«
Fils de pute ! »
bordel. J'ai mal. Où suis-je ? C'est la bonne question ? Qu'est-ce que je fais ? Trop de questions. Je perds le fil de mes pensées. Je perds le fil de moi-même. Les choses vont trop vite pour moi. J'suis défoncé, vous voyez ? Pas moi. Je crois que mon poing est parti dans la gueule de ce mec. Il s'écrase la gueule sur les briques de la petite ruelle dans laquelle on était en train de se peloter. J'ai mal au poing. J'ai frappé trop fort. J'ai son sang sur mes mains.
Putain. Je l'ai chopé par le col et lui en ai refoutu une. Je ne me suis plus arrêté. J'ai frappé. Frappé. Encore frappé jusqu'à en avoir les membre douloureux. Je suis lourd. Ma tête trop légère. Je plane. Ma main au mur. J'essuie mon visage, j'ai un truc poisseux sur la gueule.
Merde. Son sang. J'ouvre les yeux. Il est encore là. Bien sage. Le regard pétrifié de terreur braqué sur son assassin. Etait-ce seulement moi ? «
Putain d'merde. » Je marmonne. Faut que je dégage mais j'ai oublié comment fonctionnent mes jambes. J'ai une putain de trique dans le falsard. Faut que j'dégage.
Vite. Plus vite putain. J'suis couvert de sang. Bordel. Faut que j'décampe. Les filcs vont arriver. Je crois que j'arrive à courir. Courir pour aller où ? Une voiture m'effleure, je change de direction. J'veux pas me retrouver chez eux. J'peux pas m'imaginer me branler sur mes souvenirs jusqu'à la fin d'mes jours. «
Fils de pute ! » Ça revient en boucle dans ma tête.
Putain. Il me suit ? Je ne sais pas, je sais plus. Il semblait mort. Il ne bougeait plus. J'ai froid, à l'intérieur, mais je brûle à l'extérieur. Putain de coke. Faudrait que j'arrête de boire, aussi.
Deux heures vingt-sept du matin. C'est pas possible putain. J'me suis endormi à vingt. Je jette un coup d'oeil à la date. Vendredi. Quand j'me suis endormi il était mercredi. Putain d'sa mère. Ca fait deux jours que j'ai la gueule en vrac, étalé comme une merde dans mon lit. Faut que j'bouge, mais tout d'abord il faut que j'apprenne de nouveau à me servir de mon corps. Il faut que je dicte les ordres à mon système nerveux, à mes muscles, à mes articulations. Trop d'informations. Prochaine étape, le mur. Ca fait mal à la gueule. Mais tout retombe soudainement. J'me sens d'un seul coup étrangement lucide. Je vais prendre une douche, j'y reste bien une bonne heure. J'ai besoin de fraîcheur, j'ai besoin de me restaurer. La maigreur me saute aux yeux quand je me regarde dans le miroir. Les yeux vides. J'aurais pu en effrayer plusieurs comme ça. D'autres trouvent ça sexy. Moi, j'trouve ça
normal.
Je pousse la porte de ce foutu bar. Il caille dehors, mais je ne sens rien. C'est en regardant les quelques passants emmitouflés dans leurs écharpes et leurs manteaux que j'ai estimé qu'il devait faire assez froid. J'étais vêtu d'un sweet à capuche, et d'un jean baggy descendant un tantinet sur mes hanches. J'avais le même style depuis que j'avais seize piges. A quoi bon changer, c'est à cette époque que j'me suis fais mes premiers bons coups. Personne ne me regarde. Je ne regarde personne. L'équilibre parfait. Et pourtant, comme on dit l'exception confirme la règle. Quand je relève le regard, c'est pour croiser le tiens. Tu m'observais déjà, visiblement. Je souris imperceptiblement, venant m'asseoir près de toi, sans pour autant ôter ma capuche. M'aurais-tu reconnu ?
► DRUG c'est carrément trop pourrave, j'suis désolée 
