Les courses. Une vraie corvée que je me passerais bien de faire. Chaque semaine, même chose : cadis poisseux à pousser, dépenses conséquentes, tout ça à cause des deux pots Hagen Daz Cookie Daugh chip et piétinement sur le même carré de sol pendant une heure parce que mamie a décidé de faire ses courses le même jour, mais avec un charriot six fois plus remplies. Une perte de temps à mon gout, surtout pour moi quand on voyait le courage surhumain que je pouvais avoir chaque soir pour me cuisiner de bons petits plats équilibrés –ironie bien sûr-. Nan, moi c’était plutôt, Café le matin, Macdonald le midi et pizza livrée le soir. Point final. Pas de temps inutilement gaspillé dans la pièce qui me servait de cuisine. C’était plus le dada de Zoey, ça ! Pas le mien en tout cas. Bref ! Malgré mon aversion pour le fait de remplir un cadi, cette semaine je devais m’y coller, Zoey étant parti en Week end, à Venise pour voir notre chère mère –oh Joie !- et que le frigo commençait à se faire vide.

A l’aveuglette, j’attrapais au hasard les paquets dans les rayons. Sans même prendre le temps de m’arrêter pour comparer les prix ou encore les marques, je trépassais entre les produits comme un robot, n’ayant qu’un but : terminer au plus vite cette tâche. De plus, Desperate Houswives n’allait pas tarder à commencer sur la Fox ; il n’était donc pas question de rater cela. Arrivé au rayon boissons, je tentai de soulever tant bien que mal un pack d’eau qui me fit perdre l’équilibre. Je m’accrochai alors instinctivement, à la première chose non loin de moi. « Oh vraiment désolé, pas fait exprès ! Simplement que faire ses courses en boots compensées, faut dire, c’est vraiment pas l’idéal » je débitais ma phrase sans prendre la peine de lever la tête, trop occupée à lancer des éclairs aux fautives chaussures. « MERDE ! C’est pas possible ! » J’avais enfin daigné jeter un regard sur le visage du jeune brun qui m’avait servi d’appui pour éviter de finir par terre les quatre fers en l’air. Sauf que cet homme je le connaissais bien, très bien même. Il était impossible que je puisse le confondre même après des années où je n’avais pu admirer ses traits virils. Quentin Vantini. Première histoire sérieuse, premier amour, premier fois, première rupture douloureuse. Première et unique -enchanté !-. Mon insupportable tic de me mordre la lèvre quand je ne contrôlais pas la situation réapparut derechef et je tirai sur la manche de mon pull pour faire disparaitre la vue de mon tatouage sur mon poignet. « Salut ! » lançais-je, un sourire forcé contractant une moue affreuse. Les seuls mots que j’ai pu répondre après que tous ses souvenirs délicieux mais destructeur me reviennent en tête. *Arrêtes de sourire comme une conne Lois, putain !*

Plus chieur, ça ne pouvait exister, vraiment. J’avais en quelque sorte, oublié, à quel point ce mec pouvait être orgueilleux et borné. Malheureusement pour lui, il avait oublié qu’il avait aussi à faire à la plus grande emmerdeuse et têtue d’Italie. Ce n’était pas dans mon caractère de lâcher prise, d’abandonner à la moindre petite difficulté. J’aimais les défis et Quentin en avait toujours été un. Le plus grand d’ailleurs que je n’avais pu réussir à affronter. J’avais dû prendre mes jambes à mon cou quand je sentais cette faiblesse en moi grandir, ces sentiments naissants qui commençaient à prendre un peu trop de place en moi ; choses que je ne pouvais laisser s’installer au risque d’être brisée. Choses que donc, n’avait pu comprendre Quentin au vu qu’il n’avait pas voulu entendre aucune explication de ma part. Il m’était insupportable de le voir m’ignorer ainsi et même si je jouais les fières, je sentais des picots un peu partout. Franchement on avait quand même grandis ensemble, et avant toutes ses histoires de sentiments, nous étions amis. L’avait-il perdu de vue, ça aussi ? « Nan mais t’es sérieux là. Tu vas m’ignorer comme si je n’existais pas ; sans même m’adresser un mot… » « Et bien pourquoi pas hein ? » Je gardais cet air amusé même si ces gamineries commençaient à me fatiguer. « Eh bien au moins tu parles, ravie ! » Je le suivais dans la file, tentant de me faire un place avec mon cadi rempli. « Allez Vantini, je te pensais moins rancunier que ça ! » « Et bien c'est que tu ne me connais pas alors.. » Je ne pouvais rester de marbre plus longtemps, mon franc parlé ne se fit pas attendre. « Tu te fous de moi ! Je te connais mieux que personne d’autre alors arrêtes un peu tes conneries bordel ! T’es vraiment chiant à la fin. Sérieusement, ça va faire, au moins cinq ans que je ne t’ai pas vu, tu vas pas rester sur cette histoire… » « Pour moi tu n'as pas changé, tu es toujours la même garce ... » Je le regardais amèrement. Sa froideur n’étant pas une facette que je connaissais. Il était d’une méchanceté à en faire pâlir. « Eh bien faut dire que t’as bien changé ! Peut-être que je ne te connais plus si bien que ça pour finir… » Je ne daignais plus lui adresser un regard, vexée de cet air hautain et snob, me jugeant sur le passé alors qu’il n’avait même pas ma version du pourquoi je l’avais quitté. J'abandonnais donc, le laissant gagner ; chose rare pour moi de baisser les bras aussi facilement, mais c’était comme parler à un mur -sauf que celui ci vous renvoyez des pics à chaque reprise-. Je restais tout de même dans la file, afin de passer enfin à la caisse et pouvoir sortir du supermarché. Je sifflai tout de même dans mes dents « Pauvre con.. » et dire que j’étais prête à lui fournir enfin une explication claire avec des sincères excuses.. Eh bien il peut désormais se les foutre où je pense.

J’avais fait l’effort. Moi aussi, j’aurais pu jouer la fille hautaine qui ne voulait plus avoir aucun contact avec lui, mais je n’étais pas de ce genre. Notre relation avait été un accident de parcours mais dans ma vision des choses ça ne voulait pas dire, que je devais désormais faire comme si il n’existait plus. Des à présent, il n’était plus question de me rabaisser à de telles puérilités. Il tirait la tronche, il jouait le garçon hypra rancunier et toujours autant en colère ? Soit. Je n’avais pas de temps à perdre avec des conneries de ce genre. Il ne voulait pas m’adresser la parole ou très peu pour me balancer des insultes à la figure. Bien ! Pas besoin de me le faire comprendre deux fois. « Eh bien faut dire que t’as bien changé ! Peut-être que je ne te connais plus si bien que ça pour finir… » « Ouais ça doit être ça ... ». C’était enfin mon tour. Je déposais à la va vite mes achats pour les placer sur le tapis roulant. Je claquai un billet dans la main de la caissière, récupéra la monnaie, mis les courses dans des sachets et m’apprêtait à partir. « Pauvre con.. ». J’avançais à pas lent quand je l’entendis rappliquer derrière moi. « Tu n'as que ça à dire ? Salut et pauvre con ? Franchement Loïs qu'est-ce que tu fiches ici quoi ? Fallait que tu débarques dans la ville où j'habite tranquillement depuis cinq années ? ... ». Je m’arrêtai pour faire face à Quentin. Mes yeux s’accrochèrent aux siens, me rappelant l’innombrable fois où j’avais pu les contempler. « Nan mais sérieusement, tu voulais que je te dise quoi … Tu t’attendais à quoi de ma part, que je me mette à genou et te supplie de m’excuser pour ce qui s’est passé à Venise … » Je soufflai pour laisser échapper l’énervement qui commençait à s’accumuler. Me mordant la lèvre inférieur, mon tic repartit de plus bel. « Vraiment tu crois que je t’ai suivi, que je m’éclate à te chercher pour par la suite feigner une bousculade dans un supermarché ? Je n’étais même pas au courant que tu vivais ici… Montsimpa est une grande ville. La preuve je ne t’ai jamais croisé depuis les un an et demi que je suis ici ! » Je n’avais pas à me justifier de toute manière. « et puis il ne me semble pas avoir vu écrit quelque part : Montsimpa appartient à Monsieur Quentin Vantini ! »

J’avais définitivement raté Desperate Housewives. La chaine devait désormais être à la moitié du deuxième. Alors ou point où j’en étais, je n’allais pas filer sans régler les choses avec Quentin. Nous étions tous deux postaient près des caisses, là, se regardant dans le blanc des yeux, en répliquant à chaque phrase que l’un ou l’autre sortait. C’était comme assister à un match de Tennis, la balle rebondissant tantôt dans son camp, tantôt dans le mien. « Nan mais sérieusement, tu voulais que je te dise quoi … Tu t’attendais à quoi de ma part, que je me mette à genou et te supplie de m’excuser pour ce qui s’est passé à Venise … » « Oh arrête ! Tu sais très bien que les excuses, ce n'est pas ton truc et de toute façon tu n'as aucune excuse à faire, c'est vrai quoi … tu t'en tapes ! En tous cas il y a bien une chose à laquelle je pensais, que tu n'aurais pas eu le culot de venir m'adresser la parole comme si de rien n’était.. » . Je croisai mes bras sur ma poitrine le regardant d’un air sur. « Donc t’aurais préférais que je passe devant toi, comme si tu étais transparent ? Arrêtes, tu aurais trouvé autre chose à me reprocher si j’avais agi de la sorte. Rien n’est jamais bien pour toi ! » Je n’avais jamais eu à faire à tant d’assurance, s’en était presque impressionnant. Comme Quentin avait changé. Il ressemblait à tous ses garçons que j’avais l’habitude de croiser en soirée. Garçons, qui me donnaient une raison de plus pour ne pas m’engager dans quelque chose de sérieux quand je pouvais entrevoir tel comportement. J’étais d’autant plus choqué que cela vienne de Vantini, le seul qui avait réussi à percer mon cœur de par sa tendresse, son intention, sa maladresse, son sens de l’humour à m’en tordre par terre. Tout ceci avait disparu, je ne voyais en face de moi, qu’un homme brut, arrogant et orgueilleux. Cela devait l’amuser de me balancer tant de méchancetés à la figure, il devait y prendre son pied… « Oh tu sais quoi … va te faire Loïs, ok ! » Il me fit dos et avança, chaque pas qu’il faisait, l’éloignait toujours un peu plus de moi. « On en a pas fini ! Si tu veux te dégonfler c’est ton problème. Rappelle-toi bien de ça. » Je m’empourprais. Tellement, que je commençais à avoir envie de l’attraper, le secouer tentant par cette action de retrouver cet homme qui m’avait donné l’envie de tatouer ses initiales sur mon poignet –tatouage d’ailleurs qu’il fallait que je songe sérieusement à enlever-.

« On en a pas fini ! Si tu veux te dégonfler c’est ton problème. Rappelle-toi bien de ça. » Après coup, il fallait avouer que je regrettais cette phrase. Je tentais tellement de le retenir que j’avais hurlé tout ce qui me passait par la tête. Nous en avions fini. J’avais la fierté de ne pas desserrer un mot d’excuse et lui ne désirait pas me pardonner de toute cette histoire qui remontait à bien des années maintenant. Alors que faisions nous maintenant ? À ma grande surprise, il fit demi-tour, et revenait vers moi. Je ne me serais jamais attendu à tel revirement. Peut-être qu’il n’était pas si indiffèrent à ce que je pouvais dire – ou simplement voulait il en finir au plus vite pour ne plus jamais avoir à faire à moi-. « Tu ne lâcheras pas l'affaire, hein ? … et bien, va-y, je t'écoute … si tu me retiens ainsi, tu as sans doute quelque chose à me dire ? Alors voilà, je suis à toi ! » J’hésitai. Je ne savais pas quoi dire. Je le regardais pour enfin me rappeler comme j’avais été si bien à ses côtés et que cette complicité d’en temps me manquait affreusement. Nous étions à l’époque incessamment ensemble. Personne n’avait réussi à nous séparer. Pas même mes parents –et il fallait dire que ma mère était d’une résistance-. Ne pas entendre son rire communicatif, lui pincer les joues, m’accrochait à son bras, m’avait manqué. « Demain soir ça te dis qu’on se voit… une petite sortie dans un bar ? Ou on prend un mac do ensemble. Un truc sympa. Ca me ferait plaisir de passer un peu de temps avec toi. Savoir ce que tu es devenu. » Je rajouta « s’expliquer un peu plus en détail si tu en as envie, même si je pense qu’on devrait laisser ça derrière nous. » Nous étions adulte tout de même. Nous n’étions pas obligé de hurler et tenter de se retrouver dans cette nouvelle vie et être heureux l’un pour l’autre. « Laisse-moi cette deuxième chance de te connaitre à nouveau. » J’anticipai le moindre refoulement de sa part et termina « Une soirée et après si tu veux je disparais. Tu deviendras transparent, promis » Je n’avais pas l’habitude de prendre les devants mais là j’en étais obligé.