Bosser dans un casino, c'était genre, crevant. Il y avait des bons et des mauvais côtés. Les bons, le patron était sympa, les filles qui venaient jouer étaient souvent blondes et à la limite de la barbissitude -quand ce n'était pas des vieilles mamies bourrées de frics- et la paye était bonne, ce qui me permettait sans grande peine de payer mes études, en plus de l'argent de papa/maman. Les mauvais côtés, les horaires. Etant étudiant en parallèle, je ne pouvais venir bosser que le soir et, même si l'ambiance est meilleure la nuit, je rentrai chez moi mort, comme si j'avais couru un marathon toute la journée. Il fallait avouer aussi que je rentrai chez moi rarement clean. Un petit verre par-ci, par-là, genre quand un client part sans terminer son verre ... Ça aide à finir la soirée sans bailler. Si le patron était au courant ? Aucune idée, de toute façon, les conso' sont payées, non ?
▬ dites, vous n'auriez pas une minute, jeune homme ? me glissa à l'oreille une femme derrière moi. ma pièce est coincée dans une machine à sous et il m'est impossible de la retirer !
Je soupirai discrètement en me retournant vers la voix que je venais d'entendre et qui s'avéra être celle d'une vieille ridée qui me regardait d'un air plus que hautain. Je tentai un sourire hypocrite et suivi la dame jusqu'à cette fameuse machine à sous qui clignotait, signal d'un dysfonctionnement. Super, c'était ma veine. Et la jolie jeune fille en train d'astiquer le manche de la machine d'à côté, elle ne pouvait pas avoir un problème, elle aussi ? Ça m'aurait arrangé.
J'enfilai ma main dans la poche de mon pantalon et en ressorti une petite clef bien spéciale avec un en-bout en forme de trapèze. Je tâtai ensuite de la main sur le côté de la machine, jusqu'à sentir le petit trou dans lequel j'allais insérer la clef. Une fois fait, je tournai d'un coup sec et l'endroit dans lequel on mettait les pièces s'ouvrit, laissant apparaître le fameux centime qui bloquait la machine. Je le retirai rapidement puis le tendis à la vieille dame en hochant la tête.
▬ voilà, c'était cette vilaine pièce qui bloquait le système, lui dis-je en prenant bien soin d'articuler car mon expérience m'avait appris que les vieux n'entendaient pas toujours très correctement.
Et avant même qu'elle ait eu le temps de répondre, je filai en direction des "coulisses". Un simple regard d'une demi-seconde vers ma montre m'avait permis de remarquer que c'était l'heure de ma pause et je savais qu'un magnifique sandwich au rosbif, avec double ration de mayonnaise, m'attendait dans mon casier.