment pouvait-elle vivre avec ce sentiment d’abandon? Elle savait qu’elle aurait alors un demi-frère ou une demi-sœur d’une mère qui l’avait abandonnée, ne souhaitant pas avoir d’enfants à l’époque. Certes, elle avait trente-huit ans maintenant, mais c’était justement très âgé pour avoir son ‘premier’ enfant. « C’est vrai que c’est bien Montsimpa. Je compte y terminer mes études aussi, ensuite je verrai bien. La Russie me semble un bon choix pour y vivre. Sauf que j’habite à plus de 5 000 kms de Moscou et qu’il y a déjà très peu de maisons d’édition en Russie. Alors seulement l’Europe devra me convenir je crois, si je veux rester dans le domaine littéraire. De toute façon, j’adore l’Europe en général et je ne veux pas travailler en Amérique toute ma vie. » Habitant près de Irkoustk, la jeune femme était décidément très loin de Moscou. La Chine était plus près, de même que le Népal et le Japon. Mais elle ne souhaitait pas travailler dans ces pays et Moscou ne l’attrayait pas au plus haut point. Elle trouverait bien un jour.

« Tu sais, je suis très patiente et quand tu vois à quel point ils sont abandonnés par leur famille respective, je ne peux que vouloir les aider. Ils sont merveilleux. Ils me racontent des histoires de lorsqu’ils étaient jeunes comme moi, ils me racontent leur mariage, leur vie d’adulte. Ils sont fantastiques, vraiment. J’étais comme toi avant de commencer cela. Tu devrais venir avec moi un jour, tu verrais, c’est différent de ce que tu penses. » Très différent même. Certes, certains ont plus de difficultés que d’autres mais ils essaient tellement, c’est ça l’important pour Praskovia. Et le sentiment d’accomplissement en terminant là-bas est immense. Bref, ils entrèrent chez Praskovia et celle-ci se mit à faire le café. Quelques minutes plus tard, il était près. Elle en versa dans chaque tasse et les posa sur la table de la cuisine près du sucre, du lait et de la crème, laissant Keegan se servir pour ce qu’il y mettait. Pour sa part, elle n’y mit que du lait. « Alors allons dans le salon, c’est nettement plus confortable qu’une chaise de cuisine! » Praskovia rangea le sucre, le lait et la crème après que Keegan se soit servi puis se dirigea vers le salon où elle s’asseya sur le divan, laissant le fauteuil à Keegan. Elle déposa sa tasse sur la petite table qui faisait le coin de la pièce. Le salon était une petite pièce, peinte en beige, ayant une télévision au mur, un piano dans un coin, sa guitare à côté, un divan et un fauteuil ainsi que plusieurs cadres à photos un peu partout. Sur son piano étaient apposées les partitions pour la chanson russe : Korobeiniki (inscrite en russe : Коробе́йники). Praskovia était présentement en train de l’apprendre ces derniers temps, gardant sa culture russe malgré sa vie américaine.