Ce sont mes bottes ! Les miennes, je les ai vus, je les ai voulus, je les aurais, je les ai prises, elle ne me les piquera certainement pas. Je ne suis pas prête à me battre, je ne vais pas taper quelqu’un juste pour une pauvre paire de chaussures, il faut au moins un sac prada pour ça ! Oui, je veux bien frapper quelqu’un pour un sac, que voulez-vous, je suis une femme et qui plus est une accro du shopping. Aujourd’hui est un jour particulier pour moi, et sûrement pour une partie de la gente féminine : c’est les soldes ! Donc, pas de pitié ! Je ne suis pas prête à faire de la diplomatie. J’ai mis ma tenue de combat, qui peut paraître ridicule puisque des baskets seraient la chose la plus appropriée. Mais j’ai choisis des chaussures avec talons aiguilles de dix centimètres. Premier avantage : comme je ne suis pas très grande, je vois le monde dix centimètres plus haut et je peux ainsi attraper les choses en hauteurs. Second avantage : en cas de combat – cas extrême, je ne tape pas pour n’importe quoi – un coup de talon au cul ou sur les pieds, je peux vous dire que ça fait souffrir. Bon certes ce n’est pas très facile pour courir, mais n’oublions pas que je suis championne de course avec talons et ceux trois années de suite sur trois sols différents : goudron, herbes et grève, et oui, ce n’est pas rien. Ensuite, j’ai misé sur un décolleté plongeant, histoire de passer un peu pour une pute et occuper les femmes qui seront en train de se foutre de moi et dire des choses du genre « t’as vu cette meuf, franchement quelle salope ! », comme ça je pourrais leur piquer le parfait petit jean qu’elles ont repéré, machiavélique, pour les soldes il le faut. Mais ce n’est pas le seul avantage, si peu que le vendeur ou l’agent de sécurité soit un petit hétéro, un petit numéro et hop, c’est dans la poche, une petite remise discrète en plus et en cas de bataille, ils seront de mon côté. Franchement quand c’est les soldes, je deviens intelligente ! Et un jean pas trop serré, on sait jamais mes trois figures de karaté pourront peut être me servir. Bref. Elle n’aura pas ces chaussures, pas question de la jouer diplomate, je ne discute pas avec les voleuses. « t’as cru qu’on était dans Candy ou quoi ? J’vais pas lâcher ces chaussures parce que tu me le demande, surtout que c’est MOI qui les avait en premier ! » dis-je d’un ton assez méprisant qui n’est pas vraiment moi. D’ailleurs en voyant ces chaussures je me dis que je devrais peut être devenir mannequin de pieds.

« Ecoute-moi madame aux cheveux rouges/roses et au look décalé, ces bottes ne t'iront pas, alors lâchent-les. Parce que je suis encore polie pour le moment, mais je pourrais très bien devenir plus méchante et agressive. Alors DÉGAGE ! » ah ce que je peux détester les idées qu’on les gens. Ils sont très bornés, toi t’es comme ça t’as pas le droit de faire ça, nan mais franchement on est au vingt-et-unième siècle quoi, c’est bon, c’est fini les stéréotypes pourris ! Comment est-ce qu’elle peut savoir qu’elle ne m’iront pas ces foutues bottes ? Hein ? Je pense être la mieux qualifiée entre nous deux en matière de mode, je tiens quand même un blog de mode qui réunit plusieurs milliers de visites par jour – d’ailleurs ça augmente beaucoup ces derniers temps, c’est génial. Et puis ce n’est pas parce que j’ai les cheveux rouges/roses comme elle dit, d’ailleurs ils sont magenta-fuchsia et roses vif, que je ne peux pas porter des choses sobres, je sais être classe, distinguée, simple et sobre, des fois, c’est rare mais ça arrive et je veux ces bottes ! Bon je n’en ferais pas un drame si je ne les ai pas, je n’aurais qu’à demander à Bonnie, ma sœur qui est à Los Angeles et qui est, soit dit en passant, assez influente dans le monde du show-biz et de la mode, de m’en envoyer une paire et puis voilà. Mais je n’ai pas envie d’avoir à supporter ces morales de petite sœur. « Bon, va voir la belle paire là-bas, avec des pics un peu partout, c'est plus ton style, ça te correspond mieux ! Crois-moi, tu feras des ravages avec ça ! » je tirais aussi fort qu’elle, heureusement que c’est de la bonne qualité et sinon nos aurions chacune une moitié de chaussure. Franchement comme-ci j’allais mettre des chaussures avec des pics ! Bon c’est vrai, je dois en avoir une paire, mais c’est tout, je n’aime pas particulièrement ça, on voit qu’elle ne me connaît pas, pas du tout ! « écoute essaye pas de me convaincre ! Et puis, il ne faut pas se fier à mes cheveux, la semaine dernière il était bleus ! »

« Tu dois avoir un coiffeur super quand même, car réussir à avoir des cheveux pareils, de bonnes qualités, ça revient du miracle quand même ! Faut vraiment être doué. » et voilà qu’elle commence à me faire des compliments. Je doute de sa sincérité, mais quelque part ça ne m’étonnerait pas, vu que c’est une fille. Les filles changent tout le temps d’avis et elles peuvent par exemple discuter tout à fait normalement avec une leurs « ennemies ». Enfin, elle n’a pas tord non plus, mon coiffeur est très doué, sinon je n’aurais certainement pas les cheveux dans cet état là, ça c’est sur ! Il faut dire que vu le prix que je le paye, il a intérêt à être bon, parce que sinon le rapport qualité-prix est pourri. D’ailleurs, je ne me fais pas coiffer à Montsimpa, enfin, pas pour mes colorations, oh non, je vais bien plus loin. Je vais là où ma sœur vit : à Los Angeles. Je lui dis que c’est pour lui rendre visite et tout ça, comme ça elle me paye le billet d’avion (enfin faut dire qu’avec tout l’argent qu’elle a, elle peut au moins faire ça). Du coup, en même temps j’en profite pour changer de couleur de cheveux, changement de couleur qui coïncide avec le changement de design de mon site internet de mode, faut faire les choses bien ! Je crois que ma sœur a compris que je ne venais pas la voir juste pour discuter, mais bon, ça n’a pas l’air de la déranger. Bref, revenons à nos chaussures. « oui, oui, ça tu peux le dire, il est très doué ! » quelque part en fait, c’était méchant ce que je disais, parce que je sous entendais que mon coiffeur était meilleur que le sien. Je ne sais pas où elle va, mais il y a peu de coiffeurs ayant un aussi bon niveau que le mien – oui j’en suis fière, j’ai mis un certain temps à le trouver. « Bon alors, ça se passe comment ? On va se battre ou on va essayer de régler l'histoire comme deux personnes civilisés et adulte ? » me battre ? Je m’y étais préparée, mais je n’en avais pas spécialement envie, ça ferait un peu too much, deux filles qui se battent pour une paire de chaussures le jour des soldes. Pendant que je faisais mine de réfléchir, je scrutais le magasin à la recherche d’autres paires de chaussures encore mieux. Finalement mon regard se posa sur une, absolument parfaite, encore plus que l’autre. Je lâchais mon emprise tout en me ruant sur l’autre paire et en disant « ce ne sera pas la peine ! »