Il était là, en face de moi. Après tant de temps à le chercher, je pouvais enfin le voir de mes propres yeux. Je ne pouvais pas y croire, et pourtant, c'était vrai. Même si cinq années dans une vie, cela paraît insignifiant, pour moi, tout ce temps sans lui, j'avais l'impression que cela avait duré bien plus que ça. Il était à l'accueil comme réceptionniste d'un hôtel. Heureusement, je n'avais pas besoin d'entrer pour l'apercevoir. C'est pour cette raison précise qu'il ne sait pas que je l'observais. [...] Sur le moment, je cherchais en quoi il aurait changé. Difficile de savoir ça de là où j'étais. Je comptais appeler Slevin pour lui annoncer que nos recherches avaient portées ses fruits, enfin, surtout les siennes, car j'avais l'impression que je n'avais servie à rien – pourtant, je suis quelqu'un de débrouillard. Grâce à ma vie à New-York, j'avais réussi à m'en sortir toute seule, à devenir autonome, d'où ce besoin constant à présent d'être seule. Je n'arrêtais pas de me demander s'il m'avait cherché. Je n'avais pas osé le demander à notre père. Il fallait dire que notre discussion avait été très courte, il m'avait juste dit la ville où il se trouvait mais pour ce qui était de savoir ce qu'il faisait, quelle était son adresse et toutes ces informations vraiment utiles pour revoir quelqu'un, je ne les avais pas demandées. Même si je mourrais d'envie de traverser cette rue et d'entrer dans cet hôtel pour qu'on puisse enfin faire nos retrouvailles comme dans les comédies dont on nous bourre la tête, j'étais pétrifiée. J'avais peur qu'il ne soit pas heureux de me voir de nouveau, qu'il soit en colère contre moi pour être partie avec un mot sans aucune émotion. Pourtant, je regrettais ce que j'avais fait. J'avais commis une grosse erreur en partant de chez nous – enfin, sur le plan émotionnel. Je savais que j'avais fait le bon choix car, d'un côté, grâce à cette séparation, j'ai appris à me forger un vrai caractère, même si auparavant j'en avais déjà un, sauf qu'avant, j'étais effacée, alors que maintenant, j'ai la volonté de m'imposer dans ce monde. J'avais toute ma journée pour le regarder travailler à son insu, car, aujourd'hui, je ne devais faire que la météo du soir. Mais je savais que c'était malsain de continuer à l'observer sans rien faire, et surtout risqué. Je m'en allai alors, me perdant dans la foule. Je n'étais pas prête, même si je le voulais tellement. J'allai prendre un café puis partit prendre ma voiture qui se trouvait au bout de la rue. C'est alors que je vis que Micah n'était plus à côté du téléphone qu'il était supposé décrocher, et que quelqu'un l'avait remplacé.

Rue du monde. Mon dieu, mais comment avais-je pu ne pas le voir alors que nous étions si proches ? Bon, nous habitions à quelques rues de différences, certes, mais nous vivions dans le même quartier ! Je regardais le papier, en me persuadant que c'était lui qui tremblait et non ma main. J'hésitai à faire demi-tour. Je savais que je n'étais pas prête, mais après tout ce que j'avais fait, il fallait que je le fasse. Et puis, si j'attendais d'être prête, dans dix ans, on y serait encore. Je m'avançai alors vers sa maison puis sonnai à la porte. Je baissai la tête, attendant que l'on ouvre. Je sentais mon cœur battre de plus en plus vite. J'avais si peur, alors que je venais voir la personne avec qui j'étais la plus proche. Mes pieds avaient une folle envie de s'en courir loin d'ici. Pourquoi avais-je décidé de venir ici, encore ? Quelqu'un ouvrit alors à la porte, me faisant relever la tête instinctivement.