Perdition. Tout se résume à ça depuis que Cooper a franchi le seuil de la maison que t'occupes. Ou que t'occupais, dans pas très longtemps. Parce que ça m'étonnerait qu'on continue à te laisser vivre avec deux inconnus alors que t'es toi, alors que tu ne vas plus au Hogan qu'un jour sur trois, quand l'envie t'en prends, quand les cernes ne se distinguent pas trop de la gueule de bois qui t'envahit chaque matin. Il l'a franchit pour ne plus jamais revenir. Et toi t'es là, derrière, à attendre. A attendre quoi ? Il ne reviendra pas. A cause de toi. A cause de toi et de ta stupidité sans égale. Pauvre fille. Regarde-toi. T'es plus que l'ombre de toi-même. Réduite à l'une de ces filles qui ne peuvent pas vivre sans amour. Rongée par la solitude et le dégoût. Même le miroir refuse de te renvoyer ton image. Pourquoi tenter de cacher ce qui saute aux yeux ? Plus personne ne veut de toi, et ça tombe bien, parce que tu ne veux plus de personne. Alors pour une fois tu ne vis que pour toi, sans te soucier des autres, sans même te demander ce qu'ils doivent penser de toi. Et putain, c'est libérateur. Euphorique. Tu te sentirais presque voler. Et tu sais ce qui est pire ? C'est que t'es même pas désolée. Ca te fait un bien fou de ne plus penser qu'à ta gueule et t'as même pas envie de t'excuser pour être seulement toi-même. Alors tant pis. Qu'ils parlent, qu'ils pensent, qu'ils jugent. Tout ça te passe désormais bien au dessus de la tête. Tu ressasses jusqu'à en avoir marre et tu décides de sortir de ton trou. Voir du monde, ça te fera pas de mal. Tu te diriges au seul bar que tu connaisses en ville, mis à part celui où tu travailles et tu t'amuses. Un verre, deux et puis trois. Le monde est à toi. « Chéri, c'est qui cette fille ? » Tu accostes le premier type qui te tombe sous la main, en belle compagnie. La main sur la cuisse de sa future-désolée-c'est-raté-presque conquête, l'homme t'a tout l'air d'un champion. Tu rentres dans ton rôle, passant ton bras sur l'épaule du grand gagnant et tu réalises que tu ferais une putain d'actrice. « Je croyais que tu m'aimais ? » Tu te stoppes quelques secondes seulement, le temps de prendre une grande inspiration et de mimer quelques larmes. « Et... Et notre bébé ? » Tu passes une main sur ton ventre vide en hoquetant, juste de quoi faire fuir la victime. Tu pivotes jusqu'à lui faire face, pour découvrir une tête qui ne t'es pas inconnue. Tant mieux, la soirée n'en sera que d'autant plus amusante. L'alcool ou le temps, je ne sais pas, t'empêchent de pouvoir nommer ce visage sur l'instant et ça ne t'importe même pas. Un connard comme un autre. Tu prends place sur le siège de cette fille que tu viens de sauver des griffes de ce probable enfoiré, tout sourire. Tu n'en as pas encore fini avec lui. « Plutôt étrange de ta part de ne pas te trouver avec une pauvre fille pendue à chaque bras. » Tu ironises comme si c'était ce que tu avais toujours fait, oubliant déjà que tu étais la seule responsable de sa soudaine solitude. « Mais puisque tu sembles seul et que je le suis aussi, tu m'offres un verre ? » Le défi brûle tes pupilles alors que tu tentes le tout pour le tout. Tu ne t'attends pas vraiment à quelque chose en particulier. Alors tu te contentes de détruire, la seule chose que tu saches faire, de toute façon.