Comme il en était coutume chaque soir depuis que je vivais le bonheur d'être libre de toutes autorités parentales, je venais de sortir prendre l'air, alors qu'il était au moins vingt-deux heures tapantes. Habillée un peu trop légèrement, j'avançais dans le froid de la nuit déjà tombée, en l'attente d'un signe, d'une lumière, d'une musique ou bien d'un individu, qui me mènerait probablement vers ce qui serait mon occupation nocturne d'aujourd'hui. Pour l'instant, le moins que l'on puisse dire, et que les propositions se faisaient minces, mais du genre, vraiment minces. Enfin, pour éviter de les dire inexistantes. En général je marche comme ça, je fonctionne comme ça. Je sors sans but, sans idée, et c'est le but qui vient à moi. C'est d'autant plus...palpitant, si je puis dire. Ainsi je marchais et accourais les rues de Montsimpa, en cette fraiche soirée d'hiver lorsque, brutalement, je stoppais ma marche, posant mon derrière sur un pauvre banc garé sous un abri de bus griffonné de tous côtés. J'observais les quelques mots gravés, et tandis que mon regard se rabaissait vers la chaussée, je vis, de l'autre côté de la route, quelques personnes que je ne voulais vraiment, vraiment pas croiser. « Doux Jésus ! » Je me levais d'un bond discret et me mis alors à chercher du regard où j'allais bien pouvoir m'éclipser avant que ces énergumènes ne remarquent ma présence. J'en oubliais presque la température. Puis, un frisson me vint au même instant où je visualisais une salle bondée de monde. Suffisamment pour que l'on ne me retrouve pas, ou pas sans mal au moins. J'accélérais ma marche et profitais de l'entrée d'un homme plutôt grand et fin pour avancer dans la salle. A l'intérieur, je frottais mes bras, encore gelée puis, je levais le nez pour remarquer que je me trouvais dans une sorte de musée, ou de...galerie ! Voilà, une galerie. L'art, hors-mis celui de la musique, n'était pas mon plus fidèle allié, je dois l'avouer. Et je n'étais alors pas surprise de ne pas être au courant de la présence de cette galerie dans la ville. Tout du moins, je prenais le temps d'en apprécier l'exposition. Ce que je voyais n'était pas toujours désagréable, si ce n'est quelques uns des vulgaires tableaux disposés à l'entrée et qui ne ressemblaient pas tant que ça à quelque chose. Je bloquais d'ailleurs sur une peinture qui m'était plutôt extraordinaire, de l'art abstrait, ce devait être ça. A moins que je ne sache pas traduire les intentions de l'artiste, ce qui pourrait être fort probable également. « Vous avez une idée du prix que peut tenir ce tableau, franchement ? » J'avais comme l'impression d'être seule, ou au mieux de converser seule. Je n'avais l'air que d'un écho et c'était comme si ma voix résonnait alors que personne autour de moi ne prenait la peine de me répondre. En même temps, les gens qui traînaient ici n'étaient certainement pas issus du même milieu que moi. Je veux dire, ils avaient tous l'air de gens très bien sous tous points, et surtout au sujet du porte-monnaie...enfin, ne m'avait-on jamais appris à ne jamais juger les gens par leur image ? « Il n'empêche que cette chose est loin d'être ridicule. » lançais-je, en parlant du tableau, inévitablement. Je me permettais des commentaires à voix haute, de toutes façons, ce n'était pas comme si les gens prenaient la peine de ne pas m'écouter. J'avançais de nouveau au travers de la galerie, observant quelques unes des autres oeuvres exposées, bavant sur le travail de certains et m'effondrant en nausées sous le travail d'autres. Tout ça avant de me tourner, d'un tour complet, et de jeter un regard aux individus nouveaux ou non qui m'entouraient. Une jeune femme, certainement dans mes âges, se trouvait quelques pas plus loin. Elle tenait deux verres en mains, deux verres qui m'avait tout l'air de coupes de champagne. Etant donné le lieu et les circonstances, je m'imaginais déjà que ce champagne ne pouvait être autrement que bon, ce pourquoi j'avançais jusqu'à elle. Sans gênes, je lui tirais un des verres des mains, ne manquant pas de lui sourire avant de prononcer quelques mots. « Vous n'avez sans doutes pas besoin du deuxième, je vous en débarrasse donc, ce serait bête que vous restiez encombrée. » Je terminais ma phrase en amenant la coupe à mes lèvres, et j'avais raison. Ce champagne était bon, au moins ça. « Non, franchement, ne me remercier pas, ce n'est rien. » Inconsciemment je me rendis compte que je pouvais avoir vraiment l'air détestable parfois.