« Tiens.» Mir releva la tête, se désintéressant de son livre et sa tartine de fraise. Il fixa la petite enveloppe que son paternel venait de poser sur la table alors que l'homme d'affaires s'installait en face de lui, un café dans une main, le journal dans l'autre. « Qu'est-ce que c'est ?» questionna-t-il. Il était rare que son père lui offre quelque chose. Il était le genre d'homme qui dénigrait les petits cadeaux hors jours spéciaux. Selon lui, il n'avait pas besoin d'offrir un objet pour prouver qu'il aimait sa famille. Mais il ne montrait pas non plus de réels gestes d'affection. Mr Cormack était de nature silencieuse et taciturne, parlant très peu. Au contraire de son épouse, qui, toujours enjouée, n'hésitait pas une seule seconde à lancer des "je t'aime" à tout va. « Des entrées pour une exposition en ville. J'ai pensé que tu aimerais y aller. Tu n'as qu'à inviter un de tes camarades ou embarquer ta mère.» Mir acquiesça silencieusement, souriant en signe de remerciement. Quelques minutes plus tard, Mrs Cormack descendait, un sourire ravi sur les lèvres. Comme à son habitude, elle rayonnait. Elle colla un baiser bruyant sur la joue de son fils et un sur le crâne de son mari.

Mir fixait le tableau en face de lui. On aurait pu aisément croire qu'il s'y intéressait et pourtant la majeur partie de ses pensées virevoltaient à des années lumières. Sa mère l'avait abandonné à l'entrée du musée, partant vaquer à ses propres occupations, laissant son fils seul. Et Mir s'était promené à travers les différentes galeries, s'arrêtant de temps à autre devant une oeuvre. Il appréciait l'art. Mais pas de la même façon qu'un type qui vous analyserait un tableau, critiquant et appréciant. En fait, le jeune homme était incapable de débattre. Il aimait ou n'aimait pas, point. Il se fichait des significations cachées. Certes pour un étudiant en histoire de l'art, c'était somme toute anormal. Mais Mir n'avait jamais été très objectif ou doué dans cette matière. Il l'avait choisi juste parce qu'il n'avait pas souhaité se lancer dans quelque chose de compliqué. Et aussi pour faire plaisir à ses parents. Soufflant discrètement, il se remit à marcher, balayant la salle du regard. Ses yeux noisette se figèrent sur une silhouette non loin de lui. Il la connaissait. Il en était sûr. Durant quelques secondes, il fixa la jeune femme, essayant de se remémorer son prénom. Prénom qui ne lui vint pas à l'esprit. Non pas parce qu'il l'avait oublié, juste parce qu'il ne le connaissait pas. L'inconnue du parc. Un sourire naquit sur ses lèvres à son souvenir. Cela faisait tellement longtemps qu'il ne l'avait pas vu dormir sur les bancs du parc. Mu par instinct, il s'approcha de la jeune femme et s'installa à ses côtés, silencieux. Elle semblait complètement plongée dans ses pensées, ou peut-être subjuguée par le tableau en face d'elle ? « Je suis ravi de vous revoir ailleurs que sur un banc. » Il esquissa un petit sourire. « Cela fait un moment que vous ne venez plus. Je vous ai attendu pour les leçons de vélo.»