Vingt-et-une heure et comme pratiquement toujours, le bar est bondé. C'est ça d'habiter dans une ville qui n'a qu'en tout et pour tout un seul et misérable bar fréquentable, si seulement on peut appeler ce bar "fréquentable". Je suppose qu'Ana n'est pas encore arrivée. Je suis censé la retrouver ici, elle devrait arriver d'un instant à l'autre. Je ne me fatigue pas à trouver une table, je préfère plutôt aller commander les boissons. Après tout, si Ana arrive entre temps, je suis sûr qu'elle s'occupera de nous dégoter une place, avec ses beaux yeux et son corps de rêve, je suis sûre qu'elle pourrait persuader ces idiots en veste noirs et chemisier blanc de faire à peu près n'importe quoi. L'attente est insupportable mais finalement, j'arrive à ce que le serveur soit concentré sur ce que je suis en train de lui dire. Je sais ce qu'Ana commande la plupart du temps, je passe tellement de temps avec elle en ce moment que c'est comme gravé dans ma tête. Je passe une bonne dizaine de minutes à répéter ma commande pourtant simple, à maudir ce serveur qui ne comprend pas un mot de ce que je raconte à cause du bruit - et qui sans doute aimerait être ailleurs lui aussi, assez pour ne pas porter plus d'attention que cela à ma commande. Finalement, après une trentaine de répétitions, j'obtiens enfin ce que je demande et pars cette fois à la recherche d'une table, deux verres en équilibre dans la main : mission qui s'avère des plus compliquées quand on est déjà pas foutu de mettre un pied devant l'autre sans trébucher sur son lacet défait. Et pourtant, par je ne sais quel mirable, j'y arrive, je m'approche des tables afin de trouver deux places vides, quand mon regard se pose finalement sur la belle demoiselle. Je m'approche de la table qu'elle a trouvé, je pose les deux verres sur la table comme si ma vie en dépendait et m'approche d'elle pour lui déposer un baiser sur la joue en guise de bonsoir. Enfin, je m'installe à ses côtés. « Est-ce que tu as trouvé les places facilement ? »

Les shooting, c'est terrible. Je suis fatiguée même si je ne me plains jamais. Mais j'ai mes limites. Je ne suis qu'un être humain après tout. Heureusement que j'avais rendez-vous avec Sonny ce soir parce que je serai bien rentrée me coucher moi. Mon lit m'appelle. Je l'entends de loin. Mais non. J'étais sur le plateau depuis des heures et lasse, je décidai de la fin de la séance. Faut pas déconner, mec mais je suis attendue. Je pris donc mon trench, mes longs cheveux châtain clair flottant derrière moi au loin. Puis, une fois devant le bar, j'entrai avant de voir que comme à son habitude, il était blindé. Je soupirai avant de me diriger vers une table au hasard, mettant en avant mes généreux atouts comme toujours et lancer un sourire charmeur aux gars qui semblaient en grande discussion. « Je sors d'une longue journée. Est-ce que je pourrais avoir votre table s'il vous plaiiiit ? Je suis fatiguéééée. » Les gars restèrent sans rien dire un moment, obnubilés par mes seins et je claquai des doigts. Puis, ils acquiescèrent avant de partir au loin et je souriais avant de me glisser sur la banquette pour remettre une mèche en place. Puis, j'allais regarder mes messages quand Sonny arriva, tout sourire comme à son habitude. « Hey mon chaton. » Je me levai pour l'embrasser chaleureusement sur les joues et me détachai pour me remettre à ma place initiale et lui lancer un sourire charmeur. « Ouais, assez facilement. J'ai de bons arguments. Merci pour le verre, chaton. » Puis, je bordai le verre à mes lèvres avant de boire une gorgée et me remettre dans le fond du siège. « Alors quoi de neuuuf ? » Je lui souris avant de regarder autour pour m'intéresser de nouveau à mon ami.

« Hey mon chaton. » Je souris à l'écoute de ce petit surnom qu'Ana à l'habitude de me donner. Je ne sais pas si c'est à moi particulièrement, mais l'entendre parler comme ça me replonge à chaque fois quelques années en arrière, quand je devais rendre visite à mon père. Je crois que dans le milieu, ils ont comme un tout autre langage, ou bien peut-être qu'ils traînent avec trop de canons à longueur de journée pour pouvoir retenir tous les noms. La voir était peut-être le seul soulagement de la journée. Les journées n'étaient plus aussi faciles qu'avant depuis que Pepper était de retour en ville, encore moins parce qu'elle vivait pour ainsi dire dans mon appartement. Sur mon canapé, en fait, alors je la croisais tout le temps. Et c'était bien ça qui était insupportable, en partie parce que je crois que même pendant nos plus violentes disputes, aucunes n'avaient été aussi gênantes que nos plus récentes conversations. « Ouais, assez facilement. J'ai de bons arguments. Merci pour le verre, chaton. » Je lui accordais un signe de tête, une sorte de "c'est normal, t'en fais pas pour ça, ce soir c'est moi qui régale", mais je ne pouvais pas m'empêcher de rire à sa remarque. « C'est vrai. Je ne vois pas pourquoi je demande, je sais bien que personne ne te résiste. » Sourire chaleureux. Si je pouvais le dire, c'était bien parce que j'en avais été témoin de nombreuses fois. C'est vrai, qui pourrait bien dire non à un mannequin ? Faudrait carrément être taré. Ou être gay. Ou bien les deux, qui sait. C'était encore plus vrai pour Ana. « Alors quoi de neuuuf ? » Le genre de question auquel je n'ai jamais rien à répondre. Comme d'habitude, j'essaie de contourner la question discrètement. « Pas grand chose, tu sais. Quoi que si, tu sais quoi ? L'autre jour, au boulot, je suis tombé dans la benne. J'ai dû attendre que le camion soit arrivé pour qu'on m'aide à en descendre. T'aurais dû voir ça, c'était quelque chose ! » Je grimace intérieurement. Je me demande souvent comment une fille comme elle peut traîner avec un mec comme moi. Mais bon, fini de s’apitoyer sur son sort. « Et toi, où t'étais passée ? J'ai l'impression que ça fait une éternité. »

Désoléééééééée du retard, vraiment, je suis débordée ces temps-ci

« Quelques personnes me résistent. Tu le fais bien toi. » Mes lèvres se tordent en un sourire. « Touché. » En y réfléchissant, je n'ai jamais pensé à Ana comme plus qu'une amie. C'est vrai, elle était magnifique. Bien trop pour moi. Et même si c'était peut-être le genre de couple que l'on voyait à la télé, dans les films, mais en réalité, ça sonnait nettement moins bien. C'était plutôt comme la princesse qui trainait derrière elle sa citrouille, en attendant le véritable prince charmant. Ana était parfaite, c'était peut-être justement ça le problème. Il était vrai qu'Ana ait fait une ou deux allusions à l'occasion, mais je n'avais jamais pris ses paroles au sérieux. Parce que la simple vision d'Ana et moi, la possibilité de ce qu'on pourrait être relèverait carrément du rêve, de l'impossible même. C'est pour ça que je ne m'aventure jamais là où elle pose parfois dangereusement les pieds : Ana est une amie, une des meilleures, autant ne pas perdre ça de vue. Et c'était déjà bien suffisant. « On dit que le shampoing aux ordures est la nouvelle tendance. Je sais maintenant qui l'a lancé. » Je ris doucement. C'est dans ces moments que je comprends pourquoi nous sommes amis elle et moi. Parce qu'elle ne me fait pas sentir complètement ridicule, même quand je suis à côté de la plaque. « On devrait faire un duo, tu ne penses pas ? Je suis sûr qu'on ferait fortune avec ce truc. » C'était plutôt une idée intéressante, quand on y pensait. J'étais certain qu'elle méritait qu'on se penche dessus. Qui sait, peut-être qu'avec la notoriété d'Ana, et ma toute nouvelle invention, on réussirait à me faire entrer moi aussi dans le monde du show-business. Enfin, si ce n'était pas pour devenir l'éboueur le plus sympa de Montsimpa, cela n'avait pas grand intérêt. Sauf peut-être passer un peu plus de temps avec mon amie, car c'était vraiment quelque chose qui nous manquait, à tous les deux. « Beh la nouvelle collection arrive donc on se doit de bosser, bosser, bosser. Mais ce n'est pas intéressant. Et tes histoires de cœur, comment ça va là-dedans ? » Ma mine s'assombrit à la question de la belle, et pourtant j’essayais de ne pas paraître de moins bonne humeur. Je ne voulais pas commencer à étaler toutes mes histoires ici, au beau milieu d'un bar, surtout que c'était sûrement la dernière chose qu'elle avait envie d'entendre. « Parlons plutôt de toi. Quel est le dernier de tes prétendants ? » Effleurant son avant-bras du doigt, j'espérais recentrer l'attention sur elle, ne serait-ce que quelques minutes, histoire d'éviter l'affaire Pepper le plus longtemps possible.

pervers snoopy sur ton gif

« Il semblerait que la princesse soit en panne de prince charmant cette fois-ci. Et c'est mieux comme ça. Tout ce que je touche, ou ce que j'entreprends se retrouve détruit et je suis bien contente que tu sois mon ami. Au moins, je sais que je ne te ferai jamais de mal. » Je grimace, secoue la tête vigoureusement. Je l'adore, mais ce qu'elle peut raconter comme connerie parfois. « Ana... » Je souffle doucement. J'attrape ses mains que je serre dans les miennes. « Qu'est-ce que tu racontes ? Regarde-toi, t'es certainement la plus belle, la plus intelligente des femmes de ce bar. Tu n'as qu'à tourner la tête vers tous ces mecs qui te dévisagent et te baisser pour en choisir un. Si je te laissais rien qu'une seconde, ils se précipiteraient tous pour te faire la conversation. » D'un geste je désigne toutes les tables alentours, tous ces gens qui nous fixent, enfin, qui fixent Ana plus particulièrement. C'est fou tout l'effet qu'elle peut avoir sur les hommes. Je ne m'en étais jamais vraiment rendu compte jusqu'à aujourd'hui. C'est vrai, Ana est belle, elle est intelligente. Je me demande pourquoi les hommes ne voient pas cet autre côté chez elle. Elle a tout pour elle. Pourquoi n'est-elle déjà pas mariée, avec une tripotée de bambins dans une grande maison, avec un homme qui le comblerait ? Elle mérite bien ça. Je souris doucement, pour la réconforter. J'aimerai savoir quoi dire sans passer pour le dernier des abrutis, seulement si j'en étais seulement capable, on le saurait depuis bien longtemps déjà. « Est-ce qu'on pourrait parler d'autres choses ? Comment se sont passées tes fêtes ? Ton nouvel an ? Raconte moi tout, même le goût de la dinde aux marrons. » « C'était pas très joyeux... » Je soupire, je sais que ce que je m'apprête à lui dire ne va certainement pas lui plaire. Mais puisqu'elle désire changer de sujet, voilà de quoi penser à autre chose pendant les prochaines minutes. « Pepper est revenue. » Je glisse un regard vers elle, appréhendant sa réaction.